“Tout va changer». Lorsque, le jeudi 2 juin dernier, donc au lendemain de la formation du nouveau gouvernement, le Premier ministre Guillaume Soro lançait ses trois mots pour traduire la volonté de rupture du président de la République quant à la façon de conduire ses hommes, beaucoup de personnes n’y avaient certainement pas prêté attention. Mais le chef du gouvernement Ouattara, au sortir du conseil des ministres de ce jour avait déjà fait savoir l’intention du nouveau locataire du Palais présidentiel de révolutionner le comportement des ministres : « (…) Le Président a évoqué une charte d’éthique et de déontologie pour les membres du gouvernement. Beaucoup de choses vont changer. (…)» Par ces quelques phrases à l’endroit des journalistes, à la sortie du conseil des ministres, Guillaume Soro n’a pas tout dit. En effet, pour sa toute première rencontre avec les membres de son gouvernement au grand complet, ADO a adressé une sévère mise en garde à son équipe. Selon des indiscrétions, il a clairement fait savoir aux 36 ministres qu’il ne tolérerait aucun dérapage qui entacherait non seulement sa réputation personnelle, mais celle du groupe. Pour ce faire, il a, sans porter de gants, fait savoir que les détournements de deniers publics qui foisonnaient dans les ministères précédents, doivent prendre fin. Ici et maintenant. Et si d’aventure, un d’entre eux se rendait coupable de vol, ce dernier serait immédiatement mis aux arrêts. Mais tenez-vous bien. Le Président de la République a tenu à faire savoir que cette mise en garde était valable pour tous, y compris pour ‘’des gens qui sont proches de moi’’, aurait-il dit. C’est pour quoi, il a d’ailleurs soutenu à l’endroit des ministres qu’ils seraient tous audités. Mais, le président Ouattara ne s’est pas arrêté là. Il a rappelé que les regards des Ivoiriens et de la communauté internationale étaient tournés vers eux. D’où, l’instauration de ce que le Premier ministre a appelé ‘’une charte d’éthique et de déontologie pour les membres du gouvernement’’. Par cet euphémisme, il faut entendre toujours selon les informations en notre possession que le laxisme dans la conduite des dossiers est terminé et bien terminé. Les ministres seront notés durant les six mois qui restent pour la fin de l ‘année. Chaque trimestre est noté sur 10. Ce qui fait un total de 20 pour le semestre. Cette évaluation portera sur la feuille de route ou le plan de travail que le ministre aura préalablement fait parvenir. En des termes plus clairs, le premier responsable du département ministériel doit dresser une liste de ce qu’il va faire durant une période donnée. Et c’est cet ‘’engagement’’ qu’il a lui-même pris que le ministre se devra de respecter scrupuleusement. La note en question sera attribuée au vu de ce que l’intéressé aura promis et ce qu’il aura réalisé. Et gare à celui qui n’aura pas la moyenne lorsque le temps de l’évaluation aura sonné. Aux dires de nos informateurs, le ministre qui n’aurait pas été à la hauteur sera sorti du gouvernement. Et comment? Il devra, lui-même, rédiger sa propre lettre de démission qu’il présentera au Premier ministre qui, à son tour l’acheminera au président. Dans sa lettre de démission, le concerné devra reconnaître lui-même qu’il a échoué. C’est pour cette raison que le Président a demandé au gouvernement de se mettre immédiatement au travail. «(…) Il a demandé de l’action plutôt que des discours. Cela montre bien que déjà sur ce plan, les choses vont changer, le comportement des ministres, la responsabilité de l’équipe gouvernementale, vis-à-vis, non seulement du bien public, mais vis-à-vis du citoyen,» avait annoncé Guillaume Soro. Avertis. Les membres de l ‘équipe gouvernementale le sont donc, depuis qu’ils sont sortis de la salle du conseil le vendredi 3 juin dernier, en fin de matinée. Une belle surprise pour ceux qui ont remué ciel et terre pour être ministre et qui avaient en tête de se constituer une fortune en profitant de leur position, comme on en a vu sous la Refondation. Toute chose qui fait dire actuellement à certains observateurs avertis que des ministres vont eux-mêmes démissionner avant terme. Sur ce point, rien n’est moins sûr. Ce qui l’est en revanche, c’est que Ouattara avait prévenu les éventuels ministres sur ce qui les attendait. Il a, lors de son investiture, le 21 mai dernier à Yamoussoukro, souligné qu’il formerait un gouvernement «constitué d’hommes et de femmes, ayant un sens élevé de l’intérêt général, selon des critères de compétence, de mérite et de probité. Une tâche immense attend cette équipe. J’exigerai de ces membres la discipline et l’exemplarité afin de restaurer la confiance entre le peuple et ses dirigeants.» C’était on ne peut plus clair.
Yves-M. ABIET
Yves-M. ABIET