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Société Publié le jeudi 16 juin 2011 | Soir Info

Becouefin (Akoupé) : Des éléments des Frci lavent ``l`humiliation`` d`un des leurs dans le sang

© Soir Info Par Emma
Le dernier bastion des patisans de Gbagbo tombe: soldats, miliciens et mercenaires libériens déposent les armes aux pieds des Forces républicaines, à Yopougon
Vendredi 29 avril 2011. Abidjan, commune de Yopougon. Des dizaines d`anciens éléments de la BAE, de la Garde républicaine, de miliciens ivoiriens et des mercenaires libériens déposent les armes au cours d`une cérémonie placée sous l`égide de l`Onuci. Les généraux Philippe Mangou et Gueu Michel, ainsi que les commandants Chérif Ousmane, Morou Ouattara et Ben Laden rassurent les hommes de Eugène Djué et Magui-le-tocard...
. 3 morts, plusieurs blessés

Une vingtaine d`habitants faits prisonniers

`` C`était l`enfer ! ``, témoignent les habitants de la sous-préfecture de Becouefin, gros village situé sur l`axe Akoupé-Abengourou. Des éléments des Forces républicaines de Côte d`Ivoire (Frci) ont lavé dans le sang `` l`humiliation`` d`un des leurs. Une vingtaine de jeunes gens de la localité ont été faits prisonniers pendant quelques jours. Si la vie reprend peu à peu dans ce gros village d`environ 25 000 âmes, la peur y règne encore en maître...absolu !

Le dimanche 12 juin 2011. C`est jour de marché à Becouefin. Quelques magasins, boutiques ont ouvert. L`espace du marché accueille moins de monde. Certains maquis et autres buvettes perturbent le calme d`il y a quelques jours et dans lequel s`était si soigneusement enveloppé Becouefin. `` Ce n`est vraiment pas l`animation des grands jours ``, nous fait savoir Marie-Antoinette, ressortissante du village. C`est qu`ici, la douleur est encore vive. Les cœurs sont meurtris et reprendre goût à la vie reste bien une épreuve à surmonter. Pendant près de cinq jours, le village, selon les témoignages que nous avons recueillis auprès de plusieurs témoins, a vécu l`enfer. Et les différentes versions recoupées sont unanimes: il s`agit d`une affaire jugée banale qui a conduit, hélas, à des morts et à des blessés graves.

En effet, le vendredi 3 juin vers 16 heures, un élément des Frci ( dont le nom ne nous a pas été révélé malgré toutes nos démarches dans ce sens) qui n`était pas, ce jour-là, de service, assiste à une dispute dans le village autour d`un vélo qui aurait été volé. Il intervient et tranche en faveur de l`une des parties prenantes à la dispute. Cela irrite des jeunes du village qui se mettent à le huer. L`élément des Frci, qui considère ses huées comme une humiliation, se rend chez le chef de village, Nanan Amon N`Cho Emmanuel pour non seulement lui porter les faits mais aussi pour exprimer son mécontentement du fait d`avoir été hué par les jeunes du village.

Une pluie de tirs

Nanan Amon N`Cho demande pardon au soldat Frci et le prie d`excuser l`attitude de ses sujets. Au chef, se joignent des pères de famille qui eux aussi présentent des excuses à `` l`offensé``. Mais le jeune soldat rejette toutes ces excuses car pour qui cette humiliation ne doit pas `` rester à l`étranger ``. Il part et revient chez le chef le lendemain, samedi 4 juin.

Nanan Amon N`Cho réitère ses excuses. Mais rien n`y fit. L`élément des Frci appelle donc ses collègues et ses supérieurs et leur fait part de l`humiliation qu`il a subie, la veille, à Becouefin. Moins d`une heure après, des soldats Frci débarquent dans le village. Armés jusqu`aux dents, ils déversent une pluie de tirs d`armes automatiques sur le village. Ces soldats très remontés exigent au chef de village de désigner tous les jeunes qui ont hué un des leurs et d`autoriser qu`ils les embarquent immédiatement. Là encore, les supplications de Nanan Amon N`Cho restent vaines. Puisque le jour suivant, soit le dimanche 5 juin, des éléments des Frci font une autre descente à Becouefin. C`est la panique! On court dans tous les sens pour échapper à la furie des soldats `` républicains``. Ces derniers, révoltés, mettent la main sur une vingtaine de jeunes du village, après une course-poursuite. Les plus malheureux sont tabassés et torturés. Dans leur rage de vengeance, ils donnent la mort à Yapo Yapo Pacôme. Une fillette de 9 ans, venue accompagner son père au marché du village, reçoit en plein cœur une `` balle perdue`` et rend l`âme. Près de 27 villageois sont faits prisonniers à Akoupé. Un parmi eux, Assi Monnet Gérard, décède des suites de ses blessures lors de sa détention. Ce n`est que le mardi 7 juin 2011 que ces jeunes du village ont été libérés grâce aux démarches menées, sans répit, par la notabilité du village qui dit avoir été soutenue dans son action par le lieutenant Ben des Frci et par le sous-préfet de la localité.

`` Qu`on ait pitié de nous ``

A Becouefin, lors de nos échanges avec la notabilité du village au sujet de ce drame, on se dit traumatisé par cette affaire. `` De nombreux villageois ont quitté le village. Ils n`entendent certainement pas revenir. Nous avons peur ``, confie le secrétaire général de la chefferie du village, Yapi Richard. `` Comment pouvons-nous aller à la réconciliation si on tue nos fils ?

Nous nous sentons vraiment en danger. Je demande au président Alassane Ouattara que nous reconnaissons tous comme notre Grand Chef de rétablir la police et la gendarmerie dans nos village. De sorte que les petites affaires de vols puissent être réglées sans qu`on ait recours à la force ``, fait observer Nanan Amon N`Cho, la voix pleine de tristesse, quand nous l`avons rencontré dans sa cour, entouré de chefs de famille, lors de notre passage à Becouefin, le dimanche 12 juin 2010. `` Nous sommes sans défense. Qu`on ait pitié de nous !``, a-t-il supplié le gouvernement, convaincu que son cri du cœur sera entendu.


Alain BOUABRE
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