En prévoyant de recevoir à la Maison Blanche, mercredi prochain, le chef de l’Etat ivoirien pour «l’encourager», alors que la Côte d’Ivoire vit, depuis plus de trois mois, sous un régime foncièrement anti-démocratique, Barack Hussein Obama livre une image décevante des Etats-Unis. Notre analyse.
Parce que les Etats-Unis constituent la plus grande démocratie au monde, être reçu à la Maison Blanche par un Président américain, quel qu’il soit, apparaît comme «un honneur» pour tout chef d’Etat. Surtout un chef d’Etat du tiers-monde, en particulier un dirigeant africain parce que la démocratie est une denrée rare sur le continent. Les Ivoiriens devraient donc se réjouir, par principe, que le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, figure au nombre des quatre chefs d’Etat africains qui seront reçus, le mercredi 29 juillet prochain, à la Maison Blanche (palais présidentiel américain) par le Président américain, Barack H. Obama. Les trois autres invités étant Yayi Boni (Bénin), Alpha Condé (Guinée-Conakry) et Mahamadou Issoufou (Niger). Lorsqu’on analyse avec sérieux, l’opportunité et les raisons de cette invitation, on peut affirmer sans se méprendre que M. Alassane Dramane Ouattara n’y avait pas sa place. A moins qu’il ne s’agisse, pour les Etats-Unis, de remercier un chef d’Etat africain qui a décidé de privilégier les intérêts économiques et géostratégiques américains sur son sol au détriment des intérêts de son pays. Mais s’il est question d’encourager «l’accession au pouvoir par la voie démocratique et la gouvernance démocratique», la Côte d’Ivoire n’a pas sa place à Washington, le 29 juillet prochain.
L’accession au pouvoir dans des conditions calamiteuses
Selon un communiqué de la Maison Blanche repris par l’Afp, «cette rencontre (visite des 4 chefs d’Etat africains) sera l’occasion de souligner le soutien de l’administration (américaine) pour des démocraties en développement, de mettre en valeur nos partenariats avec ces pays, et de discuter de l’élaboration d’institutions démocratiques fortes, du développement économique et d’autres sujets régionaux». Si l’accession au pouvoir de Yayi Boni, Alpha Condé et Mahamadou Issoufou, n’a pas été émaillée de graves violations des droits de l’homme, celui d’Alassane Dramane Ouattara, s’est faite au terme d’une guerre ayant pour belligérants ; d’un côté, l’armée régulière ivoirienne et des groupes d’auto-défense pro-Gbagbo face aux forces rebelles pro-Ouattara soutenues par les casques bleus de l’Onuci et les soldats français de l’opération Licorne. Ce conflit armé a causé des milliers d’innocents ivoiriens morts et de blessés ainsi que des femmes violées et des villages ravagés. Nul ne l’ignore, l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 a été marquée d’irrégularités énormes. Des groupes d’observateurs électoraux dont ceux de l’Union africaine (Ua) ont clairement indiqué dans leurs différents rapports que le vote n’était pas libre dans la partie Nord, tenue par les rebelles pro-Ouattara. Bourrages d’urnes, violence sur les électeurs soupçonnés d’être des partisans du Président Laurent Gbagbo, violations des droits de l’homme…Tout ce qui s’y est passé, était totalement non-démocratique. On se souvient aussi que le Conseil constitutionnel avait, au terme de l’analyse des réclamations faites, proclamé le Président Gbagbo réélu. La Commission électorale «indépendante » (Cei) contrôlée par les pro-Ouattara, avait désigné M. Alassane Draname Ouattara, vainqueur du scrutin. La proclamation s’est déroulée, fait curieux, au quartier général de Ouattara sis au Golf Hôtel d’Abidjan-Riviéra. On se souvient également que face à la tension politique offerte par «la proclamation de deux vainqueurs pour une élection», Laurent Gbagbo avait appelé la communauté internationale au recomptage des voix pour dénouer la crise comme ce fut le cas en Haïti lorsque la situation était similaire. Ni Ban-Ki moon, Young J. Choi (Onu), ni la France et les Etats-Unis n’ont voulu opter pour cette voie démocratique. Pour eux, le vainqueur de cette élection est Ouattara. Nicolas Sarkozy et Hillary Clinton se sont lancés dans un lobbying ponctué de pressions auprès de nombreux chefs d’Etat de l’Ua pour « reconnaître » Alassane Ouattara comme élu. En plus de l’initiative diplomatique, ils ont engagé une guerre contre le pouvoir Gbagbo en bombardant, à l’aide d’hélicoptères de combat, la résidence présidentielle. Le 11 avril 2011, le Président Laurent Gbagbo est renversé du pouvoir par les armes. Il est détenu en «résidence surveillée » dans le nord du pays sur ordre, soutient une source diplomatique bien informée, de la France et des Etats-Unis. Alassane Dramane Ouattara est installé comme nouveau chef de l’Etat. Il faut le savoir, dans des conditions calamiteuses. Qui sont aux antipodes de la démocratie.
Les Ong de défense des droits de l’homme dénoncent la gouvernance Ouattara
Depuis le 11 avril dernier, la Côte d’Ivoire connaît une nouvelle gouvernance qui est décriée par toutes les opinions y compris les organisations nationales et internationales de défense des droits de l’Homme. D’autant que les violations des droits de l’homme sont devenues monnaie courante. Exécutions sommaires d’individus, viols de femmes, pillages de domiciles, tortures de personnes… voilà ce dont ont droit les populations ivoiriennes. Dans de récents rapports, Human Rigths Watch et Amnesty International ont dénoncé, par exemple, le massacre de centaines de civils à Duékoué par les forces rebelles pro-Ouattara. La Cour pénale internationale (Cpi) a d’ailleurs ouvert une enquête sur toutes les exactions postélectorales. La Justice ivoirienne fonctionne à double vitesse, loin de toute impartialité. Les partisans de Gbagbo sont traqués et emprisonnés par le pouvoir. Certains sont détenus sans chefs d’accusation. C’est le cas, par exemple, du fils aîné du Président Laurent Gbagbo, Michel Gbagbo, et du frère cadet de l’ex-chef de l’Etat, Koudou Simon. Au total, 62 prisonniers politiques sont détenus. Quant aux forces rebelles pro-Ouattara devenues Frci par ordonnance du nouveau chef de l’Etat, elles sont protégées par la Justice. Une situation que condamnent les organisations de défense de droits de l’Homme qui parlent de «Justice des vainqueurs ». La liberté d’expression et la liberté de presse sont menacées. Il n’est pas du tout aisé d’être journaliste indépendant ou de l’opposition en Côte d’Ivoire depuis avril dernier. Pendant que certains journalistes sont menacés de mort pour leurs écrits (le siège du quotidien Notre Voie est occupé par les Frci), d’autres croupissent en prison pour avoir fait leur travail (Franck Anderson Kouassi, Armand Bohui Komé, Hermann Aboa, Germain Guézé, Bernard Asséké et Serges Boguhé), et d’autres sont encore en exil. Environ 2 millions d’Ivoiriens ont fui les exactions dans le pays et vivent dans des camps de réfugiés au Ghana, Libéria etc.
Les intérêts économiques et géostratégiques priment
Comme on le voit, la démocratie ne saurait être la raison de l’invitation du chef de l’Etat ivoirien à Washington. Les vraies raisons sont ailleurs. Et elles pourraient être, à notre sens, économiques. Selon la publication La lettre du continent, les Etats-Unis maugréaient au motif que le pouvoir Ouattara ait privilégié exclusivement les intérêts économiques de la France. Des émissaires américains auraient même rencontré Ouattara pour qu’il réajuste les choses puisque les Etats-Unis sont intéressés par les marchés de la sécurité en Côte d’Ivoire (armements, véhicules blindés, chars, vêtements etc.). Chose souhaitée, chose obtenue. Alassane Dramane Ouattara aurait revu sa copie. En plus du contrôle du cacao ivoirien par les chocolatiers américains (Cargill, Adm etc.), les Etats-Unis, a-t-on appris, auraient obtenu du pouvoir Ouattara, l’installation d’une base de l’armée américaine sur le littoral ivoirien dans le cadre de l’Africom, le commandement militaire américain antiterroriste à destination de l’Afrique basé à Stuttgart, en Allemagne. C’est donc, « l’ami » Ouattara que Obama va donc recevoir, mercredi prochain. Comme Georges Bush père avait reçu, en 1989, «l’ami» Mobutu Sessé Séko (alors chef de l’Etat du Zaïre).
Didier Depry
didierdepri@yahoo.fr
Parce que les Etats-Unis constituent la plus grande démocratie au monde, être reçu à la Maison Blanche par un Président américain, quel qu’il soit, apparaît comme «un honneur» pour tout chef d’Etat. Surtout un chef d’Etat du tiers-monde, en particulier un dirigeant africain parce que la démocratie est une denrée rare sur le continent. Les Ivoiriens devraient donc se réjouir, par principe, que le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, figure au nombre des quatre chefs d’Etat africains qui seront reçus, le mercredi 29 juillet prochain, à la Maison Blanche (palais présidentiel américain) par le Président américain, Barack H. Obama. Les trois autres invités étant Yayi Boni (Bénin), Alpha Condé (Guinée-Conakry) et Mahamadou Issoufou (Niger). Lorsqu’on analyse avec sérieux, l’opportunité et les raisons de cette invitation, on peut affirmer sans se méprendre que M. Alassane Dramane Ouattara n’y avait pas sa place. A moins qu’il ne s’agisse, pour les Etats-Unis, de remercier un chef d’Etat africain qui a décidé de privilégier les intérêts économiques et géostratégiques américains sur son sol au détriment des intérêts de son pays. Mais s’il est question d’encourager «l’accession au pouvoir par la voie démocratique et la gouvernance démocratique», la Côte d’Ivoire n’a pas sa place à Washington, le 29 juillet prochain.
L’accession au pouvoir dans des conditions calamiteuses
Selon un communiqué de la Maison Blanche repris par l’Afp, «cette rencontre (visite des 4 chefs d’Etat africains) sera l’occasion de souligner le soutien de l’administration (américaine) pour des démocraties en développement, de mettre en valeur nos partenariats avec ces pays, et de discuter de l’élaboration d’institutions démocratiques fortes, du développement économique et d’autres sujets régionaux». Si l’accession au pouvoir de Yayi Boni, Alpha Condé et Mahamadou Issoufou, n’a pas été émaillée de graves violations des droits de l’homme, celui d’Alassane Dramane Ouattara, s’est faite au terme d’une guerre ayant pour belligérants ; d’un côté, l’armée régulière ivoirienne et des groupes d’auto-défense pro-Gbagbo face aux forces rebelles pro-Ouattara soutenues par les casques bleus de l’Onuci et les soldats français de l’opération Licorne. Ce conflit armé a causé des milliers d’innocents ivoiriens morts et de blessés ainsi que des femmes violées et des villages ravagés. Nul ne l’ignore, l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 a été marquée d’irrégularités énormes. Des groupes d’observateurs électoraux dont ceux de l’Union africaine (Ua) ont clairement indiqué dans leurs différents rapports que le vote n’était pas libre dans la partie Nord, tenue par les rebelles pro-Ouattara. Bourrages d’urnes, violence sur les électeurs soupçonnés d’être des partisans du Président Laurent Gbagbo, violations des droits de l’homme…Tout ce qui s’y est passé, était totalement non-démocratique. On se souvient aussi que le Conseil constitutionnel avait, au terme de l’analyse des réclamations faites, proclamé le Président Gbagbo réélu. La Commission électorale «indépendante » (Cei) contrôlée par les pro-Ouattara, avait désigné M. Alassane Draname Ouattara, vainqueur du scrutin. La proclamation s’est déroulée, fait curieux, au quartier général de Ouattara sis au Golf Hôtel d’Abidjan-Riviéra. On se souvient également que face à la tension politique offerte par «la proclamation de deux vainqueurs pour une élection», Laurent Gbagbo avait appelé la communauté internationale au recomptage des voix pour dénouer la crise comme ce fut le cas en Haïti lorsque la situation était similaire. Ni Ban-Ki moon, Young J. Choi (Onu), ni la France et les Etats-Unis n’ont voulu opter pour cette voie démocratique. Pour eux, le vainqueur de cette élection est Ouattara. Nicolas Sarkozy et Hillary Clinton se sont lancés dans un lobbying ponctué de pressions auprès de nombreux chefs d’Etat de l’Ua pour « reconnaître » Alassane Ouattara comme élu. En plus de l’initiative diplomatique, ils ont engagé une guerre contre le pouvoir Gbagbo en bombardant, à l’aide d’hélicoptères de combat, la résidence présidentielle. Le 11 avril 2011, le Président Laurent Gbagbo est renversé du pouvoir par les armes. Il est détenu en «résidence surveillée » dans le nord du pays sur ordre, soutient une source diplomatique bien informée, de la France et des Etats-Unis. Alassane Dramane Ouattara est installé comme nouveau chef de l’Etat. Il faut le savoir, dans des conditions calamiteuses. Qui sont aux antipodes de la démocratie.
Les Ong de défense des droits de l’homme dénoncent la gouvernance Ouattara
Depuis le 11 avril dernier, la Côte d’Ivoire connaît une nouvelle gouvernance qui est décriée par toutes les opinions y compris les organisations nationales et internationales de défense des droits de l’Homme. D’autant que les violations des droits de l’homme sont devenues monnaie courante. Exécutions sommaires d’individus, viols de femmes, pillages de domiciles, tortures de personnes… voilà ce dont ont droit les populations ivoiriennes. Dans de récents rapports, Human Rigths Watch et Amnesty International ont dénoncé, par exemple, le massacre de centaines de civils à Duékoué par les forces rebelles pro-Ouattara. La Cour pénale internationale (Cpi) a d’ailleurs ouvert une enquête sur toutes les exactions postélectorales. La Justice ivoirienne fonctionne à double vitesse, loin de toute impartialité. Les partisans de Gbagbo sont traqués et emprisonnés par le pouvoir. Certains sont détenus sans chefs d’accusation. C’est le cas, par exemple, du fils aîné du Président Laurent Gbagbo, Michel Gbagbo, et du frère cadet de l’ex-chef de l’Etat, Koudou Simon. Au total, 62 prisonniers politiques sont détenus. Quant aux forces rebelles pro-Ouattara devenues Frci par ordonnance du nouveau chef de l’Etat, elles sont protégées par la Justice. Une situation que condamnent les organisations de défense de droits de l’Homme qui parlent de «Justice des vainqueurs ». La liberté d’expression et la liberté de presse sont menacées. Il n’est pas du tout aisé d’être journaliste indépendant ou de l’opposition en Côte d’Ivoire depuis avril dernier. Pendant que certains journalistes sont menacés de mort pour leurs écrits (le siège du quotidien Notre Voie est occupé par les Frci), d’autres croupissent en prison pour avoir fait leur travail (Franck Anderson Kouassi, Armand Bohui Komé, Hermann Aboa, Germain Guézé, Bernard Asséké et Serges Boguhé), et d’autres sont encore en exil. Environ 2 millions d’Ivoiriens ont fui les exactions dans le pays et vivent dans des camps de réfugiés au Ghana, Libéria etc.
Les intérêts économiques et géostratégiques priment
Comme on le voit, la démocratie ne saurait être la raison de l’invitation du chef de l’Etat ivoirien à Washington. Les vraies raisons sont ailleurs. Et elles pourraient être, à notre sens, économiques. Selon la publication La lettre du continent, les Etats-Unis maugréaient au motif que le pouvoir Ouattara ait privilégié exclusivement les intérêts économiques de la France. Des émissaires américains auraient même rencontré Ouattara pour qu’il réajuste les choses puisque les Etats-Unis sont intéressés par les marchés de la sécurité en Côte d’Ivoire (armements, véhicules blindés, chars, vêtements etc.). Chose souhaitée, chose obtenue. Alassane Dramane Ouattara aurait revu sa copie. En plus du contrôle du cacao ivoirien par les chocolatiers américains (Cargill, Adm etc.), les Etats-Unis, a-t-on appris, auraient obtenu du pouvoir Ouattara, l’installation d’une base de l’armée américaine sur le littoral ivoirien dans le cadre de l’Africom, le commandement militaire américain antiterroriste à destination de l’Afrique basé à Stuttgart, en Allemagne. C’est donc, « l’ami » Ouattara que Obama va donc recevoir, mercredi prochain. Comme Georges Bush père avait reçu, en 1989, «l’ami» Mobutu Sessé Séko (alors chef de l’Etat du Zaïre).
Didier Depry
didierdepri@yahoo.fr