Le Congo n’est pas la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire, c’est la Côte d’Ivoire, aimait dire le président Bédié. Laurent Gbagbo a dit à peu près cela. Le président Ouattara ne crachera pas sur cette expression, qui permet de parler d’une spécificité ivoirienne et d’avoir une certaine idée… de la Côte d’Ivoire. Cela dit, le Congo recèle de similitudes avec la Côte d’Ivoire. En dehors d’une langue plus ou moins nationale et parlée presque par tous (le lingala), comme au Sénégal avec le wolof, les particularités ethniques, tribales et régionales ont toujours été fortes dans ce pays. Ils ont souvent mis à mal l’unité nationale, empêchant malgré tous les liens et proximité linguistiques dans la zone, les pays de l’Afrique centrale, à réussir ce qui a été réussi en Afrique de l’Ouest : la libre circulation des personnes. Tout ressortissant ouest africain peut circuler avec une simple carte d’identité, ou un passeport sans visa, dans toute la Cedeao ; toutefois une telle possibilité demeure une vue de l’esprit entre plusieurs pays de l’Afrique Centrale.
Au Congo, une élection présidentielle a eu lieu, il y a quelques années, sans un désarmement total. Au Congo, des armées étrangères sont intervenues directement lors de la crise civile, entre factions armées. Au Congo, il n’a jamais été demandé d’enquête avant ni après la CPI pour la mort de Lumumba, icône des panafricanistes et intellectuels africains pas toujours bien inspirés. Bemba n’est pas poursuivi pour les crimes qu’il a commis au Congo. Et pourtant Dieu seul sait ce qu’il a fait là. Il reste impuni pour le Congo. Pour le moment Jean Pierre Bemba est poursuivi pour la Centrafrique. C’est-à dire que Kabila qui avait voulu le juger et l’inculper à l’époque, ne lui reproche rien. Des observateurs avisés de la scène politique africaine estiment pourtant que la défense des civils de la Centrafrique, ainsi que le poids et la plainte du président Bozizé, n’ont pas été l’élément le plus déterminant dans le choix fait par la CPI d’inculper Bemba. Ces raisons n’étaient, selon eux, que des prétextes. Ils ajoutent que la présence de Jean-Pierre Bemba au Congo paraissait une menace, un danger pour la stabilité aux yeux du président Joseph Kabila. Mettre le président Kabila à l’abri de toute velléité paraissait, selon eux, pertinent et justifiait l’inculpation de Bemba par la CPI, sans que la responsabilité ne puisse nullement incomber à son rival, pour qui cette option a évité de très grands troubles sur le plan interne. Toutefois, l’on note bien qu’en dehors de Jean-Pierre Bemba, personne dans son entourage, ni dans son staff n’a été inquiété ni poursuivi, aussi bien par la justice congolaise, que par les juridictions internationales. En Côte d’Ivoire, la situation paraît d’autant plus lourde à gérer que Laurent Gbagbo n’est pas seul. Son épouse, Blé Goudé et des militaires pourraient être inculpés par la CPI, selon les rumeurs fortement relayées par des médias. D’autres interlocuteurs assurent et estiment que la situation aurait été plus facile à gérer s’il s’agissait de Laurent Gbagbo seul. Ils ajoutent que le statut de prisonnier, empêche le débat sur le bilan et la responsabilité au sein du FPI, en donnant l’exemple de Mamadou Koulibaly, qui, pour avoir voulu ce débat, a été mis en minorité et a choisi de créer son parti. «Tant que Gbagbo et les principaux dirigeants du FPI seront en prison, le parti ne fera jamais son autocritique, et trouvera dans l’affrontement contre Ouattara et dans la thématique de la libération, des détenus et de Gbagbo, un argument fort de mobilisation. Ca n’a pas été juste de penser que la prison, pouvait signifier la fin de Gbagbo et la fin du FPI. Au contraire, cela offre une tribune de mobilisation et des thèmes forts pour la poursuite de la résistance. L’exigence de solidarité et la crainte de paraître un vendu et être considéré comme un traître, ou comme un ingrat poussent beaucoup de gens, à rester dans la contestation. Ils veulent bien abandonner la politique, ou laisser tomber Laurent Gbagbo mais ils ne veulent pas le faire, alors qu’il est couché et est dans des difficultés. Le moteur du combat politique du président Ouattara a été la lutte contre l’exclusion, et le combat contre l’ivoirité. Les souverainistes et les ivoiritaires ont perdu le combat le 28 Novembre 2010, et le 11 avril 2011. Néanmoins la thématique de la libération de Gbagbo, et la mobilisation en faveur des faibles, des vaincus contre les forts et les vainqueurs, le soutien à David contre Goliath, ne peut faire recette ? D’ailleurs, cela est une constance dans l’histoire : les peuples restent toujours sensibles aux malheurs des gens. Les peuples du monde ont été sensibles aux souffrances des Ivoiriens lors de la crise postélectorale. Maintenant que le RHDP est au pouvoir, les mêmes peuples du monde, semblent soucieux d’exiger le respect des droits du FPI et de l’opposition, et peuvent même être surpris de sympathie pour les bourreaux d’hier.», argumente un journaliste ivoirien qui prépare un essai-témoignage sur la crise ivoirienne. Le futur essayiste ajoute : «Si Ouattara veut donc tuer politiquement Laurent Gbagbo, le chemin le plus sûr pour le faire, n’est pas forcément la Haye. Autant on dit Houphouët a tendu la main à Laurent Gbagbo, pour en faire son successeur. (La rumeur selon laquelle le Vieux a dit que Laurent Gbagbo lui ressemblait tant, a même été accréditée par Fréderic Grah Mel dans sa biographie du premier président ivoirien). Autant au lieu d’être son bourreau (ou en voulant l’être), le Président Ouattara peut bien finir par être l’homme de la rédemption de l’ancien président, volontairement ; ou plutôt à l’insu de son plein gré, pour reprendre cette expression chiraquienne».
Charles Kouassi
Au Congo, une élection présidentielle a eu lieu, il y a quelques années, sans un désarmement total. Au Congo, des armées étrangères sont intervenues directement lors de la crise civile, entre factions armées. Au Congo, il n’a jamais été demandé d’enquête avant ni après la CPI pour la mort de Lumumba, icône des panafricanistes et intellectuels africains pas toujours bien inspirés. Bemba n’est pas poursuivi pour les crimes qu’il a commis au Congo. Et pourtant Dieu seul sait ce qu’il a fait là. Il reste impuni pour le Congo. Pour le moment Jean Pierre Bemba est poursuivi pour la Centrafrique. C’est-à dire que Kabila qui avait voulu le juger et l’inculper à l’époque, ne lui reproche rien. Des observateurs avisés de la scène politique africaine estiment pourtant que la défense des civils de la Centrafrique, ainsi que le poids et la plainte du président Bozizé, n’ont pas été l’élément le plus déterminant dans le choix fait par la CPI d’inculper Bemba. Ces raisons n’étaient, selon eux, que des prétextes. Ils ajoutent que la présence de Jean-Pierre Bemba au Congo paraissait une menace, un danger pour la stabilité aux yeux du président Joseph Kabila. Mettre le président Kabila à l’abri de toute velléité paraissait, selon eux, pertinent et justifiait l’inculpation de Bemba par la CPI, sans que la responsabilité ne puisse nullement incomber à son rival, pour qui cette option a évité de très grands troubles sur le plan interne. Toutefois, l’on note bien qu’en dehors de Jean-Pierre Bemba, personne dans son entourage, ni dans son staff n’a été inquiété ni poursuivi, aussi bien par la justice congolaise, que par les juridictions internationales. En Côte d’Ivoire, la situation paraît d’autant plus lourde à gérer que Laurent Gbagbo n’est pas seul. Son épouse, Blé Goudé et des militaires pourraient être inculpés par la CPI, selon les rumeurs fortement relayées par des médias. D’autres interlocuteurs assurent et estiment que la situation aurait été plus facile à gérer s’il s’agissait de Laurent Gbagbo seul. Ils ajoutent que le statut de prisonnier, empêche le débat sur le bilan et la responsabilité au sein du FPI, en donnant l’exemple de Mamadou Koulibaly, qui, pour avoir voulu ce débat, a été mis en minorité et a choisi de créer son parti. «Tant que Gbagbo et les principaux dirigeants du FPI seront en prison, le parti ne fera jamais son autocritique, et trouvera dans l’affrontement contre Ouattara et dans la thématique de la libération, des détenus et de Gbagbo, un argument fort de mobilisation. Ca n’a pas été juste de penser que la prison, pouvait signifier la fin de Gbagbo et la fin du FPI. Au contraire, cela offre une tribune de mobilisation et des thèmes forts pour la poursuite de la résistance. L’exigence de solidarité et la crainte de paraître un vendu et être considéré comme un traître, ou comme un ingrat poussent beaucoup de gens, à rester dans la contestation. Ils veulent bien abandonner la politique, ou laisser tomber Laurent Gbagbo mais ils ne veulent pas le faire, alors qu’il est couché et est dans des difficultés. Le moteur du combat politique du président Ouattara a été la lutte contre l’exclusion, et le combat contre l’ivoirité. Les souverainistes et les ivoiritaires ont perdu le combat le 28 Novembre 2010, et le 11 avril 2011. Néanmoins la thématique de la libération de Gbagbo, et la mobilisation en faveur des faibles, des vaincus contre les forts et les vainqueurs, le soutien à David contre Goliath, ne peut faire recette ? D’ailleurs, cela est une constance dans l’histoire : les peuples restent toujours sensibles aux malheurs des gens. Les peuples du monde ont été sensibles aux souffrances des Ivoiriens lors de la crise postélectorale. Maintenant que le RHDP est au pouvoir, les mêmes peuples du monde, semblent soucieux d’exiger le respect des droits du FPI et de l’opposition, et peuvent même être surpris de sympathie pour les bourreaux d’hier.», argumente un journaliste ivoirien qui prépare un essai-témoignage sur la crise ivoirienne. Le futur essayiste ajoute : «Si Ouattara veut donc tuer politiquement Laurent Gbagbo, le chemin le plus sûr pour le faire, n’est pas forcément la Haye. Autant on dit Houphouët a tendu la main à Laurent Gbagbo, pour en faire son successeur. (La rumeur selon laquelle le Vieux a dit que Laurent Gbagbo lui ressemblait tant, a même été accréditée par Fréderic Grah Mel dans sa biographie du premier président ivoirien). Autant au lieu d’être son bourreau (ou en voulant l’être), le Président Ouattara peut bien finir par être l’homme de la rédemption de l’ancien président, volontairement ; ou plutôt à l’insu de son plein gré, pour reprendre cette expression chiraquienne».
Charles Kouassi