« Le jour où la Banque mondiale et les autres institutions de financement du développement n’auront plus de raison d’être et seraient amenées à disparaitre, alors nous aurons réussi notre mission qui est de contribuer à éradiquer la pauvreté dans le monde. ». Madani M. Tall, Directeur des Opérations à la Banque mondiale lors d’une conférence publique donnée au CERAP sur les Enjeux et limites de l’Aide Publique au Développement dans un contexte mondial de crise
Abidjan, le 25 novembre 2011
En Afrique, depuis la fin de l’ère coloniale, deux grandes thématiques continuent de susciter un intérêt particulier dans les sphères intellectuelles et politiques. Leur influence, supposée ou réelle sur le progrès du continent, fait que l’on ne peut les aborder avec discernement qu’avec un certain recul par rapport au dogmatisme : le tâtonnement entre autonomie et dépendance politique vis-à-vis des ex-puissances coloniales, d’une part; d’autre part, l’Aide au Développement (APD) dont le montant, chiffré en 2005 à prés de 300 milliards de dollars US depuis 1960, donnent lieu à des positions qui alimentent une vague de controverses à certains égards, comme celles de Stephen Smith en 2005 dans Negrologie, pourquoi l’Afrique meurt (2005, ) ou plus récemment avec la jeune Dambisa Moyo et son livre intitulé « L’Aide Fatale : Les ravages d'une aide inutile et de nouvelles solutions pour l'Afrique » (2009) qui s’offusquent d’une aide destinée prioritairement à entretenir des pouvoirs corrompus.
Penser autrement le développement : Madani M Tall et le juste milieu
En acceptant d’aborder la thématique de l’Aide Publique au Développement au CERAP d’Abidjan, devant un public constitué à majorité d’étudiants, le Directeur des Opérations dont on connait l’aversion pour la langue de bois savait qu’il allait faire face à une double contrainte. D’abord, faire bouger les lignes qui séparent traditionnellement les positions tranchées d’un public constitué en majorité de jeunes étudiants qui croient que la banque mondiale continue d’appliquer les fameux Plans d’Ajustement Structurels (PAS) des années 80 (alors que le dernier date de 1989) et que ses financements se seraient volatilisés dans les tiroirs d’une administration inefficace et budgétivore. D’autre part, le contexte local marqué par une sortie de crise après plus d’une décennie de crise politique ivoirienne et l’onde de choc provoqué ces dernières semaines par la crise financière en zone euro et aux Etats-Unis. Tout cela avec pour toile de fonds le prochain Forum de Haut Niveau sur l’Efficacité de l’Aide Publique au Développement prévu du 29 novembre au 3 décembre 2011 à Busan en Corée du Sud.
Au CERAP, Madani a démontré une fois de plus sa posture du juste-milieu, faisant appel aussi bien à l’argumentation théorique que les pratiques les plus éprouvées en matière de développement, avec son dynamise habituel doublé d’un sens très efficace de la pédagogie et l’humour qu’on lui connait. Au risque de ne pas trahir sa pensée, l’intervention de l’auteur que l’on retrouvera intégralement dans le prochain numéro du Magazine l’Espoir que publie le bureau de la banque mondiale base a Abidjan, se résume aux points suivants :
• Le Leadership et l’Appropriation des Pays : Les pays en développement doivent se doter des capacités leur permettant d’être maitres du jeu. Ils doivent définir eux-mêmes leurs priorités et mettre en place des systèmes auxquels se conformeront les donateurs.
• Le Partenariat : L’APD toute seule ne peut suffire à impulser le développement. Elle est un excellent catalyseur qui doit être accompagnée d’un partenariat avec les autres acteurs notamment, les Etats eux-mêmes, le secteur privé, les organisations de la Société Civile, les grandes fondations et fonds fiduciaires, la coordination des donateurs tant bilatéraux que multilatéraux etc.
• La Transparence et les Résultats : Ces exigences doivent s’imposer tout d’abord aux ressources nationales (budget). Elles doivent être assises sur des institutions fiables et crédibles, et sur un système de décentrement (Gouvernance) permettant le contrôle de l’action publique
• Les Situations de Fragilité et de Conflit : Le Rapport sur le Développement dans le Monde 2011 met en lumière la corrélation directe entre les conflits, la sécurité et le développement. Un environnement de paupérisation est un terreau fertile aux conflits.
• La démocratisation de l’Aide (selon un terme consacré en septembre dernier par le Président de la Banque mondiale Robert Zoellick qui estime , à juste titre, que le monde tel qu’il existait en 1944 a changé — radicalement et que le moment est venu de repenser l’aide.
Madani M. Tall, qui n’ est pas adepte de la langue de bois, termine son intervention en disant ceci : « Le jour où la Banque mondiale et les autres institutions de financement du développement n’auront plus de raison d’être et seraient amenées à disparaitre, alors nous aurons réussi notre mission qui est de contribuer à éradiquer la pauvreté dans le monde »
Note sur l’auteur : Madani M. Tall a suivi des études en Economie, notamment dans le domaine agricole et des ressources naturelles. Il est diplômé des universités d’Etat du Maryland et de la Virginie de l’Ouest (USA). En 2004, alors Représentant résident pour le Cameroun, la République Centrafricaine et la Guinée équatoriale, avec résidence à Yaoundé, il décroche le titre de meilleur Manager du groupe de la Banque mondiale pour la région Afrique. Depuis, il enchaîne les postes de Directeur des Opérations pour le Sénégal, le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée-Bissau et le Niger, avec résidence à Dakar, avant de prendre en charge le bureau d’Abidjan en juillet 2008, avec sous sa responsabilité jusqu’en juin 2010 la Côte d’Ivoire, le Togo, le Benin, la Mauritanie et le Niger. Dans le cadre d’une réorganisation des groupes de pays au sein de la Banque mondiale et pour des raisons opérationnelles, la Mauritanie et le Niger ont permuté avec le Burkina Faso qui fait partie désormais des pays placés sous sa responsabilité.
Abidjan, le 25 novembre 2011
En Afrique, depuis la fin de l’ère coloniale, deux grandes thématiques continuent de susciter un intérêt particulier dans les sphères intellectuelles et politiques. Leur influence, supposée ou réelle sur le progrès du continent, fait que l’on ne peut les aborder avec discernement qu’avec un certain recul par rapport au dogmatisme : le tâtonnement entre autonomie et dépendance politique vis-à-vis des ex-puissances coloniales, d’une part; d’autre part, l’Aide au Développement (APD) dont le montant, chiffré en 2005 à prés de 300 milliards de dollars US depuis 1960, donnent lieu à des positions qui alimentent une vague de controverses à certains égards, comme celles de Stephen Smith en 2005 dans Negrologie, pourquoi l’Afrique meurt (2005, ) ou plus récemment avec la jeune Dambisa Moyo et son livre intitulé « L’Aide Fatale : Les ravages d'une aide inutile et de nouvelles solutions pour l'Afrique » (2009) qui s’offusquent d’une aide destinée prioritairement à entretenir des pouvoirs corrompus.
Penser autrement le développement : Madani M Tall et le juste milieu
En acceptant d’aborder la thématique de l’Aide Publique au Développement au CERAP d’Abidjan, devant un public constitué à majorité d’étudiants, le Directeur des Opérations dont on connait l’aversion pour la langue de bois savait qu’il allait faire face à une double contrainte. D’abord, faire bouger les lignes qui séparent traditionnellement les positions tranchées d’un public constitué en majorité de jeunes étudiants qui croient que la banque mondiale continue d’appliquer les fameux Plans d’Ajustement Structurels (PAS) des années 80 (alors que le dernier date de 1989) et que ses financements se seraient volatilisés dans les tiroirs d’une administration inefficace et budgétivore. D’autre part, le contexte local marqué par une sortie de crise après plus d’une décennie de crise politique ivoirienne et l’onde de choc provoqué ces dernières semaines par la crise financière en zone euro et aux Etats-Unis. Tout cela avec pour toile de fonds le prochain Forum de Haut Niveau sur l’Efficacité de l’Aide Publique au Développement prévu du 29 novembre au 3 décembre 2011 à Busan en Corée du Sud.
Au CERAP, Madani a démontré une fois de plus sa posture du juste-milieu, faisant appel aussi bien à l’argumentation théorique que les pratiques les plus éprouvées en matière de développement, avec son dynamise habituel doublé d’un sens très efficace de la pédagogie et l’humour qu’on lui connait. Au risque de ne pas trahir sa pensée, l’intervention de l’auteur que l’on retrouvera intégralement dans le prochain numéro du Magazine l’Espoir que publie le bureau de la banque mondiale base a Abidjan, se résume aux points suivants :
• Le Leadership et l’Appropriation des Pays : Les pays en développement doivent se doter des capacités leur permettant d’être maitres du jeu. Ils doivent définir eux-mêmes leurs priorités et mettre en place des systèmes auxquels se conformeront les donateurs.
• Le Partenariat : L’APD toute seule ne peut suffire à impulser le développement. Elle est un excellent catalyseur qui doit être accompagnée d’un partenariat avec les autres acteurs notamment, les Etats eux-mêmes, le secteur privé, les organisations de la Société Civile, les grandes fondations et fonds fiduciaires, la coordination des donateurs tant bilatéraux que multilatéraux etc.
• La Transparence et les Résultats : Ces exigences doivent s’imposer tout d’abord aux ressources nationales (budget). Elles doivent être assises sur des institutions fiables et crédibles, et sur un système de décentrement (Gouvernance) permettant le contrôle de l’action publique
• Les Situations de Fragilité et de Conflit : Le Rapport sur le Développement dans le Monde 2011 met en lumière la corrélation directe entre les conflits, la sécurité et le développement. Un environnement de paupérisation est un terreau fertile aux conflits.
• La démocratisation de l’Aide (selon un terme consacré en septembre dernier par le Président de la Banque mondiale Robert Zoellick qui estime , à juste titre, que le monde tel qu’il existait en 1944 a changé — radicalement et que le moment est venu de repenser l’aide.
Madani M. Tall, qui n’ est pas adepte de la langue de bois, termine son intervention en disant ceci : « Le jour où la Banque mondiale et les autres institutions de financement du développement n’auront plus de raison d’être et seraient amenées à disparaitre, alors nous aurons réussi notre mission qui est de contribuer à éradiquer la pauvreté dans le monde »
Note sur l’auteur : Madani M. Tall a suivi des études en Economie, notamment dans le domaine agricole et des ressources naturelles. Il est diplômé des universités d’Etat du Maryland et de la Virginie de l’Ouest (USA). En 2004, alors Représentant résident pour le Cameroun, la République Centrafricaine et la Guinée équatoriale, avec résidence à Yaoundé, il décroche le titre de meilleur Manager du groupe de la Banque mondiale pour la région Afrique. Depuis, il enchaîne les postes de Directeur des Opérations pour le Sénégal, le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée-Bissau et le Niger, avec résidence à Dakar, avant de prendre en charge le bureau d’Abidjan en juillet 2008, avec sous sa responsabilité jusqu’en juin 2010 la Côte d’Ivoire, le Togo, le Benin, la Mauritanie et le Niger. Dans le cadre d’une réorganisation des groupes de pays au sein de la Banque mondiale et pour des raisons opérationnelles, la Mauritanie et le Niger ont permuté avec le Burkina Faso qui fait partie désormais des pays placés sous sa responsabilité.