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Afrique Publié le mardi 3 janvier 2012 |

Moustapha Ould Limam Chafi sur Kassataya: "Je suis un opposant et je l`assume"

© Par Kassataya
Afrique: l`opposant mauritanien Moustapha Ould Limam Chafi
Au lendemain du mandat d`arrêt international émis contre lui par les autorités mauritaniennes, l`opposant -c`est ainsi qu`il se définit- Moustapha Ould Limam Chafi, par ailleurs conseiller spécial de plusieurs chefs d`Etat de la région s`est entretenu par téléphone avec Kassataya. Nous vous livrons ses propos en attendant la réaction des autorités mauritaniennes contactées ce matin par notre rédaction. Ecouter l`entretien ici:

Abdoulaye Diagana : Il y a quelques jours votre famille accusait les autorités mauritaniennes de leur avoir refusé des visas d’entrée dans leur pays d’origine, cette version est contestée par le ministre mauritanien des affaires étrangères, qu’en est-il vraiment ?
Moustapha Ould Limam Chafi : (Rires). C’est dommage qu’un pouvoir ne puisse pas assumer. La contestation du ministre mauritanien est vraiment pitoyable. Je pense qu’il n’y a plus de preuves à apporter. Ma famille est belle et bien venue à Dakar…parce qu’en fait, nous sommes Mauritaniens ; et le pouvoir de Aziz a refusé de renouveler nos passeports, mon épouse, mes enfants et moi.
Abdoulaye Diagana : Quel est le motif invoqué pour justifier ce refus ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Ils n’ont jamais invoqué de motif. Vous savez, c’est un pouvoir qui ne trouve pas raison de se justifier. Il ne pense pas qu’il est en devoir de se justifier. Donc ils ne se sont pas justifiés. Et puisque nous n’avons plus de passeports mauritaniens, nous sommes obligés d’utiliser des passeports burkinabé. Et de par ma fonction au Burkina [Moustapha Chafi est conseiller du président Blaise Compaoré NDLR], ma famille et moi avons droit à des passeports diplomatiques. Donc mon épouse et mes enfants ont utilisé leurs passeports diplomatiques. Ils sont venus à Dakar et ont fait une demande de visa ; un cachet a été apposé sur leurs passeports. Au moment de les remplir, le premier responsable de l’ambassade constate qu’il s’agissait de la famille de M. Limam Chafi Moustapha, il leur signifie qu’il doit informer Nouakchott parce qu’il ne peut prendre de risque tant qu’instruction ne lui a pas été donnée. Donc contrairement à ce qu’a dit le ministre devant le parlement, les passeports n’ont pas été déposés le jeudi et retirés le lendemain. Je regrette, c’est mensonger de sa part. Les passeports ont été déposés le jeudi matin….
Abdoulaye Diagana : Un visa a été accordé puis annulé ?
Moustapha Ould Limam Chafi : C’est le cachet apposé qui a été annulé lorsque l’ordre est venu de Nouakchott. Mais de toutes les façons, moi je ne reviens pas sur cette question parce que c’est un détail par rapport à ce que vivent les mauritaniens. Ça ne me surprend pas d’Aziz ; il y a tellement de problèmes en Mauritanie que je ne veux pas revenir sur ça.
Abdoulaye Diagana : Vous avez récemment tenu des propos peu amènes sur la gestion du président mauritanien dont vous avez demandé le départ, que lui reprochez-vous au fond ?
Moustapha Ould Limam Chafi : C’est vrai que j’ai demandé le départ d’Aziz. Et j’ai appelé à sa chute, j’ai demandé aux Mauritaniens d’œuvrer à sa chute…
Abdoulaye Diagana : C’est un casus belli, une déclaration de guerre !
Ce n’est pas une déclaration de guerre. Je suis Mauritanien, j’ai le droit… J’ai demandé aux Mauritaniens d’œuvrer pour la chute de Ould Abdel Aziz [parce que] les raisons d’œuvrer pour la chute de ce général putschiste ne manquent pas.
Je citerai en premier le risque de désunion nationale où la société entière a failli basculer du fait des discriminations et des dysfonctionnements de l’enrôlement/identification. Et j’ai été parmi les premiers à dénoncer cette identification parce que je considère qu’elle est « ivoiritaire ». Nous en avons vu les conséquences en Côte d’Ivoire, et nous devons l’éviter pour notre pays. Vous vous souvenez sans doute que l’opération [de l’enrôlement en Mauritanie NDLR] a tourné à l’émeute et accentué la fracture ethnique. Parce que les dossiers de fond tels que le passif humanitaire buttent encore sur l’impunité des tortionnaires qui sont toujours autour du général.
Sur la question de l’esclavage et de ses séquelles, le pouvoir ignore toujours le désir d’émancipation d’une importante communauté, victime d’exploitation depuis des siècles. Et quand les militants se mobilisent pour dénoncer des cas avérés de servitude, ce sont eux qui se retrouvent en prison et devant le juge. Et ça je le dis parce que je suis un Mauritanien qui assume ce qu’il dit. Je le dis et je l’assume. La Mauritanie est le seul pays au monde où dénoncer l’esclavage est un délit de sécurité publique. S’il faut justifier l’opposition à Aziz, les motifs nombreux et divers…
Abdoulaye Diagana : Vous lui avez aussi reproché les incursions de l’armée mauritanienne en territoire malien contre les bases qu’Aqmi, la Mauritanie a-t-elle eu tort de s’attaquer à aqmi ? Le cas échéant quelle stratégie aurait-elle du adopter ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Je lui reproche sa stratégie ; toutes ses stratégies. Et je trouve que sa présence à la tête de l’Etat menace la stabilité du pays et celle de l’environnement régional. Et j’ai bien dit que l’homme est dangereux. Parce que cet homme, Aziz, à l’abri de sa garde prétorienne, il manque de discernement. Pour être un homme d’Etat et diriger une nation, il faut avoir un minimum de discernement. Il manque de discernement au point d’engager toutes les forces de la Nation dans une entreprise solitaire et spontanée. Cette guerre est solitaire. Sans avoir pris le temps de la recherche, de l’étude, de la planification –parce qu’une guerre ça se planifie- et de l’accumulation des forces ; et ça se retourne contre nous. Ce sont les Mauritaniens de nos paisibles villes et communautés rurales qu’il expose ainsi comme à Adel Bagrou [mardi 20 décembre 2011 un gendarme Mauritanien a été pris en otage dans cette localité de l’extrême sud-est du pays, à la frontière malienne, à 1700km de la capitale Nouakchott. Il serait toujours aux mains d’Aqmi. NDLR]. Il est allé à 1700km avec son armée et n’a pas pu défendre Adel Bagrou. Et les gens [d’Aqmi] sont entrés à Adel Bagrou avec un seul véhicule… La guerre c’est une affaire assez grave pour tomber entre les mains de personnes aussi inexpertes que celles d’Aziz.
Abdoulaye Diagana : En chargeant le régime mauritanien en guerre contre Aqmi n’aviez-vous pas conscience de courir le risque de passer pour celui qui pactise avec l’ennemi ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Non, je n’ai pas pactisé avec l’ennemi. Pour moi la stratégie d’Aziz n’est pas bonne. Vous n’êtes pas sans savoir que depuis un certain temps, de façon régulière, chaque fois, Aqmi arrive à identifier des infiltrés Mauritaniens qui tentent de renseigner les services de leur pays. Ils les identifient, les interrogent, les jugent et les exécutent. Pourquoi y parviennent-ils ? Parce que malheureusement, nos services sont infiltrés par eux. Malheureusement. Et quand tu n’arrives pas à maitriser d’abord tes services, tu ne prends pas le risque d’aller en guerre. Il faut d’abord qu’Aziz organise ses services. Parce que la guerre c’est un tout.
Abdoulaye Diagana : Vous ne lui reprochez donc pas de s’attaquer à Aqmi mais…
Moustapha Ould Limam Chafi : Attendez. …Jamais Aziz n’a pu présenter aux Mauritaniens un élément d’Aqmi infiltré dans ses services et qu’il a pu identifier. Ça c’est très, très grave.
Abdoulaye Diagana : Donc vous ne lui reprochez pas de combattre Aqmi, vous lui reprochez de n’avoir pas bien préparé son combat ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Non, je pense que… Vous savez, un homme d’Etat doit avoir certaines vertus essentielles : circonspection, sagesse, justice. Malheureusement notre général n’a pas ces vertus.
Abdoulaye Diagana : Ce qu’on vous reproche aussi c’est…
Moustapha Ould Limam Chafi : … tout le monde a le droit de défendre son territoire. Les Mauritaniens ont le droit de défendre le pays contre le terrorisme, qu’il soit d’Aqmi ou de n’importe quel groupe terroriste, mais c’est la méthode… On ne peut pas aller en guerre seul, sans avoir bien réfléchi.
Abdoulaye Diagana : Moustapha ould Limam Chafi, vous êtes bien introduit auprès de ces groupes, vous avez réussi notamment à libérer plusieurs otages, qu’est-ce qui vous vaut la confiance de ces groupes armés au point de leur rendre visite sans craintes alors qu’ils sont traqués par toutes les armées du monde ?
Moustapha Ould Limam Chafi : On ne peut pas dire… Ce serait prétentieux de dire que j’ai la confiance de ces groupes armés. Il faut que je vous explique ma présence auprès d’Aqmi et je veux que vous m’écoutiez bien. Moi ma présence résulte d’un processus de sauvetage de ressortissants occidentaux. C’est un objectif pour lequel l’ensemble des parties, en premier les pays de la région, ont collaboré. Le Burkina [Faso] a été sollicité au titre de son expertise en médiation. Et moi, Moustapha, je n’étais dans ce dispositif complexe qu’un élément parmi d’autres. Et il a fallu pour moi veiller des nuits durant, vraiment, souffrir le froid, la peur, vraiment la peur, les grandes peurs ; je ne peux pas vous les décrire ; le soleil, prendre des risques considérables pour parvenir à libérer des innocents enlevés et menacés de mort.
Abdoulaye Diagana : Et dans ces opérations vous aviez la bénédiction des puissances….
Moustapha Ould Limam Chafi : Attendez… je veux finir s’il vous plait. L’erreur d’Aziz comme d’ailleurs celle de plusieurs chefs d’Etat arabes, elle consiste toujours à accuser systématiquement les opposants de soutenir les terroristes... Parce que moi je suis d’abord un opposant à Aziz, je suis surtout un opposant à Aziz…
Abdoulaye Diagana : Vous l’assumez, ça ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Je l’assume pleinement et je l’ai déjà dit à Aziz au téléphone
Abdoulaye Diagana : Parce que vous parlez, Aziz et vous ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Aziz, nous nous sommes parlé lorsqu’il a fait son coup d’Etat et qu’il a demandé le soutien de certaines personnes et qu’il a souhaité que je le soutienne. J’ai refusé de lui apporter mon soutien. Je lui ai dit, alors, que tout ce qu’il venait de me dire ne justifiait pas le coup d’Etat ; et [je lui ai dit] que c’était une erreur grave de sa part et qu’il prenait en otage une Nation. Je le lui ai dit, je l’ai dit dans la presse, je l’assume. Je le dit sur votre radio, je suis un opposant. Je me suis d’abord opposé à son coup d’Etat, et je considère que ces élections [la présidentielle de 2009 qui a vu l’élection de Ould Abdel Aziz après le coup d’Etat, NDLR], on y reviendra…
Abdoulaye Diagana : Pour revenir justement à vos rapports avec ould Abdel Aziz….
Moustapha Ould Limam Chafi : … je voudrais d’abord qu’on finisse avec le sujet d’Aqmi, parce que c’est le sujet principal, parce que c’est l’objet de l’accusation. Son erreur à lui, comme d’ailleurs de beaucoup de chefs d’Etat arabes, elle consiste à accuser tous leurs opposants d’être des terroristes ou d’en être des protagonistes. Ils le font dans l’espoir de manipuler les partenaires occidentaux et de s’en faire les alliés dans la lutte pour la conservation de leur pouvoir. Mais, ce qu’ils ne savent pas, ces chefs d’Etat dont Ould Abdel Aziz, c’est que la doctrine et les analyses des services de sécurité de ces grandes démocraties se sont depuis affinées. La méthode ne prend plus. Et il suffit pour s’en convaincre de méditer le sort de tous ces chefs d’Etat : Kaddafi, Ben Ali, Assad… La formule s’est usée à force d’avoir servi à outrance. Et ce pauvre Aziz, qui ne lit pas beaucoup et ne voit pas loin, s’est engouffré encore une fois dans cette brèche. Mais je vais vous dire une chose : les services de renseignements impliqués n’agissent pas dans l’improvisation, ni dans la complaisance. Ils savent exactement qui fait quoi et qui en est supplétif.
Abdoulaye Diagana : M. Ould Limam Chafi est-ce que…
Moustapha Ould Limam Chafi : Je veux finir sur ce sujet parce qu’il est très important. Chez ces services, aucun degré de complicité dans la prise d’otages n’est toléré et ne leur échappe.
Abdoulaye Diagana : En un mot vous voulez dire que si vous aviez été complice, vous n’auriez pas bénéficié du soutien de l’Espagne et de la France ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Tous les services occidentaux qui ont des otages. Moi j’ai libéré des otages Canadiens, j’ai libéré… mais tous ces services… Je vais vous dire une chose pour ma part, personnellement, je vous le dis M. Abdoulaye [Diagana],… cette implication dans des tentatives de préserver la vie humaine, pour ma part, elle ne m’inspire que fierté, malgré la modestie de ma contribution.
Abdoulaye Diagana : Est-ce que vous entendez les voix qui y décèlent de la connivence…
Moustapha Ould Limam Chafi : Laissez-moi juste finir s’il vous plait Abdoulaye… vous savez, lorsque vous assistez…moi j’ai assisté à des choses. Lorsque vous assistez au spectacle des rescapés de la mort rendus à leurs familles entrain de renouer le fil ténu d’une vie perdue, vous ne pouvez concevoir que de la satisfaction d’y concourir. Et moi, ma contribution est petite…
Abdoulaye Diagana : entendez-vous les voix qui y décèlent de la connivence ou pour le moins une possible collusion d’intérêts ? Certains médias ont récemment fait état d’une inflation des rançons en raison des commissions prélevées par les intermédiaires ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Vous savez, personne n’est allé sur le terrain pour savoir ce qui s’y passe. Les services suivent tout de près. Personne n’est mieux informé qu’eux. Je ne peux pas vous donner le détail de comment ça se passe. Les médias peuvent écrire ce qu’ils veulent, comme ils veulent, si quelqu’un n’est pas allé sur le terrain, n’a pas suivi… je ne veux pas trop… les gens peuvent dire et écrire ce qu’ils veulent.
Abdoulaye Diagana : Cette inflation des rançons ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Je ne suis pas au courant, je ne suis pas du tout au courant, pas du tout. Mais demandez aux Etats, demandez aux pays occidentaux. Moi, il ne faut pas me demander ça. Il faut le demander à leurs services.
Abdoulaye Diagana : Justement un mandat d’arrêt international vient d’être émis contre vous par les autorités mauritaniennes, quelle réaction vous inspire cette décision ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Je vais revenir sur le mandat d’arrêt mais avant je veux finir par rapport aux otages que j’ai libérés si vous le permettez. Vous savez, ce sont des moments très durs. [Silence]
Abdoulaye Diagana : Lesquels ? Ceux que vous vivez actuellement ou ceux des négociations pour la libéralisation des otages ?
Moustapha Ould Limam Chafi : C’est ce sacrifice que nous faisons pour libérer des otages… Vous savez, quand on est impliqué dans des tentatives de préserver la vie humaine, ça n’inspire que fierté. Lorsque vous assistez au spectacle de rescapés de la mort, rendus à leurs familles, vous ne pouvez concevoir que de la satisfaction. Mais je vous dis une chose : finalement, ce général, il m’en veut à moi de participer au sauvetage de personnes au secours desquelles il aurait dû courir à défaut de les protéger. Lui dispose d’un pouvoir sans partage, d’une armée, de moyens de l’Etat et du statut d’ultime décideur dans ce pays. Moi, quand je travaillais à la libération des otages, je n’avais que la confiance des familles des victimes et la caution officieuse de mes mandataires. Quand je négociais avec les groupes armés, je ne disposais d’aucun filet de sauvetage, d’aucune assurance-vie. Je menais la mission, comme bien d’autres volontaires, à mes risques et périls. Mais compte tenu des résultats, je ne regrette rien et je recommencerais volontiers.
Abdoulaye Diagana : Ces missions vous les conduisiez pour le compte de Blaise Compaoré, vous n’auriez pas pu le faire pour Mohamed Ould Abdel Aziz ?
Moustapha Ould Limam Chafi : [rires] … Je ne peux pas travailler pour le compte de quelqu’un aux compétences duquel je ne crois pas.
Abdoulaye Diagana : Concrètement quels sont les effets de ce mandat d’arrêt international sur vos activités ? Allez-vous par exemple être contraint de réduire vos déplacements ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Je vais vous parler du mandat d’arrêt, de ma réaction. Ce qui ressort en premier c’est le caractère anecdotique de la décision, compte tenu de l’épreuve vécue par les Mauritaniens sous le pouvoir actuel. Je trouve la mesure fantaisiste et elle ne pèse en rien en comparaison de l’extrême misère des Mauritaniens, écrasés par le chômage et dépourvus de toute perspective économique. En revanche, le népotisme ascendant se développe au profit d’ould Abdel Aziz, lui-même devenu le principal entrepreneur privé du pays, à telle enseigne que ses concurrents hommes d’affaires sont de plus en plus contraints à s’exiler ou se délocaliser. Jamais avant ce général, la Mauritanie n’a eu un président soucieux d’accumuler autant fortune.
Mais le mandat, avant de le commenter lui-même, il convient de noter son irrégularité et son amateurisme. Un mandat d’arrêt international, c’est une procédure méticuleuse dont la crédibilité dépend de facteurs techniques comme la concordance des indices reprochés, la notoriété d’une implication et l’avis favorable de la police internationale. Tout ça n’existe pas. Dans le cas d’espèce, Aziz tente, comme d’autres arabes, d’instrumentaliser la lutte contre le terrorisme et son mandat pour neutraliser un adversaire.
Il faut toutefois dire qu’en l’occurrence, il s’y est pris dans la précipitation, et sans s’assurer d’un certain nombre de préalables. Bien sûr, il va le regretter parce que je porterai plainte. Il ne peut apporter aucune preuve aux accusations qu’il a formulées contre moi.
Abdoulaye Diagana : Les effets du mandat d’arrêt sur vos activités ? Allez-vous réduire vos déplacements ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Il n’y a aucun effet sur mes activités, aucun. Je continue mes activités normalement.
Abdoulaye Diagana : Cette situation et vos sorties contre le régime d’Ould Abdel Aziz ne risquent-elles pas d’affecter vos relations avec les chefs d’Etat dont on vous dit proches (RCI, Niger, BF…) ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Je suis Mauritanien. J’ai le droit de donner ma position en Mauritanie. La Mauritanie c’est ma patrie.
Abdoulaye Diagana : craignez-vous d’être sacrifié sur l’autel de la raison d’Etat ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Je ne serai pas sacrifié.
Abdoulaye Diagana : Vous en êtes sur ? Vous avez des garanties ?
Moustapha Ould Limam Chafi : J’ai appris à me battre depuis très jeune et un peu partout en Afrique. Donc pour moi, c’est un exercice qui ne m’est pas étranger.
Abdoulaye Diagana : Vous avez décidé de contrattaquer en portant plainte contre Ould Abdel Aziz, comment va se traduire cette action en justice et qu’en attendez-vous ?
Moustapha Ould Limam Chafi : … Pour le moment je puis vous confirmer que mes avocats sont entrain d’étudier la perspective d’assigner Aziz devant les juridictions internationales. Mes avocats à Nouakchott et ailleurs vous tiendront informés des procédures. Vous les découvrirez ; soyez patients, nous n’en sommes qu’aux débuts…
Ce qui est sur… c’est qu’Aziz se trompe d’adversaire. Il ne peut pas m’intimider. Il ne m’intimidera pas ; comme il n’a pas pu me corrompre. Parce que ce que les Mauritaniens ne savent pas, c’est qu’Aziz a tenté de me corrompre…
Abdoulaye Diagana : Il a tenté de corrompre ? Comment ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Il m’a envoyé des émissaires ici au Burkina Faso. Je vais taire leurs noms mais au moment opportun je le dirai.
Abdoulaye Diagana : Pouvez-vous prouver ce que vous dites ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Il m’a envoyé des émissaires au Maroc, des hommes d’affaires qui lui sont très proches et les propositions qui m’ont été faites sont des propositions de corruption.
Abdoulaye Diagana : Des propositions de corruption de quelle nature ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Corruption financière. Toutes les corruptions que les hommes politiques Mauritaniens ont l’habitude de faire. De l’argent, des postes… Au moment opportun mes avocats en parleront. Et des hommes d’affaires proches d’Aziz sont venus me voir au Maroc, à Rabat, à l’hôtel Sofitel, mais je n’ai pas cédé. Parce que je leur ai dit que mon problème n’est pas un problème… D’abord je n’ai pas de problème personnel avec Aziz. Je ne connais pas Aziz, Aziz ne me connait pas…. Je n’ai pas de besoins financiers. Aziz ne peut pas me donner ce que je n’ai jamais eu ou que je n’ai déjà. Je l’ai dit à ses émissaires. Et j’avais alors déjà libéré les otages ; si j’étais un terroriste, il n’aurait pas tenté de me corrompre. Et j’ai dit aux émissaires de ce général que le problème c’est celui de la Nation, la Nation mauritanienne. Elle nous appartient à tous. Aziz n’a pas le droit de la prendre en otage. Ils m’ont dit qu’Aziz a été élu et il est légitime aujourd’hui. Je leur ai répondu qu’Aziz est un putschiste ; il se donne une légitimité aujourd’hui après avoir fait son coup d’Etat ?
Abdoulaye Diagana :Vvous avez récemment demandé le départ d’Ould Abdel Aziz, vous pensez à la prochaine élection présidentielle ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Moi je pense que le départ d’Ould Abdel Aziz doit être…la Mauritanie ne peut pas ne pas être un pays… nous avons besoin de démocratie… j’ai bien pensé à la prochaine élection, parce qu’aujourd’hui…je ne sais pas encore comment se débarrasser d’Ould Abdel Aziz mais …en pleine dynamique des révolutions arabes, sachez qu’Ould Abdel Aziz est anachronisme intolérable.
Abdoulaye Diagana : Vous pensez à la prochaine élection présidentielle donc ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Pensez à l’élection comme quoi ? En tant que quoi ?
Abdoulaye Diagana : Pour le départ de Aziz ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Je pense que le départ de Aziz doit être précédée par une vraie transition et un vrai processus électoral, une vraie démocratie et la fin de l’irruption des militaires dans les affaires politiques. Il est temps, il est temps, il est temps que les militaires ne se mêlent plus de politique. Nous avons une classe politique qui s’est battue depuis des années, qui a de l’expérience. Aujourd’hui, il faut la laisser jouer son rôle. Pleinement.
Abdoulaye Diagana : Vous jouissez du soutien de l’opposition mauritanienne, vous disposez d’un impressionnant carnet d’adresses avec plusieurs chefs d’Etats comme amis (Compaoré, Ouattara, Issoufou, Condé…) vous êtes jeune, la cinquantaine, et l’on vous dit homme d’affaires prospère, pensez-vous à devenir un jour le pair, l’alter ego, l’homologue des présidents que vous conseillez ?
Moustapha Ould Limam Chafi : [Rires] Non pas du tout, pas du tout, vraiment… pas du tout.
Abdoulaye Diagana : La classe politique mauritanienne a besoin de renouvellement, vous n’y songez jamais ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Je n’ai aucune ambition de parvenir à une position de pouvoir. Vraiment. Vraiment.
Abdoulaye Diagana : M. Moustapha Ould Limam Chafi merci d’avoir accepté notre invitation. Un dernier mot aux auditeurs de kassataya ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Le dernier mot que j’ai à adresser à vos auditeurs c’est qu’ils sachent que ce pays est menacé dans son unité par un groupe d’affairistes qui l’a pris en otage. Il est menacé dans sa division et ce dont il a besoin, c’est la justice. La justice entre tous ses citoyens, quelle que soit leur appartenance, quelle que soit la région dont ils viennent. Ce pays a besoin d’égalité. Pour être une Nation il faut dépasser certains…
Je veux que les Mauritaniens sachent que moi, Moustapha, je suis un militant, un homme de principe, un homme de combats et de constance. J’ai toujours été constant dans mes positions. Je suis un homme régulier dans ce que je défends. J’ai toujours aimé ce pays qui nous appartient à tous. Sans exception. Et mon combat est pour tous les citoyens Mauritaniens sans exception. C’est un combat pour l’unité d’abord, pour l’unité de la Mauritanie. Nous devons tous nous battre pour nous unir. Ce pays nous appartient à nous tous. Nous avons les mêmes droits dans ce pays. Aucun d’entre nous n’a le droit d’exclure un autre pour une raison quelconque. C’est mon combat essentiel pour la Mauritanie. .. J’ai combattu en Côte d’Ivoire contre « l’ivoirité », je me suis battu contre ce concept…
Abdoulaye Diagana : Vous vous êtes battus aussi en Mauritanie contre Ould Taya y compris en soutenant les Cavaliers du Changement [Mouvement armée qui tenta de renverser le régime du colonel Ould Taya au pouvoir en Mauritanie de 1984 à 2005] ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Je me suis toujours battu avec ceux qui se battent pour la liberté, avec ceux qui se battent vraiment pour une Mauritanie meilleure.
Abdoulaye Diagana : L’épisode des luttes armées en Mauritanie, c’est finie pour vous ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Moi, je n’ai jamais pensé à la lutte armée. La lutte armée c’est Aziz ; parce que c’est lui qui a pris le pouvoir par les armes.
Abdoulaye Diagana : Le soutien aux Cavaliers du Changement sous Ould Taya ?
Moustapha Ould Limam Chafi : … Aziz nous l’affrontons par la force du verbe, pas par les armes. C’est lui qui nous impose sa présence par les armes. Donc la lutte armée, moi je n’en ai jamais parlé.
Abdoulaye Diagana : Vous n’allez plus soutenir des groupes comme ceux des Cavaliers du Changement ?
Moustapha Ould Limam Chafi : Les Cavaliers du Changement, ce sont des jeunes très courageux, qui se sont battus. Ils ont apporté quelque chose. Grâce à leur combat, il y a eu un changement en Mauritanie. Leur combat était salutaire et noble. Il faut reconnaître qu’ils ont joué un rôle. N’eut été leur combat, aujourd’hui peut-être que nous serions encore dans une situation… Aziz … ne serait pas là où il est.
Abdoulaye Diagana : Vous n’allez pas rééditer le coup….
Moustapha Ould Limam Chafi : …les Cavaliers du Changement sont des gens qui ont apporté quelque chose au pays.
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