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Politique Publié le jeudi 19 janvier 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Fané Abou, 5ème adjoint au maire d’Adjamé / A propos de Sylla Youssouf : ‘’Il a encouragé le vol, la gabegie, les détournements et tout ce qui est pervers dans la bonne gestion’’

Après la sortie du maire Sylla Youssouf dans les colonnes de l’IA le samedi 14 janvier 2012, les réactions ne se sont pas fait attendre. Fané Abou, 5ème adjoint au maire d’Adjamé qui nous a joint pour dire sa part de vérité, ouvre ainsi la boîte de Pandore entre le maire et ses administrés.

Comment va la Mairie d’Adjamé ?

La mairie va très mal. La mairie d’Adjamé est dans un état comateux très avancé. Je dirai même un coma de 3ème degré. Adjamé est malade et a besoin qu’on l’aide. Adjamé frôle la catastrophe au plan administratif et au plan financier. Au plan du budget, de façon globale, Adjamé a besoin d’être sauvée.


Des mots de campagne, monsieur le maire ?

Heureusement pour moi, je ne suis candidat à aucun poste. J’ai été candidat aux législatives, j’ai perdu. Je suis fier de savoir que c’est le Rdr qui a gagné. Je l’ai dit pendant la campagne. Je n’ai écorché aucun candidat du Rdr parce qu’on est dans le même parti, même si je m’étais présenté en tant qu’indépendant. C’était pour combattre l’injustice que j’ai été candidat. Logiquement, j’étais le candidat naturel du Rdr. Mais on ne m’a pas choisi. On sait ici que j’aime dire la vérité et que je n’aime pas le mensonge. C’est pour cela qu’il y a une sorte de tir groupé contre ma personne. Donc au plan municipal, j’ai dit à qui veut l’entendre que j’appartiendrai à la liste du Rdr. Le candidat que le Rdr choisira, sera la liste sur laquelle je m’alignerai. Mais si malheureusement il se trouve que c’est Sylla Youssouf que le Rdr choisira, je le lui ai dit en face que je ne le suivrai pas. Dix années de souffrances, dix années de malversation, dix années de méchanceté, pour moi, c’en est trop !


Que lui reprochez-vous concrètement ? Est-ce un problème de personne ?

Malheureusement, de nous tous, je suis le seul qui a connu Sylla Youssouf depuis 1985. Depuis 1985, je vis avec Sylla. Je suis le seul adjoint au maire qui lui dit la vérité. Parce qu’on a toujours dit que je combats Sylla et quand je me rends à son cabinet, il me remet de l’argent et je repars. Sylla ne m’a jamais rien donné. Cependant, j’essaie de le ramener sur la bonne voie. Parce que le problème est que le poste de maire n’est pas politique. Une mairie est une administration. Il s’agit d’apporter le bien-être à sa population. Mais quand vous décidez de faire la politique, il faut bien la faire. Un maire qui vient et qui divise. Ce n’est pas un administrateur. Un maire qui vient et qui ne sait même pas organiser une administration. Pour moi, ce n’est pas un maire. Djédji Amondji avait mis la barre à une certaine hauteur. Sylla a été adjoint au maire Amondji. Mais je vous dis que si un maire devait réussir à Adjamé, c’est bel et bien Sylla Youssouf. Conseiller municipal pendant dix (10) ans avec Lacina Dembélé. Adjoint au maire pendant cinq (5) ans avec Amondji. Maire lui-même pendant dix (10) ans. Mais malheureusement, Sylla n’a rien appris. Sylla a mis Adjamé dans un dénuement total. C’est ça le sens de ma lutte. Je suis le seul adjoint au maire qui a le courage de dire à Sylla fais ceci, fais cela. Telle chose n’est pas bien. Je suis le seul qui lui ai dit que les gens volent. Et qu’il y a une machine financière à la mairie qui connaît les trous, qui sait comment contourner les contrôles. Je lui ai donné l’exemple d’une vendeuse de jus qui fait un excédent de 1000 FCfa. Après six mois, elle fait un excédent de 2000 FCfa pour une population de dix (10) personnes. Et maintenant que la population est passée à vingt (20), ses recettes chutent au lieu de monter. Là où elle doit faire 10.000 francs, elle fait 500 F Cfa. Et la patronne de cette vendeuse ne réagit pas. C’est qu’il y a anguille sous roche. Elle est complice de cette situation. Parce que au lieu de payer des dettes, la raison voudrait qu’elle ferme boutique. Mais si elle continue de vendre à perte, c’est qu’il y a problème. C’est pour dire à Sylla que s’il y a vol et qu’il ne réagit pas, il se fait complice de ce vol. Et ça, je le lui ai dit en face.


Si vous ne voulez pas être comptable de la gestion de Sylla Youssouf, pourquoi ne démissionnez-vous pas ?

Nous avons gagné les élections en mars 2001. En avril, la jeunesse d’Adjamé a fait une pétition. Près de 300 signatures. Sylla a encore la lettre. Les gens lui demandaient de me nommer maire chargé de la jeunesse. Parce que sous le mandat de Djédji Amondji, j’étais membre de la commission jeunesse. J’ai apporté beaucoup à la jeunesse dans le cadre d’Adjamé Presse-Culture. Amondji est toujours vivant. Les dernières années, en tant que conseiller municipal, on m’a désigné maire chargé de la jeunesse pour me confier la gestion de cette structure. Et je l’ai bien gérée. Quatre mois après, j’ai démissionné. Toutes mes actions dans le cadre de mes attributions ont été menées par le cabinet de monsieur le maire. Je l’ai interpellé une fois, il n’a pas réagi. Au cours d’une réunion de la municipalité, j’ai démissionné. Il y a encore des témoins.


Si vous avez démissionné, est-ce qu’on vous oblige d’être maire ?

On m’a demandé de revoir ma position. Quand un conseiller municipal en fonction démissionne, il attend dix (10) ans avant de se présenter à une élection. Pour un individu, je vais hypothéquer mon avenir politique ? Si on nous donnait la possibilité de démissionner, je vous le jure que je serai le premier adjoint au maire dans l’histoire de la Côte d’Ivoire à démissionner de ses fonctions. Mais j’ai démissionné dans le cadre de mes attributions. La loi ne nous autorise pas à démissionner. C’est pour cette raison que je n’ai pas accepté la démarche des amis. Et je vous dis aussi que j’ai fait 90% de mon mandat à l’extérieur. J’étais un militant engagé du Rdr. J’étais un combattant engagé du Rdr. Je suis parti parce que j’étais persécuté par l’armée ivoirienne. J’étais en exil. Mais quand j’y étais, j’ai contribué à la vie du parti. J’ai aidé le parti étant à l’extérieur. J’ai combattu ici même avec Soro Guillaume quand il était candidat aux législatives à Port-Bouët, j’étais candidat à Adjamé. On a communiqué au téléphone, on sait ce qu’on s’est dit. Mais depuis qu’il est devenu Premier ministre, je ne suis jamais allé le voir parce que ça ne m’intéresse pas.


On va revenir à la gestion de la mairie d’Adjamé. On parle d’un budget de 2,1 milliards …
C’est un budget de 2,3 milliards de F Cfa mais on a pu recouvrir seulement de 700 millions. C’est scandaleux.


A quoi cela est-il dû ?

Mais c’est dû au vol ! On n’a pu recouvrir que 700 millions en 2010-2011. Et cela, en plus des impôts. Fonds internes plus impôts, 700 millions. C’est scandaleux. Et il y a un vol organisé à la mairie avec peut-être l’appui du maire. Car lorsqu’on essaie de l’interpeller à chaque fois, il ne réagit pas. Si tu ne réagis pas, c’est parce que tu as ta part de complicité quelque part. Je prends l’exemple du marché d’Adjamé qui doit rapporter près de 600 mille francs Cfa par jour, mais sur le compteur d’un certain Nando Georges et Dagnogo le régisseur, le marché ne rapporte que 30. 000 F Cfa par jour. De 400.000 FCFA par jour, ils ont chuté jusqu’à 30. 000 F Cfa. Aujourd’hui, la mairie prélève 30. 000 F Cfa. Et le maire a été sans réaction devant une telle situation. Dans ce cas de figure, vous voulez qu’on accuse qui ? C’est le maire !


Ce sont les commerçants qui refusent de payer leurs taxes, ou que se passe-t-il ?

Je vous dis que les commerçants s’acquittent de leurs taxes. S’ils ne payent pas, on fait une saisie sur leurs marchandises. Si vous le voulez, organisez une confrontation avec le maire. Je vous invite à la régie. On appellera celui qui a fait la pluie et le beau temps à l’époque d’Amondji. Méan est là, il peut faire une confrontation avec le régisseur pour lui dire qu’il vole. Donc Dagnogo et un certain Ouattara Gaoussou, volent les ressources de la mairie au vu et au su du maire et de son adjoint. Car nous sommes tous complices de cette gestion. Il faut que la part de responsabilité de chacun soit dégagée. Ce que je recherche aujourd’hui, c’est qu’on s’asseye devant la presse pour un débat. Je veux un débat avec le maire et ses adjoints pour dégager les responsabilités des uns et des autres. Je veux un débat sincère avec le maire Sylla Youssouf pour le confondre. Pour lui dire que dans cette malversation, il a sa part de responsabilité dans la mesure où tout ceci se passe sous ses yeux et il ne réagit pas. J’ai même demandé qu’on dégage le régisseur, son adjoint, les contrôleurs pendant une semaine, mon équipe et moi, on appréciera les résultats. Il a apprécié l’idée, il ne l’a jamais acceptée. Il m’a toujours tourné en bourrique. Et maintenant on va vers la fin de son mandat et je le vois faire des déclarations farfelues dans les journaux. Je ne peux pas l’accepter. Parce que dans dix ans, si je veux être candidat à Adjamé, ce passé va me rattraper. Je veux que les responsabilités des uns et des autres soient dégagées. Si Abou Fané a sa part de responsabilité dans cette gestion scabreuse, il l’assume. Si c’est l’un des adjoints au maire, il l’assume. Si c’est Sylla Youssouf, il l’assume également. Je peux vous dire sans me tromper que Sylla Youssouf a une part à 99% de responsabilité dans la gestion malhonnête de la mairie d’Adjamé.


Pourquoi le conseil municipal a dissout le service de contrôle ?

Malheureusement ! Le conseil n’est pas dissout. C’est de façon unilatérale que cela s’est fait, dans le souci de noyer le poisson dans l’eau. Sinon lorsque vous reprochez à des gens, après une inspection, qu’ils ont fait une malversation, avant de les faire partir, il faut les interroger pour savoir où se trouve le mal. S’il y a des mesures qui doivent être prises, ceux qui ont fauté seront sanctionnés. C’est pour éviter que les gens parlent qu’il a dissout le conseil alors qu’il aurait fallu entendre les mis en cause. On devait d’abord les auditionner. Sans les auditionner, on leur dit d’aller travailler ailleurs. Alors qu’il s’agit d’argent. C’est trop facile. Il y a une certaine commune où on est adjoint au maire, où on doit répondre un jour devant la population, qu’on auditionne les voleurs et ceux qui seront reconnus coupables seront soit licenciés, soit à la MACA ou ils remboursent ce qu’ils ont volé. Parce que c’est près de 600 millions qui sont partis en fumée. Et les contrôleurs que j’ai rencontrés m’ont dit de façon unanime qu’ils n’ont pas été impliqués dans ce vol. Et que le mal se trouve ailleurs. Et je le sais pertinemment. Mais comme il y a un certain Gaoussou Ouattara qui pompe de l’argent à la mairie et qu’il l’apporte chaque soir à Sylla Youssouf, il ne dit rien. J’ai les preuves de ce que j’avance. Si Sylla Youssouf dit que je mens, qu’il accepte que j’organise la mairie pendant une semaine, vous verrez le changement. Il y a une hémorragie financière qui ne dit pas son nom à Adjamé. Adjamé est en train de mourir à petit feu sous l’autorité de Sylla Youssouf.

Vous avez parlé de déficit budgétaire, alors qu’on parle aussi de dépassement de 1,2 milliard ?
Il n’y a pas de dépassement de 1,2 milliard. Il y a eu plutôt un déficit. Un budget est une prévision. On n’a pas une prévision budgétaire. On a dit une année qu’au niveau des collectes on va faire entrer 900 millions, au niveau des taxes forfaitaires, on se donne 100 millions, au niveau des taxes de marchés et ainsi de suite. Mais malheureusement, on n’a pas pu le recouvrir. Ça été fait mais ça été détourné. Et on voit dans le comportement de Sylla Youssouf, une complicité tacite.


En somme, il n’y a pas de problème entre le maire Sylla et vous ?

Vous pouvez mener vos enquêtes. Je suis le seul adjoint au maire qui ‘’le chauffe’’ ici. Mais je lui dis la vérité. La preuve en est que quand il était malade en France, je suis allé le voir avec toute une délégation comprenant Touré Mamadou, conseiller du Président de la République. Qui aime bien châtie bien comme on le dit. Sylla et moi on peut se chamailler, mais par la suite, on finit par s’entendre en prenant du thé ensemble. Je lui ai même conseillé de nous mettre ensemble pour être plus forts. Car si on se disperse, on va perdre. Et depuis quelques jours, j’ai dit aux adjoints au maire, tous contre Sylla. Mettez-vous ensemble pour le battre. Si vous vous dispersez, il va vous battre. Parce que moi, il m’a été signifié que même si le Président de la République, Alassane Dramane Ouattara, porte Sylla Youssouf au dos, il sera battu aux élections municipales.

Il se raconte que vous ne représentez rien à Adjamé. On a vu votre score…
Premièrement, on m’a volé. Je vous mets au défi de demander à ceux qui ont fait la campagne. Le maire Sylla m’a appelé. Le maire Inza m’a appelé pour me dire que j’ai gagné cette élection. Et qu’il ne savait pas que j’étais aussi populaire.


Mais qui vous a volé ?

C’est le Rdr ! Comment ils m’ont volé ? Le vendredi, ils ont dit dans les mosquées de voter « la case » sinon Alassane Ouattara ne sera pas président. Deuxièmement, j’ai accordé une interview à un quotidien de la place où j’ai dit que Gbagbo ne mérite pas ça. Tout simplement parce que s’il s’était bien comporté, il ne serait pas là où il est aujourd’hui. J’ai fait la plus belle campagne à Adjamé. De toute l’histoire des élections à Adjamé, c’est la première fois que le Rdr a eu des difficultés. Renseignez-vous ! Ils étaient obligés de me taxer d’être LMP. Il y a même eu des bourrages d’urnes. Le jour du vote, il y a eu des consignes de vote qui ont été données. Si les élections s’étaient déroulées dans la transparence, je les aurais battues aller-retour. Je suis très populaire à Adjamé. Ils n’ont pas gagné sur leur valeur. Ils ont gagné avec le nom d’Alassane Ouattara et « la case ».

Pour finir…

Je souhaiterais qu’il y ait un face à face entre le maire Sylla Youssouf et son 5ème adjoint au maire, Fané Abou. Je lui demande d’arrêter de vendre des mensonges aux populations ivoiriennes. Qu’il reconnaisse qu’il n’est pas un bon administrateur, un bon gestionnaire. Il a été maladroit dans sa gestion. Il a encouragé le vol, la gabegie, les détournements et tout ce qui est pervers dans la bonne gestion. Je souhaiterais que Sylla Youssouf fasse son mea culpa et demande pardon aux populations d’Adjamé.

Réalisée par Dosso Villard, coll A. Dedi
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