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Coulisses Publié le vendredi 20 janvier 2012 | Nord-Sud

Gabon : Ça rafle fort !

Au moment où la CAN est très attendue en Afrique, la vie des Ouest-africains au Gabon est un véritable enfer. Les autorités gabonaises n’ont pas été inspirées en initiant des rafles qui créent la peur…


A quoi jouent les autorités gabonaises depuis trois jours ? Impossible pour les Ouest-africains (Mali, Burkina Faso, Niger, Côte d’Ivoire, Bénin, Sénégal, Togo, Guinée) de circuler en paix à Libreville. «L’opération guindée», comme on l’appelle ici pour évoquer les rafles, est en marche depuis peu. Les forces de l’ordre sont très visibles à tous les carrefours. De jour comme de nuit. Leur objectif est de ramener dans leurs pays respectifs, tous les étrangers. Pourquoi ? Pourquoi à quelques heures de la fête du football africain que le pays accueille ? Des questions, encore des questions…Le témoignage de ce Nigérien, Souley, vendeur de poulets, rencontré hier matin, dans le quartier de N’Kembo et qui a bien voulu nous conter sa mésaventure est édifiant. «Je regagnais mon domicile, hier, soir à pied, après mon travail. De loin, j’ai vu les policiers et un attroupement. Il devait être 19h. Mais j’étais déjà dans leur viseur et je ne pouvais plus les éviter. Parvenu à leur niveau, la main sur le cœur, j’ai entendu la phrase la plus redoutée par tous les étrangers vivant au Gabon : «présentez-vous monsieur». En fait, ils ne cherchent pas de papiers. De toutes façons, le Gabon ne délivre plus de cartes de séjour depuis le décès de l’ex-président Omar Bongo Ondimba. A l’époque, elle coûtait 800.000 F Cfa pour deux ans. Très vite, j’ai rejoint le groupe assis à terre. Nous étions une quinzaine. Tous des Ouest-africains. Certains qui avaient un peu d’argent (5.000 F Cfa ou 10.000 F Cfa), ont vite été «libérés», dans la pénombre. Lorsque j’ai voulu négocier, le policier m’a répondu «mouf !» (Littéralement dégage !), avec dédain. J’ai commencé à penser à comment quitter le coin car le CEDOC (sorte de centre d’immigration à Owendo où tous les raflés sont déversés avant d’être rapatriés par bateau) me guettait. Mon salut est venu d’un appel d’un ami car je n’avais plus d’unités.

“Dès qu’ils vous arrêtent, c’est le bateau”

Je lui ai demandé de me retrouver où je me trouvais avec un peu d’argent. C’était une question de vie ou de mort. Heureusement, mon ami a remis 10.000 F Cfa à un Gabonais qui est venu m’éviter l’enfer… Depuis, je ne m’aventure plus trop dans les rues sans faire attention». Autre lieu, autre histoire. Celle-là est de Sylvain Kaboré, de nationalité burkinabé, gérant d’un motel au quartier «Cocotiers» de Libreville. « Les gars du CEDOC, habillés en civil, sont les ennemis des étrangers au Gabon. Ils sont incorruptibles car bien payés mais surtout sans cœur. Dès qu’ils vous arrêtent, c’est le bateau… Direction Kalaba au Nigeria ou si vous avez un soupçon de chance, le Bénin. Il y avait une vitre qui était cassée au motel, mardi et j’ai appelé un frère sénégalais (vitrier) pour me dépanner. Il est arrivé vers 14h, a commencé le travail et nous bavardions à bâtons rompus. Je signale que nous étions dans la maison et non dans la rue. Un monsieur s’est présenté à nous pour nous demander nos papiers. Ce que nous avons refusé. Il ne faut pas exagérer. Même à domicile… «Vous boudez avec moi ?», a-t-il lancé, avant d’appeler (au téléphone) deux autres collègues. Dès qu’ils sont arrivés, ils nous ont brutalisés avant de nous jeter dans leur 4x4. Dans le véhicule, nous avons été fouillés et dépouillés. C’est un ami colonel dans l’armée gabonaise et qui fréquente l’hôtel avec ses maîtresses, de passage, en voiture, qui m’a reconnu aux feux tricolores et exigé ma libération. L’autre, le vitrier sénégalais, me suppliait d’intercéder aussi pour lui. Ce qui fut fait. Revenus au motel, il a abandonné ma vitre cassée et n’a plus demandé son reste». Des scènes pareilles sont légion à Libreville pour humilier les étrangers. Sortir de son domicile et rentrer le soir est devenu un petit exploit. Ceux qui n’ont pas eu la chance de Souley et de Sylvain Kaboré ont été rapatriés, sans autre forme de procès. Et, sans pitié.

Pourquoi les stades seront vides…

Les étrangers vivant au Gabon se passent, en ce moment, le mot. Personne au stade. Ils sont certains d’être raflés, une fois les rencontres terminées. Les Nigériens qui évolueront dans la poule C en compagnie du Gabon, du Maroc et de la Tunisie sont les plus malheureux. Ils ont bien envie d’aller supporter leurs joueurs mais ne souhaitent pas être rapatriés. Mercredi, il y a déjà eu des affrontements entre étudiants et policiers. Ces derniers tentaient de vider une cité universitaire pour permettre de loger les supporters qui arrivent. Leur objectif est de les canaliser et de mieux les surveiller. Les Gabonais ne veulent pas que la CAN serve de prétexte aux Ouest-africains pour envahir (encore plus) leur pays. C’est donc certain que le public n’effectuera pas le déplacement du Stade de l’Amitié sino-gabonaise pour le premier match, lundi, entre les Panthères et le Mena du Niger. Les plus sceptiques prédisent qu’en cas de défaite gabonaise, les Ouest-africains paieront (très) cher, le lendemain. Si vous voyez le stade rempli, lundi, c’est qu’il y aura eu distribution de tickets et plus… En effet, comme cela avait été le cas lors de la rencontre amicale jouée à Libreville, lundi dernier, contre les Crocodiles soudanais (0-0), 4000 Gabonais de Libreville et 2000 autres venus de Franceville avaient reçus des t-shirts et la somme de 10.000 F Cfa, chacun pour donner vie à la belle enceinte dédiée au football.

Guy-Florentin Yaméogo, envoyé spécial à Libreville
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