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Société Publié le mardi 20 mars 2012 | Nord-Sud

Braquage, attaque de domiciles, coupeurs de route… : Le visage des bandits du Grand Ouest

Rebutés par le banditisme grandissant, autochtones et allogènes de l’ouest ivoirien accusent miliciens et dozos d’être des braqueurs et des coupeurs de route. Témoignages...


Des jeunes, torse nu pour certains, livrent un match de football cet après-midi du samedi 17 mars, à l’orée de la forêt vierge jouxtant le village de Ziglo, situé entre les localités de Pohan et de Guézon, sur l’axe bitumé Bloléquin-Guiglo. Yaoudi, Goya, Pinhou, Dahoua… de gros villages situés entre Guiglo et Duékoué. Guitrozon, Guéhiébly, Béoué… entre Duékoué et Bangolo. Dans cette contrée du peuple Wê, c’est partout des scènes de joie ce même jour. Des marchés bruissent, des femmes vannent le riz, les hommes devisent ou rentrent des champs, des gares routières grouillent, des enfants courent çà et là… Le pays Dan exhibe aussi cette fière allure. Le ministre-délégué auprès du président de la République chargé de la Défense et d’autres officiels qui visitent l’Ouest, ce week-end-là, ne disent pas le contraire. « Vous avez vu ? Tous les villages ou presque sont électrifiés et il y a au moins deux ou trois gendarmes dans chaque village… », observe le ministre Paul Koffi Koffi. Des badauds distraits par son long cortège et la nuée de poussière qu’il soulève au passage offrent aussi une autre image saisissante. Les mômes et des adultes font un salut de la main. Mais ce signe d’hospitalité ne traduit-il pas le sentiment de personnes résignées ? Car, dans cette zone forestière, nouvelle boucle du cacao, qui a payé un lourd tribut aux crises militaro-politique de septembre 2002 et post-électorale de 2011, la psychose des attaques sporadiques angoisse encore les populations.

Le dernier souvenir hante
Pour rappel, le 15 septembre dernier, des individus non identifiés ont attaqué le village de Ziriglo, à Taï, et fait 15 morts. « Depuis lors, trois villages de la localité sont vides de leurs autochtones », témoigne Palé Dripinin, allogène. Il préconise le retour desdits natifs par la sensibilisation. « Il faut dire que c’était chaud (aussi) à Toulepleu, mais grâce au courage des autorités administratives, la paix est revenue. Nombreux sont nos parents réfugiés au Libéria qui sont rentrés », atteste Yvonne Taï. Même les partisans de l’ancien régime vivent en paix ; en témoigne l’aveu du 4ème adjoint au maire de la commune. « Je suis le premier responsable du Fpi (Front populaire ivoirien, ndlr). Je suis là depuis le mois d’août, rien ne m’arrive… », confesse Benoît Gnanhoulou. Mais l’inquiétude partagée est liée à la recrudescence  du banditisme de grand chemin. Le président des confessions religieuses de Toulepleu, père Roger de la paroisse St Kizito, s’en lamente : « quand nous sortons de la zone de Toulepleu, notre sécurité n’est plus assurée… » Il fait référence au risque élevé d’agression sur l’axe Guiglo-Bloléquin, où il a été dépouillé, alors qu’il partait dire la messe. Qui sont ces malfrats qui règnent en maîtres-rois à l’Ouest ? « Aujourd’hui, les forêts sont occupées par des personnes armées ; nos parcelles culturales sont occupées par des gens dont nous ignorons l’identité. La population a la peur au ventre et ne peut accéder aux campements, aux plantations », répond de façon évasive Adrien Bayé, porte-parole de la notabilité de Glopahoudi (Guiglo). Il a une autre inquiétude : « si les bandits sont confiés aux autorités et qu’il n’y a pas de sanction, alors il y a problème ». Lucien Tékoua Sonzaï  est le président de la Commission nationale de sensibilisation, de cohésion, de démantèlement et de réinsertion (Cnscdr). Dans le témoignage qu’il fait publiquement devant le corps préfectoral et la délégation ministérielle, à la préfecture de Guiglo, il n’ose pas indexer les ex-miliciens. Mais ses propos sont révélateurs. Des ex-combattants retranchés dans la forêt vivent « difficilement », ils veulent en « sortir ». Certains, sensibilisés, par sa structure, ont déjà « déposé plus de 7 kalachnikovs, 2 grenades, 47 fusils de calibre 12  et 2 fusils de type AK 47 ». Cet aveu convainc  Paul Koffi Koffi que « beaucoup d’armes accumulées et distribuées, avant et pendant la crise post-électorale circulent encore ».  


Une seule kalach pour 57 policiers
Mais les policiers ne peuvent être prompts à l’assaut. « L’armement fait défaut, il n’y a qu’une seule kalachnikov pour cinquante-sept collaborateurs », se lamente le commissaire de 2ème classe Olivier Dosso de Duékoué. Le commissariat de police réclame aussi des véhicules d’intervention. C’est pareil pour des sous-préfets, qui louent ou empruntent des 4x4 en vue d’intervenir dans des litiges, selon des avis concordants. L’ensemble du corps préfectoral a plaidé auprès de l’émissaire du chef de l’Etat afin qu’il soit doté de véhicule de commandement. Plus ils sont mobiles, plus ils sont efficaces, commente Glacel Mémaigny, président de la jeunesse communale de Guiglo.

Des déplacés, braqueurs ?
Des individus non identifiés se seraient infiltrés dans le camp de déplacés internes de Nahibly, situé sur l’axe Duékoué-Guiglo. « Il a été construit pour accueillir trois mille personnes, mais il en compte plus de dix mille », relève un correspondant local de presse. Pour lui, il n’y a pas de doute, les braquages répétés dans la ville sont dus à la surpopulation de ce lieu de refuge. « A la tombée de la nuit, ils sortent pour agresser les gens et courent se réfugier à Nahibly»,  croit-il savoir. Les forces de l’ordre n’ont pas le droit d’accéder au vaste enclos, gardé par des  Casques bleus marocains. C’est la règle qu’impose le droit humanitaire. D’ailleurs, le ministre se souvient que le Haut-commissariat aux réfugiés (Hcr), intervenant à Nahibly,  lui avait refusé la liste des pensionnaires du centre d’accueil.  Le préfet de Duékoué, Benjamin Effoli et lui ont décidé de s’en remettre au ministère des Affaires étrangères, en vue d’obtenir ce listing. Une fois obtenu, il devrait permettre à l’Etat d’identifier tous les pensionnaires du centre d’accueil. Le préfet préconise la revendication de la sécurité du camp par les autorités ivoiriennes. Car, «c’est parce que nos forces n’avaient pas encore les moyens de sécuriser le camp que nous avons sollicité les Nations Unies ». Depuis qu’un bataillon a été déployé pour la sécurisation de l’Ouest, c’est chose possible. Le préfet encourage le ministre à faire la démarche. Le lieutenant Koné Daouda, commandant des Frci locales, lui, a une solution bien musclée. « Nous souhaitons qu’on démonte le site », propose-t-il, catégorique. Le militaire est convaincu : « ils (les braqueurs) sont là, dans le site. Ils entrent et sortent par des pistes ». Malheureusement, ils ne peuvent les traquer « avec les moyens du bord ».

Des dozos, bons mais…
« Les dozos ont abattu un travail énorme. Grâce à leur présence, la sécurité est revenue ». Ces propos sont du préfet de la région du Tonpki, Michel Amani. Il déclare que le ‘’check-point‘’  installé, par exemple, par les chasseurs traditionnels du Nord dans l’ex-zone de confiance, entre Bangolo et Duékoué, a porté des fruits. Mais sa satisfaction laisse perplexe des administrés, à l’instar de Séraphin Naï. Il se demande pourquoi il y a des coupeurs de route alors que des dozos patrouillent ? Et puis, « de quel ministère relèvent les dozos », s’est-il enquis auprès du ministre. Par ailleurs, Séraphin Naï attend qu’instruction soit donnée aux préfets afin « de faire venir des militaires de Daloa, de Gagnoa… pour dégager les gens qui sont armés dans les forêts ». 
Bidi Ignace, envoyé spécial
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