La commission d'enquête de l'ONU sur les événements du 25 et 26 mars à Abidjan accuse, dans un rapport accablant, "les plus hautes autorités de l'Etat" ivoirien d'avoir monté une "opération soigneusement planifiée" pour réprimer une manifestation interdite de l'opposition.
Le bilan de cette répression, indique le rapport révélé lundi par la radio française RFI, s'élève à 120 morts au moins. Sans compter les cas de tortures, disparitions et arrestations arbitraires, selon l'ONU qui n'hésite pas à parler de "massacres".
"Les 25 et 26 mars, des civils innocents ont été tués de façon indiscriminée et des violations massives des droits de l'Homme ont été commises. La marche est devenue un prétexte à ce qui s'est avéré être une opération soigneusement planifiée et exécutée par les forces de sécurité, c'est-à-dire la police, la gendarmerie, l'armée ainsi que des unités spéciales et des forces parallèles, sous la direction et la responsabilité des plus hautes autorités de l'Etat", affirme la commission d'enquête qui a séjourné en Côte d'Ivoire du 15 au 28 avril "à la demande des autorités ivoiriennes".
Le dernier bilan officiel communiqué par la police ivoirienne le 28 mars faisait état de 37 morts, dont deux policiers, au cours des deux jours de violences les 25 et 26 mars.
"Au moins 120 personnes ont été tuées, 274 blessées et 20 sont portées disparues", poursuit le rapport onusien de 20 pages selon lequel "ces chiffres ne sont en aucune façon définitifs".
La commission de l'ONU, qui dénonce également des "arrestations massives sans aucune base légale", fait état de la présence de "81 corps" dans différentes morgues d'Abidjan et de sa périphérie, pour la plupart portant des traces de blessures par balles.
Les enquêteurs n'excluent pas, par ailleurs, que des corps aient été "transportés et enterrés quelque part".
"Des preuves écrasantes" suggèrent que ces tueries "n'ont pas été provoquées et n'étaient pas nécessaires. Il est également évident que certaines communautés étaient visées (par cette répression), notamment les gens originaires du nord du pays (majoritairement musulmans, ndlr) ou de pays voisins (spécialement Burkina Faso, Mali et Niger)".
Au passage, l'ONU dénonce la responsabilité des organisateurs de la marche qui, sachant qu'elle était à haut risque, n'y ont pas participé; les auteurs soulignent toutefois que cette responsabilité est sans commune mesure avec les "violations massives des droits de l'homme" commises par les forces de l'ordre.
Pour les enquêteurs internationaux, il ne fait aucun doute que tout a été soigneusement préparé. Ils en veulent pour preuve le fait que les forces de l'ordre et des "forces parallèles" se sont déployées dès l'aube dans des quartiers d'Abidjan et que la plupart des personnes tuées ne l'ont pas été dans la rue mais dans leurs maisons.
Le rapport de l'ONU affirme encore qu'il n'y avait, le 25 mars, "aucune menace posée par les manifestants", "aucune infiltration venue du nord", "aucune tentative d'insurrection populaire contre l'Etat", invalidant ainsi les assertions des autorités ivoiriennes selon lesquelles la manifestation prévue par l'opposition pour soutenir les accords de paix de Marcoussis était, en réalité, un paravent pour une attaque armée sur la capitale économique ivoirienne.
Le rapport s'attarde longuement sur la participation à la répression de "forces parallèles" que l'ONU qualifie de "milice armée". Parmi ces forces sont cités les "Jeunes Patriotes", le mouvement de Charles Blé Goudé, fer de lance des manifestations anti-françaises de soutien au président Laurent Gbagbo, ainsi que le principal syndicat étudiant, la FESCI.
Tous ces mouvements, lit-on encore, sont "financés et armés par les forces de sécurité qui leur donnent des ordres directs". Et l'ONU précise: "Ce soutien vient de l'intérieur du palais présidentiel".
En conclusion, tout en dénonçant un climat d'impunité en Côte d'Ivoire, toujours coupée en deux depuis la tentative de coup d'Etat de septembre 2002, la Commission souhaite l'ouverture d'une enquête criminelle pour juger les responsables des "tueries indiscriminées" commises en mars 2003, mais aussi la mise en oeuvre des travaux de la commission internationale chargée des violations des droits de l'homme depuis septembre 2002, ou encore le démantèlement et le désarmement "de tous les groupes armés, y compris les forces parallèles".
"Le président de la République et le gouvernement de réconciliation nationale ont l'obligation de tout faire pour mettre fin aux activités" des milices et des forces parallèles, conclut le rapport de l'ONU.
L’armée décrète le Plateau ‘’zone rouge’’
Les rebelles du MPCI et leurs alliés ont annoncé, par voie de presse, l’organisation d’une marche de protestation, le jeudi 25 mars 2004 avec leur destination finale, la Place de la République, à quelques mètres du Palais présidentiel.
Monsieur le ministre de la Sécurité, nous tenons à attirer respectueusement votre attention sur le fait que le MPCI, qui est un mouvement rebelle et non un parti politique ou une Ong, n’a pas encore désarmé et n’a pas encore accepté la proclamation de la fin de la guerre. De ce fait, toute manifestation des rebelles en zone libre est un acte de déstabilisation.
Par conséquent, nous considérons la marche des rebelles à Abidjan comme une deuxième attaque contre notre pays, la Côte d’Ivoire. Ainsi, le Commandant de la Garde républicaine et le Commandant du Groupe de sécurité présidentielle dont la mission est d’assurer la sécurité du Chef de l’Etat, des hautes autorités de l’Etat ainsi que des édifices et des bâtiments nationaux (CI, article 2 du décret n° 90 – 191 du 28 février 1990 portant création de la Garde républicaine et le décret n° 95 – 625 du 9 août portant création du GSPR), s’opposeront avec tous les moyens réunis au rassemblement des rebelles sur la Place de la République. En outre, ils entendent prendre toues les dispositions de combat du temps de guerre, car ce rassemblement est une première étape à un assaut sur le palais qui a toujours été l’objectif majeur des rebelles. De ce fait, sera déclarée zone rouge la zone ci-dessous délimitée :
l Au nord : la zone définie par la voie partant du cercle des rails, passant par la radio jusqu’au carrefour Chardy.
l Au Sud : la ligne passant par le sud des deux ponts.
l A l’est : le boulevard lagunaire (du carrefour Chardy jusqu’au sud du pont De Gaulle)
l A l’ouest : le boulevard de la Carena (du garage central de la présidence au sud du pont Houphouët-Boigny).
Tout manifestant qui oserait s’y aventurer sera considéré comme combattant ennemi et traité comme tel sans somation.
Tout en vous priant monsieur le ministre, de porter ces mesures à la connaissance des différents chefs de cette coalition pour qu’ils prennent toutes leurs dispositions le jour de la marche.
Nous vous prions de bien vouloir accepter l’expression de nos profonds respects.
Fait à Abidjan le 18 mars 2004
Lieutenant Colonel Dogbo Blé Bruno
Commandant de la garde républicaine
Lieutenant colonel Ahouma Brouha Nathanaël
Commandant du groupe de sécurité présidentiel
Gbagbo avait réquisitionné l’armée pour massacrer les Ivoiriens
Nous publions quelques extraits du décret signé, par le chef de l’Etat portant réquisition des forces armées nationales.
Le Président Laurent Gbagbo, par un décret signé, hier lundi 22 mars, a décidé de réquisitionner l’armée pour empêcher la manifestation des «marcoussistes».
« Vu le décret n° 96-003 du 19 août 1996 portant organisation du commandement par les forces nationales.
Vu le décret n° 2003-305 du 13 mars 2003 portant nomination des membres du gouvernement tel que modifié et complété par les décrets n° 2003-345 du 12 septembre 2003 et n° 2003 – 349 du 15 septembre 2003.
Vu le décret n° 2003 – 102 du 24 avril 2003 portant attribution des membres du gouvernement de réconciliation nationale tel que modifié par le décret n° 2003-398 du 24 octobre 2003.
Vu le décret n° 2004-210 du 11 mars 2004 portant interdiction des marches et manifestations sur la voie publique et dans les lieux publics.
Vu l’urgence, décrète :
Article 1er: En vue de concourir au maintien de l’ordre public sur toute l’étendue du territoire national du lundi 22 mars au jeudi 15 avril 2004, les forces armées nationales font l’objet d’une réquisition générale.
Article 2 : L’autorité civile détermine les conditions et le moment où l’appui des forces armées s’avère nécessaire, elle coordonne l’ensemble des opérations de maintien de l’ordre et en rend compte au chef de l’Etat.
Article 3: Le ministre d’Etat, ministre de l’Administration du territoire, le ministre de la Défense et le ministre de la Sécurité intérieure sont chargés chacun en qui le concerne de l’exécution du présent décret qui sera publié selon la procédure d’urgence ainsi qu’au journal officiel de la République de Côte d’Ivoire.
Le bilan de cette répression, indique le rapport révélé lundi par la radio française RFI, s'élève à 120 morts au moins. Sans compter les cas de tortures, disparitions et arrestations arbitraires, selon l'ONU qui n'hésite pas à parler de "massacres".
"Les 25 et 26 mars, des civils innocents ont été tués de façon indiscriminée et des violations massives des droits de l'Homme ont été commises. La marche est devenue un prétexte à ce qui s'est avéré être une opération soigneusement planifiée et exécutée par les forces de sécurité, c'est-à-dire la police, la gendarmerie, l'armée ainsi que des unités spéciales et des forces parallèles, sous la direction et la responsabilité des plus hautes autorités de l'Etat", affirme la commission d'enquête qui a séjourné en Côte d'Ivoire du 15 au 28 avril "à la demande des autorités ivoiriennes".
Le dernier bilan officiel communiqué par la police ivoirienne le 28 mars faisait état de 37 morts, dont deux policiers, au cours des deux jours de violences les 25 et 26 mars.
"Au moins 120 personnes ont été tuées, 274 blessées et 20 sont portées disparues", poursuit le rapport onusien de 20 pages selon lequel "ces chiffres ne sont en aucune façon définitifs".
La commission de l'ONU, qui dénonce également des "arrestations massives sans aucune base légale", fait état de la présence de "81 corps" dans différentes morgues d'Abidjan et de sa périphérie, pour la plupart portant des traces de blessures par balles.
Les enquêteurs n'excluent pas, par ailleurs, que des corps aient été "transportés et enterrés quelque part".
"Des preuves écrasantes" suggèrent que ces tueries "n'ont pas été provoquées et n'étaient pas nécessaires. Il est également évident que certaines communautés étaient visées (par cette répression), notamment les gens originaires du nord du pays (majoritairement musulmans, ndlr) ou de pays voisins (spécialement Burkina Faso, Mali et Niger)".
Au passage, l'ONU dénonce la responsabilité des organisateurs de la marche qui, sachant qu'elle était à haut risque, n'y ont pas participé; les auteurs soulignent toutefois que cette responsabilité est sans commune mesure avec les "violations massives des droits de l'homme" commises par les forces de l'ordre.
Pour les enquêteurs internationaux, il ne fait aucun doute que tout a été soigneusement préparé. Ils en veulent pour preuve le fait que les forces de l'ordre et des "forces parallèles" se sont déployées dès l'aube dans des quartiers d'Abidjan et que la plupart des personnes tuées ne l'ont pas été dans la rue mais dans leurs maisons.
Le rapport de l'ONU affirme encore qu'il n'y avait, le 25 mars, "aucune menace posée par les manifestants", "aucune infiltration venue du nord", "aucune tentative d'insurrection populaire contre l'Etat", invalidant ainsi les assertions des autorités ivoiriennes selon lesquelles la manifestation prévue par l'opposition pour soutenir les accords de paix de Marcoussis était, en réalité, un paravent pour une attaque armée sur la capitale économique ivoirienne.
Le rapport s'attarde longuement sur la participation à la répression de "forces parallèles" que l'ONU qualifie de "milice armée". Parmi ces forces sont cités les "Jeunes Patriotes", le mouvement de Charles Blé Goudé, fer de lance des manifestations anti-françaises de soutien au président Laurent Gbagbo, ainsi que le principal syndicat étudiant, la FESCI.
Tous ces mouvements, lit-on encore, sont "financés et armés par les forces de sécurité qui leur donnent des ordres directs". Et l'ONU précise: "Ce soutien vient de l'intérieur du palais présidentiel".
En conclusion, tout en dénonçant un climat d'impunité en Côte d'Ivoire, toujours coupée en deux depuis la tentative de coup d'Etat de septembre 2002, la Commission souhaite l'ouverture d'une enquête criminelle pour juger les responsables des "tueries indiscriminées" commises en mars 2003, mais aussi la mise en oeuvre des travaux de la commission internationale chargée des violations des droits de l'homme depuis septembre 2002, ou encore le démantèlement et le désarmement "de tous les groupes armés, y compris les forces parallèles".
"Le président de la République et le gouvernement de réconciliation nationale ont l'obligation de tout faire pour mettre fin aux activités" des milices et des forces parallèles, conclut le rapport de l'ONU.
L’armée décrète le Plateau ‘’zone rouge’’
Les rebelles du MPCI et leurs alliés ont annoncé, par voie de presse, l’organisation d’une marche de protestation, le jeudi 25 mars 2004 avec leur destination finale, la Place de la République, à quelques mètres du Palais présidentiel.
Monsieur le ministre de la Sécurité, nous tenons à attirer respectueusement votre attention sur le fait que le MPCI, qui est un mouvement rebelle et non un parti politique ou une Ong, n’a pas encore désarmé et n’a pas encore accepté la proclamation de la fin de la guerre. De ce fait, toute manifestation des rebelles en zone libre est un acte de déstabilisation.
Par conséquent, nous considérons la marche des rebelles à Abidjan comme une deuxième attaque contre notre pays, la Côte d’Ivoire. Ainsi, le Commandant de la Garde républicaine et le Commandant du Groupe de sécurité présidentielle dont la mission est d’assurer la sécurité du Chef de l’Etat, des hautes autorités de l’Etat ainsi que des édifices et des bâtiments nationaux (CI, article 2 du décret n° 90 – 191 du 28 février 1990 portant création de la Garde républicaine et le décret n° 95 – 625 du 9 août portant création du GSPR), s’opposeront avec tous les moyens réunis au rassemblement des rebelles sur la Place de la République. En outre, ils entendent prendre toues les dispositions de combat du temps de guerre, car ce rassemblement est une première étape à un assaut sur le palais qui a toujours été l’objectif majeur des rebelles. De ce fait, sera déclarée zone rouge la zone ci-dessous délimitée :
l Au nord : la zone définie par la voie partant du cercle des rails, passant par la radio jusqu’au carrefour Chardy.
l Au Sud : la ligne passant par le sud des deux ponts.
l A l’est : le boulevard lagunaire (du carrefour Chardy jusqu’au sud du pont De Gaulle)
l A l’ouest : le boulevard de la Carena (du garage central de la présidence au sud du pont Houphouët-Boigny).
Tout manifestant qui oserait s’y aventurer sera considéré comme combattant ennemi et traité comme tel sans somation.
Tout en vous priant monsieur le ministre, de porter ces mesures à la connaissance des différents chefs de cette coalition pour qu’ils prennent toutes leurs dispositions le jour de la marche.
Nous vous prions de bien vouloir accepter l’expression de nos profonds respects.
Fait à Abidjan le 18 mars 2004
Lieutenant Colonel Dogbo Blé Bruno
Commandant de la garde républicaine
Lieutenant colonel Ahouma Brouha Nathanaël
Commandant du groupe de sécurité présidentiel
Gbagbo avait réquisitionné l’armée pour massacrer les Ivoiriens
Nous publions quelques extraits du décret signé, par le chef de l’Etat portant réquisition des forces armées nationales.
Le Président Laurent Gbagbo, par un décret signé, hier lundi 22 mars, a décidé de réquisitionner l’armée pour empêcher la manifestation des «marcoussistes».
« Vu le décret n° 96-003 du 19 août 1996 portant organisation du commandement par les forces nationales.
Vu le décret n° 2003-305 du 13 mars 2003 portant nomination des membres du gouvernement tel que modifié et complété par les décrets n° 2003-345 du 12 septembre 2003 et n° 2003 – 349 du 15 septembre 2003.
Vu le décret n° 2003 – 102 du 24 avril 2003 portant attribution des membres du gouvernement de réconciliation nationale tel que modifié par le décret n° 2003-398 du 24 octobre 2003.
Vu le décret n° 2004-210 du 11 mars 2004 portant interdiction des marches et manifestations sur la voie publique et dans les lieux publics.
Vu l’urgence, décrète :
Article 1er: En vue de concourir au maintien de l’ordre public sur toute l’étendue du territoire national du lundi 22 mars au jeudi 15 avril 2004, les forces armées nationales font l’objet d’une réquisition générale.
Article 2 : L’autorité civile détermine les conditions et le moment où l’appui des forces armées s’avère nécessaire, elle coordonne l’ensemble des opérations de maintien de l’ordre et en rend compte au chef de l’Etat.
Article 3: Le ministre d’Etat, ministre de l’Administration du territoire, le ministre de la Défense et le ministre de la Sécurité intérieure sont chargés chacun en qui le concerne de l’exécution du présent décret qui sera publié selon la procédure d’urgence ainsi qu’au journal officiel de la République de Côte d’Ivoire.