Le passage de la pierre taillée à la pierre polie traduit, dans l’histoire de l’humanité, la volonté pour l’Homme de se doter de moyens plus efficaces pour s’assurer une meilleure existence. Cette manifestation de la race humaine est également le reflet de la bataille qui l’oppose à son environnement : dominer et maitriser celui-ci. Mais comment y réussir ? Savoir où nous sommes, qu’est ce qui nous entoure, avoir globalement une meilleure connaissance de notre milieu de vie ne constitue-t-il pas déjà un pas essentiel pour atteindre nos objectifs ? Pour connaître son environnement, l’homme a, d’abord, recours à ses sens, principalement à sa vision. Mais ce qu’il voit n’est qu’infiniment petit par rapport à tout ce qui l’entoure. Même lorsqu’il s’élève dans les cieux, sa vision des choses reste toujours imprécise. Pour avoir donc une vision globale et précise des éléments essentiels qui constituent son environnement, l’homme a pensé à d’autres méthodes telles que la cartographie.
La carte se présente comme un support d’informations qui est la traduction graphique des phénomènes qui nous entourent. Ce support d’informations, a pour vocation de répondre à des questions du genre : où est ce ? Qu’y a-t-il en ce lieu ? Où sont les objets de telle nature ? Quelle quantité y a t-il ici ? Où sont les limites ? Etc. La réponse à ces questions constitue, à n’en point douter, une masse considérable d’informations essentielles pour le développement durable qui repose sur une maîtrise des conséquences de la décision publique sur les ressources naturelles, les hommes et les grands équilibres.
Importance de l’information géographique
Le développement de l’informatique et ses corollaires sur les méthodes et techniques de production cartographique, nous amène à parler plus d’information géographique que de la carte. En effet, l’information géographique est la forme la plus élaborée de la carte. Cet outil, parce que lié à la géographie qui est souvent vue par les décideurs comme un sujet de connaissance encyclopédique, n’est pas considéré, à tord, comme un outil d’analyse des interactions spatiales. Les africains, en général, et les ivoiriens, en particulier, n’ont pas une culture de l’information géographique. Pour preuve, au moment où le réflexe du touriste occidental est d’acquérir une carte dès son arrivée dans un nouvel endroit afin d’avoir une vision synthétique de son environnement et s’orienter de façon autonome, notre culture de l’oralité nous conduit instinctivement au renseignement auprès de tierces personnes. Or, la carte, en tant que la toile de fond de l’information géographique, a été suscitée par l’homme pour avoir une vision globale et précise des éléments essentiels qui constituent son environnement.
Le secteur de la cartographie a longtemps été un domaine réservé à la stratégie militaire. C’est donc à juste titre que les premières cartes scientifiques étaient appelées cartes d’état major. A ce jour, dans beaucoup de pays, notamment les pays latino-américains, les structures de cartographie sont des structures militaires. En France, la production cartographique a été également longtemps du domaine militaire. Et, ce n’est qu’en 1940, durant la deuxième guerre mondiale, que, par stratégie, le service géographique de l’armée a été remplacé par une structure civile afin d’éviter le sort subi par toutes les structures militaires à cette époque.
Ici, en Côte d’Ivoire, le rôle primordial de la cartographie dans la défense du territoire a été relevé au cours de la «Journée Sécurité Nationale», organisée par le gouvernement, le 16 mai 2001 à Abidjan sur les «Enjeux et priorités de la sécurité nationale». En effet, au cours de cette journée, pour assurer la sécurité des populations et mieux lutter contre la fraude économique dans les zones frontalières ivoiriennes, il avait été notamment recommandé aux autorités gouvernementales compétentes « … l’élaboration de documents cartographiques qui permettront plus rapidement de faire l’état des lieux des zones frontalières… et d’envisager les dispositifs de surveillance appropriés… »
Dans la société moderne, la connaissance du territoire, de son occupation, des hommes qui y vivent et la maîtrise des paramètres de son développement, sont devenues essentielles. En effet, la carte fait apparaître de nouveaux besoins par la connaissance du milieu dès l’instant où une portion de territoire est cartographiée. De ce fait, géographes, géologues, pédologues, agronomes, forestiers, hydrauliciens, urbanistes, économistes, etc., en fait tous ceux qui œuvrent à modifier l’aspect politique, économique, social et culturel d’un Etat, y trouvent des données nécessaires pour agir : analyser, décider, exécuter.
C’est donc pourquoi l’Association Française pour l’Information Géographique (AFIGEO) souligne que «les technologies de l’information géographique constituent de formidables outils de connaissance et de gestion. Elles sont porteuses de développement pour les territoires et les structures qui les administrent ou qui s’y développent. La localisation des phénomènes étant cruciale dans la plupart des activités humaines, les outils de l’information géographique améliorent la qualité des services de domaines très diverses : santé, aménagement du territoire, gestion des risques, logistique, transport, gestion de flotte, sécurité routière, suivi environnemental, agriculture, urbanisme, …».
L’information géographique en Côte d’Ivoire
L’importance de la cartographie ou du moins de l’information géographique a très tôt été perçue par les dirigeants ivoiriens. Cela s’est traduit par la création dès 1963, de l’Institut Géographique de Côte d’Ivoire (IGCI) qui avait pour objectif principal d’exécuter ou de faire exécuter tous les travaux cartographiques d’intérêt général concernant le territoire national.
L’IGCI a permis à la Côte d’Ivoire d’avoir un patrimoine cartographique relativement enviable dans la sous-région. Cependant, l’absence de suivi du fonctionnement de cet institut a entraîné le vivotement de cette structure. En effet, jusqu’en 1992, date de dissolution de l’IGCI et la création du Centre de Cartographie et de Télédétection (CCT), la production cartographique est restée quasi nulle pendant plus de dix ans. Aussi, le gouvernement, en décidant par le décret 92-86 du 17 février 1992, de créer ce Centre, entendait-il se doter d’une structure plus opérationnelle capable de couvrir les besoins cartographiques de la Nation. Le CCT se voit ainsi attribuer des missions plus larges dévolues précédemment à l’IGCI, à savoir : (i) exécuter ou faire exécuter les travaux géographiques d’intérêt général concernant le territoire national, (ii) coordonner, normaliser et contrôler les travaux géographiques entrepris par des tiers avec la participation financière de l’Etat, (iii) centraliser l’archivage des négatifs et toutes les documentations géographiques résultant des travaux entrepris en Côte d’Ivoire par des organismes publics ou des sociétés privées bénéficiant de subventions de l’Etat.
Le constat fait par plusieurs spécialistes, est la méconnaissance de l’existence ainsi que des missions de cet important Centre qui, malgré tout, dispose d’un potentiel humain dont la qualité est unanimement reconnue dans ce domaine.
Dans la même foulée, l’Etat a créé, par décret n°92-538 du 02 septembre 1992, le Comité National de Télédétection et d’Informations Géographiques (CNTIG) avec pour mission de : (i) mettre en œuvre la politique générale en matière de télédétection et d’informations géographiques : orientations techniques et politiques d’équipement, (ii) susciter, soutenir les actions de sensibilisation et de recherche dans les domaines de la télédétection et de l’information géographique, (iii) établir et entretenir des liens de coopération avec les organismes extérieurs de télédétection et d’informations géographiques, (iv) veiller à l’harmonisation méthodique et technique en matière de télédétection et d’informations géographiques, (v) réunir et diffuser une documentation appropriée par la mise en œuvre et la tenue régulière d’une banque de données géographiques nationales.
De ce qui précède, l’on note que la vocation première du CNTIG est d’assurer la coordination des activités liées au secteur de l’information géographique. L’importance de la mission de ce comité a conduit les gouvernants a le doté d’un secrétariat logé au Cabinet du Premier Ministre pour que, dans son fonctionnement, elle soit affranchie des pesanteurs administratives.
Mais l’ambiguïté dans la répartition des rôles entre une autorité de coordination et une structure de production va semer le doute dans l’esprit des usagers de l’information géographique. Très peu de personnes arrivent à faire la différence dans la mission des principales structures en place. Et la rivalité latente entre elles, constitue un facteur inhibant vers la convergence des intelligences dans le secteur de l’information géographique pour une meilleure prise de conscience des décideurs.
Le délaissement des aspects harmonisation méthodique et technique, a pour conséquence l’absence de norme de production en Côte d’Ivoire. En effet, chaque structure assure sa production selon son concept et souvent selon les préoccupations du moment. Il n’est pas rare de constater que la nomenclature d’une même production varie dans le temps ou en fonction du client. Cela se traduit par l’incapacité des utilisateurs à pouvoir combiner les données produites par les différentes structures. Or, l’intérêt général commande que toutes les informations recueillies par les opérateurs du territoire soient rattachées à une référence commune. En effet, la qualité de la décision sur le territoire découle de la prise en compte de l’ensemble des paramètres influant sur son évolution dans des modèles complexes d’analyse. L’accumulation et le partage des informations localisées recueillies par chacun des acteurs sont essentiels à cette qualité. Ainsi, le premier pas d’une meilleure coopération entre acteurs dans l’élaboration des politiques publiques, c’est d’abord, le partage de l’information qu’ils recueillent et qu’ils analysent sur leur territoire commun. C’est dans cette optique que «dans la dynamique de pouvoir apporter une aide par la mise à disposition de données pouvant aider les organismes humanitaires et au delà, de renforcer les mécanismes de préparation aux éventuelles catastrophes par une production des cartes d’aide à la prise de décision , UNOCHA et le CNTIG ont initié l’idée visant à rapprocher les différents acteurs (Structures Nationales Ivoiriennes, Organisations Humanitaires, Agences des Nations Unies, etc.) impliqués dans la production d’informations géographiques afin de constituer une base de données géographiques de référence.».
Recommandations et suggestions
Pour que le partage de l’information géographique soit possible, il faille que cette information respecte des normes et des références communes, que son existence soit connue et son accès ouvert. En France, le Conseil National de l’Information Géographique (CNIG) « … contribue par ses études, avis ou propositions, à promouvoir le développement de l'information géographique et à améliorer les techniques correspondantes, en tenant compte des besoins exprimés par les utilisateurs publics ou privés... ». Il importe donc que nos gouvernants, prennent les dispositions idoines pour qu’il existe un cadre permanent pour la coordination et la normalisation de la production de l’information géographique en Côte d’Ivoire.
En outre, la recherche de l’optimum économique a pour conséquence qu’un ensemble d’activités situées en amont des applications particulières ne doivent pas êtres conduites plusieurs fois par une multiplicité d’acteurs. C’est pourquoi, dans la plupart des pays occidentaux de référence dans le domaine de l’information géographique, la production de l’information géographique de référence est une mission de service public.
En effet, en Allemagne, l’autorité nationale de cartographie est la Bundesamt für Kartographie und Geodäsie basée à Frankfurt. Cependant, l’Allemagne étant une république fédérale, chaque état fédéral a sa propre structure de cartographie. Les travaux cartographiques sont financés par les budgets des Etats fédérés qui proviennent d’une part, des impôts directs levés au niveau de l’Etat fédéré et d’autre part, du budget national.
En Angleterre, c’est l’Ordonnance Survey qui depuis bientôt 200 ans, assure la production cartographique de l’île sur financement de l’Etat avec environ 1 400 agents.
Aux USA, c’est l’USGS (U.S. Geological Survey) qui assure la production cartographique dans les domaines les plus variés avec plus de 10 000 agents, sur financement fédéral voté par le sénat américain. Ainsi, l’information géographique de référence est gratuite aux Etats-Unis.
En France, l’opérateur national est l’IGN (Institut Géographique National) qui travaille dans le domaine civil depuis 1940 par substitution du service géographique de l’armée. Cet institut a une mission de service public et reçoit à ce titre, chaque année une subvention de l’Etat, sous l’égide du programme «information géographique et cartographique» porté par le ministère de l’équipement (P. Lubek, Ph. Cannard, Y. Cousquer, 2005).
Fort donc de ce qui précède, il apparaît que la production de l’information géographique de référence est un monopole d’Etat exercé par une institution publique. Elle doit être perçue comme une infrastructure de développement au même titre que les infrastructures routières, de télécommunication, de production d’électricité, etc. L’Etat doit donc se donner les moyens de se doter d’une structure capable de remplir convenablement cette mission de service public prioritaire pour le développement harmonieux de notre nation. Les objectifs de production de ce service public ainsi que ses moyens d’actions doivent être votés au parlement après une consultation des différentes instances.
Conclusion
Ce ne sont pas de vaines affirmations que de dire que le niveau de développement d’un pays se mesure aussi par son niveau d’équipement en information géographique. Les gouvernants actuels doivent plus que jamais inscrire dans leurs priorités de reforme, celle du secteur de l’information géographique pour lui permettre de soutenir toutes les actions d’aménagement et d’administration du territoire et ce en conformité avec la résolution 131 (VI) du 19 février 1948 du Conseil Economique et Social des Nations Unies qui stipule : « … il incombe à tout gouvernement de savoir et d’en prendre conscience, au niveau des responsables de tous milieux qui le composent ou le représentent que la mise en valeur et l’administration convenable d’un pays sont inéluctablement liées à l’exécution préalable de travaux fondamentaux comprenant :
- une charpente géodésique à base scientifique et à caractère universel,
- une gamme de cartes de base actualisées à échelle variable et à vocation économique.
Ces travaux d’infrastructure sont indispensable au traitement judicieux de l’espace duquel dépendent essentiellement la vie et la prospérité de nos communautés….infrastructure à défaut de laquelle tous travaux de planification ne peuvent que dégénérer en confusion et en vains efforts. Cette tâche se confond avec le plus sacré et le plus indiscutable des devoirs de nos gouvernements… »
Yatié DIOMANDE
Ingénieur Cartographe
dyatie2005@yahoo.fr
La carte se présente comme un support d’informations qui est la traduction graphique des phénomènes qui nous entourent. Ce support d’informations, a pour vocation de répondre à des questions du genre : où est ce ? Qu’y a-t-il en ce lieu ? Où sont les objets de telle nature ? Quelle quantité y a t-il ici ? Où sont les limites ? Etc. La réponse à ces questions constitue, à n’en point douter, une masse considérable d’informations essentielles pour le développement durable qui repose sur une maîtrise des conséquences de la décision publique sur les ressources naturelles, les hommes et les grands équilibres.
Importance de l’information géographique
Le développement de l’informatique et ses corollaires sur les méthodes et techniques de production cartographique, nous amène à parler plus d’information géographique que de la carte. En effet, l’information géographique est la forme la plus élaborée de la carte. Cet outil, parce que lié à la géographie qui est souvent vue par les décideurs comme un sujet de connaissance encyclopédique, n’est pas considéré, à tord, comme un outil d’analyse des interactions spatiales. Les africains, en général, et les ivoiriens, en particulier, n’ont pas une culture de l’information géographique. Pour preuve, au moment où le réflexe du touriste occidental est d’acquérir une carte dès son arrivée dans un nouvel endroit afin d’avoir une vision synthétique de son environnement et s’orienter de façon autonome, notre culture de l’oralité nous conduit instinctivement au renseignement auprès de tierces personnes. Or, la carte, en tant que la toile de fond de l’information géographique, a été suscitée par l’homme pour avoir une vision globale et précise des éléments essentiels qui constituent son environnement.
Le secteur de la cartographie a longtemps été un domaine réservé à la stratégie militaire. C’est donc à juste titre que les premières cartes scientifiques étaient appelées cartes d’état major. A ce jour, dans beaucoup de pays, notamment les pays latino-américains, les structures de cartographie sont des structures militaires. En France, la production cartographique a été également longtemps du domaine militaire. Et, ce n’est qu’en 1940, durant la deuxième guerre mondiale, que, par stratégie, le service géographique de l’armée a été remplacé par une structure civile afin d’éviter le sort subi par toutes les structures militaires à cette époque.
Ici, en Côte d’Ivoire, le rôle primordial de la cartographie dans la défense du territoire a été relevé au cours de la «Journée Sécurité Nationale», organisée par le gouvernement, le 16 mai 2001 à Abidjan sur les «Enjeux et priorités de la sécurité nationale». En effet, au cours de cette journée, pour assurer la sécurité des populations et mieux lutter contre la fraude économique dans les zones frontalières ivoiriennes, il avait été notamment recommandé aux autorités gouvernementales compétentes « … l’élaboration de documents cartographiques qui permettront plus rapidement de faire l’état des lieux des zones frontalières… et d’envisager les dispositifs de surveillance appropriés… »
Dans la société moderne, la connaissance du territoire, de son occupation, des hommes qui y vivent et la maîtrise des paramètres de son développement, sont devenues essentielles. En effet, la carte fait apparaître de nouveaux besoins par la connaissance du milieu dès l’instant où une portion de territoire est cartographiée. De ce fait, géographes, géologues, pédologues, agronomes, forestiers, hydrauliciens, urbanistes, économistes, etc., en fait tous ceux qui œuvrent à modifier l’aspect politique, économique, social et culturel d’un Etat, y trouvent des données nécessaires pour agir : analyser, décider, exécuter.
C’est donc pourquoi l’Association Française pour l’Information Géographique (AFIGEO) souligne que «les technologies de l’information géographique constituent de formidables outils de connaissance et de gestion. Elles sont porteuses de développement pour les territoires et les structures qui les administrent ou qui s’y développent. La localisation des phénomènes étant cruciale dans la plupart des activités humaines, les outils de l’information géographique améliorent la qualité des services de domaines très diverses : santé, aménagement du territoire, gestion des risques, logistique, transport, gestion de flotte, sécurité routière, suivi environnemental, agriculture, urbanisme, …».
L’information géographique en Côte d’Ivoire
L’importance de la cartographie ou du moins de l’information géographique a très tôt été perçue par les dirigeants ivoiriens. Cela s’est traduit par la création dès 1963, de l’Institut Géographique de Côte d’Ivoire (IGCI) qui avait pour objectif principal d’exécuter ou de faire exécuter tous les travaux cartographiques d’intérêt général concernant le territoire national.
L’IGCI a permis à la Côte d’Ivoire d’avoir un patrimoine cartographique relativement enviable dans la sous-région. Cependant, l’absence de suivi du fonctionnement de cet institut a entraîné le vivotement de cette structure. En effet, jusqu’en 1992, date de dissolution de l’IGCI et la création du Centre de Cartographie et de Télédétection (CCT), la production cartographique est restée quasi nulle pendant plus de dix ans. Aussi, le gouvernement, en décidant par le décret 92-86 du 17 février 1992, de créer ce Centre, entendait-il se doter d’une structure plus opérationnelle capable de couvrir les besoins cartographiques de la Nation. Le CCT se voit ainsi attribuer des missions plus larges dévolues précédemment à l’IGCI, à savoir : (i) exécuter ou faire exécuter les travaux géographiques d’intérêt général concernant le territoire national, (ii) coordonner, normaliser et contrôler les travaux géographiques entrepris par des tiers avec la participation financière de l’Etat, (iii) centraliser l’archivage des négatifs et toutes les documentations géographiques résultant des travaux entrepris en Côte d’Ivoire par des organismes publics ou des sociétés privées bénéficiant de subventions de l’Etat.
Le constat fait par plusieurs spécialistes, est la méconnaissance de l’existence ainsi que des missions de cet important Centre qui, malgré tout, dispose d’un potentiel humain dont la qualité est unanimement reconnue dans ce domaine.
Dans la même foulée, l’Etat a créé, par décret n°92-538 du 02 septembre 1992, le Comité National de Télédétection et d’Informations Géographiques (CNTIG) avec pour mission de : (i) mettre en œuvre la politique générale en matière de télédétection et d’informations géographiques : orientations techniques et politiques d’équipement, (ii) susciter, soutenir les actions de sensibilisation et de recherche dans les domaines de la télédétection et de l’information géographique, (iii) établir et entretenir des liens de coopération avec les organismes extérieurs de télédétection et d’informations géographiques, (iv) veiller à l’harmonisation méthodique et technique en matière de télédétection et d’informations géographiques, (v) réunir et diffuser une documentation appropriée par la mise en œuvre et la tenue régulière d’une banque de données géographiques nationales.
De ce qui précède, l’on note que la vocation première du CNTIG est d’assurer la coordination des activités liées au secteur de l’information géographique. L’importance de la mission de ce comité a conduit les gouvernants a le doté d’un secrétariat logé au Cabinet du Premier Ministre pour que, dans son fonctionnement, elle soit affranchie des pesanteurs administratives.
Mais l’ambiguïté dans la répartition des rôles entre une autorité de coordination et une structure de production va semer le doute dans l’esprit des usagers de l’information géographique. Très peu de personnes arrivent à faire la différence dans la mission des principales structures en place. Et la rivalité latente entre elles, constitue un facteur inhibant vers la convergence des intelligences dans le secteur de l’information géographique pour une meilleure prise de conscience des décideurs.
Le délaissement des aspects harmonisation méthodique et technique, a pour conséquence l’absence de norme de production en Côte d’Ivoire. En effet, chaque structure assure sa production selon son concept et souvent selon les préoccupations du moment. Il n’est pas rare de constater que la nomenclature d’une même production varie dans le temps ou en fonction du client. Cela se traduit par l’incapacité des utilisateurs à pouvoir combiner les données produites par les différentes structures. Or, l’intérêt général commande que toutes les informations recueillies par les opérateurs du territoire soient rattachées à une référence commune. En effet, la qualité de la décision sur le territoire découle de la prise en compte de l’ensemble des paramètres influant sur son évolution dans des modèles complexes d’analyse. L’accumulation et le partage des informations localisées recueillies par chacun des acteurs sont essentiels à cette qualité. Ainsi, le premier pas d’une meilleure coopération entre acteurs dans l’élaboration des politiques publiques, c’est d’abord, le partage de l’information qu’ils recueillent et qu’ils analysent sur leur territoire commun. C’est dans cette optique que «dans la dynamique de pouvoir apporter une aide par la mise à disposition de données pouvant aider les organismes humanitaires et au delà, de renforcer les mécanismes de préparation aux éventuelles catastrophes par une production des cartes d’aide à la prise de décision , UNOCHA et le CNTIG ont initié l’idée visant à rapprocher les différents acteurs (Structures Nationales Ivoiriennes, Organisations Humanitaires, Agences des Nations Unies, etc.) impliqués dans la production d’informations géographiques afin de constituer une base de données géographiques de référence.».
Recommandations et suggestions
Pour que le partage de l’information géographique soit possible, il faille que cette information respecte des normes et des références communes, que son existence soit connue et son accès ouvert. En France, le Conseil National de l’Information Géographique (CNIG) « … contribue par ses études, avis ou propositions, à promouvoir le développement de l'information géographique et à améliorer les techniques correspondantes, en tenant compte des besoins exprimés par les utilisateurs publics ou privés... ». Il importe donc que nos gouvernants, prennent les dispositions idoines pour qu’il existe un cadre permanent pour la coordination et la normalisation de la production de l’information géographique en Côte d’Ivoire.
En outre, la recherche de l’optimum économique a pour conséquence qu’un ensemble d’activités situées en amont des applications particulières ne doivent pas êtres conduites plusieurs fois par une multiplicité d’acteurs. C’est pourquoi, dans la plupart des pays occidentaux de référence dans le domaine de l’information géographique, la production de l’information géographique de référence est une mission de service public.
En effet, en Allemagne, l’autorité nationale de cartographie est la Bundesamt für Kartographie und Geodäsie basée à Frankfurt. Cependant, l’Allemagne étant une république fédérale, chaque état fédéral a sa propre structure de cartographie. Les travaux cartographiques sont financés par les budgets des Etats fédérés qui proviennent d’une part, des impôts directs levés au niveau de l’Etat fédéré et d’autre part, du budget national.
En Angleterre, c’est l’Ordonnance Survey qui depuis bientôt 200 ans, assure la production cartographique de l’île sur financement de l’Etat avec environ 1 400 agents.
Aux USA, c’est l’USGS (U.S. Geological Survey) qui assure la production cartographique dans les domaines les plus variés avec plus de 10 000 agents, sur financement fédéral voté par le sénat américain. Ainsi, l’information géographique de référence est gratuite aux Etats-Unis.
En France, l’opérateur national est l’IGN (Institut Géographique National) qui travaille dans le domaine civil depuis 1940 par substitution du service géographique de l’armée. Cet institut a une mission de service public et reçoit à ce titre, chaque année une subvention de l’Etat, sous l’égide du programme «information géographique et cartographique» porté par le ministère de l’équipement (P. Lubek, Ph. Cannard, Y. Cousquer, 2005).
Fort donc de ce qui précède, il apparaît que la production de l’information géographique de référence est un monopole d’Etat exercé par une institution publique. Elle doit être perçue comme une infrastructure de développement au même titre que les infrastructures routières, de télécommunication, de production d’électricité, etc. L’Etat doit donc se donner les moyens de se doter d’une structure capable de remplir convenablement cette mission de service public prioritaire pour le développement harmonieux de notre nation. Les objectifs de production de ce service public ainsi que ses moyens d’actions doivent être votés au parlement après une consultation des différentes instances.
Conclusion
Ce ne sont pas de vaines affirmations que de dire que le niveau de développement d’un pays se mesure aussi par son niveau d’équipement en information géographique. Les gouvernants actuels doivent plus que jamais inscrire dans leurs priorités de reforme, celle du secteur de l’information géographique pour lui permettre de soutenir toutes les actions d’aménagement et d’administration du territoire et ce en conformité avec la résolution 131 (VI) du 19 février 1948 du Conseil Economique et Social des Nations Unies qui stipule : « … il incombe à tout gouvernement de savoir et d’en prendre conscience, au niveau des responsables de tous milieux qui le composent ou le représentent que la mise en valeur et l’administration convenable d’un pays sont inéluctablement liées à l’exécution préalable de travaux fondamentaux comprenant :
- une charpente géodésique à base scientifique et à caractère universel,
- une gamme de cartes de base actualisées à échelle variable et à vocation économique.
Ces travaux d’infrastructure sont indispensable au traitement judicieux de l’espace duquel dépendent essentiellement la vie et la prospérité de nos communautés….infrastructure à défaut de laquelle tous travaux de planification ne peuvent que dégénérer en confusion et en vains efforts. Cette tâche se confond avec le plus sacré et le plus indiscutable des devoirs de nos gouvernements… »
Yatié DIOMANDE
Ingénieur Cartographe
dyatie2005@yahoo.fr