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Économie Publié le jeudi 31 mai 2012 | Le Temps

Ppte / En attendant le Point d’Achèvement, échec relatif de l’emprunt obligataire…: Ouattara désavoué par le marché financier

Quand en janvier dernier nous attirions l’attention sur l’impossible bouclage du budget 2012 certains ont crié à l’oiseau de mauvais augure. Nous faisions remarquer en particulier que le gouvernement ne pouvait pas lever 600 milliards sur un marché monétaire et financier qu’il a lui-même délibérément abimé par son comportement et par la déprime économique et sociale qu’il impose aux ivoiriens. En effet, en s’appropriant unilatéralement les biens financiers des souscripteurs par la transformation en novembre 2011 de 542 milliards sur un encours total de bons du trésor échus de 627 milliards (soit 86.4%) aux conditions suivantes : 40% du montant transformé en titres de 2 ans au taux de 4.75%, 30% en titres de 3 ans au taux de 5% et 30% en titres de 5 ans au taux de 5.25%, le Trésor public ivoirien a fait exactement comme s’il n’allait plus jamais revenir sur le marché local et régional. Ce faisant il a brisé le fondement de tout emprunt futur: la confiance. Le voilà rattrapé aujourd’hui par ses propres turpitudes. Là où il a recueilli en septembre 2011, 160 milliards de FCFA contre 100 milliards attendus (160% de réalisation), les souscriptions franchissent juste le montant attendu, c’est-à-dire, les 60 milliards de Fcfa. Une source très crédible annonce 65 milliards de Fcfa. Après une prorogation de la période de souscription, et essentiellement au moyen de souscriptions d’organismes publics loin d’être effectives (le règlement des souscriptions par la banque du trésor ne se traduira pas par un transfert de ressources à l’Etat). On est bien loin de la performance de 2011 et c’est seulement les 35 milliards de Fcfa effectivement collectés (selon des indiscrétions) qui alimenteront les caisses du trésor. Ce que nous craignions est donc en train de se produire, et ce ne sont pas les ajustements de pure forme, qui s’apparentent a du « data massage » qui y changeront quelques choses. Même, la perspective de l’atteinte du point d’achèvement du Ppte n’y fera rien du tout. Au nombre des causes de l’échec de l’emprunt obligataire actuel il y a ce comportement du Trésor public évoqué ci-dessus. Mais, il y a aussi les faibles performances réelles des régies financières, malgré les bons chiffres affichés, et les perspectives économiques réelles du pays (avec les licenciements massifs, le faible paiement effectif des fournisseurs de l’Etat, la spoliation des producteurs de cacao, etc.), qui ne rassurent pas. Il convient d’y ajouter l’effet de la hausse récente de 10% de la tranche industrielles de l’électricité, donc une charge additionnelle pour les entreprises, et de la cherté de la vie, amenuisant toujours un peu plus les revenus réels des ménages. De fait, en s’attaquant aux cadres, aux paysans riches et aux entreprises prospères taxés d’être des pro-Gbagbo, en fermant les yeux sur les pillages de leurs biens et le gel systématique de leurs avoirs, on a cassé un des ressorts de la belle machine économique de la Côte d’Ivoire, la vitalité et la confiance de sa classe moyenne, qui expliquait les succès des émissions des titres publics. Enfin, les autorités ivoiriennes en niant les difficultés économiques et financières et les effets dévastateurs de l’insécurité endémique dans le pays, apparaissent comme peu crédibles. En combinant ces deux groupes de facteurs on comprend que la signature du Trésor public soit largement entamée aujourd’hui.
Face à cette situation certains pensent que le Ppte pourrait être une solution. Il n’en est rien du tout

Le bénéfice que pourrait tirer la Côte d’Ivoire au point d`achèvement du Ppte c`est «l’allègement de sa dette estimé à plus de 2500 milliards de Fcfa, qui commence par une réduction de cinq milliards de dollars du stock de sa dette», a fait savoir Wayne Camard (représentant résident du Fmi en Côte d`Ivoire) le jeudi 24 mai 2012 à l`Espace Crrae Uemoa au Plateau au cours de la cérémonie de lancement des perspectives régionales et de l`Union économique. Selon ce dernier le point d`achèvement du Ppte permettra tout juste à la Côte d`Ivoire de respecter ses engagements extérieurs mais il ne dégagera aucune ressource nouvelle. «Il n`y aura pas de ressources nouvelles disponibles pour les salaires ou autre chose dès l`atteinte du point d`achèvement». Ce qu’a acquiescé le ministre de l’Economie et des Finances Diby Charles, qui présidait la cérémonie. Nous ne disions pas autre chose dans un article publié il y a un mois et demi. Mais alors, d’où vient-il que certains membres du gouvernement ivoirien, à commencer par le chef de l’Etat lui-même et son Premier ministre, continuent de clamer qu’avec le point d’achèvement du Ppte tous les problèmes de la Côte d’Ivoire seront réglés. Ou bien ces ministres ne savent pas la réalité de ce dossier ou bien ils s’adonnent à un jeu devenu favori dans notre pays, dire des contre vérités et berner les populations. Il faut noter que M. Wayne en parlant de l’allègement attendu omet lui aussi de dire que sur les 5 milliards de dollars US (2500 milliards de Fcfa) d’allègement attendus la Côte d’Ivoire a déjà reçu, à la faveur de rééchelonnements et d’opérations d’apurement des arriérés concessionnels passés,1.5 milliard, ce qui ramène le gain réel attendu à seulement 3.5 milliards de dollars US, soit environs 1700 milliards de Fcfa, qui s’étalera sur plusieurs décennies. Le seul gain véritable de l’atteinte du point d’achèvement dans l’immédiat sera, comme nous l’indiquions dans l’article suscité, au niveau de la réduction du stock de la dette. Les implications selon le Fmi de cette régularisation, censée marquer un retour à la souveraineté financière et l’accès de l’Etat aux marchés financiers internationaux afin de chercher d’autres fonds nécessaires à d’autres investissements, soulèvent de grandes interrogations. Tout d’abord, quelle est la différence entre le budget sécurisé (appliqué par les gouvernements de Laurent Gbagbo) et la souveraineté financière ? Ce serait plus juste si le Fmi recommandait clairement à la Côte d’Ivoire de revenir au budget sécurisé après les balbutiements de ces deux dernières années, avec les veines gesticulations en vue de recueillir l’hypothétique pluie de milliards devant se déverser de l’extérieur. Ensuite, si la recommandation implicite du recours aux marchés c’est la course vers un ré endettement rapide sur les marchés internationaux de capitaux ce serait incompréhensible. Le programme Ppte lui-même recommande une politique des finances publiques très prudente et une surveillance étroite du ré endettement des Ppte après le point d’achèvement. L’actuelle crise à répétition des dettes souveraines dans la zone euro devrait être un élément supplémentaire pour recommander plutôt la prudence à la Cote d’Ivoire post-point d’achèvement. De plus, c’est ici que l’échec relatif du dernier emprunt obligatoire lancé par le trésor ivoirien, malgré l’annonce de l’obtention prochaine du point d’achèvement, nous interpelle. En effet, si le Trésor ivoirien ne rassure pas assez le marché local et sous régional, comment pourra-t-il rassurer les marchés internationaux ? Dans les conditions actuelles un recours aux marchés internationaux des capitaux n’est ni plus ni moins qu’une fuite en avant. Il faut dire la vérité aux autorités ivoiriennes qu’en dehors d’une solide base de revenu domestique pour le gouvernement et du respect des libertés économiques et de la propriété privée, il n’y a aucune autre issue. La relance économique après une crise aussi profonde que celle que le pays a connue ne peut être initiée que par le secteur public, accompagné par la restauration de la confiance des cadres et la promotion de véritables entrepreneurs. Or, ceci suppose une normalisation politique, la sécurité et la paix dans le pays, choses que le pouvoir ne semble pas presser d’enclencher véritablement au regard des propos tenus récemment par Mr. Ouattara sur Rfi.

Jean Charles Tiémélé, Economiste Financier
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