La disparition du monde bipolaire à la !n des années 1980 s’est traduite sur le plan de l’économie géopolitique par une a"rmation de la Chine en tant qu’acteur majeur en Afrique. Au cours de ces dernières années, ce pays a développé sur le continent africain une stratégie agressive de pénétration des marchés. Exploitant les failles de relations paternalistes longtemps fondées sur des zones d’in#uence historico- politique entre les puissances occidentales et les pays africains, la Chine, appuyée en cela sur son potentiel !nancier actuel, a acquis d’importants marchés dans de nombreux pays africains. En la matière, la réussite de cette stratégie est fondée sur sa politique de coopération, sa capacité !nancière à mobiliser des fonds et son dynamisme dans la mise en oeuvre des projets au travers d’entreprises d’État qu’elle ne cesse de promouvoir.
Les Chinois ont développé une politique de coopération économique avec l’étranger qui se situe aux antipodes de celle pendant longtemps pratiquée par les Occidentaux. Dès lors qu’elle eut vite appréhendé les similitudes entre sa culture et celle des Africains, la Chine resta !dèle à une politique de #exibilité dans sa politique de coopération économique avec notamment les États du continent.
Ses aides !nancières aux pays africains ne sont en rien liées au respect des valeurs démocratiques, des droits humains et d’un contrôle rigoureux de l’usage des fonds.
Sur le plan !nancier, la Chine dispose d’une réserve de change colossale de plus 1 900 milliards de dollars pour l’essentiel à la disposition de l’Exim Bank (China Export-Import Bank) de façon à mener sa politique d’investissement à l’étranger. Cette banque étatique joue un rôle essentiel dans la rétrocession de prêts gouvernementaux étrangers et elle est par ailleurs commise par l’État chinois pour proposer des prêts à des conditions préférentielles, mais aussi pour négocier des contrats de travaux publics ou tout type d’investissement à l’étranger, ceci s’appliquant en particulier à l’Afrique.
Dans son déploiement à l’étranger, Pékin, sur le plan opérationnel, a mis à contribution les secteurs essentiels de l’économie. Ainsi, dans le domaine des matières premières énergétiques, la China National Petroleum Corporation (CNPC) et la China Petroleum and Chemical Corporation (Sinopec) pour ne citer que ces deux majors, mettent en oeuvre une politique d’approvisionnement énergétique par l’exploitation à des conditions avantageuses de champs pétroliers dans nombre de pays africains.
Au Tchad, la CNPC a livré clés en main à l’État tchadien en juin 2011 sa première raffinerie de produits pétroliers. Pendant 99 ans, la Chine exploitera cette raffinerie à travers la CNPC à hauteur de 60 % contre 40 % à N’Djamena.
Dans le domaine des travaux publics, le schéma d’acquisition des parts de marchés et des opérations a%érentes est identique. En la matière, le top-10 des sociétés chinoises impliquées dans ces projets de travaux publics reste exclusivement formé par des entreprises d’État. La première est la China Civil Engineering Construction Company qui, dans la période 2001-2010, a conclu pour plus de 5 milliards de dollars de contrats ; cette entreprise étant active dans les infrastructures de transport. La seconde est le China Hydraulic and Hydroelectric Construction Group ; très active dans le secteur de l’électricité, celle-ci a conclu pour plus de 4 milliards de dollars de contrats. La troisième est Zhong Xing Telecommunication Equipment ; elle a conclu des contrats pour 2,1 milliards de dollars et travaille dans le secteur des télécommunications. Ces trois secteurs se sont octroyé une part importante dans les projets d’infrastructures en Afrique : électricité (33 %), transports (33 %, surtout par chemin de fer) et télécommunications (17 %) essentiellement concentrés sur le Nigeria, l’Angola, l’Éthiopie et le Soudan. (cf. annexe 3).
La Chine reste l’un des leaders mondiaux sur le plan de la construction, de l’aménagement de routes et de voies ferrées, ainsi que de l’installation de réseaux d’électricité. Cela parce que la Chine elle-même e%ectue actuellement un bond infrastructurel en avant impressionnant. Ces dix dernières années, le secteur chinois de la construction a enregistré une croissance moyenne de 20 % par an. Peu d’entreprises ont l’expérience des plus grandes entreprises chinoises de construction. D’où le fait que la Chine ra#e quasiment un tiers de tous les contrats en Afrique noire.
De 2001 à 2010, l’aide chinoise en Afrique pour la construction de routes, de chemins de fer, de réseaux d’électricité est passée de 1 à 7 milliards de dollars par an. Les transports par route et voies ferrées y sont dans un état lamentable et ils requièrent trois fois plus de temps qu’en Asie. Le transport par route y est entre trois et quatre fois plus onéreux qu’aux États-Unis. Dans de telles circonstances, peu d’investisseurs internationaux sont attirés par l’Afrique noire, même si les coûts de la main-d’oeuvre y sont très bas. L’absence d’infrastructures fiables constituant un obstacle important au développement de cette région du monde.
Certains prétendent que la Chine contribue à la mise en place des infrastructures africaines dans le but de remporter des contrats pétroliers. La Banque mondiale note toutefois qu’il n’y a lien avec l’exploitation du pétrole que dans 7 % des contrats de construction. Et il ne faut d’ailleurs pas oublier, ajoute cette institution, que ces cinq dernières années 40 % du pétrole africain est allé aux États-Unis, 17 % à l’Europe et 14 % à la Chine. Une tendance qui pourrait cependant s’inverser avec les dernières prises d’intérêt chinoises dans plusieurs pays notamment au Soudan, en Angola, au Nigeria (et dans la compagnie Addax). Quand à elle, la Chine considère son aide !nancière au développement, toujours selon la Banque mondiale, comme une forme de solidarité Sud-Sud. Mais aussi comme une collaboration économique Sud-Sud reposant sur le principe de l’utilité et de l’avantage mutuels.
La question majeure reste toutefois de savoir si l’Afrique saura réellement tirer pro!t des investissements chinois ? Cela reste à con!rmer. Notons que dans la politique chinoise d’investissement il n’y a pas le transfert de technologie. Le temps est arrivé pour les États africains de tirer pro!t des coopérations de développement économique avec la Chine en termes de gagnant-gagnant. Rappelons simplement que les Chinois eux-mêmes imposent aux investisseurs européens et américains le transfert de technologie.
Par Ibrahim Magassa
Economiste, membre de la Revue européenne de géopolitique
Directeur associé au Cabinet de Conseil international Algest Consulting
Les Chinois ont développé une politique de coopération économique avec l’étranger qui se situe aux antipodes de celle pendant longtemps pratiquée par les Occidentaux. Dès lors qu’elle eut vite appréhendé les similitudes entre sa culture et celle des Africains, la Chine resta !dèle à une politique de #exibilité dans sa politique de coopération économique avec notamment les États du continent.
Ses aides !nancières aux pays africains ne sont en rien liées au respect des valeurs démocratiques, des droits humains et d’un contrôle rigoureux de l’usage des fonds.
Sur le plan !nancier, la Chine dispose d’une réserve de change colossale de plus 1 900 milliards de dollars pour l’essentiel à la disposition de l’Exim Bank (China Export-Import Bank) de façon à mener sa politique d’investissement à l’étranger. Cette banque étatique joue un rôle essentiel dans la rétrocession de prêts gouvernementaux étrangers et elle est par ailleurs commise par l’État chinois pour proposer des prêts à des conditions préférentielles, mais aussi pour négocier des contrats de travaux publics ou tout type d’investissement à l’étranger, ceci s’appliquant en particulier à l’Afrique.
Dans son déploiement à l’étranger, Pékin, sur le plan opérationnel, a mis à contribution les secteurs essentiels de l’économie. Ainsi, dans le domaine des matières premières énergétiques, la China National Petroleum Corporation (CNPC) et la China Petroleum and Chemical Corporation (Sinopec) pour ne citer que ces deux majors, mettent en oeuvre une politique d’approvisionnement énergétique par l’exploitation à des conditions avantageuses de champs pétroliers dans nombre de pays africains.
Au Tchad, la CNPC a livré clés en main à l’État tchadien en juin 2011 sa première raffinerie de produits pétroliers. Pendant 99 ans, la Chine exploitera cette raffinerie à travers la CNPC à hauteur de 60 % contre 40 % à N’Djamena.
Dans le domaine des travaux publics, le schéma d’acquisition des parts de marchés et des opérations a%érentes est identique. En la matière, le top-10 des sociétés chinoises impliquées dans ces projets de travaux publics reste exclusivement formé par des entreprises d’État. La première est la China Civil Engineering Construction Company qui, dans la période 2001-2010, a conclu pour plus de 5 milliards de dollars de contrats ; cette entreprise étant active dans les infrastructures de transport. La seconde est le China Hydraulic and Hydroelectric Construction Group ; très active dans le secteur de l’électricité, celle-ci a conclu pour plus de 4 milliards de dollars de contrats. La troisième est Zhong Xing Telecommunication Equipment ; elle a conclu des contrats pour 2,1 milliards de dollars et travaille dans le secteur des télécommunications. Ces trois secteurs se sont octroyé une part importante dans les projets d’infrastructures en Afrique : électricité (33 %), transports (33 %, surtout par chemin de fer) et télécommunications (17 %) essentiellement concentrés sur le Nigeria, l’Angola, l’Éthiopie et le Soudan. (cf. annexe 3).
La Chine reste l’un des leaders mondiaux sur le plan de la construction, de l’aménagement de routes et de voies ferrées, ainsi que de l’installation de réseaux d’électricité. Cela parce que la Chine elle-même e%ectue actuellement un bond infrastructurel en avant impressionnant. Ces dix dernières années, le secteur chinois de la construction a enregistré une croissance moyenne de 20 % par an. Peu d’entreprises ont l’expérience des plus grandes entreprises chinoises de construction. D’où le fait que la Chine ra#e quasiment un tiers de tous les contrats en Afrique noire.
De 2001 à 2010, l’aide chinoise en Afrique pour la construction de routes, de chemins de fer, de réseaux d’électricité est passée de 1 à 7 milliards de dollars par an. Les transports par route et voies ferrées y sont dans un état lamentable et ils requièrent trois fois plus de temps qu’en Asie. Le transport par route y est entre trois et quatre fois plus onéreux qu’aux États-Unis. Dans de telles circonstances, peu d’investisseurs internationaux sont attirés par l’Afrique noire, même si les coûts de la main-d’oeuvre y sont très bas. L’absence d’infrastructures fiables constituant un obstacle important au développement de cette région du monde.
Certains prétendent que la Chine contribue à la mise en place des infrastructures africaines dans le but de remporter des contrats pétroliers. La Banque mondiale note toutefois qu’il n’y a lien avec l’exploitation du pétrole que dans 7 % des contrats de construction. Et il ne faut d’ailleurs pas oublier, ajoute cette institution, que ces cinq dernières années 40 % du pétrole africain est allé aux États-Unis, 17 % à l’Europe et 14 % à la Chine. Une tendance qui pourrait cependant s’inverser avec les dernières prises d’intérêt chinoises dans plusieurs pays notamment au Soudan, en Angola, au Nigeria (et dans la compagnie Addax). Quand à elle, la Chine considère son aide !nancière au développement, toujours selon la Banque mondiale, comme une forme de solidarité Sud-Sud. Mais aussi comme une collaboration économique Sud-Sud reposant sur le principe de l’utilité et de l’avantage mutuels.
La question majeure reste toutefois de savoir si l’Afrique saura réellement tirer pro!t des investissements chinois ? Cela reste à con!rmer. Notons que dans la politique chinoise d’investissement il n’y a pas le transfert de technologie. Le temps est arrivé pour les États africains de tirer pro!t des coopérations de développement économique avec la Chine en termes de gagnant-gagnant. Rappelons simplement que les Chinois eux-mêmes imposent aux investisseurs européens et américains le transfert de technologie.
Par Ibrahim Magassa
Economiste, membre de la Revue européenne de géopolitique
Directeur associé au Cabinet de Conseil international Algest Consulting