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Économie Publié le mercredi 17 octobre 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Malamine Sanogo, directeur exécutif de l’ARECA : ‘‘Comment nous allons transformer toute la production à l’horizon 2020’’

© L’intelligent d’Abidjan Par DR
Autorité de régulation du coton et l’anacarde (ARECA): Bamba Mamadou, président du Conseil d’administration
Photo: le président du conseil d’administration de l’ARECA, M. Bamba Mamadou
La Côte d’Ivoire était présente à la 7ème conférence annuelle de l’Alliance africaine pour le cajou (ACA) tenue à Cotonou (Bénin) du 17 au 20 septembre 2012. A son retour de cette mission, nous avons rencontré le directeur exécutif de l’Autorité de régulation du coton et de l’anacarde (ARECA), Malamine Sanogo. Dans cette interview, il évoque les maux de la filière, la réforme en cours, les résolutions de la 7ème conférence, l’industrialisation de la filière…
A quand la mise en place de la réforme de la filière anacarde?
Les travaux de la réforme de la filière anacarde sont assez avancés. Le ministère de l’Agriculture a déjà organisé des discussions avec les acteurs de la filière. Les partenaires techniques et financiers ont aussi apporté leur contribution. La réforme telle qu’elle est menée se fera progressivement et des dispositions urgentes pourront être mises en œuvre dès la campagne 2013.

Quels sont les grands axes de cette réforme ?
Les axes sont articulés autour de la production, la commercialisation et la transformation. Pour la production, l’accent est mis sur la sélection variétale pour fournir des plants à haut rendement aux producteurs ; de même, l’encadrement des producteurs qui jusque-là n’existe pas dans la filière anacarde sera instauré. La commercialisation intérieure sera structurée afin d’offrir un prix garanti aux producteurs. Enfin, la réforme indique les voies et moyens d’atteindre l’objectif de 50% de taux de transformation à l’horizon 2015 et 100% en 2020. Il s’agit maintenant pour le Gouvernement d’arrêter les orientations définitives.

Alors que vous parlez de bonne pratique agricole ? notamment le séchage, le tri et le conditionnement, les producteurs eux parlent de sacherie non appropriée. Etes-vous sur la même longueur d’onde ?
Le problème de manque de sacherie propre à la filière anacarde est une préoccupation importante. Et c’est à juste titre que les producteurs s’en plaignent. Ceci joue sur la qualité de leurs produits. Nous sommes sur la même longueur d’onde. La sacherie inappropriée, de même que le non-respect des bonnes pratiques agricoles sont des facteurs qui influent négativement sur la qualité des noix. Aussi faut-il déplorer l’absence de l’interprofession dans la filière cajou.

Le Bénin et la Gambie tirent une bonne partie de leurs ressources de l’exportation de la noix de cajou, or leurs productions sont largement inférieures à celles de la Côte d’Ivoire. Pourquoi le cadre institutionnel devant régir la filière ivoirienne tarde t-il à être mis en place ?
Le cadre institutionnel régissant la filière ivoirienne a été mis en place à travers l’ordonnance 2002-448 du 16 septembre 2002 fixant le cadre organisationnel des filières coton et anacarde. Avec ce cadre institutionnel, l’autorité de régulation du coton et de l’anacarde (ARECA) a été créée. Avec pour rôle de mettre en place un cadre réglementaire régissant les filières coton et anacarde et veiller au respect des dispositions réglementaires. L’ARECA a jeté les bases de l’organisation de la filière dans un contexte sociopolitique difficile. Aujourd’hui, il est question de faire face aux problèmes persistants de la filière, de franchir un cap en ayant un projet ambitieux d’organisation et de développement de la filière. C’est le sens de l’engagement du président de la République qui, dans son discours-programme, a décidé de la réorganisation de la filière afin d’offrir un prix minimum garanti aux producteurs. Dans cette même veine, les acteurs, en particulier les producteurs seront organisés conformément à l’ordonnance 2011-473 du 21 décembre 2011 relative aux organisations interprofessionnelles agricoles. Ce sont les orientations du président de la République qui fondent la mise en place d’un nouveau cadre institutionnel à travers l’élaboration de la réforme.

La mauvaise qualité n’est-elle pas la plaie de la filière cajou qui explique la réticence des pays consommateurs ?
Il faut souligner à ce niveau qu’il n’y a pas de contact direct entre les pays producteurs et les pays consommateurs. Et la mauvaise qualité est une des plaies de la filière. Mais il importe d’analyser plus délicatement la question de la mévente des produits. Les grands pays importateurs de noix, notamment l’Inde et le Vietnam dominent le marché et influencent les achats du fait de la trop forte dépendance vis-à-vis de ces pays pour l’exportation de nos noix. Il arrive très souvent que malgré les contrats passés avec des opérateurs basés en Côte d’Ivoire, une fois les produits sur les ports d’Asie, ces contrats sont dénoncés sous le prétexte de la mauvaise qualité alors que ces mêmes importateurs font vérifier la qualité des produits au départ dans les ports ivoiriens. La qualité de nos produits n’est donc pas forcément la seule raison en cause, très souvent les importateurs font preuve de mauvaise foi en profitant de la faible organisation de la filière anacarde. La réforme de la filière prévoit l’amélioration de la qualité et de l’image des noix ivoiriennes afin de rechercher d’autres marchés en dehors des marchés indiens et vietnamiens. Notamment le Brésil dont la part dans nos exportations est de plus en plus croissante.

Qu’en est-il du contrôle sur les acheteurs, ce maillon pourtant essentiel de la chaîne et qui est tant décrié ?
Les acheteurs de noix de cajou sont un maillon qui est intégré dans le projet de développement de la filière. A ce titre, ils ont été consultés dans le cadre de la réforme de la filière. Contrairement à certaines positions qui considèrent leur agrément comme l’officialisation d’autres intermédiaires, nous pensons plutôt que cela permettra de mieux circonscrire leur nombre et leurs interventions et de lutter contre l’anarchie bord champ, au profit des producteurs et des coopératives. Au stade actuel, ce maillon nous paraît incontournable. Ainsi, à partir de la campagne prochaine, ils seront identifiés et des dispositions réglementaires seront prises pour qu’ils soient par la suite agréés. Ils n’ont pas été oubliés. Au contraire, le nouveau système de commercialisation de la noix, s’il est adopté, les impliquera fortement car les acheteurs sont le pilier de la commercialisation.

Va-t-il avoir une bourse du cajou à l’image des autres produits agricoles comme le café et le cacao ?
La création de la bourse est une initiative mondiale. La Côte d’Ivoire à elle seule ne peut pas y arriver. Ce que nous prévoyons à notre niveau, est la création d’une bourse physique pour mettre en interactivité les acheteurs et les vendeurs. Tout de même pour qu’une initiative mondiale prenne forme, il faut attendre au minimum 2 ans.

La volatilité des prix touche la plupart des pays producteurs de la région. Quelles ont été les recommandations à ce niveau à Cotonou ?
Il faut noter que tous les produits agricoles sont soumis à la volatilité des prix. Au-delà même de la conférence de Cotonou, il faut savoir que la volatilité des prix procède du principe de l’offre et de la demande. Par conséquent, en tant que producteur, il nous revient de chercher à contrôler notre offre aussi bien son volume que sa qualité et sa diversité. Pour la filière anacarde, il s’agit de toutes les actions d’amélioration de la qualité et surtout de transformation locale qui nous permettent en tant que deuxième producteur et premier exportateur mondial, de contrôler le volume de noix de cajou mis sur le marché et de devenir un acteur majeur sur le marché des amandes et des autres produits de l’anacardier. L’exportation en l’état de toute la production de noix de cajou estimée en 2012 à 450 000 tonnes rapporterait environ 200 milliards FCFA alors que l’exportation des amandes issues du décorticage de cette production rapporterait environ 340 milliards FCFA. Ce niveau de revenu permet à la filière de mettre en œuvre un mécanisme interne pour amortir la volatilité des prix internationaux et soutenir le prix aux producteurs. Le gros problème de la filière est de structurer et transformer, c’est à cela que nous travaillons, notamment en participant aux activités de l’Alliance africaine du cajou.

La fuite de produits vers certains pays voisins est un phénomène de plus en plus récurrent. Que faites-vous à ce niveau ?
La fuite des produits vers les pays limitrophes est un enjeu majeur pour l’ARECA et pour toute la filière anacarde. C’est à ce titre que nous n’avons de cesse de sensibiliser les opérateurs des zones frontières et surtout les autorités administratives et politiques, le Gouvernement sur les pertes subies par la filière. En 2011, environ 125 000 tonnes de noix de cajou, soit environ 60 milliards FCFA représentant plus du quart des revenus de la filière ont été concernées par ce commerce illicite. L’ARECA a même initié en début de campagne 2012 de commercialisation des noix de cajou, un atelier à Bondoukou autour du thème ‘’la porosité des frontières’’ pour identifier avec tous les acteurs et partenaires de la filière, des mesures de lutte contre ce phénomène. Même si en termes de proportion, la filière anacarde semble plus concernée, les montants en jeu dans les filières comme le café-cacao devraient susciter un engagement plus fort du Gouvernement.

Des industriels ont affiché leur volonté de venir s’installer en Côte d’Ivoire à l’issue de la 7è conférence annuelle de l’ACA et devant la faible capacité de transformation locale estimée à 50 000 tonnes, l’Etat prévoit 50% de transformation en 2015 et 100% en 2020. Ces objectifs paraissent-ils réalistes à votre avis?
L’objectif affiché par l’Etat de Côte d’Ivoire est réaliste et salutaire pour tous les acteurs de la filière. Au cours des 3 prochaines années, le Gouvernement entend appuyer la mise au point d’une croissance intégrée et rentable du secteur de la transformation en passant d’une production d’amandes blanches de cajou de 13 000 tonnes en 2011 à plus de 200 000 tonnes en 2015. Pour y parvenir, le Gouvernement, à travers l’ARECA, entend appuyer la mise au point de la rentabilité de plusieurs types de transformation mécanisées en pourvoyant une assistance adéquate aux entrepreneurs afin de garantir l’assistance technique de qualité et les ressources financières en temps opportun. Pour l’industrialisation de la filière cajou, les réflexions s’articuleront autour des trois types d’unités existants en Côte d’Ivoire, à savoir les grandes unités mécanisées, d’une capacité de 10 000 à 30 000 tonnes ; les unités semi-industrielles de capacité de 1 000 à 10 000 tonnes et les petites unités ou unités artisanales, de capacité de moins de 1 000 tonnes. Aussi pour être pratique, on enregistre aujourd’hui une dizaine d’initiatives en cours de construction d‘unités de décorticage de cajou en Côte d’Ivoire. la mise en œuvre de la stratégie se basera sur la mise en place d’une plate-forme de partenariats publics-privés (PPP) pour identifier et coordonner toutes les actions de transformation locale.

Qu’est-ce que les producteurs ivoiriens pourraient attendre de la 7ème conférence annuelle de l’ACA et dans quel délai ?
Notre participation à la 7ème conférence annuelle de l’ACA était de pouvoir organiser les producteurs à s’intéresser à la transformation en créant des unités satellites à travers des partenariats avec les moyennes et grandes unités. Cela se fera sous la supervision de l’ARECA. En marge de l’assemblée annuelle, un partenariat a été signé entre l’ARECA et l’ACA. Le point fort de ce partenariat est l’établissement des liens avec des partenaires internationaux pour la mise en œuvre de la stratégie ivoirienne de développement de l’activité cajou. L’ACA s’engage également à fournir chaque année à l’ARECA des informations actualisées sur le nombre d’unités de transformation, la capacité totale installée en Afrique et l’effectif total d’employés engagés dans la transformation. Aussi la promotion de la destination Côte d’Ivoire a été faite par le CEPICI durant la table-ronde de haut niveau en présence des ministres de l’agriculture et du commerce des 12 pays principaux producteurs de cajou. De même la participation au comité de pilotage du projet initiative du cajou africain (ICA) mis en œuvre au Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana et Mozambique. Le projet ICA est un projet fédérateur mis en œuvre dans 5 pays africains qui produisent et exportent des noix de cajou sans grande valeur ajoutée. L’objectif du projet est d’améliorer la compétitivité des producteurs africains de noix de cajou et de réduire durablement la pauvreté. En combinant diverses stratégies, ICA aidera 150 000 producteurs de noix de cajou à accroître leur revenu annuel d’au moins 100 dollars US soit 50 000 FCFA en l’espace de 4 ans.
Réalisée par FO
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