Le président Alassane Ouattara avait promis la sécurité et un nouveau souffle pour l'emploi. Où en est l'économie ivoirienne deux ans après la capture de Laurent Gbagbo ? Depuis six mois, l'un des plus vieux compagnons de route du président dirige le gouvernement : Daniel Kablan Duncan. Il compte, entre autres, sur le retour des investisseurs privés, comme il l'a expliqué à un confrère de Rfi.
Deux ans après la fin de la guerre, l'activité économique ne reprend-elle pas un peu trop lentement ?
Au contraire, l'activité reprend très vite et cela surprend la plupart de nos partenaires au développement. Pour l'année 2012, nous avons eu une croissance positive de 9,8% alors que les projections initiales du Fonds monétaire internationale et de la Banque mondiale donnaient une croissance de 8,1% et pour 2013, une croissance de 9%.
Le chômage des jeunes ne reste-t-il pas le gros problème ?
Ce problème est important. Cela fait partie des défis. Sur la période 2000-2010, il y a eu une croissance de seulement 0,6%, donc ça ne rattrape pas ce qu'il faut faire. Nous avons plusieurs actions en cours. Tout d'abord ce qu'on appelle les Thimo, ces travaux à haute intensité de main d'oeuvre, comme les routes, les autoroutes, et ensuite tout le secteur agricole. Dans ce programme, les possibilités d'emplois sont estimées entre 1,5 million et 2,5 millions de personnes. Et notre objectif, c'est d'atteindre une croissance à deux chiffres. Nous avons de plus en plus d'entreprises, qui avaient quitté la Côte d'Ivoire dans la période de crise, et qui reviennent. Un autre indicateur important : tous les vols sur Abidjan sont maintenant pleins. Donc, l'aéroport d'Abidjan va être de nouveau le hub, avec des hôtels, des parcs d'exposition... Abidjan va devenir une sorte de petite Dubaï pour l'Afrique de l'Ouest.
Parmi les grands travaux dont vous avez parlé, il y a la construction d'un deuxième terminal au port d'Abidjan. L'appel d'offres a été gagné par le groupe Maersk-Bolloré-Bouygues. Martin Bouygues est l'un de vos vieux amis. Cela a facilité les choses, ou pas ?
C'était un appel d'offres ouvert, transparent. Ils étaient moins bien classés au point de vue technique. Mais ils ont fait une offre financière de qualité qui a permis, au total, de l'emporter.
Pour qu'il y ait croissance, il faut la sécurité. L'an dernier, l'agglomération d'Abidjan a été secouée par plusieurs attentats. Ne craignez-vous pas que cela se reproduise ?
Des dispositions ont été prises dans ce domaine. D'abord, la mise en place de ce qu'on appelle le Conseil national de sécurité, le CNS, que préside le président de la République lui-même, et qui se réunit tous les jeudis. Le deuxième point, c'est les discussions que nous avons avec les pays voisins, notamment avec le Liberia et avec le Ghana, d'où partent un certain nombre de gens qui font ces attaques. Pour la plupart, ce sont des ex-combattants de l'ancien régime, réfugiés là-bas, qui font ce genre d'attaques. Et il y a un travail de collaboration, de très haut niveau et de bonne qualité, avec ces deux pays. Donc, il y a beaucoup d'actions pour assurer la sécurité. Le retour en Côte d'Ivoire de la Banque africaine de développement, la BAD, est un signe important. Car selon leur indice d'insécurité, on est passé de 4 à 1.
Vous parliez du Liberia. Dans l'ouest de votre pays, les attaques meurtrières en provenance du Liberia ont repris le mois dernier. Pourquoi l'Etat ne peut-il garantir l'ordre et la sécurité dans cette région ?
En Côte d'Ivoire, nous avons maintenant déployé une force combattante le long de la frontière avec le Liberia. Des manoeuvres conjointes ont été faites. Un nettoyage a été fait au niveau de la frontière. Ils ont installé non seulement les forces armées, mais aussi des commissariats dans les grandes villes de la frontière. Nous allons même faire en sorte que nous puissions faire de cette zone une zone de développement, en faisant une rencontre prochaine entre les chefs traditionnels des deux côtés, de manière à pouvoir faire une zone de prospérité plutôt qu'une zone de combat.
Le 20 juillet, des miliciens appuyés par des Dozos et des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) sont fortement soupçonnés d'avoir tué un certain nombre de Guérés dans un camp de déplacés près de Duékoué. La justice va-t-elle passer ou pas ?
Cela fait l'objet d'une enquête. On a déterré les morts pour faire des expertises. Il faut quand même que la justice aille à son rythme et fasse les expertises normales, et qu'on ne condamne pas des innocents. Parce que demain, ce seront les mêmes personnes qui diront : « La justice a été expéditive, c'est la justice des vainqueurs ».
C'est vrai que beaucoup d'ONG parlent de justice des vainqueurs parce qu'elles constatent que depuis la fin de la guerre, 150 personnes pro-Gbagbo ont été inculpées de violences post-électorales et personne côté pro-Ouattara.
Il y a une commission nationale d'enquête qui a donné ses résultats l'année dernière. Cette commission a indexé à la fois des gens des deux côtés, au niveau des pro-Gbagbo comme vous dites, et des pro-Ouattara. Peut-être vous ne le savez pas, il y a des fosses communes à Abidjan qui ont fait l'objet de déterrement et la justice est à même de jouer son rôle.
En janvier, vous avez ouvert un dialogue avec le Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo, mais ces négociations ont échoué puisque le FPI va boycotter les élections locales du 21 avril. Vous êtes déçu ?
Je ne pense pas que ces négociations aient échoué. Première chose. Et je n'ai pas à être déçu. Les négociations ont eu lieu, ont fortement avancé quand, à un moment donné, le FPI a soulevé deux problèmes importants pour eux, à savoir qu'ils appelaient au dialogue au sommet et le problème d'amnistie générale. Sur ces deux questions, nous ne nous sommes donc pas entendus. Nous avons convenu que nous devions nous retrouver après les élections pour pousser les discussions. Il n'y a pas de quoi être déçu.
Donc, pour vous, l'amnistie pour toutes les personnes poursuivies depuis deux ans n'est pas possible ?
L'amnistie générale, non ! Le président de la République, de par la loi, a des pouvoirs en matière de grâce et d'amnistie. Mais il faut d'abord que la justice passe et donc qu'il y ait un jugement.
Vous évoquez ce dialogue au sommet que souhaitent les pro-Gbagbo. Ils rêvent d'une rencontre un jour entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. Vous pensez que ce sera possible ?
Où veulent-ils se rencontrer ? Là-bas, dans un parloir ? Deuxième chose : il s'agit d'une justice internationale. Est-ce que vous ne direz pas qu'il y a interférence dans l'action de cette justice internationale s'il y a une telle rencontre ? Ce sont des interrogations que je vais formuler lors de la rencontre avec eux.
Voulez-vous dire que le FPI doit se défaire du mythe du retour un jour de Laurent Gbagbo sur la scène politique ivoirienne ?
Ce n'est pas moi qui le dis. C'est la justice, la CPI qui doit se prononcer. Si la CPI estime qu'il n'a rien fait, et qu'on le libère, la Côte d'Ivoire est son pays, il peut revenir ici. Il n'y a vraiment aucun problème de ce côté-là. Maintenant, s'il est condamné par la CPI, ça c'est le dossier de la justice internationale. C'est tout
Deux ans après la fin de la guerre, l'activité économique ne reprend-elle pas un peu trop lentement ?
Au contraire, l'activité reprend très vite et cela surprend la plupart de nos partenaires au développement. Pour l'année 2012, nous avons eu une croissance positive de 9,8% alors que les projections initiales du Fonds monétaire internationale et de la Banque mondiale donnaient une croissance de 8,1% et pour 2013, une croissance de 9%.
Le chômage des jeunes ne reste-t-il pas le gros problème ?
Ce problème est important. Cela fait partie des défis. Sur la période 2000-2010, il y a eu une croissance de seulement 0,6%, donc ça ne rattrape pas ce qu'il faut faire. Nous avons plusieurs actions en cours. Tout d'abord ce qu'on appelle les Thimo, ces travaux à haute intensité de main d'oeuvre, comme les routes, les autoroutes, et ensuite tout le secteur agricole. Dans ce programme, les possibilités d'emplois sont estimées entre 1,5 million et 2,5 millions de personnes. Et notre objectif, c'est d'atteindre une croissance à deux chiffres. Nous avons de plus en plus d'entreprises, qui avaient quitté la Côte d'Ivoire dans la période de crise, et qui reviennent. Un autre indicateur important : tous les vols sur Abidjan sont maintenant pleins. Donc, l'aéroport d'Abidjan va être de nouveau le hub, avec des hôtels, des parcs d'exposition... Abidjan va devenir une sorte de petite Dubaï pour l'Afrique de l'Ouest.
Parmi les grands travaux dont vous avez parlé, il y a la construction d'un deuxième terminal au port d'Abidjan. L'appel d'offres a été gagné par le groupe Maersk-Bolloré-Bouygues. Martin Bouygues est l'un de vos vieux amis. Cela a facilité les choses, ou pas ?
C'était un appel d'offres ouvert, transparent. Ils étaient moins bien classés au point de vue technique. Mais ils ont fait une offre financière de qualité qui a permis, au total, de l'emporter.
Pour qu'il y ait croissance, il faut la sécurité. L'an dernier, l'agglomération d'Abidjan a été secouée par plusieurs attentats. Ne craignez-vous pas que cela se reproduise ?
Des dispositions ont été prises dans ce domaine. D'abord, la mise en place de ce qu'on appelle le Conseil national de sécurité, le CNS, que préside le président de la République lui-même, et qui se réunit tous les jeudis. Le deuxième point, c'est les discussions que nous avons avec les pays voisins, notamment avec le Liberia et avec le Ghana, d'où partent un certain nombre de gens qui font ces attaques. Pour la plupart, ce sont des ex-combattants de l'ancien régime, réfugiés là-bas, qui font ce genre d'attaques. Et il y a un travail de collaboration, de très haut niveau et de bonne qualité, avec ces deux pays. Donc, il y a beaucoup d'actions pour assurer la sécurité. Le retour en Côte d'Ivoire de la Banque africaine de développement, la BAD, est un signe important. Car selon leur indice d'insécurité, on est passé de 4 à 1.
Vous parliez du Liberia. Dans l'ouest de votre pays, les attaques meurtrières en provenance du Liberia ont repris le mois dernier. Pourquoi l'Etat ne peut-il garantir l'ordre et la sécurité dans cette région ?
En Côte d'Ivoire, nous avons maintenant déployé une force combattante le long de la frontière avec le Liberia. Des manoeuvres conjointes ont été faites. Un nettoyage a été fait au niveau de la frontière. Ils ont installé non seulement les forces armées, mais aussi des commissariats dans les grandes villes de la frontière. Nous allons même faire en sorte que nous puissions faire de cette zone une zone de développement, en faisant une rencontre prochaine entre les chefs traditionnels des deux côtés, de manière à pouvoir faire une zone de prospérité plutôt qu'une zone de combat.
Le 20 juillet, des miliciens appuyés par des Dozos et des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) sont fortement soupçonnés d'avoir tué un certain nombre de Guérés dans un camp de déplacés près de Duékoué. La justice va-t-elle passer ou pas ?
Cela fait l'objet d'une enquête. On a déterré les morts pour faire des expertises. Il faut quand même que la justice aille à son rythme et fasse les expertises normales, et qu'on ne condamne pas des innocents. Parce que demain, ce seront les mêmes personnes qui diront : « La justice a été expéditive, c'est la justice des vainqueurs ».
C'est vrai que beaucoup d'ONG parlent de justice des vainqueurs parce qu'elles constatent que depuis la fin de la guerre, 150 personnes pro-Gbagbo ont été inculpées de violences post-électorales et personne côté pro-Ouattara.
Il y a une commission nationale d'enquête qui a donné ses résultats l'année dernière. Cette commission a indexé à la fois des gens des deux côtés, au niveau des pro-Gbagbo comme vous dites, et des pro-Ouattara. Peut-être vous ne le savez pas, il y a des fosses communes à Abidjan qui ont fait l'objet de déterrement et la justice est à même de jouer son rôle.
En janvier, vous avez ouvert un dialogue avec le Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo, mais ces négociations ont échoué puisque le FPI va boycotter les élections locales du 21 avril. Vous êtes déçu ?
Je ne pense pas que ces négociations aient échoué. Première chose. Et je n'ai pas à être déçu. Les négociations ont eu lieu, ont fortement avancé quand, à un moment donné, le FPI a soulevé deux problèmes importants pour eux, à savoir qu'ils appelaient au dialogue au sommet et le problème d'amnistie générale. Sur ces deux questions, nous ne nous sommes donc pas entendus. Nous avons convenu que nous devions nous retrouver après les élections pour pousser les discussions. Il n'y a pas de quoi être déçu.
Donc, pour vous, l'amnistie pour toutes les personnes poursuivies depuis deux ans n'est pas possible ?
L'amnistie générale, non ! Le président de la République, de par la loi, a des pouvoirs en matière de grâce et d'amnistie. Mais il faut d'abord que la justice passe et donc qu'il y ait un jugement.
Vous évoquez ce dialogue au sommet que souhaitent les pro-Gbagbo. Ils rêvent d'une rencontre un jour entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. Vous pensez que ce sera possible ?
Où veulent-ils se rencontrer ? Là-bas, dans un parloir ? Deuxième chose : il s'agit d'une justice internationale. Est-ce que vous ne direz pas qu'il y a interférence dans l'action de cette justice internationale s'il y a une telle rencontre ? Ce sont des interrogations que je vais formuler lors de la rencontre avec eux.
Voulez-vous dire que le FPI doit se défaire du mythe du retour un jour de Laurent Gbagbo sur la scène politique ivoirienne ?
Ce n'est pas moi qui le dis. C'est la justice, la CPI qui doit se prononcer. Si la CPI estime qu'il n'a rien fait, et qu'on le libère, la Côte d'Ivoire est son pays, il peut revenir ici. Il n'y a vraiment aucun problème de ce côté-là. Maintenant, s'il est condamné par la CPI, ça c'est le dossier de la justice internationale. C'est tout