La famille Kaphet de Bayékou-Bassi, dans la sous-préfecture de Ouragahio, ne sait plus à quel saint se vouer. Son fils Aimé Kaphet, Sous-préfet de son état, est en prison depuis plus de dix mois «sans véritable motif». Est-ce parce qu’il est ressortissant de Ouragahio, localité d’origine de Laurent Gbagbo ? Le pouvoir n’a pas le courage de le lui dire, mais tout indique que son incarcération pourrait y
trouver aussi ses justifications.
Après plus de 10 mois d’incarcération et de mauvais traitements, M. Aimé Kaphet, ancien sous-préfet de Gabiadji, a été entendu, le 13 mai 2013, par un juge d’instruction. Les questions posées à l’administrateur emprisonné, selon ses proches, auraient tourné autour d’un sujet principal : «Pourquoi a-t-il reçu, lui, le sous-préfet de Gabiadji, le chef de la communauté des ressortissants gouro de la sous-préfecture de Gabiadji, la circonscription administrative qu’il commandait jusqu’à son arrestation en août 2012 ?». Question proprement infantile pour un sous-préfet, puisque la chefferie est son interlocuteur le plus direct dans la population de la localité qu’il est censé administrer. La question est d’autant plus ridicule que le chef gouro qu’on lui reproche d’avoir reçu est libre comme l’air et qu’aucun délit ne lui est reproché. Mais que veut exactement le régime Ouattara à cet administrateur décrit comme intègre ?
Arrêté pour avoir fait son travail
Flash back. Au petit matin du lundi 20 août 2012, aux environs de 6h, le sous-préfet de Gabiadji, Aimé Kaphet, est réveillé par un coup de fil de M. Barthelemy Tagnon, chef de village de Gabiadji. Ce dernier l’informe qu’à Bakoué, les nommés Beugré Donatien et Popo Gérard ont été enlevés, à leurs domiciles respectifs, par des éléments Frci de Gabiadji. Quelques minutes plus tard, en sortant de sa chambre, M. Kaphet est informé par sa servante du passage à sa résidence de dame Fatou, présidente des femmes de Gabiadji, et de M. Maurice Popo, tous les deux parents des personnes arrêtées. M. Kaphet se résout à appeler le nommé Maurice Popo, l’un des deux parents des interpellés. Maurice Popo confirme l’arrestation des deux personnes sus-citées et ajoute que M. Ernest Botty Bi Ba, chef de la communauté gouro de Gabiadji, lui aussi activement recherché par les Frci, souhaiterait se rendre à la résidence du sous-préfet pour des raisons de sécurité.
Le sous-préfet ne peut refuser l’accès de sa résidence à un chef de communauté qui se déclare en danger. Il reçoit donc Botty Bi Ba et son épouse. Après quelques échanges, le sous-préfet convainc le notable gouro et son épouse à se rendre aux autorités chargées de la sécurité. C’est même M. Kaphet, le sous-préfet, qui appelle illico le chef de poste Frci de Gabiadji pour l’informer de ce que Ernest Botty Bi Ba, ayant appris qu’il est recherché, s’est rendu à sa résidence et qu’il pouvait venir le chercher si tel était le cas. Le chef de poste Frci, Fanny Adama, en déplacement à San Pedro, envoie des éléments prendre le chef recherché chez le sous-préfet. Le chef du village de Gabiadji assiste à la scène de l’arrestation du chef gouro.
Aux environs de 23h, de retour de San Pedro, Fanny Adama, le chef Frci, est allé rendre compte au sous-préfet de la situation des personnes arrêtées dans le courant de la matinée. II informera le sous-préfet que des individus s’entraîneraient et seraient prêts à attaquer Gabiadji. II lui propose alors d’organiser une réunion d’information et de sensibilisation de la population pour éviter que Gabiadji connaisse les violences enregistrées dans les autres sous-préfectures du pays. En communion avec le chef de poste Frci, le sous-préfet organise cette réunion, le 23 août 2012, à 10h. Le capitaine Béma des Frci de San Pedro, le colonel Akpo de la gendarmerie de San Pedro et le chef de sécurité Onuci de San Pedro ont tous assisté à cette rencontre.
Le kidnapping, mode d’arrestation sous Ouattara
Coup de théâtre. Le vendredi 24 août 2012, un certain Koné Dramane et deux éléments Frci débarquent à la résidence du sous-préfet, à bord d’un véhicule personnel, et lui annoncent être venus de San Pedro, à la demande du capitaine Béma, qui solliciterait sa présence pour entendre des individus interpellés dans le village de Touih. Koné Dramane lui demande, par ailleurs, de prendre sur lui son micro ordinateur portable, car il aurait oublié le sien. Le sous-préfet appelle le capitaine Béma qui confirme l’information. Il part pour San Pedro, en tenue de travail, en compagnie de Koné Dramane et de ses deux éléments Frci. Aimé Kaphet venait ainsi de se faire kidnapper sans le savoir.
A Touih, en lieu et place du capitaine Béma, on lui présente un individu qui déclare être le préfet de police de San Pedro. Ce dernier lui apprend qu’il a reçu la mission de le conduire immédiatement au cabinet du ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, à Abidjan. Là, ordre est donné au sous-préfet, sur fond de menaces, de monter à bord du véhicule des ravisseurs. On lui arrache son ordinateur et ses deux téléphones portables. Ces appareils venaient ainsi de lui être volés par ses ravisseurs. Car, des mois après, l’un de ses téléphones portables était constamment entre les mains d’une jeune fille, qui a dû le recevoir comme cadeau pour ses performances imaginables chez les ravisseurs du sous-préfet…
Bref, dans sa tenue de travail, sans aucun habit de rechange, le sous-préfet de Gabiadji, kidnappé le vendredi 24 août 2012, est trimbalé au ministère de l’Intérieur, à Abidjan. Sans rencontrer Hamed Bakayoko, le ministre de tutelle, il est conduit à la Direction de la Surveillance du Territoire (Dst). «Son audition» dans ce lieu de torture sous Ouattara dure 12 jours. Toujours dans sa tenue de sous-préfet. II sera, par la suite, mis à la disposition du 10ème Cabinet d’instruction du juge Koné Mamadou, le 4 septembre 2012, puis déféré à cette même date à la Maca. Toujours dans sa tenue de sous-préfet.
Finalement, c’est le 13 mai dernier que le sous-préfet Aimé Kaphet s’est entendu reprocher d’avoir reçu un chef gouro, le 20 août 2012, dans sa résidence de sous-préfet à Gabiadji. Kaphet est en prison pendant que le chef gouro est en liberté totale.
Cette version du calvaire d’Aimé Kaphet a été racontée à Charles Konan Banny par les membres de la famille Kaphet de Bayékou-Bassi. Ils espéraient l’intercession du président de la Cdvr pour la libération de ce sous-préfet dont l’état de santé nécessite un suivi médical. Leur démarche est restée sans suite. Pourquoi Kaphet est-il alors en prison ? Parce qu’il est originaire de Ouragahio, village natale du président Gbagbo ? Affaire à suivre.
Zabril Koukougnon
trouver aussi ses justifications.
Après plus de 10 mois d’incarcération et de mauvais traitements, M. Aimé Kaphet, ancien sous-préfet de Gabiadji, a été entendu, le 13 mai 2013, par un juge d’instruction. Les questions posées à l’administrateur emprisonné, selon ses proches, auraient tourné autour d’un sujet principal : «Pourquoi a-t-il reçu, lui, le sous-préfet de Gabiadji, le chef de la communauté des ressortissants gouro de la sous-préfecture de Gabiadji, la circonscription administrative qu’il commandait jusqu’à son arrestation en août 2012 ?». Question proprement infantile pour un sous-préfet, puisque la chefferie est son interlocuteur le plus direct dans la population de la localité qu’il est censé administrer. La question est d’autant plus ridicule que le chef gouro qu’on lui reproche d’avoir reçu est libre comme l’air et qu’aucun délit ne lui est reproché. Mais que veut exactement le régime Ouattara à cet administrateur décrit comme intègre ?
Arrêté pour avoir fait son travail
Flash back. Au petit matin du lundi 20 août 2012, aux environs de 6h, le sous-préfet de Gabiadji, Aimé Kaphet, est réveillé par un coup de fil de M. Barthelemy Tagnon, chef de village de Gabiadji. Ce dernier l’informe qu’à Bakoué, les nommés Beugré Donatien et Popo Gérard ont été enlevés, à leurs domiciles respectifs, par des éléments Frci de Gabiadji. Quelques minutes plus tard, en sortant de sa chambre, M. Kaphet est informé par sa servante du passage à sa résidence de dame Fatou, présidente des femmes de Gabiadji, et de M. Maurice Popo, tous les deux parents des personnes arrêtées. M. Kaphet se résout à appeler le nommé Maurice Popo, l’un des deux parents des interpellés. Maurice Popo confirme l’arrestation des deux personnes sus-citées et ajoute que M. Ernest Botty Bi Ba, chef de la communauté gouro de Gabiadji, lui aussi activement recherché par les Frci, souhaiterait se rendre à la résidence du sous-préfet pour des raisons de sécurité.
Le sous-préfet ne peut refuser l’accès de sa résidence à un chef de communauté qui se déclare en danger. Il reçoit donc Botty Bi Ba et son épouse. Après quelques échanges, le sous-préfet convainc le notable gouro et son épouse à se rendre aux autorités chargées de la sécurité. C’est même M. Kaphet, le sous-préfet, qui appelle illico le chef de poste Frci de Gabiadji pour l’informer de ce que Ernest Botty Bi Ba, ayant appris qu’il est recherché, s’est rendu à sa résidence et qu’il pouvait venir le chercher si tel était le cas. Le chef de poste Frci, Fanny Adama, en déplacement à San Pedro, envoie des éléments prendre le chef recherché chez le sous-préfet. Le chef du village de Gabiadji assiste à la scène de l’arrestation du chef gouro.
Aux environs de 23h, de retour de San Pedro, Fanny Adama, le chef Frci, est allé rendre compte au sous-préfet de la situation des personnes arrêtées dans le courant de la matinée. II informera le sous-préfet que des individus s’entraîneraient et seraient prêts à attaquer Gabiadji. II lui propose alors d’organiser une réunion d’information et de sensibilisation de la population pour éviter que Gabiadji connaisse les violences enregistrées dans les autres sous-préfectures du pays. En communion avec le chef de poste Frci, le sous-préfet organise cette réunion, le 23 août 2012, à 10h. Le capitaine Béma des Frci de San Pedro, le colonel Akpo de la gendarmerie de San Pedro et le chef de sécurité Onuci de San Pedro ont tous assisté à cette rencontre.
Le kidnapping, mode d’arrestation sous Ouattara
Coup de théâtre. Le vendredi 24 août 2012, un certain Koné Dramane et deux éléments Frci débarquent à la résidence du sous-préfet, à bord d’un véhicule personnel, et lui annoncent être venus de San Pedro, à la demande du capitaine Béma, qui solliciterait sa présence pour entendre des individus interpellés dans le village de Touih. Koné Dramane lui demande, par ailleurs, de prendre sur lui son micro ordinateur portable, car il aurait oublié le sien. Le sous-préfet appelle le capitaine Béma qui confirme l’information. Il part pour San Pedro, en tenue de travail, en compagnie de Koné Dramane et de ses deux éléments Frci. Aimé Kaphet venait ainsi de se faire kidnapper sans le savoir.
A Touih, en lieu et place du capitaine Béma, on lui présente un individu qui déclare être le préfet de police de San Pedro. Ce dernier lui apprend qu’il a reçu la mission de le conduire immédiatement au cabinet du ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, à Abidjan. Là, ordre est donné au sous-préfet, sur fond de menaces, de monter à bord du véhicule des ravisseurs. On lui arrache son ordinateur et ses deux téléphones portables. Ces appareils venaient ainsi de lui être volés par ses ravisseurs. Car, des mois après, l’un de ses téléphones portables était constamment entre les mains d’une jeune fille, qui a dû le recevoir comme cadeau pour ses performances imaginables chez les ravisseurs du sous-préfet…
Bref, dans sa tenue de travail, sans aucun habit de rechange, le sous-préfet de Gabiadji, kidnappé le vendredi 24 août 2012, est trimbalé au ministère de l’Intérieur, à Abidjan. Sans rencontrer Hamed Bakayoko, le ministre de tutelle, il est conduit à la Direction de la Surveillance du Territoire (Dst). «Son audition» dans ce lieu de torture sous Ouattara dure 12 jours. Toujours dans sa tenue de sous-préfet. II sera, par la suite, mis à la disposition du 10ème Cabinet d’instruction du juge Koné Mamadou, le 4 septembre 2012, puis déféré à cette même date à la Maca. Toujours dans sa tenue de sous-préfet.
Finalement, c’est le 13 mai dernier que le sous-préfet Aimé Kaphet s’est entendu reprocher d’avoir reçu un chef gouro, le 20 août 2012, dans sa résidence de sous-préfet à Gabiadji. Kaphet est en prison pendant que le chef gouro est en liberté totale.
Cette version du calvaire d’Aimé Kaphet a été racontée à Charles Konan Banny par les membres de la famille Kaphet de Bayékou-Bassi. Ils espéraient l’intercession du président de la Cdvr pour la libération de ce sous-préfet dont l’état de santé nécessite un suivi médical. Leur démarche est restée sans suite. Pourquoi Kaphet est-il alors en prison ? Parce qu’il est originaire de Ouragahio, village natale du président Gbagbo ? Affaire à suivre.
Zabril Koukougnon