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Politique Publié le samedi 22 juin 2013 | Le Patriote

Interview /Guillaume Soro : “Blé Goudé n’a pas écouté la voix de la raison, il a dérivé”

© Le Patriote Par DR
Le Président Alassane Ouattara a reçu en audience une délégation des Présidents d`Assemblées nationales d`Afrique
Jeudi 25 avril 2013. Plateau. Le Président Alassane Ouattara accorde une audience à une délégation des Présidents des Assemblées Nationales africaines invités à la 1ère Session ordinaire de l`année 2013 de l`Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire. Ph: Guillaume Soro, président de l`Assemblée nationale.
En visite au Sénégal à l’invitation officielle de son homologue Moustapha Niasse, le Président de l’Assemblée Nationale de Côte d'Ivoire fut l’invité spécial de la Chaîne de Télévision Nationale Sénégalaise ‘’RTS’’ au cours de l’émission hebdomadaire ‘‘Le Point’’. Au cours de cet entretien, le Président Guillaume SORO et le Journaliste Ousmane Ngary Faye ont abordé plusieurs sujets dont le fonctionnement du Parlement ivoirien, la Réconciliation et la reconstruction en Côte d'Ivoire, la Diplomatie Parlementaire, la réélection d’Alassane Ouattara, Blé Goudé et surtout son avenir politique. Nous vous proposons de larges extraits de cet entretien.

Question : En Côte d'Ivoire, l’actualité c’est aussi, on l’a dit tantôt, la reconstruction, quel est le bilan à l’heure où nous parlons ?
Guillaume Kigbafori Soro : Le Gouvernement, depuis 2011, fait un travail formidable. Au plan de la sécurité, des réformes sont prises, mûries, réfléchies et vont être mises en ?uvre. En matière de sécurité, je pense que la Côte d'Ivoire a fait rapidement beaucoup de progrès. Par exemple, l’indice de sécurité qui est évalué par les Nations unies est passé de 4 à 1. Ce qui permet, par exemple qu’aujourd’hui, à la Banque Africaine de Développement (BAD) qui avait été délocalisée en Tunisie, de revenir en Côte d'Ivoire à Abidjan. Et vous savez, il y a quelques semaines seulement à Marrakech au Maroc, l’Assemblée de la BAD a décidé de son retour en Côte d'Ivoire. Je pense que la situation sécuritaire est au mieux. Parce que cette institution ne déciderait pas de revenir en Côte d'Ivoire si la Sécurité n’était pas garantie au mieux dans ce pays.

Question : Il y a aussi des remous ces derniers temps avec l’affaire de Man. Avant cela, il y a avait Bouaké avec les ex-combattants qui manifestaient…
GKS : Quand je dis cela, je ne suis pas en train de dire que la Côte d'Ivoire est le pays le plus sécurisé au monde. La question de sécurité est un défi permanent pour tous les pays…

Question : Est-ce qu’aujourd’hui, vous avez la situation en main au niveau des démobilisés, au sujet du désarmement et autre ?
GKS : Absolument, ce sont des choses qui sont réglées. Evidemment, après une grave crise comme on l’a connue, il y a eu encore quelques escarmouches localisées sur des frontières, notamment la frontière Ouest. Mais, qui connait la Côte d'Ivoire, qui a vécu en Côte d'Ivoire depuis 1960 sait que ce n’est pas une situation nouvelle. L’Ouest de la Côte d'Ivoire a toujours été une région tumultueuse pour plusieurs raisons. D’abord, nous partageons une longue frontière avec le Libéria qui a longtemps été déstabilisé et dans cette partie de la sous-région, circulent des armes, circulent aussi quelques mercenaires. Donc, c’est localisé, nous maîtrisons parfaitement la situation.

Question : Cela intervient, vous le savez, au moment où les experts indépendants des Nations-Unies publient un rapport sur les droits de l’Homme en Côte d'Ivoire qui dit qu’il y a des progrès. Mais, il y a des zones d’ombre et il reste beaucoup de choses à faire..
GKS : Moi, je retiens de ce que vous dites, le mot progrès. Evidemment, en période de guerre, il faut le reconnaître les droits de l’Homme valent ce qu’ils valent. Cela n’a rien à avoir avec le continent africain, c’est sur tous les continents…

Question : Quelle appréciation faites vous déjà de ce rapport?
GKS : Je ne suis pas de ceux qui critiquent, qui dénigrent ou qui calomnient les Organisations des droits de l’Homme. Moi-même, en tant qu’étudiant, j’ai bénéficié du soutien des ONG, d’Amnesty International et j’ai même été prisonnier politique déclaré par ‘‘Amnesty International’’. Donc, je ne suis pas de ceux qui vont porter la vindicte sur ces Organisations. Ce que je dis simplement, la Côte d'Ivoire a connu une situation de guerre et quand on est en guerre, c’est vrai que les droits de l’Homme souffrent. Maintenant que la Guerre est terminée, le Gouvernement Ouattara prend des mesures et des dispositions pour fermer la parenthèse des violations des droits de l’Homme. Ces Organisations qui font ces rapports, à mon avis, ont pour objectifs, d’encourager le gouvernement à prendre plus de mesures pour assurer les droits de l’Homme en Côte d'Ivoire et c’est une bonne chose.

Question : D’aucuns pensent que la justice sociale en a pris un coup avec ce qu’on appelle partout « la Justice des Vainqueurs » chez vous avec l’arrestation de Laurent Gbagbo et dernièrement le chef des jeunes du FPI (Ndlr : Koua Justin). Est-ce que tout cela favorise la réconciliation en cours ?
GKS : Vous ne m’embarrassez pas avec cette question et je vais vous répondre. Qu’est-ce que cela veut dire la justice des vainqueurs? C’est un slogan politique et c’est même politicien. En réalité, qu’est-ce qui s’est passé en Côte d'Ivoire ? Qui est à l’origine de la violation des droits de l'Homme ? Qui est à l’origine de toute cette violence qui s’est abattue sur la Côte d’ Ivoire ? Si le 28 novembre 2010, Gbagbo ayant perdu les élections, avait accepté de faire une transition pacifique du pouvoir à M. Ouattara, il n’y aurait pas de violation des droits de l'Homme. Bien au contraire, ce qui s’est passé, c’est que M. Gbagbo voulant coûte que coûte conserver le pouvoir a lancé des miliciens, son armée et des chars pour tuer les populations civiles. Donc, face aux populations civiles qui se faisaient massacrer dans les rues, vous avez même vu les films sur internet des citoyens de Côte d'Ivoire en train de brûler d’autres citoyens ivoiriens. Vous pensez qu’une armée responsable, un Président qui a été élu pouvait rester insensible ? Nous avons déclenché des hostilités en Côte d'Ivoire pour stopper la violence à Abidjan, pour empêcher que les miliciens de Gbagbo de continuer d’exécuter froidement des Ivoiriens dans les rues. Nous avons déclenché cette opération militaire comme le voulait d’ailleurs la CEDEAO, comme le voulait les Nations-Unies pour mettre fin au règne de la terreur dans la ville d’Abidjan.

Question : Mais pourquoi il n’y a pas eu d’arrestations dans votre camp ?
GKS : Qu’est-ce que vous en savez ? Informez-vous. Après toute cette violence, les partisans, M. Gbagbo lui-même et tous ceux qui étaient dans sa résidence bunkerisée ont été arrêtés. Sur les 160 qui y étaient, nous avons sorti sains et saufs, je dis bien sains et saufs, 157 personnes que nous avons, par un couloir humanitaire, envoyé au Golf (Ndlr : Golf Hôtel), logés dans nos propres chambres, nous qui étions encerclés au Golf. Personne n’est mort, sauf l’ancien ministre de l’Intérieur qui est décédé suite à une balle perdue. Mais celui-là, il n’est pas mort au Golf. On l’a envoyé à la PISAM, une des cliniques les plus huppées de qualité à Abidjan, il y est mort. Ce qui signifie justement que nous n’avons pas voulu maltraiter les hommes de M. Gbagbo. Mais maintenant, quand vous dites tout ceci, où est ce que vous mettez les 3.000 morts ? Est-ce que vous pensez aux Ivoiriens qui ont été tués, égorgés, exécutés sommairement, vous n’en parlez pas. C’est le sort de M. Gbagbo qui vous intéresse…

Question : Oui ! Mais, il y a eu deux camps qui se sont affrontés…
GKS : Ce que je suis en train de vous dire, aussi bien au Mali, l’armée française comme M. François Hollande l’a dit, quand il recevait le Prix Félix Houphouët-Boigny pour la Paix: « Il peut paraître paradoxal qu’on me donne ce prix aujourd’hui pour la recherche de la Paix au moment où j’ai déclenché une guerre au Mali ». Quand il a déclenché la guerre au Mali, il y a eu des morts. Parce qu’une guerre entraine des morts. Maintenant, ce que je suis en train de vous dire c’est que, d’un, ceux-là ont été arrêtés, ils seront jugés, ils iront en prison pour les 3.000 morts qu’ils ont occasionnés à la Côte d'Ivoire. Maintenant, l’armée de Côte d'Ivoire, les Forces Républicaines de Côte d'Ivoire qui bravement ont déclenché des hostilités pour mettre fin à la terreur à Abidjan, si certains parmi eux ont commis des dérives, ils seront bien entendu sanctionnés. Mais ne soyez pas pressés, ne vous précipitez pas. Parce que dans la précipitation, on commet des erreurs. Donc, nous voulons aller doucement à notre rythme, parce que tout simplement, quand nous sommes arrivés à Abidjan, l’Etat de Côte d'Ivoire n’existait plus ; il n’y avait plus de policiers, il n’y avait plus de gendarmes, il n’y avait plus de tribunaux. Nous sommes en train de reconstruire notre justice.

Question : L’Etat ivoirien est de retour ? La justice est en place ?
GKS : Je vais vous donner un exemple tout simple, M. Gbagbo est à la CPI depuis décembre 2011. Et pourtant, il n’a pas encore été jugé. La CPI qui a plus de moyens et qui n’a pas connu les ravages d’une crise postélectorale jusqu’à présent, ne l’a pas encore jugé. Pourquoi, avec la CPI, vous êtes si tolérants et vous n’êtes pas pressés. et pas avec la Côte d'Ivoire ? Laissez- nous faire le travail à notre rythme.

Question : Tout se fait dans les règles de l’art donc ?
GKS : Absolument ! Et ce sera en toute transparence. Je vais même vous donner un exemple. Il y a un général, le général Dogbo Blé qui a été accusé d’avoir fait exécuté un colonel de l’armée en Côte d'Ivoire, qui avait eu pour seul tort d’être venu rendre visite à sa famille retenue au Golf. Lorsqu’ il est sorti du Golf, on l’a exécuté. Quand ce fait a été porté à la connaissance de l’opinion publique nationale, tout le monde s’attendait à ce que le général Dogbo Blé soit condamné à perpétuité. Mais notre justice, en toute indépendance, en toute impartialité, l’a condamné à quinze (15) ans de prison. J’ai eu beaucoup de citoyens qui m’ont appelé pour me dire : « M. Soro, nous ne sommes pas d’accord avec cette décision de justice. Ce monsieur est auteur de massacres. Mais, il n’est condamné qu’à quinze ans de prison là où nous voyons la peine de mort ». Je leur ai répondu : « Désormais, habituez-vous à une justice indépendante ».

Question : Aujourd’hui, tout cela semble derrière, la croissance semble de retour. Dites-nous rapidement qu’est-ce qui a favorisé cela ?
GKS : Je pense que c’est le travail et le mérite du Président de la République. Le Gouvernement a travaillé d’arrache-pied et les choses sont allées rapidement. Il fallait reconstruire l’Etat de Côte d'Ivoire. Retenez-le, la Côte d'Ivoire devait être reconstruite. Après la crise postélectorale en 2011, il existait une seule institution en Côte d'Ivoire : la Présidence de la République. Le Président de la République a mis en place le Gouvernement et il nous a chargés très rapidement de remettre en place les institutions. Six mois après la mise en place du Gouvernement, nous avons tenu les élections législatives. Ce n’est pas rien. Ce n’est même pas banal. Parce que certains pays, bien que n’ayant pas connu la situation que nous avons vécue, n’ont pas encore fait d’élections législatives. Nous avons mis l’Assemblée nationale en place. Nous avons mis toutes les autres institutions en place. Nous avons achevé le mois dernier le processus électoral par l’organisation des élections locales. Je pense que c’est une bonne chose et c’est tout cet environnement de paix, de tranquillité, d’accalmie et de sécurité aussi -parce que les investisseurs ne vont pas là où il n’y a pas de sécurité-qui a permis que nous fassions un taux de croissance de 9,8%.

Question : Guillaume Soro, politiquement, jusqu’où voulez-vous aller ?
GKS : Je suis un homme de mission, j’ai été Premier ministre, je suis Président de l'Assemblée nationale, je me consacre exclusivement à faire en sorte que l’Assemblée nationale tienne toute sa place au c?ur de la République ivoirienne, c’est ce que je suis en train de faire ; repositionner l’Assemblée nationale au plan international…

Question : Vous voulez révolutionner le parlement en Côte d'Ivoire ?
GKS : Voilà, remettre le parlement au travail, mettre les députés au travail, faire en sorte que le parlement, deuxième pouvoir de l’Etat de Côte d'Ivoire, assume pleinement toute sa responsabilité et offre aux Ivoiriens des lois modernes, des lois qui se préoccupent de leur quotidien et qui permettent effectivement l’épanouissement de tous les Ivoiriens.

Question : Aujourd’hui, vous travaillez avec le Président Ouattara. Allez-vous être candidat aux prochaines élections ou allez-vous le soutenir pour son deuxième mandat ?
GKS: Ah non ! J’ai été clair là-dessus, je suis de ceux qui pensent que « à chaque jour suffit sa peine ». Aujourd’hui, le Président Ouattara est en train de faire un bon travail et je le soutiens totalement et entièrement…

Question : Vous serez candidat ou vous ne le serez pas ?
GKS : Je ne serais pas candidat, quand je dis ceci, c’est pour aboutir au fait que je ne suis pas candidat pour les élections en 2015 et je soutiendrai le Président Ouattara. Je l’accompagnerai pour qu’il soit réélu en 2015 pour consolider les acquis de sa politique de développement de la Côte d'Ivoire…

Question : Et après, y a-t-il un deal pour qu’il vous laisse le pouvoir ?
GKS : Même si c’était un deal, je ne vous le révélerai pas ici. Donc, aujourd’hui, je soutiens sans contrepartie le Président Ouattara. Parce que premièrement, je crois que c’est l’homme de la situation pour la Côte d'Ivoire. Deuxièmement, les résultats sont là pour attester que ce Monsieur qui en deux ans a révolutionné l’économie ivoirienne, mérite d’être soutenu pour que son programme puisse bénéficier aux Ivoiriens et qu’un deuxième mandat lui permette justement de consolider ses acquis.

Question : Et à la fin du deuxième mandat ?
GKS : Vous savez, on n’est pas devin, on ne peut pas se projeter sur dix, quinze ans en politique. Surtout parce qu’en politique, les choses évoluent et fluctuent énormément. Pour l’heure, je suis avec le Président Ouattara.

Question : Vous ne pouvez pas avoir fait tout ce parcours au devant de la scène depuis et ne pas avoir d’objectif en ligne de mire.
GKS : Je comprends que ce soit votre souhait. Mais en politique c’est différent, il faut s’atteler à exécuter la mission qu’on vous confie. Je ne suis pas un homme d’ambition, un ambitieux ou un arriviste, je suis un homme de mission.

Question : Quel est le style de vos relations aujourd’hui avec Blé Goudé, on vous savait un peu proches quand vous étiez étudiant ?
GKS : Ah non ! Blé Goudé a été un compagnon de lutte dans le mouvement étudiant. Je vous rappelle que j’ai été celui qui a emmené Blé Goudé dans le Bureau Exécutif National de la Fédération Estudiantine et Scolaire de la Côte d'Ivoire. Donc, il a été un compagnon dans les moments de nos luttes estudiantines. Malheureusement, je dis bien malheureusement, M. Blé Goudé n’a pas écouté la voix de la raison, il a dérivé et c’est dommage.

Question : Vous en avez souffert ?
GKS : C’est toujours triste de voir un camarade qui, au lieu d’embrasser les valeurs connues, les vertus, malheureusement, tombe dans la déréglementation et va à la dérive.

Question : Depuis que vos chemins se sont séparés, vous ne l’avez jamais revu ?
GKS : Non non, nos chemins se sont séparés. Pendant la signature de l’Accord Politique de Ouagadougou, nous nous sommes retrouvés. Mieux, quand M. Gbagbo a voulu conserver, contre la raison et contre le vote populaire des Ivoiriens, le pouvoir, j’ai fait passé des messages à M. Blé Goudé pour lui dire : « Tu es jeune, tu n’as pas à sceller ton destin ». Malheureusement, il ne m’a pas entendu.

(Source : www.guillaumesoro.com)
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