29 juin 2007 – 29 juin 2013. Il y a de cela six (6) ans, que l’avion transportant une délégation conduite par Soro Kigbafori Guillaume, alors Premier ministre de Laurent Gbagbo, a été attaqué à la roquette par des individus qui n’ont jamais pu être identifiés. En ce jour anniversaire, nous vous proposons le témoignage d’un rescapé de cette tragédie. Il s’agit de l’ex-journaliste au Patriote, Samou Diawara, qui est aujourd’hui Chargé de Communication au Ministère des Transports.
« Ce jour-là, à bord de l’avion présidentiel affecté aux déplacements du Premier ministre Guillaume Soro, avaient pris également place l’ex-ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Sidiki Konaté, des membres du cabinet du Premier ministre et du protocole d’Etat, des agents de sécurité et enfin, une dizaine de journalistes. En mission, Guillaume Soro se rendait à Bouaké pour la cérémonie de réinstallation des Magistrats dans la zone ex-assiégée. Une cérémonie chargée de symboles, puisque marquant le retour effectif de l’Administration dans cette partie du pays, après cinq bonnes années d’absence.
Depuis donc plus d’une demi-heure, l’avion dans lequel nous nous trouvions venait de quitter le tarmac du GATL à Abidjan.
Et quand nous amorcions les airs de Bouaké, les visages étaient encore tout radieux à l’idée de retrouver une population en joie, dans l’attente d’un autre événement, la flamme de la paix, marquant ainsi le retour définitif de la paix en Côte d’Ivoire.
Passer à seulement
« deux doigts » de la mort
Après un atterrissage réussi, vers 10 heures et demi, les passagers devisaient tranquillement entre eux. Et l’engin roulait encore à vive allure sur la piste quand, assis dans le troisième compartiment à l’arrière, nous entendons un grand bruit du côté du deuxième compartiment. Du coup, la sérénité de l’atterrissage s’est estompée. C’est la panique générale. « Que se passe-t-il ? », s’interrogent les uns et les autres. « On nous tire dessus, on nous tire dessus encore », alerte un élément de la garde rapprochée du Premier ministre, créant ainsi une débandade totale.
Sur le champ, chacun essaie de se trouver un abri sous son siège et, selon sa foi et ses convictions religieuses, d’implorer le secours du Tout Puissant.
Puis, encore un autre bruit assourdissant qui, cette fois, retentit tout près de nous. Notre compartiment venait d’être touché. La roquette a atteint l’arrière de l’avion. Le choc est tellement brutal, qu’une barre de fer soutenant le coffre à bagages vient s’écraser sur la tête de notre voisin de dos, Cissé Allassane Palenfo, anciennement cadreur à la télévision « Notre Patrie » des Forces Nouvelles. Il s’écroulé net. Nous le voyons gémir dans une mare de sang, le crâne entrouvert par la violence du choc.
Entre-temps, le mastodonte ailé continue d’avancer vers le tarmac de l’aéroport de Bouaké. Le commandant de bord, le Colonel Lekpeli Lazare, gardant son calme, arrive à immobiliser l’appareil environ une minute après. L’intérieur est noir de fumée. A peine arrive-t-on à distinguer le voisin qui est à un jet de pierre. Un passager, au bord de l’asphyxie, tente d’ouvrir une des issues de secours. Quand il a réussi, c’est un nuage de gaz carbonique qui se dissipe peu à peu de l’engin.
Notre cauchemar n’est pas pour autant éloignée. L’avion immobilisé, les éléments des Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN), venus rendre les honneurs militaires au Premier ministre, courent à vive allure, pour venir prendre position autour de l’avion. « Sortez ! Sortez ! On vous couvre », lançaient-ils. Du compartiment arrière à la sortie de l’avion, nous nous rendrons véritablement compte de l’ampleur des dégâts.
Partout du sang. De la chair humaine. Le plancher, immaculé, il y a juste quelques minutes, est désormais rouge de sang, qui coule. Nous avons l’impression de nous retrouver dans un vrai cauchemar. Pourtant, cette réalité était là, implacable !
L’horreur à son comble…
Dans la foulée, en sortant, tous les regards sont projetés sur la droite. Là, dans le deuxième compartiment de l’avion, le choc est encore plus grand. L’image du Lieutenant Drissa Ouattara, alias ‘’Delta’’, est insoutenable. Ce grand gaillard est couché inerte, sans cervelle. C’est la pire des images que nous ayons vu, de toute notre existence. A côté de lui, deux agents du protocole d’Etat, Sékou Doumbia et Souleymane Chériffou, sont méconnaissables. Ils ont été déchiquetés par le souffle de la roquette.
Et juste devant nous, dans le compartiment présidentiel, où se trouvaient le Premier ministre et d’autres officiels déjà évacués, le garde de corps, le caporal Siaka Diomandé, est encore dans un état agonisant. La puissance de l’explosion a emporté son bras et touché gravement une bonne partie de son corps. Il rendra l’âme plus tard, au cours de son évacuation à l’hôpital.
Enfin sortis de l’avion, avec nos autres confrères journalistes, nous sommes conduits d’urgence au Secrétariat général des Forces Nouvelles. Il n’était que 11 heures. L’attentat de Bouaké n’aura donc duré que trente (30) minutes.
Hors de l’aéroport, nous n’en revenions pas. Nous étions en vie. Dieu merci ! Une chance que quatre de nos compagnons de voyage n’ont pas eue, malheureusement !
Aujourd’hui, le temps passe. Mais les images restent gravées en nous. L’attentat contre le Fokker 100, le 29 juin 2007 à Bouaké, aura marqué les esprits en Côte d’Ivoire et dans le monde. Mais, pour nous qui avons vu et vécu ce triste évènement, plus qu’un cauchemar, c’était un traumatisme doublé d’un effroi sans fin ».
Samou DIAWARA
Ex-journaliste au Patriote,
Chargé de Communication au Ministère des Transports,
Rescapé du Fokker 100
« Ce jour-là, à bord de l’avion présidentiel affecté aux déplacements du Premier ministre Guillaume Soro, avaient pris également place l’ex-ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Sidiki Konaté, des membres du cabinet du Premier ministre et du protocole d’Etat, des agents de sécurité et enfin, une dizaine de journalistes. En mission, Guillaume Soro se rendait à Bouaké pour la cérémonie de réinstallation des Magistrats dans la zone ex-assiégée. Une cérémonie chargée de symboles, puisque marquant le retour effectif de l’Administration dans cette partie du pays, après cinq bonnes années d’absence.
Depuis donc plus d’une demi-heure, l’avion dans lequel nous nous trouvions venait de quitter le tarmac du GATL à Abidjan.
Et quand nous amorcions les airs de Bouaké, les visages étaient encore tout radieux à l’idée de retrouver une population en joie, dans l’attente d’un autre événement, la flamme de la paix, marquant ainsi le retour définitif de la paix en Côte d’Ivoire.
Passer à seulement
« deux doigts » de la mort
Après un atterrissage réussi, vers 10 heures et demi, les passagers devisaient tranquillement entre eux. Et l’engin roulait encore à vive allure sur la piste quand, assis dans le troisième compartiment à l’arrière, nous entendons un grand bruit du côté du deuxième compartiment. Du coup, la sérénité de l’atterrissage s’est estompée. C’est la panique générale. « Que se passe-t-il ? », s’interrogent les uns et les autres. « On nous tire dessus, on nous tire dessus encore », alerte un élément de la garde rapprochée du Premier ministre, créant ainsi une débandade totale.
Sur le champ, chacun essaie de se trouver un abri sous son siège et, selon sa foi et ses convictions religieuses, d’implorer le secours du Tout Puissant.
Puis, encore un autre bruit assourdissant qui, cette fois, retentit tout près de nous. Notre compartiment venait d’être touché. La roquette a atteint l’arrière de l’avion. Le choc est tellement brutal, qu’une barre de fer soutenant le coffre à bagages vient s’écraser sur la tête de notre voisin de dos, Cissé Allassane Palenfo, anciennement cadreur à la télévision « Notre Patrie » des Forces Nouvelles. Il s’écroulé net. Nous le voyons gémir dans une mare de sang, le crâne entrouvert par la violence du choc.
Entre-temps, le mastodonte ailé continue d’avancer vers le tarmac de l’aéroport de Bouaké. Le commandant de bord, le Colonel Lekpeli Lazare, gardant son calme, arrive à immobiliser l’appareil environ une minute après. L’intérieur est noir de fumée. A peine arrive-t-on à distinguer le voisin qui est à un jet de pierre. Un passager, au bord de l’asphyxie, tente d’ouvrir une des issues de secours. Quand il a réussi, c’est un nuage de gaz carbonique qui se dissipe peu à peu de l’engin.
Notre cauchemar n’est pas pour autant éloignée. L’avion immobilisé, les éléments des Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN), venus rendre les honneurs militaires au Premier ministre, courent à vive allure, pour venir prendre position autour de l’avion. « Sortez ! Sortez ! On vous couvre », lançaient-ils. Du compartiment arrière à la sortie de l’avion, nous nous rendrons véritablement compte de l’ampleur des dégâts.
Partout du sang. De la chair humaine. Le plancher, immaculé, il y a juste quelques minutes, est désormais rouge de sang, qui coule. Nous avons l’impression de nous retrouver dans un vrai cauchemar. Pourtant, cette réalité était là, implacable !
L’horreur à son comble…
Dans la foulée, en sortant, tous les regards sont projetés sur la droite. Là, dans le deuxième compartiment de l’avion, le choc est encore plus grand. L’image du Lieutenant Drissa Ouattara, alias ‘’Delta’’, est insoutenable. Ce grand gaillard est couché inerte, sans cervelle. C’est la pire des images que nous ayons vu, de toute notre existence. A côté de lui, deux agents du protocole d’Etat, Sékou Doumbia et Souleymane Chériffou, sont méconnaissables. Ils ont été déchiquetés par le souffle de la roquette.
Et juste devant nous, dans le compartiment présidentiel, où se trouvaient le Premier ministre et d’autres officiels déjà évacués, le garde de corps, le caporal Siaka Diomandé, est encore dans un état agonisant. La puissance de l’explosion a emporté son bras et touché gravement une bonne partie de son corps. Il rendra l’âme plus tard, au cours de son évacuation à l’hôpital.
Enfin sortis de l’avion, avec nos autres confrères journalistes, nous sommes conduits d’urgence au Secrétariat général des Forces Nouvelles. Il n’était que 11 heures. L’attentat de Bouaké n’aura donc duré que trente (30) minutes.
Hors de l’aéroport, nous n’en revenions pas. Nous étions en vie. Dieu merci ! Une chance que quatre de nos compagnons de voyage n’ont pas eue, malheureusement !
Aujourd’hui, le temps passe. Mais les images restent gravées en nous. L’attentat contre le Fokker 100, le 29 juin 2007 à Bouaké, aura marqué les esprits en Côte d’Ivoire et dans le monde. Mais, pour nous qui avons vu et vécu ce triste évènement, plus qu’un cauchemar, c’était un traumatisme doublé d’un effroi sans fin ».
Samou DIAWARA
Ex-journaliste au Patriote,
Chargé de Communication au Ministère des Transports,
Rescapé du Fokker 100