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Showbizz Publié le vendredi 23 août 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Andy Aby (artiste ivoirien résident en France), à propos de la nationalité : ‘‘Si on veut brûler la Côte d’Ivoire pour de bon, mais allons-y !’’

Andy Aby est un artiste ivoirien qui réside depuis plus de 30 ans (c’est en 1979 qu’il quitte la Côte d’Ivoire) en France où il travaille dans le secteur de l’éducation. André Aby (de son vrai nom) était récemment de passage en Côte d’Ivoire. Et ce, dans le cadre de la promotion de son dernier album. Nous l’avons rencontré. Andy Aby parle, dans cette interview, de cette œuvre qui sort plus de 10 ans après la précédente. L’artiste ne manque pas de faire des révélations sur celui qui est présenté comme son mentor, feu François Lougah. Il adresse également son message aux Ivoiriens pour ne plus retourner dans la grave crise qu’a connue le pays.
Andy Aby a toujours les cheveux lissés. Pourquoi ce style ?
Je me suis donné un style parce que je suis un artiste et c’est ce style que j’ai choisi parmi tant d’autres. J’ai été inspiré par François Lougah. C’est le style d’un artiste classique, d’un artiste qui fait de la variété musicale, qui ne fait pas un genre musical spécifique. Celui qui fait de la variété musicale doit forcement s’habiller comme moi. Il n’est pas celui qui porterait le jeans ou autre. Il doit plutôt s’habiller correctement.

Votre précédent album était sorti en 2001 et le tout dernier est sorti en décembre 2012. Pourquoi avoir attendu plus d’une décennie ?
Tout simplement, parce que ça n’allait pas ici (Ndlr, en Côte d’Ivoire). Il y avait une situation de crise qui ne permettait plus de créer. L’album « Femme de Côte d’Ivoire » a été mis sur le marché en décembre 2001. Par la suite, j’ai eu d’énormes problèmes parce qu’après il ya eu la crise en septembre 2002. La situation n’étant plus gérable, j’ai été obligé de rentrer en France avec ma famille.

Durant cette décennie de crise militaro-politique, plusieurs artistes ont fait des chansons pour soutenir le pays, pour appeler à la paix. Vous êtes resté en marge. Pourquoi ?
Ce n’est pas que je ne me suis pas inscrit dans cette dynamique. Mais seulement, j’avais des occupations en France. Je travaille en France et à ce moment là, je n’étais plus en vacances. Ceux qui on fait les enregistrements des chansons dont vous parlez, ce sont des artistes qui ont été approchés pour le faire. Contrairement à eux, personne ne m’a approché. Si on l’avait fait, j’aurais peut être dit oui puisque c’était pour le pays.

C’est pour le pays, vous n’avez pas besoin qu’on vous approche avant d’aider la mère patrie dans les difficultés…
Mais si ! Pour enregistrer un disque, il faut des moyens conséquents. Il y a eu des gens qui ont approché des artistes pour le faire et ceux-ci l’on fait. Avec des objectifs assignés et des directives données. Personne ne m’a approché pour faire un travail dans ce sens là. J’aurais peut être accepté. L’idée était là mais il n’y avait pas les moyens.

Est-ce que vous avez fait des suggestions dans ce sens ? Est ce que vous êtes parti vers ces gens là ?
Ce sont des gens qui sont injoignables vous le savez bien. Il faut que se soit des amis ou des personnes proches. Et ce n’est pas mon cas. Si les gens avaient eu besoin de moi, ils m’auraient fait appel. Pour me chercher et me trouver c’est facile. Ils ont dû chercher sur place. Pourquoi aller chercher plus loin ce qu’on peut trouver à coté. Aussi, pendant cette période, les gens ont sûrement et certainement préféré les musiques Coupé décalé et Zouglou. Ainsi, ils se sont dirigés dans ce sens là.

Plus de dix ans après, vous revenez sur la scène avec votre 4e album intitulé ‘’ Couleur de peau ‘’. Un commentaire sur cette dernière œuvre ?
C’est un album de 12 titres chanté uniquement en français dont le titre phare est ‘’Couleur de peau’’ qui est également le nom de l’album.

Pourquoi ‘’Couleur de peau’’?
‘’Couleur de peau’’ pour rappeler que noirs, blancs, jaunes, rouges, nous sommes tous égaux. Nous avons le même sang rouge qui circule dans nos veines. Que tu sois Bété, Baoulé ou Malinké, nous sommes tous pareils, nous sommes tous des créatures de Dieu. Il faut donc cultiver l’amour. Et la majorité des titres de cet album tournent autour de l’amour, de l’entente.

Vous parlez d’amour, d’entente, ces vertus ont manqué pendant un moment en Côte d’Ivoire. Le regard d’Andy Aby sur la récente crise ivoirienne?
On a vécu la crise ivoirienne en étant France et c’était malheureux et déplorable ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire. Si on s’amuse à recommencer, ça va être plus grave. La réconciliation nationale est nécessaire. On suppose que quand 2 enfants se battent, on les sépare. On leur dit : arrêtez de vous battre et 2 minutes après, on les voit qui s’amusent, qui courent. Il faut impérativement que toute la Côte d’Ivoire, tous les politiques, tout le monde, qu’on aille à la réconciliation. On a fini de se battre, et comme nous sommes des frères qui vivons dans la même maison, il faut qu’on se parle, qu’on se réconcilie et qu’on redevienne comme on était avant. Je peux comprendre l’amertume des uns et des autres, mais on ne peut pas rester toujours dans les fâcheries. Il faut bien qu’on redevienne des frères et sœurs. On a vu des pays qui se sont battus durant des années. Pour le cas de la Côte d’Ivoire, on ne peut pas parler de guerre civile. Si cela avait été le cas, on n’en serait pas là, nos immeubles, nos belles maisons et nos installations, n’allaient pas rester debout. Il n’y a pas eu de guerre civile, il y a eu une guerre politique.

Pour vous qui parliez de ‘’Couleur de peau’’, un mot sur le débat qui a lieu autour de la question de la nationalité en Côte d’Ivoire ?
Le cas de la Côte d’Ivoire est un cas très sensible et tout le monde le sait. Il faut qu’on en parle, si on n’en parle pas, on ne pourra pas soigner la plaie. Ce sont des choses ou chacun devrait dire ce qu’il pense. L’histoire de la nationalité me concerne parce que je suis ivoirien vivant à l’étranger. Pourquoi réveiller les vieux démons sur la question de la nationalité alors que c’est cela qui nous a amené dans la situation qu’on a vécue ? Si on veut brûler la Côte d’Ivoire pour de bon mais allons y ! Je vous dis que si on s’amuse à nouveau à nous battre et a créé encore ce qu’on sait, on aboutira à une guerre civile qui va miner la Côte d’Ivoire. On a eu la chance, Dieu a mis sa main sur le pays pour que le pays ne brûle pas, pour qu’il ne sombre pas mais si on recommence, ça sera le chaos. Celui qui veut être ivoirien ou qui veut avoir la nationalité ivoirienne, il n’a qu’à suivre les procédures légales. L’administration est là et il y a des conditions à respecter. En un mot, il faut que les choses se fassent suivant les dispositions légales. S’il y a des textes qui sont là qui régissent cela, pour devenir ivoirien, pourquoi ne pas le faire ? Mais sans passion tout simplement. C’est comme en France, celui qui veut être français, il y a un cheminement à suivre. Tu peux être Français par mariage, tu peux l’être aussi par décret ou parce que l’un de tes parents a cette nationalité. Il y a beaucoup de chemins pour obtenir une nationalité.

Revenons sur votre dernier album. Il est sorti depuis décembre 2012. Mais l’on constate que les choses ne décollent pas. Qu’est ce qui ne va pas ?
Je précise qu’en décembre 2012, l’album est sorti d’abord en France et sur les réseaux sociaux. La promotion quant à elle n’est pas encore faite. On devait normalement commencer la promotion mais ma maison de production ne souhaitait pas qu’elle soit faite ici (Ndlr, en Côte d’Ivoire) parce qu’elle n’a pas confiance. Elle a soutenu que la Côte d’Ivoire n’était pas encore stabilisée et qu’elle ne voulait pas faire de grosses dépenses qui tomberont à l’eau par la suite. Une thèse qu’elle a appuyée par le problème de la piraterie qui bat son plein ici. Je leur ai dit que je les comprends mais c’est mon pays, je viens de ce continent qu’est l’Afrique, de la Côte d’Ivoire précisément et il faut que je le fasse. Je suis donc venu parce que j’ai insisté, et je suis là maintenant pour la promotion de l’album en Côte d’Ivoire et en Afrique. La promotion se fait actuellement au Burkina Faso où il y a des représentants. Elle a commencé en Côte d’ivoire depuis juin et je suis là pour booster les choses.

Quand on écoute votre album, il s’agit essentiellement de la musique française. Est-ce à dire qu’Andy Aby a tourné le dos aux sonnorités locales et ivoiriennes ?
La musique française parce qu’il faut un peu s’expatrier, il faut diversifier et essayer de rentrer dans l’international. Mais ça ne veut pas dire qu’Andy Aby ne chantera plus en langue locale.

Que pensez-vous de ces musiques qui ont pignon sur rue en ce moment en Côte d’Ivoire notamment le Coupé Décalé et le Zouglou ?
Ces jeunes gens avant de s’adonner à ce genre de musique se sont inspirés des repères que nous sommes. S’il n’y avait eu pas des devanciers, il n’y aurait pas eu de musique Coupé décalé. Je profite donc de l’occasion pour dire qu’il ne faut pas cracher sur le genre de musique qui a ouvert les portes au Coupé Décalé et au Zouglou. Si je suis venu à la musique, c’est grâce à des devanciers, en l’occurrence François Lougah. On parle de Coupé Décalé aujourd’hui parce que les anciens ont tracé le chemin. Les anciens ont donc toujours leur place et ils méritent respect. Ce sont des anciens comme Ernesto Djédjé, Lougah François qui ont tracé les sillons de la musique ivoirienne. Ils méritent, j’insiste, considération et respect.

François Lougah a quitté la terre des hommes, il y a environ 16 ans. Qu’est ce qu’Andy Aby retient de celui qui est présenté comme son mentor ?
Paix à son âme ! François Lougah, c’est un regret pour moi, c’est une perte, une grosse perte pour la Côte d’Ivoire. S’il était encore vivant aujourd’hui, il serait déjà fatigué, très fatigué d’ailleurs. C’est quelqu’un qui a beaucoup œuvré pour la musique ivoirienne. Ce que je retiens de lui, c’est qu’il était un homme de cœur et un très grand chanteur, un grand comédien parce qu’il a fait la comédie en France. C’était un artiste complet dans toute sa splendeur.

Il se dit que vous êtes son héritier…
Je ne me présente pas comme l’héritier de François Lougah. Ce sont les gens qui le disent. Je ne me permettrai pas de dire que je suis l’héritier musical de Lougah François parce qu’il y a d’autres gens qui font le même genre musical que moi. Il y a même son frère Paul qui est là. Mais cela me fait plaisir et je suis fier si l’Ivoiriens dans leur ensemble disent que c’est moi l’héritier. Si les uns et les autres reconnaissent du François Lougah en moi, c’est une joie pour moi.

Comptez-vous pérenniser son œuvre ?
François Lougah, encore paix à son âme, a été invité en 1994 lors d’une cérémonie de mariage. Il est venu avec des amis, et on a fait un duo, on a chanté ensemble, et puis après la chanson, François Lougah a dit ceci : « Andy Aby est mon fils, et à partir de ce soir, je lui passe mon flambeau». Ce jour là, il y avait d’autres artistes. Je peux citer, entre autres, Johnny Lafleur, RAS, Antoinette Alany. Il savait en ce moment qu’il se retrouvait en moi. L’ensemble des ivoiriens disaient déjà en ce temps que je lui ressemblais.

Qu’est ce que vous prévoyez ? Une reprise de ses chansons ? Un album hommage ?
Il y a des gens en ce moment qui s’activent à cela. Ils m’ont contacté. Je leur ai demandé s’ils pensaient que j’étais capable de chanter des chansons de Lougah, ils m’ont répondu oui ! C’est un projet qu’on m’a soumis, j’ai accepté. Mais entre projet et réalisation, il y a une marge.

Pensez-vous que votre ressemblance avec François Lougah vous a apporté de la notoriété ?
Oui, soyons francs. François Lougah avait de la notoriété. Et j’ai beaucoup gagné en termes de notoriété parce qu’on m’identifie à lui. Même l’album que j’ai chanté en français, on dit que c’est Lougah. J’ai tiré profit de cette notoriété et je continue d’en tirer profit. En tout cas, ça m’a ouvert de nombreuses portes. Les fans, tous ceux qui aiment Lougah se sont reporté sur moi et ça me fait chaud au cœur, l’image de Lougah est toujours en place.

Pour vous, François Lougah, a-t-il bénéficié d’un hommage mérité ?
François Lougah n’est pas suffisamment honoré. C’est quand on me voit qu’on parle de lui. Il faut immortaliser François Lougah. A chaque mois de décembre, Il faut trouver quelque chose pour que tous les artistes lui rendre hommage. En France, des gens comme Claude François, Coluche, vivent encore parce que les français rappellent toujours la date de leurs décès.

Pourquoi ne presiez-vous pas l’initiative ?
Malheureusement je ne vis pas en Côte d’Ivoire. Quand on veut prendre ce genre d’initiatives, il faut être sur place pour les mettre efficacement en action. J’en parle pour ne pas que les gens n’oublient pas qu’il faut honorer Lougah. Il y a eu Désiré Dallo, l’ancien directeur général du Port autonome de San-Pedro, qui a eu l’idée géniale de faire son mausolée. Il y a pensé et il l’a réalisé.

Andy Aby, est-il en contact avec la famille de François Lougah ?
Oui, je parle souvent avec sa fille Caroline. Il n’y a pas longtemps, j’ai rencontré l’un de ses fils lors de la présentation du livre que Lébry Léon Francis a fait sur François Lougah et dans lequel j’ai paraphé des choses sur lui (Ndlr, François Lougah). A cette occasion où Lebry Léon Francis a invité la famille Lougah, j’ai rencontré son fils. Je profite de l’occasion pour saluer cette magnifique initiative de Lebry Léon Francis.

Réalisée par Raymond Dibi, coll D.C
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