Ils doivent se frotter les mains ! Les chauffeurs et les propriétaires de taxis. Surtout communaux. Si le brave cultivateur a besoin de pluie, deux mois dans l’année, pour avoir une bonne récolte, le chauffeur et son propriétaire ont besoin d’une année scolaire. Dans leur fort intérieur ils auraient voulu que les élèves ne bénéficient jamais de vacances scolaires. Douze mois sur douze de scolarité. Donc d’argent pour eux. Il a fallu que je me décide à faire l’expérience du client de taxis, à la sortie des écoles, pour comprendre pourquoi un ami a acheté un taxi pour faire le transport. Le taxi, de toutes sortes, est une vraie vache à lait. Ce sont plusieurs mamelles qui donnent du lait sans discontinuer. Pendant cinq jours j’ai vécu le calvaire des élèves et la douleur des parents. J’ai compris aussi pourquoi on parle, de plus en plus, de collèges de proximité. Même s’ils ne sont pas trop éloignés de leur établissement, emprunter un taxi devient une exigence pour les élèves. Quand on totalise ce qu’un collégien dépense, chaque jour, pour aller à l’école et en revenir, sans compter ses frais de repas, il faut avouer que les parents, pour la plupart vivent le martyr financier. On comprend aussi le nombre ultra élevé de filles qui ont porté des grossesses. Comme le disait si bien une directrice d’école les chauffeurs de taxis sont en grande partie les responsables des grossesses des filles dans les écoles. Plus grave, les douze à quatorze ans commencent à monter dans le pourcentage des filles enceintes durant l’année scolaire. De nombreuses solutions sont proposées. Mais on oublie toujours l’exigence du corps qui rencontre la pauvreté, l’envie, les images de la télévision. Les chauffeurs et les propriétaires de taxis vont longtemps encore se frotter les mains. Il est curieux de constater que des opérateurs économiques, principalement dans le monde de la communication, ne pensent pas encor à ce public très important de scolaires. En créant un journal gratuit. On imagine le nombre de publicité immense que regorgerait ce journal qui va atteindre plus d’un million d’écoliers et d’élèves. Les annonceurs se précipiteront immanquablement. Je comprends encore mieux cet universitaire ivoirien qui a enseigné plus de quinze ans en Amérique. Devant son frère qui se plaignait de la difficulté à vivre à Abidjan il a réagi en disant que cette ville regorgeait de pleines de vaches à lait. Et il va le lui démontrer. Mais avoir de l’imagination obéit à d’autres critères. Très peu de personnes peuvent en acquérir. Attendre, couché, regardant le ciel, que tout tombe dans la bouche ne favorisera pas la prise de conscience pour monter qu’on marche sur des mines d’or. Ils doivent se frotter les mains, également, ces fondateurs d’écoles. Nous sommes vraiment dans un pays libéral. Les écoles poussent comme des champs de maïs. La demande est très forte. On a beau en créer le besoin se fait sentir chaque année. Création d’établissements privés une vraie vache à lait dans le pays. Tout le monde s’y adonne. Les enseignants, formés ou pas, se livrent comme des bétails aux grands loups. Quand on vit le chômage pendant des années un salaire à la lance pierre ne fait pas reculer. Travailler c’est la dignité retrouvée. L’essentiel c’est de sortir le matin et de revenir le soir, même si on doit faire le parcours dans le « train haoussa », c’est à dire en marchant. Les fondateurs d’établissements scolaires ont encore de beaux jours devant eux. Jusqu’à ce que des contrôles rigoureux et surtout qu’un classement ou un palmarès complet soit publié chaque année. On verra, ainsi, ceux qui tiendront le millième rang. Ils doivent se bousculer pour occuper cette place. Dans certaines viles de province, pour ne pas dire de l’intérieur, ce sont les enseignants, eux-mêmes, pris par le goût de l’affairisme qui deviennent des fondateurs d’établissement. Qui peut les en vouloir ? Dns un pays tourné résolument vers la recherche du gain, du profit, personne ne veut rater ce rendez-vous de l’émergence en arrivant les mains vides. Même la spiritualité est devenue une vache à lait. Les lieux voués aux meetings de prière font la concurrence à l’école. Quand une grande partie de la population n’a lu que des ouvrages au programme et qui ne trouvent pas l’occasion de lire ou de méditer chaque jour les livres sacrés elle ne peut que servir de lait à traire. A chacun, désormais, de trouver, une mamelle dans cette vache à notre portée pour en extraire chaque jour du lait nourrissant. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koilibaly
Par Isaïe Biton Koilibaly