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Art et Culture Publié le mardi 26 novembre 2013 | Le Democrate

Cinéma Tout est à refaire !

Au mois de Septembre dernier, la 13ème édition de Clap Ivoire, concours qui à l’origine récompense les jeunes réalisateurs de la zone Uemoa s’est tenue avec une innovation de taille. L’ouverture de la compétition aux 15 pays de l’espace CEDEAO. Si d’emblée cette innovation est une bonne nouvelle et qu’elle donne le sentiment que les choses bougent désormais pour donner au 7ème art ses lettres de noblesse au plan national comme international, croire que tout est désormais rose serait faire preuve de naïveté. Car, pas mal de misères continuent de plomber l’épanouissement de ce secteur en dépit du fait que l’année 2013 a été décrétée « année du cinéma » par Maurice Bandaman, ministre de la culture et de la francophonie.
Depuis plusieurs années, de nombreux spécialistes du 7ème art s’accordent à dire que le cinéma ivoirien est malade. Et les mots pour l’exprimer suffisent à susciter l’inquiétude quant à l’avenir. Certains parlent d’ «agonie», d’autres évoquent un «coma», là où plusieurs autres encore, affirment qu’il s’agit bel et bien d’une «mort» du cinéma ivoirien.

Le cinéma et ses années de gloire

Dans les années 70, la Côte d’Ivoire pouvait s’enorgueillir de son cinéma. Les salles étaient en nombre important. Et la plupart des grandes villes du pays en possédait. Que ce soit à Abidjan comme à l’intérieur du pays, les cinéphiles scrutaient les affiches tous les soirs pour voir les films à la une. Jeunes, adultes, hommes comme femmes se bousculaient pour avoir accès aux salles et se délecter des projections cinématographiques. C’est souvent que certains cinéphiles étaient obligés de suivre les films en position debout puisque parfois la salle devenait exigüe pour contenir la ‘‘foultitude’’ de cinéphiles. C’est dire tout l’intérêt que le cinéma suscitait à cette époque. Et ce beau public qui était surtout passionné des films de karaté. C’est l’époque des grands acteurs comme Bruce Lee, David Karadine, Takashi Yamamoto etc. Les westerns et polars américains de même que les longs métrages africains étaient aussi prisés des cinéphiles à l’exemple de Pétanqui. Le cinéma constituait le hobby favori de beaucoup de gens. Pour 500 fcfa, l’on avait droit à une séance à Abidjan alors que dans les salles de l’intérieur du pays, cela coûtait à peine 200 fcfa. Parfois, on y allait en famille, ou bien avec sa petite amie. Le développement du cinéma et de ses salles a également favorisé la floraison de petits commerces à partir desquelles des familles gagnaient leur vie à travers la vente de certaines denrées (pain, oranges, viande braisée, des cigarettes etc). Au fond, les deux décennies 1970-1990 ont vu l’âge d’or du 7ème art parce que l’Etat ivoirien et ses partenaires extérieurs avaient fait du cinéma une véritable industrie dont le fonctionnement donnait satisfaction. Malheureusement, les choses vont peu à peu se dégrader jusqu’au début des années 90 où, à la place des projections cinématographiques, ce sont des cérémonies religieuses qui vont élire domiciles dans les salles.

Le cinéma et ses années noires

Si les soirées de cinéma étaient l’occasion pour beaucoup de gens de se distraire, elles constituaient également des moments où des groupes de voyous se réglaient les comptes. Etant donné que les tarifs d’entrée aux salles ne valaient pas grand-chose, tout le monde pouvait y accéder. Ainsi, des loubards se donnaient rendez-vous dans ces salles pour s’y affronter à l’arme blanche. C’est ainsi qu’au fil du temps, les salles de cinéma vont voir leur réputation s’enlaidir et vont peu à peu se vider. A côté de cela, beaucoup de gens considéraient aussi que les salles de cinéma et les vidéo-clubs dans les petits quartiers constituaient des lieux de dépravation (diffusion de films pornos, distribution de drogue etc.)

Et les religieux s’invitent au cinéma

Lorsqu’au début des années 90, un vaste mouvement évangélique se met en branle au pays d’Houphouët-Boigny, les salles de cinéma (parfois abandonnées parce que plus rentables) et les vidéo-clubs tombent aux mains d’hommes religieux visiblement décidés à en découdre avec “le diable”. L’ancien centre culturel de Treichville et son cinéma, l’ancien cinéma Liberté d’Adjamé et bien d’autres en feront les frais au grand dam des professionnels du milieu qui assistent impuissants à l’enlisement de leur métier. Plus de salles, plus de projections, plus de productions et patatras! Toute l’industrie cinématographique s’écroule. Les réalisateurs ne doivent leur salut qu’à des soutiens de l’Etat et de partenaires privés. En effet, avant le début de la crise militaro-politique de Septembre 2002, les appuis ponctuels de l’Etat ivoirien et ceux des partenaires étrangers dont la plupart sont français soulageaient quelque peu les réalisateurs. Mais, à partir de l’éclatement de la crise de 2002, les efforts de l’Etat vis-à-vis du secteur cinématographique vont s’amoindrir alors que l’aide extérieure quant à elle, s’est considérablement rabougrie. Même si durant cette période, l’organisation de certains évènements tels Clap Ivoire et le Fica (Festival international du court-métrage d'Abidjan), ont donné le sentiment que quelque chose était encore possible, il faut reconnaître que l’économie cinématographique est toujours inexistante.

Manque de professionnalisme, déficit de financement

Les réalisateurs, dans le souci de continuer à exister, s’investissent pour la plupart, dans la production de séries télévisées. Il faut toutefois, reconnaître que l’avènement du numérique a boosté la production dès l’an 2004. Surtout que ce mode nouveau de production facilite la tâche aux cinéastes et amoindrit aussi leurs charges. Au fond, là où auparavant l’on avait besoin d’une vingtaine de techniciens, en mode numérique, avec ne serait-ce que cinq techniciens, le tour est joué. Ainsi, les cinéastes sont unanimes pour reconnaître que le passage au numérique améliore la qualité de l’image et du son. En la matière, Coupé-décalé de Fadiga demilano ; Les bijoux du sergent Digbeu de Alex Quassy et même ‘‘Un homme pour deux sœurs’’ de Marie-Louise Asseu constituent de belles illustrations. Mais le recours au mode numérique ne règle pas tout pour autant. Puisque l’une des grosses plaies du cinéma ivoirien demeure le manque de professionnalisme et le déficit de financement. Par ailleurs, il se pose également un problème de public. D’autant que la population de son côté est de plus en plus friande des Cd, Vcd, Dvd et autres clés Usb. De fait, beaucoup de gens ne trouvent plus nécessaire de se rendre dans une salle de cinéma pour voir un film. Dans une telle situation, que faire?

Onac-ci: Et l’espoir renaît

Les cinéastes l’ont appelé de tous leurs vœux. L’office national de l’action cinématographique de Côte d’Ivoire (Onac-ci), a finalement été mis sur pied par l’Etat ivoirien. Entre autres missions à lui assignées, réorganiser et professionnaliser le cinéma ivoirien, promouvoir la coopération internationale en matière de cinéma etc. Si l’idée de cet office a germé sous l’ancien régime (la refondation), il faut reconnaître que c’est avec le ministre Maurice Bandaman que l’Onac-ci a véritablement vu le jour. On se souvient qu’avant sa mort, l’ex directeur de cette structure Kitia Touré avait émis plusieurs idées novatrices: Entre autres, l’’instauration d’une carte professionnelle, la construction de salles multiplexes avec l’aide des décideurs politiques et celle des opérateurs économiques. Espérons que Fadika Kramo Lanciné, actuel patron de l’Onac-ci saura mettre en œuvre ces projets pour le bien du cinéma en Côte d’Ivoire.

F. K.
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