ABIDJAN - Les Bourses africaines, en forte croissance, permettent de financer le développement du continent, les produits relativement basiques qu'elles proposent les mettant à l'abri des excès spéculatifs critiqués dans les pays du Nord, ont indiqué des experts à Abidjan
et Paris.
Depuis 2000, les dix principales places du continent ont vu leur capitalisation boursière multipliée par six, pour atteindre 1.300 milliards de dollars (960 milliards d'euros), dont plus des trois quarts pour la seul Bourse de Johannesburg (1.000 mds de dollars, 740 mds d'euros).
Dans le même temps, l'Afrique connaît une belle embellie économique, mais inégalement répartie.
En 2012, le taux de croissance du continent était de 5,2%, contre 5,3% en 2011 et 4,7% en 2010, soit "une moyenne de 5%, supérieure à la moyenne mondiale qui se situe autour de 3%", relève le Premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan.
Dans cette situation, les marchés financiers servent d'"activateurs", de "facilitateurs" pour "l'économie réelle", observe Sunil Benimadhu, président de l'ASEA (African securities exchanges association), qui regroupe les 23 Bourses africaines.
"Quand on développe des marchés, ceux-ci deviennent d'importantes plates-formes pour que les entreprises lèvent du capital, financent leur croissance, créent des emplois, contribuent au développement de l'économie", explique le dirigeant de l'ASEA, en congrès à Abidjan jusqu'à mercredi.
La finance pallie ainsi la diminution ou le plafonnement de l'aide publique au développement, remarque Gabriel Fal, le président de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d'Abidjan, où 37 sociétés de l'Uémoa (Union économique et monétaire ouest-africaine, ou zone franc CFA) sont cotées.
Des banques "défaillantes" et "frileuses"
"Jusqu'à présent, on a financé les infrastructures, les grands projets industriels, à travers l'aide publique au développement. Aujourd'hui, cette aide (...) a tendance à s'éteindre", constate M. Fal, pour qui "l'épargne locale", via les Bourses, doit permettre d'assumer le développement africain.
Les places africaines se substituent en ce sens aux banques, "défaillantes" et "frileuses" en Afrique, analyse Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques, Paris), auteur de "L'économie de l'Afrique".
"Elles ont un rôle plutôt important dans les pays anglophones, beaucoup moins dans les pays francophones", ajoute le chercheur. Johannesburg, Le Caire et Lagos hébergent les trois premières Bourses du continent. Puis viennent Casablanca, Nairobi et Abidjan.
Mais les marchés peuvent-ils constituer une solution crédible et pérenne en Afrique, aux fondamentaux socio-économiques et politiques déjà instables, alors qu'ils ont eux-mêmes engendré de graves crises dans les pays du Nord ?
"Ici, les gens ne sont pas tellement dans la spéculation. Ils sont dans le rendement. Ils achètent une action et tous les 17 juillet, ils vont présenter leur action pour toucher leurs dividendes", rassure Gabriel Fal.
A l'instar de la BRVM qu'il dirige, nombre de Bourses africaines ne proposent que des produits simples : actions, obligations ou fonds communs de placement. "Il n'est pas question de mettre en place des produits hyper sophistiqués et volatiles alors que le gens ne sont pas prêts pour cela", note-t-il.
"Il est vrai que les Bourses africaines sont encore embryonnaires. Mais si elles prennent de l'ampleur, elles peuvent rentrer dans les dérives du capitalisme financier qu'on connaît bien", avertit toutefois Philippe Hugon.
A l'heure actuelle, la BRVM représente moins de 10% du PIB des huit pays d'Afrique de l'Ouest qu'elle couvre, ce qui limite l'impact d'une potentielle crise boursière sur l'économie de la zone, observe un connaisseur du dossier.
Dans les pays du Nord, l'économie financière est à l'inverse bien plus
importante que l'économie réelle, et les conséquences des crises financières
démultipliées, poursuit-il.
Les pays africains doivent "prendre exemple sur les erreurs commises" dans le Nord et "mettre en place un système de régulation" pour "éviter la mauvaise spéculation", estime Anne-Laure Delatte, chercheuse associée à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et au CNRS (Centre national français de la recherche scientifique).
"Quand un marché boursier s'ouvre trop vite, il y a des mal-pratiques," observe-t-elle. L'Asie et l'Amérique latine, autres continents émergents, ont connu des crises financières ces dernières décennies, mais s'en sont remis.
Cela peut constituer une leçon pour l'Afrique, espérée comme la "prochaine frontière du développement" par ses leaders économiques.
jf/sd/jlb
et Paris.
Depuis 2000, les dix principales places du continent ont vu leur capitalisation boursière multipliée par six, pour atteindre 1.300 milliards de dollars (960 milliards d'euros), dont plus des trois quarts pour la seul Bourse de Johannesburg (1.000 mds de dollars, 740 mds d'euros).
Dans le même temps, l'Afrique connaît une belle embellie économique, mais inégalement répartie.
En 2012, le taux de croissance du continent était de 5,2%, contre 5,3% en 2011 et 4,7% en 2010, soit "une moyenne de 5%, supérieure à la moyenne mondiale qui se situe autour de 3%", relève le Premier ministre ivoirien Daniel Kablan Duncan.
Dans cette situation, les marchés financiers servent d'"activateurs", de "facilitateurs" pour "l'économie réelle", observe Sunil Benimadhu, président de l'ASEA (African securities exchanges association), qui regroupe les 23 Bourses africaines.
"Quand on développe des marchés, ceux-ci deviennent d'importantes plates-formes pour que les entreprises lèvent du capital, financent leur croissance, créent des emplois, contribuent au développement de l'économie", explique le dirigeant de l'ASEA, en congrès à Abidjan jusqu'à mercredi.
La finance pallie ainsi la diminution ou le plafonnement de l'aide publique au développement, remarque Gabriel Fal, le président de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d'Abidjan, où 37 sociétés de l'Uémoa (Union économique et monétaire ouest-africaine, ou zone franc CFA) sont cotées.
Des banques "défaillantes" et "frileuses"
"Jusqu'à présent, on a financé les infrastructures, les grands projets industriels, à travers l'aide publique au développement. Aujourd'hui, cette aide (...) a tendance à s'éteindre", constate M. Fal, pour qui "l'épargne locale", via les Bourses, doit permettre d'assumer le développement africain.
Les places africaines se substituent en ce sens aux banques, "défaillantes" et "frileuses" en Afrique, analyse Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques, Paris), auteur de "L'économie de l'Afrique".
"Elles ont un rôle plutôt important dans les pays anglophones, beaucoup moins dans les pays francophones", ajoute le chercheur. Johannesburg, Le Caire et Lagos hébergent les trois premières Bourses du continent. Puis viennent Casablanca, Nairobi et Abidjan.
Mais les marchés peuvent-ils constituer une solution crédible et pérenne en Afrique, aux fondamentaux socio-économiques et politiques déjà instables, alors qu'ils ont eux-mêmes engendré de graves crises dans les pays du Nord ?
"Ici, les gens ne sont pas tellement dans la spéculation. Ils sont dans le rendement. Ils achètent une action et tous les 17 juillet, ils vont présenter leur action pour toucher leurs dividendes", rassure Gabriel Fal.
A l'instar de la BRVM qu'il dirige, nombre de Bourses africaines ne proposent que des produits simples : actions, obligations ou fonds communs de placement. "Il n'est pas question de mettre en place des produits hyper sophistiqués et volatiles alors que le gens ne sont pas prêts pour cela", note-t-il.
"Il est vrai que les Bourses africaines sont encore embryonnaires. Mais si elles prennent de l'ampleur, elles peuvent rentrer dans les dérives du capitalisme financier qu'on connaît bien", avertit toutefois Philippe Hugon.
A l'heure actuelle, la BRVM représente moins de 10% du PIB des huit pays d'Afrique de l'Ouest qu'elle couvre, ce qui limite l'impact d'une potentielle crise boursière sur l'économie de la zone, observe un connaisseur du dossier.
Dans les pays du Nord, l'économie financière est à l'inverse bien plus
importante que l'économie réelle, et les conséquences des crises financières
démultipliées, poursuit-il.
Les pays africains doivent "prendre exemple sur les erreurs commises" dans le Nord et "mettre en place un système de régulation" pour "éviter la mauvaise spéculation", estime Anne-Laure Delatte, chercheuse associée à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et au CNRS (Centre national français de la recherche scientifique).
"Quand un marché boursier s'ouvre trop vite, il y a des mal-pratiques," observe-t-elle. L'Asie et l'Amérique latine, autres continents émergents, ont connu des crises financières ces dernières décennies, mais s'en sont remis.
Cela peut constituer une leçon pour l'Afrique, espérée comme la "prochaine frontière du développement" par ses leaders économiques.
jf/sd/jlb