Les dirigeants africains l’ont encensé après sa mort, mais bien peu ont suivi son exemple: élu en 1994, Nelson Mandela avait choisi de présider l’Afrique du Sud pendant cinq ans seulement pour la placer sur la voie de la démocratie.
En rendant hommage mardi à Soweto au héros de la lutte anti-apartheid devant un parterre de chefs d’Etat, dont certains au pouvoir depuis plus de vingt ans, le président américain Barack Obama a jeté un pavé dans la mare: "Il y a trop de dirigeants qui se disent solidaires du combat de Nelson Mandela pour la liberté mais ne tolèrent pas d’opposition de leur propre
peuple".
Premier président noir d’Afrique du Sud élu lors du premier scrutin libre d’un pays qui, sous son impulsion, venait tout juste de se libérer du régime raciste de l’apartheid, Nelson Mandela avait choisi en 1999 de ne pas se représenter pour un second mandat, comme l’y autorisait pourtant la Constitution.
Après cinq années d’une politique centrée sur le dialogue et la réconciliation avec la minorité blanche, Mandela, âgé de 81 ans, avait laissé le champ libre à l’élection de son successeur, Thabo Mbeki.
"C’est un exemple très peu suivi, surtout en Afrique", estimait le Camerounais Achille Mbembe, théoricien du post-colonialisme et professeur d’histoire et de développement à l’université de Witwatersrand à Johannesburg, sur Radio France internationale (RFI), au lendemain de la mort de Mandela le 5 décembre,
Selon lui, Mandela "aura montré, effectivement, qu’il n’est de pouvoir qu’en tant que service à une communauté, service qui présuppose un certain degré d’abnégation et d’engagement au service des autres, qui ne peut être que temporaire".
A quelques exceptions notables comme le Sénégal ou le Ghana, une grande partie des pays d’un continent à l’histoire marquée par les coups d’Etat et les conflits, et toujours miné par la pauvreté en dépit d’immenses richesses naturelles, sont dirigés par des chefs d’Etat autoritaires qui se sont enrichis au fil de longues années au pouvoir.
Des raisons d’espérer
Souvent âgés, ces dirigeants sont loin d’appliquer le dialogue et la réconciliation chers à Nelson Mandela: ils ont au contraire du mal à tolérer la contradiction d’opposants généralement persécutés et s’accrochent à leur pouvoir en organisant régulièrement des élections de façade, truquées.
A l’image du Zimbabwéen Robert Mugabe, 89 ans dont 33 à la tête de son pays voisin de l’Afrique du Sud. Mugabe a pourtant lui aussi été un héros de la lutte de libération en Afrique, a également connu la prison et a été l’un des plus précieux soutiens de Nelson Mandela et de son parti, le Congrès national africain (ANC), dans leur lutte contre l’apartheid. Mais Robert Mugabe a régulièrement dit que seule "la mort" lui ferait quitter le pouvoir.
Il y a bien "une tentative de trouver une voie africaine" à la démocratie, mais elle se heurte à "une résistance de certains dirigeants", estime Piers Pigou, analyste et spécialiste de l’Afrique australe à International crisis
group (ICG). "Quand vous n’êtes pas au pouvoir, il y a un manque d’accès à
l’influence et aux opportunités économiques", avance-t-il pour expliquer cette
"résistance".
Mais il y a malgré tout des raisons d’espérer, car "on a vu au cours des 20
dernières années se développer diverses formes de pratiques démocratiques, un
engagement envers ces pratiques et un mouvement vers des élections
multipartites". "C’est plus lent que ce que l’on pourrait vouloir",
regrette-t-il, "mais c’est un processus qui progresse".
Selon ce chercheur basé en Afrique du Sud, "Mandela a eu un effet sur les
attitudes et les opinions des gens ordinaires, il a encouragé l’attitude consistant à remettre en cause les comportements abusifs" de certains dirigeants. "Il a montré l’exemple, porté un message global qui s’est répandu à travers l’Afrique".
Pour le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, ce message de Mandela est même allé bien au-delà: "Le plus grand des baobabs a planté des racines qui ont poussé partout sur la planète."
bur-stb/mrb/sd/de
En rendant hommage mardi à Soweto au héros de la lutte anti-apartheid devant un parterre de chefs d’Etat, dont certains au pouvoir depuis plus de vingt ans, le président américain Barack Obama a jeté un pavé dans la mare: "Il y a trop de dirigeants qui se disent solidaires du combat de Nelson Mandela pour la liberté mais ne tolèrent pas d’opposition de leur propre
peuple".
Premier président noir d’Afrique du Sud élu lors du premier scrutin libre d’un pays qui, sous son impulsion, venait tout juste de se libérer du régime raciste de l’apartheid, Nelson Mandela avait choisi en 1999 de ne pas se représenter pour un second mandat, comme l’y autorisait pourtant la Constitution.
Après cinq années d’une politique centrée sur le dialogue et la réconciliation avec la minorité blanche, Mandela, âgé de 81 ans, avait laissé le champ libre à l’élection de son successeur, Thabo Mbeki.
"C’est un exemple très peu suivi, surtout en Afrique", estimait le Camerounais Achille Mbembe, théoricien du post-colonialisme et professeur d’histoire et de développement à l’université de Witwatersrand à Johannesburg, sur Radio France internationale (RFI), au lendemain de la mort de Mandela le 5 décembre,
Selon lui, Mandela "aura montré, effectivement, qu’il n’est de pouvoir qu’en tant que service à une communauté, service qui présuppose un certain degré d’abnégation et d’engagement au service des autres, qui ne peut être que temporaire".
A quelques exceptions notables comme le Sénégal ou le Ghana, une grande partie des pays d’un continent à l’histoire marquée par les coups d’Etat et les conflits, et toujours miné par la pauvreté en dépit d’immenses richesses naturelles, sont dirigés par des chefs d’Etat autoritaires qui se sont enrichis au fil de longues années au pouvoir.
Des raisons d’espérer
Souvent âgés, ces dirigeants sont loin d’appliquer le dialogue et la réconciliation chers à Nelson Mandela: ils ont au contraire du mal à tolérer la contradiction d’opposants généralement persécutés et s’accrochent à leur pouvoir en organisant régulièrement des élections de façade, truquées.
A l’image du Zimbabwéen Robert Mugabe, 89 ans dont 33 à la tête de son pays voisin de l’Afrique du Sud. Mugabe a pourtant lui aussi été un héros de la lutte de libération en Afrique, a également connu la prison et a été l’un des plus précieux soutiens de Nelson Mandela et de son parti, le Congrès national africain (ANC), dans leur lutte contre l’apartheid. Mais Robert Mugabe a régulièrement dit que seule "la mort" lui ferait quitter le pouvoir.
Il y a bien "une tentative de trouver une voie africaine" à la démocratie, mais elle se heurte à "une résistance de certains dirigeants", estime Piers Pigou, analyste et spécialiste de l’Afrique australe à International crisis
group (ICG). "Quand vous n’êtes pas au pouvoir, il y a un manque d’accès à
l’influence et aux opportunités économiques", avance-t-il pour expliquer cette
"résistance".
Mais il y a malgré tout des raisons d’espérer, car "on a vu au cours des 20
dernières années se développer diverses formes de pratiques démocratiques, un
engagement envers ces pratiques et un mouvement vers des élections
multipartites". "C’est plus lent que ce que l’on pourrait vouloir",
regrette-t-il, "mais c’est un processus qui progresse".
Selon ce chercheur basé en Afrique du Sud, "Mandela a eu un effet sur les
attitudes et les opinions des gens ordinaires, il a encouragé l’attitude consistant à remettre en cause les comportements abusifs" de certains dirigeants. "Il a montré l’exemple, porté un message global qui s’est répandu à travers l’Afrique".
Pour le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, ce message de Mandela est même allé bien au-delà: "Le plus grand des baobabs a planté des racines qui ont poussé partout sur la planète."
bur-stb/mrb/sd/de