Cet édito ne fera certainement pas plaisir à lire, dans un contexte dominé par une hyperémotivité sur fond de drame humain qui veut que la raison soit mise en veilleuse pour pleurer avec tous ceux qui pleurent, le décès tragique d’Awa Fadiga. Ce mannequin brutalement arraché à l’affection des siens dans la fleur de l’âge.
Ça va paraître sans cœur. Mais dans quelques jours, quelques semaines tout au plus, on aura tous oublié la défunte. A l’exception de ses parents. Ainsi va la vie sur cette terre des Hommes. Particulièrement en Côte d’Ivoire où la survenance d’une tragédie de ce genre suscite toujours le plus grand émoi avant de s’éteindre sans qu’on en tire les leçons… Jusqu’à la prochaine.
Qui se souvient encore du drame des passagers de l’autobus de la ligne 19 de la SOTRA en 2011, la veille de la commémoration du 51e anniversaire de l’indépendance de notre pays et dont les fantômes hantent désormais les fonds de la lagune Ebrié ?
Qui se rappelle que, parties assister à la
« Fête de la Lumière » au Plateau, la veille du Nouvel An 2012, une soixantaine de personnes avaient rendez-vous avec les ténèbres et la mort ?
Ces différents drames, sans que les responsabilités ne soient jamais situées.
Pourquoi ce serait différent aujourd’hui, avec la mort de cette jeune femme qui enflamme la toile ? Obligeant le ministère de la Santé à monter en première ligne. Après avoir maintes fois gardé le silence sur d’autres cas tout aussi révoltant, pour livrer la version officielle, forcément suspecte.
Toute cette agitation parce que Awa était une célébrité ? Chacun de nous a déjà perdu un membre de sa famille dans l’un de nos hôpitaux sans faire preuve de l’activisme auquel nous assistons. Tout au plus nous sommes nous indignés, dans un silence assourdissant.
Les « Awa Fadiga », il en meurt tous les jours aux urgences de nos CHU. Sans que ne cessent les embouteillages à Abidjan ou que ne s’émeuve qui que ce soit !
Généralement, on pense que ça n’arrive qu’aux autres. Regardant ceux à qui cela arrive avec un détachement absolu et froid. Jusqu’au jour où le sort fait de nous, ou de l’un de nos proches, l’heureux élu de la tragédie.
Alors s’éveille une prise de conscience éphémère de notre responsabilité sociale collective. L’opinion publique s’époumone alors à exiger des têtes. Celles des médecins actuellement. Sur les réseaux sociaux, les passions se déchaînent. Cette « tempête » n’a hélas, aucune incidence sur la pétition lancée depuis le 26 mars. Afin que plus jamais, un tel drame ne se reproduise. Sur les 100 000 attendus, seuls 7543 pétitionnaires (au 29 mars à 15h 20) ont eu le courage d’assumer leur opinion. Les réseaux sociaux donnent un courage inouïe !
Combien de fois, l’attention de l’opinion publique et des décideurs n’a-t-elle pas été attirée sur les conditions d’accueil aux urgences ? Qui est-ce qui s’en est ému ou inquiété ? L’émotion est nègre, l’amnésie ivoirienne !
Les réactions actuelles ont quelque chose de louche ! Que dire de celle des médecins qui à l’instar du Dr Philomène Waota, (lire sa réaction en page 7) tentent dans de dég ager leur responsabilité en invoquant le manque de médicaments, de matériel de première nécessité et l’insuffisance du plateau technique dans les urgences ? Prompts à déclencher des mouvements d’humeur pour un meilleur traitement salarial, ne sont-ils pas légitimement fondés à en faire autant, lorsqu’ils ne disposent même pas du minimum pour travailler ? C’est vrai qu’ils n‘ont pas fait vœu de pauvreté. Personne ne veut d’ailleurs croire qu’ils ont fait vœu d’impuissance et de complicité pour laisser mourir des malades dans les couloirs des urgences.
Pourquoi ne pas démissionner du service public dans ces conditions ? Quand l’Etat nous oblige à l’à peu-près et qu’on n’est pas d’accord, on doit avoir la force de dire non et rendre le tablier !
Pour finir un autre sujet non moins préoccupant qui se développe dans l’indifférence générale, la BCEAO a réagi à notre enquête sur le commerce de l’argent à proximité de sa représentation à Abidjan, (Lire page 3). Selon Jean-Baptiste Aman, le directeur national, les investigations de ses services ne permettent pas de conclure à une implication des agents de l’institution dans ce trafic qui ne constitue pas, en l’état actuel, une infraction. En attendant que l’Etat de Côte d’Ivoire décide du contraire.
Par Bony Valéry
Ça va paraître sans cœur. Mais dans quelques jours, quelques semaines tout au plus, on aura tous oublié la défunte. A l’exception de ses parents. Ainsi va la vie sur cette terre des Hommes. Particulièrement en Côte d’Ivoire où la survenance d’une tragédie de ce genre suscite toujours le plus grand émoi avant de s’éteindre sans qu’on en tire les leçons… Jusqu’à la prochaine.
Qui se souvient encore du drame des passagers de l’autobus de la ligne 19 de la SOTRA en 2011, la veille de la commémoration du 51e anniversaire de l’indépendance de notre pays et dont les fantômes hantent désormais les fonds de la lagune Ebrié ?
Qui se rappelle que, parties assister à la
« Fête de la Lumière » au Plateau, la veille du Nouvel An 2012, une soixantaine de personnes avaient rendez-vous avec les ténèbres et la mort ?
Ces différents drames, sans que les responsabilités ne soient jamais situées.
Pourquoi ce serait différent aujourd’hui, avec la mort de cette jeune femme qui enflamme la toile ? Obligeant le ministère de la Santé à monter en première ligne. Après avoir maintes fois gardé le silence sur d’autres cas tout aussi révoltant, pour livrer la version officielle, forcément suspecte.
Toute cette agitation parce que Awa était une célébrité ? Chacun de nous a déjà perdu un membre de sa famille dans l’un de nos hôpitaux sans faire preuve de l’activisme auquel nous assistons. Tout au plus nous sommes nous indignés, dans un silence assourdissant.
Les « Awa Fadiga », il en meurt tous les jours aux urgences de nos CHU. Sans que ne cessent les embouteillages à Abidjan ou que ne s’émeuve qui que ce soit !
Généralement, on pense que ça n’arrive qu’aux autres. Regardant ceux à qui cela arrive avec un détachement absolu et froid. Jusqu’au jour où le sort fait de nous, ou de l’un de nos proches, l’heureux élu de la tragédie.
Alors s’éveille une prise de conscience éphémère de notre responsabilité sociale collective. L’opinion publique s’époumone alors à exiger des têtes. Celles des médecins actuellement. Sur les réseaux sociaux, les passions se déchaînent. Cette « tempête » n’a hélas, aucune incidence sur la pétition lancée depuis le 26 mars. Afin que plus jamais, un tel drame ne se reproduise. Sur les 100 000 attendus, seuls 7543 pétitionnaires (au 29 mars à 15h 20) ont eu le courage d’assumer leur opinion. Les réseaux sociaux donnent un courage inouïe !
Combien de fois, l’attention de l’opinion publique et des décideurs n’a-t-elle pas été attirée sur les conditions d’accueil aux urgences ? Qui est-ce qui s’en est ému ou inquiété ? L’émotion est nègre, l’amnésie ivoirienne !
Les réactions actuelles ont quelque chose de louche ! Que dire de celle des médecins qui à l’instar du Dr Philomène Waota, (lire sa réaction en page 7) tentent dans de dég ager leur responsabilité en invoquant le manque de médicaments, de matériel de première nécessité et l’insuffisance du plateau technique dans les urgences ? Prompts à déclencher des mouvements d’humeur pour un meilleur traitement salarial, ne sont-ils pas légitimement fondés à en faire autant, lorsqu’ils ne disposent même pas du minimum pour travailler ? C’est vrai qu’ils n‘ont pas fait vœu de pauvreté. Personne ne veut d’ailleurs croire qu’ils ont fait vœu d’impuissance et de complicité pour laisser mourir des malades dans les couloirs des urgences.
Pourquoi ne pas démissionner du service public dans ces conditions ? Quand l’Etat nous oblige à l’à peu-près et qu’on n’est pas d’accord, on doit avoir la force de dire non et rendre le tablier !
Pour finir un autre sujet non moins préoccupant qui se développe dans l’indifférence générale, la BCEAO a réagi à notre enquête sur le commerce de l’argent à proximité de sa représentation à Abidjan, (Lire page 3). Selon Jean-Baptiste Aman, le directeur national, les investigations de ses services ne permettent pas de conclure à une implication des agents de l’institution dans ce trafic qui ne constitue pas, en l’état actuel, une infraction. En attendant que l’Etat de Côte d’Ivoire décide du contraire.
Par Bony Valéry