Méambly Evariste, député de Facobly et président du Conseil régional du Guemon, se porte candidat pour diriger la nouvelle Commission électorale indépendante (Cei), chargée d'organiser les prochaines élections générales. Il en donne les raisons dans cet entretien.
Pourquoi vous portez-vous candidat au poste de président de la Cei ?
Ma démarche s’inscrit dans un esprit d’indépendance et de transparence. Quand bien même cela peut sembler prématuré à ce stade, je considère qu’en l’état actuel des choses, avec le clivage de la société, le climat de suspicion qui subsiste, un peu de clarté dans ce processus électoral ne serait pas superflu. Certes, il m’aurait été plus facile de faire du lobbying mais je pense qu’à ce poste, ce dont les Ivoiriens ont besoin, c’est d’une personne non seulement consensuelle, mais aussi et surtout d’un responsable qui s’inscrive tout le long de son mandat dans un esprit d’ouverture, de transparence et de respect envers les Ivoiriens.
Quels commentaires faites-vous du projet de loi sur la Commission électorale indépendante (Cei), adopté le mercredi drenier par le gouvernement?
Il faut rappeler qu'il ne s'agit que d'un projet de loi qui sera soumis à l'Assemblée nationale, donc au vote des députés dans les prochaines semaines. Il faudra connaître les contours exacts, mais si j'ai bien compris, on se dirige vers un système mixte entre le modèle anglophone, qui préconise qu'on réduise, voire qu'on exclue la présence des partis politiques au profit de la société civile, et celui actuel où il y avait une sur-représentation des partis politiques. Les accords de Ouagadougou en 2007 prévoyaient la création d'une nouvelle Cei après les élections législatives de 2011 et celle-ci était aussi attendue par les États-Unis et les Nations unies. Alors, souhaitons que tout le monde y trouve son compte. Sur le fond, qu'est-ce que ça change ? Déjà sur le plan quantitatif, on passe de 31 à 13 membres soit une réduction de 60%, donc beaucoup plus souple. Ce qui ne peut qu'améliorer son processus décisionnel ! Sur le plan qualitatif, par rapport à l'ancienne Cei, le poids de la société civile augmente proportionnellement et il y a une meilleure représentation des forces en présence. Ce qui, théoriquement, tout au moins, devrait faciliter la tâche. Pour ma part, je pense que tout citoyen qui pense qu’il peut aider à renforcer l’indépendance de la Cei doit le faire librement. C’est dans ce sens que je m’inscris et c’est pourquoi je n’ai pas d’a priori pour un système ou pour un autre. Vous savez, en fin de compte, tout dépendra de l'état d'apaisement de la société et de la confiance qui existe entre les candidats. Car même sur le choix des représentants de la société civile dans une société clivée où les tensions sont encore vives, le consensus sur la nomination de ces personnes peut être plus difficile à trouver que dans une société apaisée qui a, à son actif, plusieurs élections réussies. Donc, je pose la question : sommes-nous dans un processus de réconciliation tel que les réformes proposées de la Cei suffiront à rassurer l'opposition quant à sa neutralité ? Je vous rappelle le mot d’ordre du Fpi de boycotter le Recensement général de la population et de l’habitat (Rgph) ainsi que les auditions des « victimes » organisées par la Cdvr, alors que celle-ci venait à peine d’être reconduite pour une année. Paradoxalement, beaucoup s’accordent à dire qu’un processus électoral bien pensé peut aider à la réconciliation nationale.
Qu'est-ce qu'il faut faire alors, selon vous ?
C’est justement le sens de mon analyse. En période de crise de confiance, ce n’est pas tant la provenance du président de la Cei et de ses membres qui importe, que la confiance qu’il inspire aux différents candidats. Je ne vois pas en quoi plus de transparence, dans un processus permettant aux partis politiques d’être davantage parties prenantes, pourrait leur être préjudiciable. Ce qui compte bien plus que l’origine socioprofessionnelle, c’est du professionnalisme dans la gestion des conflits, de l’impartialité et de la transparence dans le processus décisionnel. C’est pourquoi moi qui suis issu, à l'origine, du secteur privé, je suis d'autant plus convaincu de pouvoir relever le défi dans une structure moins bureaucratique. En fait, l’article 38 des statuts actuels de la Cei dit précisément que « la Cei peut faire des recommandations sur toutes les questions relevant de sa compétence ». Ce qui permettrait déjà de faire des suggestions aux différents partis politiques afin d’améliorer son fonctionnement.
Justement, que faut-il améliorer dans la structure actuelle ?
Alors, permettez-moi, comme il est d’usage, de saluer le travail incommensurable abattu par les équipes de la Cei. Je suis conscient qu’une bonne frange de la population tient son président responsable de tous les maux qui ont suivi, et est hostile à la conserver en l’état. Mais à décharge, je voudrais rappeler le contexte extraordinairement tendu et difficile dans lequel ces équipes ont dû travailler. En règle générale, lorsqu’une élection se déroule bien, c’est-à-dire qu’elle est ressentie comme libre, juste et transparente, alors les gagnants sont satisfaits, les perdants déçus, mais la société se recompose et on passe à autre chose. Dans notre cas, une partie de la population s’est sentie lésée par les résultats, ce qui a entraîné la crise dramatique que l’on a connue. Par conséquent, on peut en déduire que quelque chose n’a pas fonctionné. Pour que l’histoire ne se répète pas, il est essentiel que des
améliorations soient apportées. Et ma mission, si je suis élu, sera de mettre tout en œuvre pour que la majorité de la population, qu’elle se trouve dans le camp des perdants ou dans le camp des gagnants, accepte le verdict des urnes, que les finalistes se serrent la main et qu’enfin, la Côte d’Ivoire retrouve sa fierté. Il est temps que nous rattrapions notre retard en matière de processus électoral. Quand on regarde les dernières élections présidentielles au Sénégal, on aimerait bien que cela se passe ainsi chez nous ! Et, pourquoi pas, que la Côte d’Ivoire devienne un exemple.
Quelles seraient vos premières mesures si vous étiez élu à la tête de la Cei ?
La première chose que je tiens à dire, c’est l’urgence et j’espère qu’à travers ma démarche, j’aurais attiré l’attention des responsables sur ce point ! En effet, les élections ont lieu dans moins de 18 mois et je ne comprends pas que l’on attende le dernier moment pour régler les problèmes ou parler des questions qui fâchent! Je suis contre la politique de l’Autruche qui consiste à croire que les problèmes disparaîtront d’eux-mêmes ! Quand on sait le contexte de tension dans lequel on évolue et le travail qui reste à faire, je tire la sonnette d’alarme pour que collectivement, nous nous réveillions. C’est d’ailleurs surprenant parce normalement, après l’expérience douloureuse que nous avons vécue, on s’attendrait à ce que les erreurs du passé ne soient pas réitérées. C’est pourquoi je pencherai pour que le calendrier et l’élection du président de la Cei soient accélérés afin que ce dernier puisse contribuer à faire évoluer le dialogue puis la confiance entre les acteurs politiques! (…). Je n’ai pas à vous rappeler que nous sortons d’un conflit politique et armé qui a duré des années et qui a abouti à 3000 morts ! Que nous avons encore des exilés politiques malgré les appels du gouvernement, que sur beaucoup de sujets sensibles, des désaccords profonds restent à aplanir. C’est pourquoi je dis « à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle » ! Il faudrait tout de suite que la Cei se mette au travail ! Que son nouveau président, sans tarder, entame des discussions avec les différents leaders politiques ou leurs représentants. Comme vous le savez, sauf modification profonde de la Cei, ce sont les membres de la Commission centrale, composée entre autres des représentants des partis politiques, qui nomment le président, et que rien que ce préalable risque de prendre du temps. D’où le but de ma démarche.
Entretien réalisé par H. ZIAO
Pourquoi vous portez-vous candidat au poste de président de la Cei ?
Ma démarche s’inscrit dans un esprit d’indépendance et de transparence. Quand bien même cela peut sembler prématuré à ce stade, je considère qu’en l’état actuel des choses, avec le clivage de la société, le climat de suspicion qui subsiste, un peu de clarté dans ce processus électoral ne serait pas superflu. Certes, il m’aurait été plus facile de faire du lobbying mais je pense qu’à ce poste, ce dont les Ivoiriens ont besoin, c’est d’une personne non seulement consensuelle, mais aussi et surtout d’un responsable qui s’inscrive tout le long de son mandat dans un esprit d’ouverture, de transparence et de respect envers les Ivoiriens.
Quels commentaires faites-vous du projet de loi sur la Commission électorale indépendante (Cei), adopté le mercredi drenier par le gouvernement?
Il faut rappeler qu'il ne s'agit que d'un projet de loi qui sera soumis à l'Assemblée nationale, donc au vote des députés dans les prochaines semaines. Il faudra connaître les contours exacts, mais si j'ai bien compris, on se dirige vers un système mixte entre le modèle anglophone, qui préconise qu'on réduise, voire qu'on exclue la présence des partis politiques au profit de la société civile, et celui actuel où il y avait une sur-représentation des partis politiques. Les accords de Ouagadougou en 2007 prévoyaient la création d'une nouvelle Cei après les élections législatives de 2011 et celle-ci était aussi attendue par les États-Unis et les Nations unies. Alors, souhaitons que tout le monde y trouve son compte. Sur le fond, qu'est-ce que ça change ? Déjà sur le plan quantitatif, on passe de 31 à 13 membres soit une réduction de 60%, donc beaucoup plus souple. Ce qui ne peut qu'améliorer son processus décisionnel ! Sur le plan qualitatif, par rapport à l'ancienne Cei, le poids de la société civile augmente proportionnellement et il y a une meilleure représentation des forces en présence. Ce qui, théoriquement, tout au moins, devrait faciliter la tâche. Pour ma part, je pense que tout citoyen qui pense qu’il peut aider à renforcer l’indépendance de la Cei doit le faire librement. C’est dans ce sens que je m’inscris et c’est pourquoi je n’ai pas d’a priori pour un système ou pour un autre. Vous savez, en fin de compte, tout dépendra de l'état d'apaisement de la société et de la confiance qui existe entre les candidats. Car même sur le choix des représentants de la société civile dans une société clivée où les tensions sont encore vives, le consensus sur la nomination de ces personnes peut être plus difficile à trouver que dans une société apaisée qui a, à son actif, plusieurs élections réussies. Donc, je pose la question : sommes-nous dans un processus de réconciliation tel que les réformes proposées de la Cei suffiront à rassurer l'opposition quant à sa neutralité ? Je vous rappelle le mot d’ordre du Fpi de boycotter le Recensement général de la population et de l’habitat (Rgph) ainsi que les auditions des « victimes » organisées par la Cdvr, alors que celle-ci venait à peine d’être reconduite pour une année. Paradoxalement, beaucoup s’accordent à dire qu’un processus électoral bien pensé peut aider à la réconciliation nationale.
Qu'est-ce qu'il faut faire alors, selon vous ?
C’est justement le sens de mon analyse. En période de crise de confiance, ce n’est pas tant la provenance du président de la Cei et de ses membres qui importe, que la confiance qu’il inspire aux différents candidats. Je ne vois pas en quoi plus de transparence, dans un processus permettant aux partis politiques d’être davantage parties prenantes, pourrait leur être préjudiciable. Ce qui compte bien plus que l’origine socioprofessionnelle, c’est du professionnalisme dans la gestion des conflits, de l’impartialité et de la transparence dans le processus décisionnel. C’est pourquoi moi qui suis issu, à l'origine, du secteur privé, je suis d'autant plus convaincu de pouvoir relever le défi dans une structure moins bureaucratique. En fait, l’article 38 des statuts actuels de la Cei dit précisément que « la Cei peut faire des recommandations sur toutes les questions relevant de sa compétence ». Ce qui permettrait déjà de faire des suggestions aux différents partis politiques afin d’améliorer son fonctionnement.
Justement, que faut-il améliorer dans la structure actuelle ?
Alors, permettez-moi, comme il est d’usage, de saluer le travail incommensurable abattu par les équipes de la Cei. Je suis conscient qu’une bonne frange de la population tient son président responsable de tous les maux qui ont suivi, et est hostile à la conserver en l’état. Mais à décharge, je voudrais rappeler le contexte extraordinairement tendu et difficile dans lequel ces équipes ont dû travailler. En règle générale, lorsqu’une élection se déroule bien, c’est-à-dire qu’elle est ressentie comme libre, juste et transparente, alors les gagnants sont satisfaits, les perdants déçus, mais la société se recompose et on passe à autre chose. Dans notre cas, une partie de la population s’est sentie lésée par les résultats, ce qui a entraîné la crise dramatique que l’on a connue. Par conséquent, on peut en déduire que quelque chose n’a pas fonctionné. Pour que l’histoire ne se répète pas, il est essentiel que des
améliorations soient apportées. Et ma mission, si je suis élu, sera de mettre tout en œuvre pour que la majorité de la population, qu’elle se trouve dans le camp des perdants ou dans le camp des gagnants, accepte le verdict des urnes, que les finalistes se serrent la main et qu’enfin, la Côte d’Ivoire retrouve sa fierté. Il est temps que nous rattrapions notre retard en matière de processus électoral. Quand on regarde les dernières élections présidentielles au Sénégal, on aimerait bien que cela se passe ainsi chez nous ! Et, pourquoi pas, que la Côte d’Ivoire devienne un exemple.
Quelles seraient vos premières mesures si vous étiez élu à la tête de la Cei ?
La première chose que je tiens à dire, c’est l’urgence et j’espère qu’à travers ma démarche, j’aurais attiré l’attention des responsables sur ce point ! En effet, les élections ont lieu dans moins de 18 mois et je ne comprends pas que l’on attende le dernier moment pour régler les problèmes ou parler des questions qui fâchent! Je suis contre la politique de l’Autruche qui consiste à croire que les problèmes disparaîtront d’eux-mêmes ! Quand on sait le contexte de tension dans lequel on évolue et le travail qui reste à faire, je tire la sonnette d’alarme pour que collectivement, nous nous réveillions. C’est d’ailleurs surprenant parce normalement, après l’expérience douloureuse que nous avons vécue, on s’attendrait à ce que les erreurs du passé ne soient pas réitérées. C’est pourquoi je pencherai pour que le calendrier et l’élection du président de la Cei soient accélérés afin que ce dernier puisse contribuer à faire évoluer le dialogue puis la confiance entre les acteurs politiques! (…). Je n’ai pas à vous rappeler que nous sortons d’un conflit politique et armé qui a duré des années et qui a abouti à 3000 morts ! Que nous avons encore des exilés politiques malgré les appels du gouvernement, que sur beaucoup de sujets sensibles, des désaccords profonds restent à aplanir. C’est pourquoi je dis « à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle » ! Il faudrait tout de suite que la Cei se mette au travail ! Que son nouveau président, sans tarder, entame des discussions avec les différents leaders politiques ou leurs représentants. Comme vous le savez, sauf modification profonde de la Cei, ce sont les membres de la Commission centrale, composée entre autres des représentants des partis politiques, qui nomment le président, et que rien que ce préalable risque de prendre du temps. D’où le but de ma démarche.
Entretien réalisé par H. ZIAO