L’Angola voit-elle enfin la lumière au fond du tunnel ? Des siècles d’occupation portugaise, suivis de presque trois décennies _ 27 ans _ d’une lutte fratricide au moment de son indépendance. En plein essor économique, le monde entier lorgne désormais sur ses ressources naturelles ; sans doute, un moment propice pour asseoir une reconnaissance internationale ?
Au mois de mai dernier, une décennie après la fin de la guerre civile en 2002, les hérauts des décombres macabres ont été remplacés par des agents recenseurs pour le premier recensement général de la population depuis l’indépendance du pays en 1975. La dernière en date a eu lieu en 1970 c’est-à-dire du temps de l’occupation portugaise ; la population était alors estimée à 5,6 millions d’habitants. Cette enquête grandeur nature est à la fois un défi organisationnel et politique. Ses résultats permettront de réduire la marge d’erreur sur l’estimation à la louche actuelle de 21 millions d’angolais. Des milliers d’agents ont sillonné le territoire pendant trois semaines ; parfois dans des régions très isolées. Que dire de la capitale Luanda et sa concentration humaine de 5 millions d’âmes ? Etre capable d’avoir le nombre exact d’une population est également un gage d’un processus de démocratisation en bonne voie. « Gouverner, c’est prévoir » ! Et pourtant la démographie est une science exacte dont nos gouvernants perçoivent souvent mal la portée ; ne serait-est-ce que l’observation d’une pyramide des âges est riche d’enseignements sur l’évolution dynamique d’une population. Car chaque politique économique, sanitaire et éducative, bref, un plan de développement socioéconomique à moyen et long terme sera biaisé sans une projection exacte de la population. Bien qu’il s’agisse d’une recommandation de la Commission de Statistiques de l’ONU, inscrite dans le cadre du « Programme Mondial de Recensement Général de 2010 », l’Angola tenait, par ce biais sa volonté de reconstruction du pays.
La marche vers l’émancipation
Ce recensement revêt également tout un symbole pour l’Angola. Elle est en train d’écrire une nouvelle page de son histoire contemporaine. Une page très longue qui remonte très loin dans le temps : à l’arrivée des premiers explorateurs portugais sur les rives occidentales du royaume du Kongo vers 1480. Dès le XVIIème, des millions d’esclaves ont été enrôlés de force au bord des négriers pour servir de main d’œuvre outre-Atlantique. L’industrie sucrière des Caraïbes et de l’Amérique latine, et beaucoup plus tard les champs de coton du sud des Etats-Unis, ont prospéré grâce aux hommes venus du continent africain. Un siècle plus tard, les puissances maritimes espagnoles et portugaises furent contestées par leurs rivaux européens. Ces derniers ont passé un deal avec le Portugal en 1786 : la reconnaissance des droits de celui-ci sur les principautés de Cabinda – actuelle 18ème province de l’Angola - en échange de la liberté de commerce et de trafic des esclaves des autres puissances. C’était le début de la vaste conquête coloniale du continent africain, devenu réserve de matières premières et de mains-d’œuvre nécessaires à la révolution industrielle occidentale. La configuration de la colonie lusophone a failli en devenir autrement et peut-être changer le sort de l’Angola avec. C’était lors de la conférence de Berlin en 1885, moment de partage de l’Afrique par les puissances européennes. Le Portugal a revendiqué auprès de ses coreligionnaires la jonction de ses deux colonies : angolaise et mozambicaine. Il était prêt à lâcher du lest sur certaines de ses possessions à l’Ouest pour obtenir une partie du Zimbabwe et de la Zambie actuelle.
Les mouvements nationalistes
Mais la pénétration vers l’intérieur de la colonie s’est heurtée contre la résistance des populations autochtones. Le Portugal mît plus de deux décennies avant de pouvoir contrôler l’ensemble du territoire vers les années 1920. L’instauration d’un régime totalitaire en métropole par Salazar en 1933 marqua de facto un durcissement de la répression dans les colonies. Au lendemain de la 2nde Guerre Mondiale, les mouvements d’indépendance dans les colonies anglaises et françaises ont eu indirectement des répercussions au sein des possessions lusophones.
L’Angola obtînt ainsi le statut de province d’Outre-mer. Mais la défaite française de Dien-Bien-Phu, la nationalisation du canal de Suez imposée par Nasser au grand dam de la France et de la Grande-Bretagne et surtout la conférence des non-alignés de Bandung en 1954 ont exacerbé la conscience nationaliste angolaise. Les principaux mouvements indépendantistes virent le jour en 1956 : le Mouvement Populaire de la Libération de l’Angola (MPLA) fut cofondé en 1956 par Viriato da Cruz et Mario Pinto de Andrade ; et l’Union des Peuples du Nord Angolais (UPNA plus tard UPA. En 1961 et par ricochet, les vagues d’indépendance des anciennes colonies françaises voisines, ont fini par déclencher la guerre d’indépendance. Elle sera symbolisée par l’attaque de la prison de Luanda par le MPLA et des jacqueries contre les propriétaires terriens portugais. Bilan : plus de 20.000 morts, côté portugais. Mais la puissance coloniale maintient la répression sur l’Angola pour ce qui lui reste de poumon vital, pendant encore 14 ans. L’effort de guerre revenait à plus de 30% du budget annuel du Portugal.
Le début de la guerre civile
Lorsque la révolution des Œillets, en 1974, a fini par faire courber l’échine de la dictature en métropole, les colonies lusophones accédèrent enfin à l’indépendance et non sans heurts. Les accords signés à Alvor le 15 Janvier 1975, n’ont pas tenu plus d’un an. L’Angola connût une double proclamation d’indépendance le 11 novembre 1975 : l’une à Luanda par le MPLA et l’autre à Huambo par l’Union Nationale pour l’Indépendance Totale de l’Angola (UNITA) de Jonas Savimbi et le Front de Libération National Angolais (FLNA) – anciennement UPNA - de Holden Roberto. Cette guerre civile restera jusqu’en 1991, le théâtre de l’affrontement idéologique du monde bipolaire : les Etats-Unis et leurs alliés, du côté de l’UNITA ; l’URSS, avec le Cuba qui soutinrent le MPLA. Le renversement de la situation sur le terrain militaire et la reconnaissance de l’OUA ont conféré plus de légitimité au pouvoir du MPLA par rapport aux autres mouvements. Leader charismatique du MPLA, Agostinho Neto est devenu le premier président de la République angolaise. Malgré tout, il a dû son accession à deux fortes personnalités au sein de son mouvement, devenus piliers du nouveau régime. Nito Alves et José Eduardo dos Santos. Le premier fut le principal artisan de la victoire contre les factions rivales, avec le renfort des contingents cubains. En toute logique, il devînt le ministre de l’Intérieur. Tandis que le second, après ses faits d’armes dans les maquis de l’enclave de Cabinda, fût chargé de la diplomatie. Il sillonna la planète pour la reconnaissance de l’Angola.
José Eduardo dos Santos, à la tête de l’Etat, après la mort d’Agostinho Neto, il fut élu en 2012 pour un mandat de 5 ans. A la chute de l’URSS en 1991, l’ingénieur en pétrole, formé à Bakou et marié à une femme d’origine russe a tôt fait d’abandonner ses oripeaux de marxiste-léniniste. L’Angola n’a pas eu trop mal a viré sa cuti.
Le Président est également considéré comme un homme pragmatique par les personnalités occidentales rencontrées lors de ses pérégrinations diplomatiques. Rappelons surtout qu’il a d’abord été chef de la région militaire au Cabinda pendant la guerre d’indépendance. Or, les premières exploitations de pétrole ont vu le jour dans cette enclave dès 1957. Elle reste encore aujourd’hui une zone très riche en hydrocarbure même après la découverte des gisements off-shore.
La diversification économique
Le pétrole a été le fer de lance de l’économie de l’Angola, sortie exsangue de plus de deux décennies de guerre civile en 2002. Ses réserves d’hydrocarbure seraient estimées à 12,7 milliards de barils. Les cinq premières années de paix ont été suivies d’une croissance fulgurante de l’ordre de 14,5% par an. Après une période de récession due à la crise des subprimes en 2008, la reprise tend à se confirmer depuis deux ans. La maîtrise de l’inflation en contrepartie d’un coup de pouce de 1,4 milliard $ fourni par le FMI. Conscientes de la dépendance de son économie vis-à-vis du pétrole, les autorités cherchent à diversifier ses sources de revenu. En effet, 80% des recettes de l’Etat ou l’équivalent de 45% de son PIB proviennent toujours du pétrole. La Sonangol, la deuxième plus grande entreprise africaine, joue aujourd’hui un rôle prépondérant soit comme producteur, soit comme concessionnaire. Elle a pour mission d’atteindre une production de 2 millions de baril/jour d’ici un an ; une capacité qui lui permettra de devenir la 1ère puissance pétrolière du continent, devant le Nigeria. Pour cela, un plan décennal d’investissement de 8,8 milliards $ a été annoncé en 2013 par Francisco de Lemos, CEO de la Sonangol. En même temps, l’Angola a créé un fonds souverain de 5 milliards $, depuis 2012 – Europe, Asie, Amérique latine, Afrique.
La Chine, comme dans la majorité des pays africains, demeure aujourd’hui, le premier partenaire économique de l’Angola : les échanges commerciaux entre les deux pays tournent autour de 40 milliards $. Les diatribes des pays occidentaux contre la présence chinoise ne se justifient que par leur manque de réactivité.
Malgré cela, les Etats-Unis essayent maintenant de rattraper leur retard. Et sur la troisième marche du podium se trouve l’ancienne puissance coloniale.
Certes, la coopération chinoise était mue, elle aussi, par la sécurisation de son approvisionnement de pétrole – 40% de la production angolaise - pour soutenir une croissance effrénée et nourrir 1,2 milliard d’habitants. Elle a surtout anticipé les opportunités d’investissement au moment de la reconstruction de l’Angola en ruine.
Il fallait remettre en marche l’économie par la réhabilitation des milliers de kilomètres de réseaux routiers et ferroviaires. Cette année, le gouvernement s’attaque au vaste chantier de l’électrification avec un objectif de doublement du taux d’électrification en 2025 ; un programme ambitieux pour atteindre un taux de 60%, lorsqu’aujourd’hui il est de 33%. En d’autres termes, il faudra passer 2.850 km à 15.600 km de ligne de transmission.
Le principal défi de l’Angola: être capable de diversifier son partenariat, mais également rechercher des secteurs d’activités générateurs de revenus pour éviter une trop pétro-dépendance. Le gouvernement exigeait dans le code des investissements que « chaque société étrangère est tenue d’embaucher et de former un quota de salariés autochtones ». A l’heure actuelle, le pays manque cruellement d’ingénieurs ; mais les fonctions de responsabilité dans la pétrochimie restent toujours l’apanage du personnel étranger plus qualifié. Les filiales de compagnies pétrolières ont plus ou moins respecté la règle du jeu établie notamment dans le domaine financier où ils sont obligés de faire tout les paiements pour le marché angolais en Kwanza, la devise locale ; mais il existe une dualité entre l’impératif d’une production de très court terme et la formation qui s’étend sur plusieurs années.
Reste que les dividendes du pétrole n’irriguent pas toutes les couches de la société angolaise. Faute d’une meilleure redistribution des recettes, il existe une disparité de niveau de vie entre la capitale Luanda et les zones rurales très reculées.
La voie de la reconnaissance internationale
Cet essor économique, qui fait l’objet de convoitise universelle, pourrait-il donner une forme de reconnaissance internationale à l’Angola ? Les médias se focalisent trop souvent sur les luttes d’influence entre les américains et les chinois. Comme au mois de mai dernier, lorsque l’escale luandaise du Secrétaire d’Etat John Kerry a précédé de seulement trois jours la visite du Premier ministre Li Keqiang. Les ballets diplomatiques se succèdent à Cidade Alta, le palais présidentiel où José Eduardo dos Santos préside aux destinées de l’Angola. Luanda devient une « obligée » pour les dignitaires du monde entier. Au fil des années, l’Angola est devenue une puissance régionale dont l’avis et le soutien comptent dans la résolution des problèmes géopolitiques. Cette forme de reconnaissance ne souffre d’aucune contestation depuis que des contingents angolais ont participé à la 2nde guerre de la RDC en 1998, provoquée par la chute de Mobutu. Aujourd’hui, la diplomatie angolaise est très active en Centrafrique. Luanda devient une étape « obligée » pour les dignitaires du monde entier. Au fil des années, l’Angola est devenue une puissance régionale dont l’avis et le soutien comptent dans la résolution des problèmes géopolitiques. Cette forme de reconnaissance ne souffre d’aucune contestation depuis que des contingents angolais ont participé à la 2nde guerre de la RDC en 1998, provoquée par la chute de Mobutu. Aujourd’hui, la diplomatie angolaise est très active en Centrafrique. Luanda a alloué 10 millions $ à Bangui à la suite de la visite de la présidente Catherine Samba-Panza, en mars dernier. Madame Samba-Panza est retournée en août pour parler du contexte et des évaluations de la situation en RCA. La situation en RCA était également un des sujets de la visite de Dos Santos à Paris en avril, au cours de laquelle il a parlé en privé avec François Hollande avant de se rendre au Vatican pour un rendez-vous avec le Pape François.
Tout récemment encore, le 21 juillet dernier, le président du Conseil l’italien Matteo Renzi a été reçu en audience. Outre l’intérêt bien compris de chacun dans l’exploitation des ressources naturelles angolaises. La diplomatie angolaise serait bien inspirée de profiter de cet aura pour peser sur l’échiquier international. Sinon, le premier ministre italien ne se serait pas permis de la déclaration suivante : « il est temps de changer les règles du jeu mondial ; l’Afrique devrait avoir son membre permanent au sein du Conseil de sécurité des Nations-Unies ». Et ce dernier est prêt à soutenir la candidature de l’Angola à ce poste.
ALEX ZAKA
Au mois de mai dernier, une décennie après la fin de la guerre civile en 2002, les hérauts des décombres macabres ont été remplacés par des agents recenseurs pour le premier recensement général de la population depuis l’indépendance du pays en 1975. La dernière en date a eu lieu en 1970 c’est-à-dire du temps de l’occupation portugaise ; la population était alors estimée à 5,6 millions d’habitants. Cette enquête grandeur nature est à la fois un défi organisationnel et politique. Ses résultats permettront de réduire la marge d’erreur sur l’estimation à la louche actuelle de 21 millions d’angolais. Des milliers d’agents ont sillonné le territoire pendant trois semaines ; parfois dans des régions très isolées. Que dire de la capitale Luanda et sa concentration humaine de 5 millions d’âmes ? Etre capable d’avoir le nombre exact d’une population est également un gage d’un processus de démocratisation en bonne voie. « Gouverner, c’est prévoir » ! Et pourtant la démographie est une science exacte dont nos gouvernants perçoivent souvent mal la portée ; ne serait-est-ce que l’observation d’une pyramide des âges est riche d’enseignements sur l’évolution dynamique d’une population. Car chaque politique économique, sanitaire et éducative, bref, un plan de développement socioéconomique à moyen et long terme sera biaisé sans une projection exacte de la population. Bien qu’il s’agisse d’une recommandation de la Commission de Statistiques de l’ONU, inscrite dans le cadre du « Programme Mondial de Recensement Général de 2010 », l’Angola tenait, par ce biais sa volonté de reconstruction du pays.
La marche vers l’émancipation
Ce recensement revêt également tout un symbole pour l’Angola. Elle est en train d’écrire une nouvelle page de son histoire contemporaine. Une page très longue qui remonte très loin dans le temps : à l’arrivée des premiers explorateurs portugais sur les rives occidentales du royaume du Kongo vers 1480. Dès le XVIIème, des millions d’esclaves ont été enrôlés de force au bord des négriers pour servir de main d’œuvre outre-Atlantique. L’industrie sucrière des Caraïbes et de l’Amérique latine, et beaucoup plus tard les champs de coton du sud des Etats-Unis, ont prospéré grâce aux hommes venus du continent africain. Un siècle plus tard, les puissances maritimes espagnoles et portugaises furent contestées par leurs rivaux européens. Ces derniers ont passé un deal avec le Portugal en 1786 : la reconnaissance des droits de celui-ci sur les principautés de Cabinda – actuelle 18ème province de l’Angola - en échange de la liberté de commerce et de trafic des esclaves des autres puissances. C’était le début de la vaste conquête coloniale du continent africain, devenu réserve de matières premières et de mains-d’œuvre nécessaires à la révolution industrielle occidentale. La configuration de la colonie lusophone a failli en devenir autrement et peut-être changer le sort de l’Angola avec. C’était lors de la conférence de Berlin en 1885, moment de partage de l’Afrique par les puissances européennes. Le Portugal a revendiqué auprès de ses coreligionnaires la jonction de ses deux colonies : angolaise et mozambicaine. Il était prêt à lâcher du lest sur certaines de ses possessions à l’Ouest pour obtenir une partie du Zimbabwe et de la Zambie actuelle.
Les mouvements nationalistes
Mais la pénétration vers l’intérieur de la colonie s’est heurtée contre la résistance des populations autochtones. Le Portugal mît plus de deux décennies avant de pouvoir contrôler l’ensemble du territoire vers les années 1920. L’instauration d’un régime totalitaire en métropole par Salazar en 1933 marqua de facto un durcissement de la répression dans les colonies. Au lendemain de la 2nde Guerre Mondiale, les mouvements d’indépendance dans les colonies anglaises et françaises ont eu indirectement des répercussions au sein des possessions lusophones.
L’Angola obtînt ainsi le statut de province d’Outre-mer. Mais la défaite française de Dien-Bien-Phu, la nationalisation du canal de Suez imposée par Nasser au grand dam de la France et de la Grande-Bretagne et surtout la conférence des non-alignés de Bandung en 1954 ont exacerbé la conscience nationaliste angolaise. Les principaux mouvements indépendantistes virent le jour en 1956 : le Mouvement Populaire de la Libération de l’Angola (MPLA) fut cofondé en 1956 par Viriato da Cruz et Mario Pinto de Andrade ; et l’Union des Peuples du Nord Angolais (UPNA plus tard UPA. En 1961 et par ricochet, les vagues d’indépendance des anciennes colonies françaises voisines, ont fini par déclencher la guerre d’indépendance. Elle sera symbolisée par l’attaque de la prison de Luanda par le MPLA et des jacqueries contre les propriétaires terriens portugais. Bilan : plus de 20.000 morts, côté portugais. Mais la puissance coloniale maintient la répression sur l’Angola pour ce qui lui reste de poumon vital, pendant encore 14 ans. L’effort de guerre revenait à plus de 30% du budget annuel du Portugal.
Le début de la guerre civile
Lorsque la révolution des Œillets, en 1974, a fini par faire courber l’échine de la dictature en métropole, les colonies lusophones accédèrent enfin à l’indépendance et non sans heurts. Les accords signés à Alvor le 15 Janvier 1975, n’ont pas tenu plus d’un an. L’Angola connût une double proclamation d’indépendance le 11 novembre 1975 : l’une à Luanda par le MPLA et l’autre à Huambo par l’Union Nationale pour l’Indépendance Totale de l’Angola (UNITA) de Jonas Savimbi et le Front de Libération National Angolais (FLNA) – anciennement UPNA - de Holden Roberto. Cette guerre civile restera jusqu’en 1991, le théâtre de l’affrontement idéologique du monde bipolaire : les Etats-Unis et leurs alliés, du côté de l’UNITA ; l’URSS, avec le Cuba qui soutinrent le MPLA. Le renversement de la situation sur le terrain militaire et la reconnaissance de l’OUA ont conféré plus de légitimité au pouvoir du MPLA par rapport aux autres mouvements. Leader charismatique du MPLA, Agostinho Neto est devenu le premier président de la République angolaise. Malgré tout, il a dû son accession à deux fortes personnalités au sein de son mouvement, devenus piliers du nouveau régime. Nito Alves et José Eduardo dos Santos. Le premier fut le principal artisan de la victoire contre les factions rivales, avec le renfort des contingents cubains. En toute logique, il devînt le ministre de l’Intérieur. Tandis que le second, après ses faits d’armes dans les maquis de l’enclave de Cabinda, fût chargé de la diplomatie. Il sillonna la planète pour la reconnaissance de l’Angola.
José Eduardo dos Santos, à la tête de l’Etat, après la mort d’Agostinho Neto, il fut élu en 2012 pour un mandat de 5 ans. A la chute de l’URSS en 1991, l’ingénieur en pétrole, formé à Bakou et marié à une femme d’origine russe a tôt fait d’abandonner ses oripeaux de marxiste-léniniste. L’Angola n’a pas eu trop mal a viré sa cuti.
Le Président est également considéré comme un homme pragmatique par les personnalités occidentales rencontrées lors de ses pérégrinations diplomatiques. Rappelons surtout qu’il a d’abord été chef de la région militaire au Cabinda pendant la guerre d’indépendance. Or, les premières exploitations de pétrole ont vu le jour dans cette enclave dès 1957. Elle reste encore aujourd’hui une zone très riche en hydrocarbure même après la découverte des gisements off-shore.
La diversification économique
Le pétrole a été le fer de lance de l’économie de l’Angola, sortie exsangue de plus de deux décennies de guerre civile en 2002. Ses réserves d’hydrocarbure seraient estimées à 12,7 milliards de barils. Les cinq premières années de paix ont été suivies d’une croissance fulgurante de l’ordre de 14,5% par an. Après une période de récession due à la crise des subprimes en 2008, la reprise tend à se confirmer depuis deux ans. La maîtrise de l’inflation en contrepartie d’un coup de pouce de 1,4 milliard $ fourni par le FMI. Conscientes de la dépendance de son économie vis-à-vis du pétrole, les autorités cherchent à diversifier ses sources de revenu. En effet, 80% des recettes de l’Etat ou l’équivalent de 45% de son PIB proviennent toujours du pétrole. La Sonangol, la deuxième plus grande entreprise africaine, joue aujourd’hui un rôle prépondérant soit comme producteur, soit comme concessionnaire. Elle a pour mission d’atteindre une production de 2 millions de baril/jour d’ici un an ; une capacité qui lui permettra de devenir la 1ère puissance pétrolière du continent, devant le Nigeria. Pour cela, un plan décennal d’investissement de 8,8 milliards $ a été annoncé en 2013 par Francisco de Lemos, CEO de la Sonangol. En même temps, l’Angola a créé un fonds souverain de 5 milliards $, depuis 2012 – Europe, Asie, Amérique latine, Afrique.
La Chine, comme dans la majorité des pays africains, demeure aujourd’hui, le premier partenaire économique de l’Angola : les échanges commerciaux entre les deux pays tournent autour de 40 milliards $. Les diatribes des pays occidentaux contre la présence chinoise ne se justifient que par leur manque de réactivité.
Malgré cela, les Etats-Unis essayent maintenant de rattraper leur retard. Et sur la troisième marche du podium se trouve l’ancienne puissance coloniale.
Certes, la coopération chinoise était mue, elle aussi, par la sécurisation de son approvisionnement de pétrole – 40% de la production angolaise - pour soutenir une croissance effrénée et nourrir 1,2 milliard d’habitants. Elle a surtout anticipé les opportunités d’investissement au moment de la reconstruction de l’Angola en ruine.
Il fallait remettre en marche l’économie par la réhabilitation des milliers de kilomètres de réseaux routiers et ferroviaires. Cette année, le gouvernement s’attaque au vaste chantier de l’électrification avec un objectif de doublement du taux d’électrification en 2025 ; un programme ambitieux pour atteindre un taux de 60%, lorsqu’aujourd’hui il est de 33%. En d’autres termes, il faudra passer 2.850 km à 15.600 km de ligne de transmission.
Le principal défi de l’Angola: être capable de diversifier son partenariat, mais également rechercher des secteurs d’activités générateurs de revenus pour éviter une trop pétro-dépendance. Le gouvernement exigeait dans le code des investissements que « chaque société étrangère est tenue d’embaucher et de former un quota de salariés autochtones ». A l’heure actuelle, le pays manque cruellement d’ingénieurs ; mais les fonctions de responsabilité dans la pétrochimie restent toujours l’apanage du personnel étranger plus qualifié. Les filiales de compagnies pétrolières ont plus ou moins respecté la règle du jeu établie notamment dans le domaine financier où ils sont obligés de faire tout les paiements pour le marché angolais en Kwanza, la devise locale ; mais il existe une dualité entre l’impératif d’une production de très court terme et la formation qui s’étend sur plusieurs années.
Reste que les dividendes du pétrole n’irriguent pas toutes les couches de la société angolaise. Faute d’une meilleure redistribution des recettes, il existe une disparité de niveau de vie entre la capitale Luanda et les zones rurales très reculées.
La voie de la reconnaissance internationale
Cet essor économique, qui fait l’objet de convoitise universelle, pourrait-il donner une forme de reconnaissance internationale à l’Angola ? Les médias se focalisent trop souvent sur les luttes d’influence entre les américains et les chinois. Comme au mois de mai dernier, lorsque l’escale luandaise du Secrétaire d’Etat John Kerry a précédé de seulement trois jours la visite du Premier ministre Li Keqiang. Les ballets diplomatiques se succèdent à Cidade Alta, le palais présidentiel où José Eduardo dos Santos préside aux destinées de l’Angola. Luanda devient une « obligée » pour les dignitaires du monde entier. Au fil des années, l’Angola est devenue une puissance régionale dont l’avis et le soutien comptent dans la résolution des problèmes géopolitiques. Cette forme de reconnaissance ne souffre d’aucune contestation depuis que des contingents angolais ont participé à la 2nde guerre de la RDC en 1998, provoquée par la chute de Mobutu. Aujourd’hui, la diplomatie angolaise est très active en Centrafrique. Luanda devient une étape « obligée » pour les dignitaires du monde entier. Au fil des années, l’Angola est devenue une puissance régionale dont l’avis et le soutien comptent dans la résolution des problèmes géopolitiques. Cette forme de reconnaissance ne souffre d’aucune contestation depuis que des contingents angolais ont participé à la 2nde guerre de la RDC en 1998, provoquée par la chute de Mobutu. Aujourd’hui, la diplomatie angolaise est très active en Centrafrique. Luanda a alloué 10 millions $ à Bangui à la suite de la visite de la présidente Catherine Samba-Panza, en mars dernier. Madame Samba-Panza est retournée en août pour parler du contexte et des évaluations de la situation en RCA. La situation en RCA était également un des sujets de la visite de Dos Santos à Paris en avril, au cours de laquelle il a parlé en privé avec François Hollande avant de se rendre au Vatican pour un rendez-vous avec le Pape François.
Tout récemment encore, le 21 juillet dernier, le président du Conseil l’italien Matteo Renzi a été reçu en audience. Outre l’intérêt bien compris de chacun dans l’exploitation des ressources naturelles angolaises. La diplomatie angolaise serait bien inspirée de profiter de cet aura pour peser sur l’échiquier international. Sinon, le premier ministre italien ne se serait pas permis de la déclaration suivante : « il est temps de changer les règles du jeu mondial ; l’Afrique devrait avoir son membre permanent au sein du Conseil de sécurité des Nations-Unies ». Et ce dernier est prêt à soutenir la candidature de l’Angola à ce poste.
ALEX ZAKA