Ce n’est malheureusement pas nouveau, les fléaux sanitaires ont également des conséquences sur l’activité économique. Enquête en Côte d’Ivoire pour tenter de mesurer les retombées du virus Ebola.
Les chiffres officiels de l’impact de la menace de la fièvre hémorragique Ebola sur les chiffres d’affaires des entreprises ivoiriennes ne sont pas encore disponibles. Cependant, la menace est réelle, et prise très au sérieux par les autorités ivoiriennes comme par les acteurs du secteur privé ivoirien qui ont décidé de s’engager aux côtés de leur gouvernement pour sonner la mobilisation afin de sensibiliser les opérateurs économiques et les populations.
Depuis quelque temps, la psychose gagne du terrain en Côte d’Ivoire. En l’absence de statistiques officielles, certainement à cause de la période des vacances, l’on pourrait se contenter de tendances en attendant fin septembre. Si l’on s’en tient à la déclaration d’une source portuaire en charge de la facilitation des transports, «pour l’instant, il est difficile d’avoir des données réelles. Les membres de la communauté portuaire parlent peu. Ils préfèrent attendre la fin des vacances qui coïncide avec un ralentissement des activités. Attendons donc le retour des premiers responsables pour se prononcer sur l’impact d’Ebola», indique notre source, membre de la communauté portuaire d’Abidjan.
A San Pedro, également, l’heure est à la sensibilisation pour les acteurs de cette place portuaire, premier port mondial en exportation de cacao, qui envisage en perspective de commercer avec la Guinée forestière. Selon le communiqué de presse émanant de la cellule de communication et des moyens généraux du Port autonome de San Pedro (PASP) dont nous avons eu copie, «il s’agira pour ce comité, composé de professionnels de la communication, de juristes et acteurs de la place portuaire, d’optimiser et accentuer les mesures prises par le gouvernement. Il a pour mission de lutter contre la menace du virus Ebola dans ledit espace d’une part, et d’assurer la centralisation et la coordination de la communication d’autre part. Sans oublier la gestion de la situation de crise en cas de présentation de cas suspect, et faire le suivi de l’évaluation des mesures de lutte».
Des maquis bien à la peine
Par ailleurs, les tenancières de maquis – établissements très fréquentés par les Ivoiriens pour les mets succulents qu’ils proposent, avec notamment de la viande de brousse – ont été frappées très rapidement par la mesure d’interdiction prise par le gouvernement ivoirien. De quoi faire régner une certaine morosité. A Yamoussoukro, capitale administrative et politique de la Côte d’ivoire, ces braves femmes, ainsi que les hôteliers, ne font plus de bonnes affaires. Des restaurants des 220 logements au «kpèma» (nom en langue locale de l’agouti) à l’Habitat, le constat est plus que désolant. Chaises et serveurs attendent désespérément. La baisse du chiffre d’affaires est plus qu’une réalité. Au maquis 106, en l’absence de la tenancière, Koffi Ahou Madeleine, L., Dieudonné confie. «Nous n’avons pas attendu la décision du gouvernement avant d’arrêter la préparation de la viande de brousse. Nous l’avons fait suite aux messages que nous recevions. C’est une décision qui est difficile à supporter mais la santé n’a pas de prix. Les jours ordinaires, c’est 250 plats que nous écoulions avec environ 800 plats le week-end. Aujourd’hui c’est environ 100 à 150 plats le jour contre 400 plats le week-end», indique-t-il avec regret. Ajoutant : «On demande à nos frères d’être patients et de prier afin que cette maladie n’arrive pas chez nous.» Pour ces maquis, dont la spécialité est la préparation des petits animaux (rats, civettes, rats-palmistes, agoutis) très prisés par les habitants de Yamoussoukro, ceux d’entre eux qui n’ont pu se reconvertir ont simplement mis la clé sous le paillasson. A l’image du marché de viande situé au quartier Energie, qui n’est maintenant que l’ombre de lui-même suite aux descentes inopinées des agents des Eaux et Forêts, chargés de faire respecter les mesures gouvernementales.
A contrario, les professionnels de la volaille, les éleveurs de poulet en particulier, se frottent les mains. Avec l’interdiction de consommer tout type de viande de brousse, la ruée vers les volailles et les poissons fait rage. «Il faut dire qu’avec les mesures prises, les populations se tournent de plus en plus vers la consommation de volaille. Les décisions prises ont un impact réel sur notre chiffre d’affaires. Récemment j’ai pu écouler 1000 têtes en trois jours. Certains éleveurs ont vendu environ 1500 têtes au même moment», fait savoir G. Obin, éleveur de poulets. Au-delà des opportunités d’affaires chez les uns, c’est plutôt la stigmatisation chez d’autres. «Les clients, en plus de plus nous serrer la main, refusent que nous les touchions lorsque nous devons prendre les mesures», déplore pour sa part, Kouadio F. couturière.
Des déplacements limités qui pénalisent le secteur hôtelier
Dans le secteur de l’hôtellerie, ce n’est pas non plus la grande affluence au niveau des hôtels huppés, depuis la suspension des séminaires internationaux qui étaient, pour les gérants desdits établissements, de bonnes occasions de faire du chiffre. Au niveau du secteur du transport, notamment aérien, si l’impact n’est pour l’instant pas chiffré, la suspension de la desserte de pays déjà contaminés va se faire sentir sur les chiffres d’exploitation d’une compagnie comme Air Côte d’Ivoire qui, dès le renforcement par le gouvernement ivoirien des mesures de protection aux frontières, a suspendu ses vols au départ et à destination de la Sierra Leonne, de la Guinée et du Liberia, ces deux derniers pays étant frontaliers avec la Côte d’Ivoire. Même si, pour son directeur général, René Décurey, «la suspension des vols d’Air Côte d’Ivoire à destination de Conakry, Freetown et Monrovia, suite à la propagation de l’épidémie d’Ebola dans ces pays touchés, a un impact financier minime car ce sont de routes secondaires pour la compagnie».
Dans le transport terrestre, la fermeture des frontières ivoiriennes avec ses voisins de l’Ouest est intervenue le 22 août 2014. Le président de la Coordination nationale des gares routières de Côte d’Ivoire (CNGRCI), M. Touré Adama, a procédé dans la foulée au lancement d’une campagne de sensibilisation auprès des transporteurs d’Odienné afin que ceux-ci interrompent les voyages vers la Guinée, pour éviter d’exposer les clients et la population au virus d’Ebola. «J’invite tous les transporteurs à mettre fin aux transactions avec la Guinée voisine pour renforcer la lutte contre le virus Ebola. Nous savons que l’Ebola tue, il ne faut pas que des transporteurs engagent leur responsabilité en transportant des passagers en direction de la Guinée, encore moins de la Guinée vers la Côte d’Ivoire», a-t-il déclaré. Il a échangé sur la question avec les responsables syndicaux et a fait le tour des gares routières pour inviter les transporteurs à observer les mesures hygiéniques préventives arrêtées par le gouvernement.
Des liens commerciaux altérés
A ce stade, c’est le commerce transfrontalier qui est frappé de plein fouet, avec pour conséquence un arrêt brutal de la circulation des personnes et des biens et une baisse pour les communes, comme à Toulepleu, localité située à la lisière de la frontière ivoiro-libérienne. Pour M. Denis Kah Zion, maire de cette localité, «la fermeture de la frontière terrestre avec le Liberia va absolument faire baisser les recettes municipales. Avec notamment la fermeture de certains marchés annexes, dont celui Tioubly qui a lieu les lundis. C’était une occasion pour nos frères libériens de venir s’approvisionner en produits ivoiriens et nos parents se déportaient les vendredis à Totown, première ville libérienne. Les recettes ne sont pas linéaires. La menace de la contamination au virus Ebola est une réalité et il s’agit d’une question de vie ou de mort. Il faut rester vigilant. Je crois que depuis quelques mois nos parents l’ont compris, ils jouent leur propre gendarme».
Dans la mouvance de la sensibilisation, des entreprises citoyennes, en plus du soutien au comité d’hygiène et sanitaire interne, ont décidé de mettre la main à la poche pour soutenir le gouvernement ivoirien via le ministère de la Santé publique et de la Lutte contre le Sida dans sa campagne dénommée «Zéro cas d’Ebola» (lire encadré). Face à la persistance de la menace, le chef de l’Etat ivoirien a fait convoquer le Conseil national de sécurité (CNS). Non seulement pour corser le dispositif de contrôle aux frontières, mais aussi pour prévoir des couloirs humanitaires entre les pays contaminés. Pourquoi pas un couloir économique pour soulager les filiales des agro-industriels qui sont implantées aussi bien au Liberia qu’au Nigeria ? Sur la question, nous n’avons aucune précision pour l’instant. En attendant, du côté de la Banque africaine de développement (BAD), son président, le Rwandais Donald Kaberuka, est très alarmiste : «L’épidémie d’Ebola devrait coûter entre 1 et 1,5 point de PIB au Liberia, à la Sierra Leone et à la Guinée, trois pays affectés, ainsi qu’à la Côte d’Ivoire, Etat voisin encore non touché.» C’était le 26 aout 2014 à Abidjan, au cours d’une conférence de presse au siège de ladite institution de financement du développement. Faisant d’une pierre deux coups, M. Kaberuka a alerté l’opinion sur une probable insécurité alimentaire au Liberia, car le virus menace la tenue des récoltes. Non sans exprimer son inquiétude face aux décisions de plusieurs pays touchés par le virus hémorragique. «Je voudrais dire mon inquiétude face à la fermeture des frontières (…). Cette fermeture sera très préjudiciable», a déclaré M. Kaberuka lors de la signature d’un accord avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) «L’OMS n’a pas encore recommandé que les avions s’arrêtent, que les frontières soient fermées», a-t-il ajouté en déplorant que des pays situés à 8000 km de l’Afrique de l’Ouest décident, eux aussi, de fermer leurs frontières.
Quelles perspectives ?
En somme, l’on risque d’assister, in fine, à une hausse de la pauvreté dans les pays touchés. Du côté du Fonds monétaire international (FMI), on est sur la même longueur d’onde que les dirigeants de la BAD. En effet, le jeudi 28 août 2014, lors d’une conférence de presse à Washington, son porte-parole, Gerry Rice, s’est inquiété du grave impact économique et social du virus dans les trois pays d’Afrique de l’Ouest touchés par l’épidémie. Ajoutant étudier le déblocage d’une assistance financière supplémentaire.
Le bilan de l’épidémie, qui a démarré début 2014 en Guinée, a dépassé les 2 000 morts en Afrique de l’Ouest, selon l’Organisation mondiale de la santé, contraignant les pays de la région à prendre des mesures drastiques pour tenter de contenir sa propagation. «A ce stade, il est évident que la croissance économique va nettement ralentir dans ces trois pays et d’importants besoins de financement risquent de se faire jour», a indiqué M. Rice, assurant que les équipes du Fonds travaillaient activement pour évaluer plus précisément l’impact de l’épidémie. Selon M. Rice, la propagation du virus Ebola risque de faire bondir la pauvreté et d’augmenter l’insécurité alimentaire dans la région tout en affectant l’emploi dans le secteur clé de l’agriculture. L’épidémie progresse, et l’Organisation mondiale de la santé se montre pessimiste. Alors que 3069 cas d’Ebola ont été dénombrés, dont 1 552 décès (contre 1427 morts au 20 août), dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest, le nombre pourrait grimper jusqu’à 20 000. L’organisation internationale espère néanmoins stopper la progression du virus d’ici à trois mois. Il est permis de garder espoir, avec les premiers tests concluant du sérum expérimental ZMmap aux Etats-Unis, et l’existence d’autres médicaments au Japon, qui seront mis à la disposition de l’OMS. Sans oublier l’annonce des premiers essais cliniques par les laboratoires courant septembre 2014 et leur commercialisation prévue début 2015.
Cap sur la mobilisation des ressources
La Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) et la Société pour la distribution d’eau en Côte d’Ivoire (Sodeci) ont offert 25 millions FCFA, dont 10 millions pour la dernière citée, au gouvernement ivoirien. Les responsables de ces deux entreprises ont ainsi affiché leur volonté de toucher le maximum de populations via les réseaux de proximité établis sur l’ensemble du territoire national. Dans le secteur bancaire, la Société générale de banque en Côte d’Ivoire (SGBCI), filiale de la Société Générale, a offert 10 millions FCFA. Acte fort également de la part de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) et de la Société nationale d’opération pétrolière (Petroci) qui ont respectivement fait don de 50 millions FCFA et 10 millions de FCFA via la Fondation Petroci. A l’échelle régionale, l’Organisation mondiale santé (OMS) a, de son côté, annoncé un plan de lutte contre l’épidémie de 100 millions de dollars, tandis que la Banque mondiale a mobilisé 200 millions de dollars en urgence. Pour soutenir les pays africains touchés par la pandémie, notamment la Guinée-Conakry, la Sierra Leonne, le Liberia, certainement le Nigeria, la RDC et le Sénégal, la BAD a décaissé en août dernier 100 millions de dollars, soit environ 50 milliards FCFA.
Stéphane d’Avignon
Les chiffres officiels de l’impact de la menace de la fièvre hémorragique Ebola sur les chiffres d’affaires des entreprises ivoiriennes ne sont pas encore disponibles. Cependant, la menace est réelle, et prise très au sérieux par les autorités ivoiriennes comme par les acteurs du secteur privé ivoirien qui ont décidé de s’engager aux côtés de leur gouvernement pour sonner la mobilisation afin de sensibiliser les opérateurs économiques et les populations.
Depuis quelque temps, la psychose gagne du terrain en Côte d’Ivoire. En l’absence de statistiques officielles, certainement à cause de la période des vacances, l’on pourrait se contenter de tendances en attendant fin septembre. Si l’on s’en tient à la déclaration d’une source portuaire en charge de la facilitation des transports, «pour l’instant, il est difficile d’avoir des données réelles. Les membres de la communauté portuaire parlent peu. Ils préfèrent attendre la fin des vacances qui coïncide avec un ralentissement des activités. Attendons donc le retour des premiers responsables pour se prononcer sur l’impact d’Ebola», indique notre source, membre de la communauté portuaire d’Abidjan.
A San Pedro, également, l’heure est à la sensibilisation pour les acteurs de cette place portuaire, premier port mondial en exportation de cacao, qui envisage en perspective de commercer avec la Guinée forestière. Selon le communiqué de presse émanant de la cellule de communication et des moyens généraux du Port autonome de San Pedro (PASP) dont nous avons eu copie, «il s’agira pour ce comité, composé de professionnels de la communication, de juristes et acteurs de la place portuaire, d’optimiser et accentuer les mesures prises par le gouvernement. Il a pour mission de lutter contre la menace du virus Ebola dans ledit espace d’une part, et d’assurer la centralisation et la coordination de la communication d’autre part. Sans oublier la gestion de la situation de crise en cas de présentation de cas suspect, et faire le suivi de l’évaluation des mesures de lutte».
Des maquis bien à la peine
Par ailleurs, les tenancières de maquis – établissements très fréquentés par les Ivoiriens pour les mets succulents qu’ils proposent, avec notamment de la viande de brousse – ont été frappées très rapidement par la mesure d’interdiction prise par le gouvernement ivoirien. De quoi faire régner une certaine morosité. A Yamoussoukro, capitale administrative et politique de la Côte d’ivoire, ces braves femmes, ainsi que les hôteliers, ne font plus de bonnes affaires. Des restaurants des 220 logements au «kpèma» (nom en langue locale de l’agouti) à l’Habitat, le constat est plus que désolant. Chaises et serveurs attendent désespérément. La baisse du chiffre d’affaires est plus qu’une réalité. Au maquis 106, en l’absence de la tenancière, Koffi Ahou Madeleine, L., Dieudonné confie. «Nous n’avons pas attendu la décision du gouvernement avant d’arrêter la préparation de la viande de brousse. Nous l’avons fait suite aux messages que nous recevions. C’est une décision qui est difficile à supporter mais la santé n’a pas de prix. Les jours ordinaires, c’est 250 plats que nous écoulions avec environ 800 plats le week-end. Aujourd’hui c’est environ 100 à 150 plats le jour contre 400 plats le week-end», indique-t-il avec regret. Ajoutant : «On demande à nos frères d’être patients et de prier afin que cette maladie n’arrive pas chez nous.» Pour ces maquis, dont la spécialité est la préparation des petits animaux (rats, civettes, rats-palmistes, agoutis) très prisés par les habitants de Yamoussoukro, ceux d’entre eux qui n’ont pu se reconvertir ont simplement mis la clé sous le paillasson. A l’image du marché de viande situé au quartier Energie, qui n’est maintenant que l’ombre de lui-même suite aux descentes inopinées des agents des Eaux et Forêts, chargés de faire respecter les mesures gouvernementales.
A contrario, les professionnels de la volaille, les éleveurs de poulet en particulier, se frottent les mains. Avec l’interdiction de consommer tout type de viande de brousse, la ruée vers les volailles et les poissons fait rage. «Il faut dire qu’avec les mesures prises, les populations se tournent de plus en plus vers la consommation de volaille. Les décisions prises ont un impact réel sur notre chiffre d’affaires. Récemment j’ai pu écouler 1000 têtes en trois jours. Certains éleveurs ont vendu environ 1500 têtes au même moment», fait savoir G. Obin, éleveur de poulets. Au-delà des opportunités d’affaires chez les uns, c’est plutôt la stigmatisation chez d’autres. «Les clients, en plus de plus nous serrer la main, refusent que nous les touchions lorsque nous devons prendre les mesures», déplore pour sa part, Kouadio F. couturière.
Des déplacements limités qui pénalisent le secteur hôtelier
Dans le secteur de l’hôtellerie, ce n’est pas non plus la grande affluence au niveau des hôtels huppés, depuis la suspension des séminaires internationaux qui étaient, pour les gérants desdits établissements, de bonnes occasions de faire du chiffre. Au niveau du secteur du transport, notamment aérien, si l’impact n’est pour l’instant pas chiffré, la suspension de la desserte de pays déjà contaminés va se faire sentir sur les chiffres d’exploitation d’une compagnie comme Air Côte d’Ivoire qui, dès le renforcement par le gouvernement ivoirien des mesures de protection aux frontières, a suspendu ses vols au départ et à destination de la Sierra Leonne, de la Guinée et du Liberia, ces deux derniers pays étant frontaliers avec la Côte d’Ivoire. Même si, pour son directeur général, René Décurey, «la suspension des vols d’Air Côte d’Ivoire à destination de Conakry, Freetown et Monrovia, suite à la propagation de l’épidémie d’Ebola dans ces pays touchés, a un impact financier minime car ce sont de routes secondaires pour la compagnie».
Dans le transport terrestre, la fermeture des frontières ivoiriennes avec ses voisins de l’Ouest est intervenue le 22 août 2014. Le président de la Coordination nationale des gares routières de Côte d’Ivoire (CNGRCI), M. Touré Adama, a procédé dans la foulée au lancement d’une campagne de sensibilisation auprès des transporteurs d’Odienné afin que ceux-ci interrompent les voyages vers la Guinée, pour éviter d’exposer les clients et la population au virus d’Ebola. «J’invite tous les transporteurs à mettre fin aux transactions avec la Guinée voisine pour renforcer la lutte contre le virus Ebola. Nous savons que l’Ebola tue, il ne faut pas que des transporteurs engagent leur responsabilité en transportant des passagers en direction de la Guinée, encore moins de la Guinée vers la Côte d’Ivoire», a-t-il déclaré. Il a échangé sur la question avec les responsables syndicaux et a fait le tour des gares routières pour inviter les transporteurs à observer les mesures hygiéniques préventives arrêtées par le gouvernement.
Des liens commerciaux altérés
A ce stade, c’est le commerce transfrontalier qui est frappé de plein fouet, avec pour conséquence un arrêt brutal de la circulation des personnes et des biens et une baisse pour les communes, comme à Toulepleu, localité située à la lisière de la frontière ivoiro-libérienne. Pour M. Denis Kah Zion, maire de cette localité, «la fermeture de la frontière terrestre avec le Liberia va absolument faire baisser les recettes municipales. Avec notamment la fermeture de certains marchés annexes, dont celui Tioubly qui a lieu les lundis. C’était une occasion pour nos frères libériens de venir s’approvisionner en produits ivoiriens et nos parents se déportaient les vendredis à Totown, première ville libérienne. Les recettes ne sont pas linéaires. La menace de la contamination au virus Ebola est une réalité et il s’agit d’une question de vie ou de mort. Il faut rester vigilant. Je crois que depuis quelques mois nos parents l’ont compris, ils jouent leur propre gendarme».
Dans la mouvance de la sensibilisation, des entreprises citoyennes, en plus du soutien au comité d’hygiène et sanitaire interne, ont décidé de mettre la main à la poche pour soutenir le gouvernement ivoirien via le ministère de la Santé publique et de la Lutte contre le Sida dans sa campagne dénommée «Zéro cas d’Ebola» (lire encadré). Face à la persistance de la menace, le chef de l’Etat ivoirien a fait convoquer le Conseil national de sécurité (CNS). Non seulement pour corser le dispositif de contrôle aux frontières, mais aussi pour prévoir des couloirs humanitaires entre les pays contaminés. Pourquoi pas un couloir économique pour soulager les filiales des agro-industriels qui sont implantées aussi bien au Liberia qu’au Nigeria ? Sur la question, nous n’avons aucune précision pour l’instant. En attendant, du côté de la Banque africaine de développement (BAD), son président, le Rwandais Donald Kaberuka, est très alarmiste : «L’épidémie d’Ebola devrait coûter entre 1 et 1,5 point de PIB au Liberia, à la Sierra Leone et à la Guinée, trois pays affectés, ainsi qu’à la Côte d’Ivoire, Etat voisin encore non touché.» C’était le 26 aout 2014 à Abidjan, au cours d’une conférence de presse au siège de ladite institution de financement du développement. Faisant d’une pierre deux coups, M. Kaberuka a alerté l’opinion sur une probable insécurité alimentaire au Liberia, car le virus menace la tenue des récoltes. Non sans exprimer son inquiétude face aux décisions de plusieurs pays touchés par le virus hémorragique. «Je voudrais dire mon inquiétude face à la fermeture des frontières (…). Cette fermeture sera très préjudiciable», a déclaré M. Kaberuka lors de la signature d’un accord avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) «L’OMS n’a pas encore recommandé que les avions s’arrêtent, que les frontières soient fermées», a-t-il ajouté en déplorant que des pays situés à 8000 km de l’Afrique de l’Ouest décident, eux aussi, de fermer leurs frontières.
Quelles perspectives ?
En somme, l’on risque d’assister, in fine, à une hausse de la pauvreté dans les pays touchés. Du côté du Fonds monétaire international (FMI), on est sur la même longueur d’onde que les dirigeants de la BAD. En effet, le jeudi 28 août 2014, lors d’une conférence de presse à Washington, son porte-parole, Gerry Rice, s’est inquiété du grave impact économique et social du virus dans les trois pays d’Afrique de l’Ouest touchés par l’épidémie. Ajoutant étudier le déblocage d’une assistance financière supplémentaire.
Le bilan de l’épidémie, qui a démarré début 2014 en Guinée, a dépassé les 2 000 morts en Afrique de l’Ouest, selon l’Organisation mondiale de la santé, contraignant les pays de la région à prendre des mesures drastiques pour tenter de contenir sa propagation. «A ce stade, il est évident que la croissance économique va nettement ralentir dans ces trois pays et d’importants besoins de financement risquent de se faire jour», a indiqué M. Rice, assurant que les équipes du Fonds travaillaient activement pour évaluer plus précisément l’impact de l’épidémie. Selon M. Rice, la propagation du virus Ebola risque de faire bondir la pauvreté et d’augmenter l’insécurité alimentaire dans la région tout en affectant l’emploi dans le secteur clé de l’agriculture. L’épidémie progresse, et l’Organisation mondiale de la santé se montre pessimiste. Alors que 3069 cas d’Ebola ont été dénombrés, dont 1 552 décès (contre 1427 morts au 20 août), dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest, le nombre pourrait grimper jusqu’à 20 000. L’organisation internationale espère néanmoins stopper la progression du virus d’ici à trois mois. Il est permis de garder espoir, avec les premiers tests concluant du sérum expérimental ZMmap aux Etats-Unis, et l’existence d’autres médicaments au Japon, qui seront mis à la disposition de l’OMS. Sans oublier l’annonce des premiers essais cliniques par les laboratoires courant septembre 2014 et leur commercialisation prévue début 2015.
Cap sur la mobilisation des ressources
La Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) et la Société pour la distribution d’eau en Côte d’Ivoire (Sodeci) ont offert 25 millions FCFA, dont 10 millions pour la dernière citée, au gouvernement ivoirien. Les responsables de ces deux entreprises ont ainsi affiché leur volonté de toucher le maximum de populations via les réseaux de proximité établis sur l’ensemble du territoire national. Dans le secteur bancaire, la Société générale de banque en Côte d’Ivoire (SGBCI), filiale de la Société Générale, a offert 10 millions FCFA. Acte fort également de la part de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) et de la Société nationale d’opération pétrolière (Petroci) qui ont respectivement fait don de 50 millions FCFA et 10 millions de FCFA via la Fondation Petroci. A l’échelle régionale, l’Organisation mondiale santé (OMS) a, de son côté, annoncé un plan de lutte contre l’épidémie de 100 millions de dollars, tandis que la Banque mondiale a mobilisé 200 millions de dollars en urgence. Pour soutenir les pays africains touchés par la pandémie, notamment la Guinée-Conakry, la Sierra Leonne, le Liberia, certainement le Nigeria, la RDC et le Sénégal, la BAD a décaissé en août dernier 100 millions de dollars, soit environ 50 milliards FCFA.
Stéphane d’Avignon