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Art et Culture Publié le samedi 20 décembre 2014 | L’intelligent d’Abidjan

Les Samedis de Biton : Les chauffeurs et leur patron

Il ne s’agit pas des chauffeurs dont on entend parler à longueur de journée. Ces chauffeurs de taxi qui, toujours pressés de faire la recette du jour, roulent à grande vitesse, respectant difficilement le code de la route. Non, il ne s’agit pas de ceux qui ont été baptisés « café noir » à cause de leur état second au volant. Il s’agit, dans cette chronique, des chauffeurs de l’administration et de certaines personnes qui ont des moyens pour s’offrir un chauffeur. Quoique le salaire d’un chauffeur ne représente pas grand-chose, à cause au nombre impressionnant de personnes susceptibles de conduire et de fortes demandes dans le domaine. Diomandé Mélama vient de publier aux NEI-CEDA, un livre intitulé : « Un livre dans la voiture. » L’auteur qui est lui-même chauffeur dans l’administration, nous plonge dans un univers inimaginable pour ceux qui n’évoluent pas dans le milieu. Le constat qui choque le lecteur réside dans le fait que ces chauffeurs recrutés sur concours sont des êtres taillables et corvéables à merci. Un chauffeur doit se lever tôt. Très souvent sa progéniture est plongée dans un profond sommeil quand il part rejoindre son patron à son domicile dans un quartier huppé. Rarement il sera invité à partager le petit déjeuner de la famille. Il commencera son travail conduisant les enfants à l’école, un rôle pas prévu pour lui dans la fonction publique mais auquel, ill sera contraint de se plier en espérant avoir de la promotion par son « lèche-bottisme » qui est une caractéristique du fonctionnaire subalterne africain. Il va supporter l’indiscipline, l’arrogance de ces enfants parfois mal élevés qui ont appris à la maison à voir en tout chauffeur un « boy ». Après avoir déposé le patron, imbu de sa personne, il y a de fortes chances que le pauvre chauffeur retourne prendre et déposer l’épouse au marché et attendre qu’elle termine son marché si elle ne se fait pas accompagner par le chauffeur qui prendra son panier. L’Africain adore se coucher devant la femme du boss, prêt à accepter qu’elle marche sur lui. Comme l’écrit l’auteur, un chauffeur, même en cas de besoins urgents et pressants, est obligé d’attendre son patron pour qu’il ne vienne pas constater son absence. Souvent le patron va l’“engueuler comme un poisson pourri” car il a osé se déplacer même pour deux minutes. Un vrai patron ne quittant pas le bureau à l’heure officielle, le chauffeur attend souvent jusqu’à des heures tardives. Et le plus souvent, le travail qui retient le patron consiste à des appels téléphoniques de deux ou trois femmes. Si ce ne sont pas des « copines » qui passent des heures en sa compagnie même aux heures de travail. En rentrant chez lui sans frais de transport, il va retrouver sa progéniture endormie. Devant les difficultés financières, le chauffeur ne peut qu’avoir des insomnies. L’un d’eux, dans le livre, parle de la forte pression qui le rend malade : « La semaine passée, j’ai accompagné la femme de mon « boss » pour acheter les fournitures scolaires de leurs enfants. Tout a été acheté, même ce qui n’est pas demandé. Il fallait être là pour voir comment les chariots étaient remplis de matériels scolaires. Haa ! L’argent… Je n’ai pas encore acheté un seul cahier… Imaginez mes soucis quand on est face à ce genre de contraintes matérielles… Je ne fais que survivre même si la société me compte parmi les travailleurs. C’est pourquoi, je parle de « haute pression. » Des patrons abusent de leur pouvoir, se comportant comme des dictateurs aux petits pieds ou du dimanche. L’un a osé porter main à son chauffeur. Ce dernier a réagi en tabassant copieusement son patron. C’est avec délectation qu’on savoure cette partie du roman qui montre, on ne peut plus, que des hommes ont encore de l’honneur et qui chantent le refrain des soldats de Samory : « On ne meurt pas quand son jour n’est pas arrivé. » Un livre est comme un miroir pour permettre au lecteur de se regarder en vue de se voir beau ou laid afin de se perfectionner ou de se corriger. Un patron qui va lire une partie de la biographie de l’auteur verra ses subalternes autrement. Hélas, la plupart des patrons n’ont pas la qualité de lecteurs. Un pied cassé se répare plus facilement qu’une lecture ratée à l’enfance ou durant l’adolescence. L’auteur a voulu nous montrer, à travers son livre, ce que la lecture peut apporter à l’individu dans sa quête du savoir. Après avoir obtenu le BEPC il va vingt ans plus tard reprendre ses études en cours du soir et obtenir le baccalauréat et poursuivre à l’Université où il est inscrit en master d’anglais après avoir obtenu un diplôme d’administration et de management. Tout en demeurant chauffeur dans l’administration. C’est donc une invitation au courage et à la patience que ce livre donne comme exemple, à tous ceux qui pensent que leur vie se conjugue au passé. Car rien n’est tard pour entreprendre. Comme le disait à satiété, le leader de la Révolution guinéenne, Ahmed Sékou Touré, qui fut un homme de grande culture : « La vie d’un homme va de 1 à 100 ans. » C’est dire que rien n’est tard dans la vie. Surtout si on a une foi ardente même si dans toutes ces pages on ne voit pas dans les écrits de l’auteur des traces de spiritualité. A cause de son envie incessante de la position financière et matérielle de ces patrons et aussi de la dolce vita. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
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