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Afrique Publié le mercredi 18 février 2015 | Diasporas-News

RDC: l’ordre règne-t-il à Kinshasa ?

© Diasporas-News Par AFP
Obsèques du président Nelson Mandela : Plusieurs personnalités étrangères présentes
Mardi 10 decembre 2013. FNB Stadium (Soccer City), Johannesburg. Plusieurs personnalités étrangères présentes sont venues dire" adieu "à Nelson Mandela. Photo: Joseph Kabila et son épouse.
Jeu de poker-menteur entre la majorité présidentielle et l’opposition. Sans faire injure aux victimes de cette bataille politique, le peuple et les étudiants sont encore une fois les sacrifiés de cette palinodie. Quoiqu’il advienne, la RDC devra un jour ou l’autre organiser son recensement général.

Origine de la manifestation

Poussée éruptive en République Démocratique du Congo (RDC). Un projet de loi électorale douteux à l’ordre du jour du Parlement, convoqué en session extraordinaire. L’article 8 alinéa 3 de ladite loi stipule que « la liste électorale devrait être actualisée en tenant compte de l’évolution des données démographiques et de l’identification de la population ». Selon l’interprétation des experts « toutes les prochaines élections seront donc subordonnées au recensement général ». Pour l’opposition, ce texte, s’il est voté en l’état, pourrait prolonger le mandat du président Joseph Kabila, censé se terminer en 2016. Sans surprise, le 17 janvier, l’Assemblée Nationale a adopté la loi électorale en l’absence des députés d’opposition qui ont boycotté le vote. Suivant le fonctionnement des institutions avec un système de « navette » parlementaire, le texte devait être examiné par le Sénat avant de retourner à la Chambre Basse.

Les partis d’opposition ont choisi la rue pour dénoncer cet oukase. C’est ainsi que le 19 janvier, leur appel à la manifestation a dégénéré. Les forces de l’ordre ont tiré sur la foule.

Bilan, selon les sources : entre 12 ou 42 morts, chez les manifestants et les étudiants ; on déplore un décès du côté des forces de l’ordre. Ainsi, pendant trois jours, Kinshasa, capitale de presque 10 millions d’âmes retenait son souffle : rares sont les piétons et les taxis qui osaient s’aventurer sur les grandes avenues ou du côté de l’université. Faute d’avoir accès au parlement, les affrontements se sont déroulés dans les quartiers populaires et surtout vers la commune de Lemba à l’Est, où se trouve l’université de Kinshasa et ses 25.000 étudiants. Côté rue, la police a été renforcée par la Garde Républicaine et l’armée pour disperser toutes velléités de manifestation. Et au niveau des télécommunications, le réseau téléphonique et internet ont été coupés. Combien d’opposants ont été embastillés ?
Les kinois ont encore le souvenir récent de l’opération anti-criminalité de l’année dernière, à la même époque qui s’est soldée par 51 morts selon le HRW ; chiffre minimisé par la police qui faisait état de seulement 9 décès. A cela s’ajoute le traumatisme de l’attaque du 30 décembre 2013 ourdi par les hommes du pasteur Joseph Mukungubila Mutombo. Ils ont pris en otage des journalistes de la radiotélévision congolaise, attaqué l’aéroport et l’état-major des forces armées. La brutalité de la répression fît plus d’une centaine de morts.

Loi électorale, capitulation en ras de campagne
Face à cette bronca, le président du Sénat Léon Kengo Wa Dondo a déclaré que « nous avons été à l’écoute de la rue ». Dans les coulisses, la diplomatie a dû s’activer. La forte délégation d’ambassadeurs en poste à Kinshasa venus rendre visite au locataire du palais de la Nation, en l’occurrence Joseph Kabila lui-même, ne serait pas étrangère à ce revirement du Parlement. Même la nouvelle Secrétaire Générale de la Francophonie, madame Michaëlle Jean a exprimé sa préoccupation, non sans oublier « l’attachement de la Francophonie au respect des dispositions de la Déclaration de Bamako régissant les élections » ! Les Sages du Sénat ont ainsi expurgé le fameux article 8 pour ne plus faire du recensement un préalable aux élections. La reformulation définitive est la suivante : « l’actualisation de la liste électorale définitive, en fonction des données démographiques disponibles, se fait dans le respect des délais constitutionnels et légaux prévus pour l’organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales ».

A qui profite la victoire : la rue, le peuple ou les étudiants ?

On devait plutôt poser la question dans les travées des palais nationaux et les sièges des partis politiques. Les hommes politiques ont leur agenda calé sur les élections générales (législatives et présidentielles) de 2016. Quelles sont les personnalités qui seraient susceptibles de se porter candidat à la présidence de la République ? Vital Kamerhé (7,70% aux dernières présidentielles) doit jubiler de cette reculade de la majorité présidentielle.

Président de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), il est aujourd’hui le challenger principal de Joseph Kabila. Etienne Tshisekedi le vieux lion de Limete ne rugit plus. A plus de 83 ans, le président de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a livré son dernier combat politique lors des élections présidentielles de 2011. Moïse Katumbi, le gouverneur de la province de Katanga est également un farouche adversaire d’un éventuel troisième mandat présidentiel de Joseph Kabila, successeur de son père depuis 2001.

Vital Kamerhé est un compagnon de route de l’actuel président de la République Joseph Kabila. Il a été son directeur de campagne lors des présidentielles de 2006, puis président de l’Assemblée Nationale avant de tomber en disgrâce en 2009. Il est actuellement sur tous les fronts pour éviter que le Président sortant puisse rester au pouvoir au-delà de son mandat. N’a-t-il pas contesté et dénoncé le nouveau découpage territorial qui a été examiné et adopté, une semaine avant l’examen de la fameuse loi scélérate du « recensement/élection » du 17 janvier ? Il s’agit pour la RDC de passer 11 à 26 provinces.

Le président de l’UNC estimait que cette atomisation des circonscriptions administratives fait partie de la panoplie gouvernementale pour retarder les prochaines élections.

Cette loi électorale incriminée aurait déjà dû être examinée lors des travaux de la session ordinaire de la fin du dernier trimestre 2014. Mais les discussions portant sur le budget avaient accaparé trop de temps. La session extraordinaire était prévue du 5 janvier, et ce pour un mois, pour adopter plusieurs textes relatifs entre autres aux hydrocarbures et la loi électorale. Quelques semaines auparavant, les parlementaires ne redoutaient même pas la prolongation du mandat présidentiel. Ils se méfiaient davantage de la modification du mode de scrutin qui risquerait de basculer vers un suffrage universel indirect pour les élections présidentielles et surtout pour les sénatoriales ; donc leur « boutique ».

Et pourquoi donc une telle tempête ?

Certes, il faut toujours rester vigilant avec Joseph Kabila. Son intention est de briguer un troisième mandat présidentiel ; il y pense et pas qu’en se rasant le matin ! Mais la jurisprudence « Blaise Compaoré » s’appliquera désormais partout sur le continent africain.

Le Togo, le Congo Brazzaville, le Bénin sont tous, à plus ou moins brève échéance, dans le même cas que le Burkina Faso. Il est donc devenu difficile d’amender la Constitution pour déplafonner le nombre de mandat présidentiel. En RDC, un projet de loi était d’ailleurs en gestation depuis le mois de juillet en vue justement de modifier l’article 222 ; il aurait été rangé dans un fond de tiroir depuis le mois de novembre.

Les conseillers du chef de l’Etat ne manquent pas d’initiatives pour arriver à leur fin. La manœuvre sur le recensement coïncide en effet avec le mouvement populaire qui a emporté le président Blaise Compaoré, le 30 octobre dernier. Une ordonnance présidentielle nommant les nouveaux membres du conseil d’administration de l’Office National d’Identification de la Population (ONIP) – organe chargé de mener le recensement - a été signé par le chef de l’Etat congolais mi-octobre alors que le décret d’application pour la création de l’ONIP a été signé depuis le 31 décembre 2011. La présidence de l’institution a été confiée à madame Geneviève Inagosi, ministre sortante du Genre et de la Famille. Tandis qu’Adolphe Lumanu, ancien ministre de l’Intérieur a été nommé Directeur Général. Deux kabilistes pour mener l’opération de recensement !!!

Le recensement en question
Le dernier recensement général remonte en 1984 c’est-à-dire à l’époque du Zaïre du feu maréchal Mobutu Sese Seko. Vers les années 1990, deux guerres civiles ont anéanti ce vaste pays de 2.345.000 km², potentiellement doté d’une richesse énorme et dépecé depuis deux décennies par ses voisins de l’Est et les multinationales. Aujourd’hui, les projections démographiques donnent une estimation de 72 millions d’habitants avec un taux de croissance annuel de 3,1%. Le recensement de la population est fortement recommandé par les Nations-Unies à la suite de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (Caire 1994). La première mission du Fonds des Nations-Unies pour la Population (FNUAP) est d’accompagner les pays en développement dans ce projet. Des statistiques fiables, la connaissance exacte des différents paramètres concernant la population sont des leviers indispensables pour la mise en place d’un programme de développement socioéconomique. Le FNUAP et le gouvernement congolais ont signé un nouvel accord de partenariat en ce sens en 2004.

Face aux difficultés financières, la RDC a toujours essayé de parer au plus pressé. La préoccupation majeure de la classe politique ne se manifeste qu’à l’approche des élections.

Car ils ont besoin de fichiers électoraux fiables. Les récriminations des partis d’opposition lors des élections présidentielles de 2006 et de 2011 portaient essentiellement sur l’absence de recensement administratif. Les contestations postélectorales, la suspicion portée contre la Commission Electorale (CENI) proviennent de ce recensement administratif de la population qui a été, à chaque fois, remis aux calendes grecques ; du moins jusqu’à la prochaine période électorale. Faute de mieux, et dans l’urgence, les autorités constituaient une liste électorale avec la méthode d’indentification et d’enrôlement des électeurs. En d’autres termes, on essaye de compter la population en âge de participer aux scrutins c’est-à-dire ceux qui ont atteint la majorité soit environ 25 millions d’âmes.

On ne peut quand même pas taxer le gouvernement de ne pas s’être occuper de ce recensement. A sa décharge, le coût de cette opération a été estimé à 140 millions $ en 2013. Le ministre du Plan Célestin Vunabandi a engagé le processus de cartographie, préalable au processus d’échantillonnage, il y a deux ans. Techniquement, cela consiste à identifier des aires de dénombrement de la population. Il a annoncé le calendrier au Sénat en avril 2013 en ses termes : « de novembre 2013 à octobre 2014, nous ferons le recensement pilote et au début de l’année 2015, nous allons passer à l’opération de dénombrement qui consiste à visiter tous les ménages de la RDC ».

La nouvelle période électorale s’ouvrira par le scrutin des conseillers communaux, dès le 14 juin 2015 et ne s’achèvera qu’avec les élections présidentielles et législatives de 2016. La communauté internationale a exigé, dès le retrait de l’article suspicieux, un calendrier précis des échéances électorales. Sans quoi, elle n’engagera pas de fonds pour accompagner le processus. Les conditions de l’obtention d’un fichier électoral fiable ont été énoncées par le DG de l’ONIP Adolphe Lumanu, lors de sa prise de fonction en novembre 2014. L’opération d’enrôlement et d’identification des électeurs ont coûté respectivement 101 millions $ en 2005 et 179 millions $ en 2011. La mise-à-jour de la liste électorale pourrait aujourd’hui revenir à 200 millions $ et ce dans un délai de neuf mois ; si et seulement si le financement et le réseau des télécommunications nécessaires au traitement de l’information sont prêts.

Malgré tout, cette solution d’urgence sera rendue difficile par l’inexistence d’un fichier d’état-civil fiable. Alors que si effectivement, l’ONIP s’assure de sa première mission – en lui octroyant les moyens de ses ambitions - c’est-à-dire la délivrance de carte d’identité nationale, les données compulsées serviront également à obtenir, une bonne fois pour toute, un fichier électoral crédible pour la CENI. Quel est le prix de la démocratie ? Le budget demandé par l’ONIP est aujourd’hui estimé à 500 millions $, soit 25% du coût annuel de la MONUSCO – mission pour le maintien de la Paix - stationnée en RDC depuis dix ans !

Alex ZAKA
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