Le Pr Yacouba Konaté est présent à Ouagadougou, au Burkina Faso, dans le cadre de la 24è édition du Fespaco. Dans cet entretien, il parle du cinéma africain et partage ses réflexions sur le développement du 7è art.
Pour vous qui êtes le directeur du Marché africain des arts du spectacle africain, quels sont les motivations à être au rendez-vous panafricain du cinéma qu’est le Fespaco ?
Nous sommes venus apporter notre contribution aussi modeste soit-elle à la réussite du Fespaco et nous en profitons pour communiquer sur le prochain Masa (Marché africain des arts du spectacle africain) qui aura lieu du 26 mars au 2 avril 2016. Le Burkina est important pour nous parce que c’est un pays voisin et au nom de cette proximité, nous avons déjà accueilli quelques 150 artistes à l’édition passée. Cette année, nous voulons communiquer pour que ce chiffre soit revu à la hausse. Que la participation burkinabè au plan des professionnels soit encore plus substantielle. Au-delà, nous essayons de communiquer avec les écoles d’arts, aussi les écoles publiques autant que les écoles privées pour que les étudiants comprennent que le chemin d’Abidjan vers le Masa peut être un élément important de leur formation dans les domaines de la musique, du conte, du théâtre de l’humour. C’est-à-dire les principales disciplines qui sont à l’honneur au Masa.
D’hier à aujourd’hui, une évolution considérable a été constatée dans la production des films africains. Quelle réflexion faites-vous de cette période de transition du cinéma africain ?
Pour analyser ce genre de moment, il faut d’abord interroger l’état de la technique. Parce que les gens ont pensé que le type de lenteur qu’on avait dans certains films de la période inaugurale était une lenteur de type philosophique et que c’était voulue et assumée. Evidemment, c’est assumé. J’ai la chance d’avoir Idrissa Ouédraogo (Réalisateur du film Yaaba) comme ami. Un jour, il m’a expliqué qu’il y a des centaines de thèses sur cette dite lenteur. Mais, c’est tout simplement parce que pour filmer, il n’avait pas les travelings et les rails. Ils étaient parfois obligés de mettre la caméra au dos d’un âne, sur une moto, sur un vélo. Ils faisaient ce qu’ils pouvaient pour filmer comme ils voulaient filmer. Maintenant, ce sont des problèmes qui sont relativement résolues. Aujourd’hui, les gens peuvent faire ce qu’ils veulent. Ils ne sont pas seulement fermés dans des contraintes techniques. En plus, avec l’avènement du numérique, il y a beaucoup plus de souplesse à la fois dans les prises de vue, dans le montage. Je crois que l’un des problèmes récurrents reste l’écriture des scénarii. Pour cela, je crois qu’il y’a une bonne coordination à rechercher. Entre les réalisateurs et les hommes de l’écrit.
Le numérique également nécessite beaucoup de moyens. N’y a-t-il pas de craintes si par manque de formation les productions ne soient pas compétitives ?
Je suis d’accord avec vous. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter des gens formés sur le tas. Il faut des gens qui connaissent leur métier et qui aiment le métier du cinéma. Mais, ce n’est pas facile parce que hier (samedi), je discutais avec un ami du Nigeria qui s’appelle Jaman Anikulapo Kuti que je vais d’ailleurs inviter à Abidjan pour faire une conférence sur Nollywood. Il m’expliquait qu’il y’a pas mal d’écoles mais qu’il constate que, malheureusement, tous les jeunes veulent être acteurs et réalisateurs. Très peu veulent être scénaristes et qu’il y a vraiment un manque d’intérêt pour l’ensemble des métiers qu’on retrouve dans l’éventail du cinéma. Ce sont des choses sur lesquelles il faut sensibiliser les jeunes pour que progressivement, les quelques personnes qui s’engagent dans ces voies, puissent montrer que ça nourrit son homme. C’est cela aussi l’enjeu, il nous faut créer un cinéma qui nourrit les professionnels.
Quel devra être le rôle des gouvernants africains?
Le gouvernement, c’est une partie du problème. Je pense que le gouvernement peut s’impliquer. Parlant de Nollywood, c’est un cinéma qui au départ, n’était soutenu que par des privés. Aujourd’hui, m’a-t-on dit, le gouvernement est en train de mettre deux millions de dollars. Egalement la banque mondiale est en train de mettre deux cent millions de dollars. Ils ont maintenant une sorte de manne qui vient et qui fait qu’ils vont équiper les villages en des salles et le cinéma va sortir de la vidéo pour retourner et reconquérir les salles.
Quels sont selon vous les défis du numérique pour le cinéma africain ?
C’est d’abord la qualité. Je pense quantitativement, c’est plus facile de faire des films. C’est pour cela que nous avons aujourd’hui une grosse floraison de cinéastes ou de réalisateurs dans tous les pays d’Afrique. Maintenant, il faut progressivement aller vers des productions de qualité. Pour cela, il faut qu’il y ait des monteurs de qualité, des caméramans de qualité, des scripts de qualité. Pour moi, tout est d’un bloc. Je pense que c’est la qualité qui va être décisive.
La 9è édition du Masa, c’est dans un an. Quels sont les grands défis ?
Je ne vous suivrez pas. Vous faites comme si tout était mauvais. Il faut faire un bilan équitable. Quand on fait un bilan équitable, c’est l’un des meilleurs Masa de notre histoire. On va poursuivre dans la qualité de l’amélioration parce qu’aucune œuvre n’est parfaite. Regardez les chiffres, on n’a jamais eu autant de professionnels. Le retour de presse qu’on a eu a fait que c’est l’une des meilleures manifestations au plan de l’Afrique qui se soit passée pendant ces deux dernières années. De ce point de vue, il n’y a pas de soucis. Maintenant, on cherche toujours à faire mieux parce qu’il faut toujours aller de l’avant. Il faut se fixer toujours de nouvelles limites. C’est ce qu’on essayera de faire.
Entretien réalisé par Koné Saydoo
Pour vous qui êtes le directeur du Marché africain des arts du spectacle africain, quels sont les motivations à être au rendez-vous panafricain du cinéma qu’est le Fespaco ?
Nous sommes venus apporter notre contribution aussi modeste soit-elle à la réussite du Fespaco et nous en profitons pour communiquer sur le prochain Masa (Marché africain des arts du spectacle africain) qui aura lieu du 26 mars au 2 avril 2016. Le Burkina est important pour nous parce que c’est un pays voisin et au nom de cette proximité, nous avons déjà accueilli quelques 150 artistes à l’édition passée. Cette année, nous voulons communiquer pour que ce chiffre soit revu à la hausse. Que la participation burkinabè au plan des professionnels soit encore plus substantielle. Au-delà, nous essayons de communiquer avec les écoles d’arts, aussi les écoles publiques autant que les écoles privées pour que les étudiants comprennent que le chemin d’Abidjan vers le Masa peut être un élément important de leur formation dans les domaines de la musique, du conte, du théâtre de l’humour. C’est-à-dire les principales disciplines qui sont à l’honneur au Masa.
D’hier à aujourd’hui, une évolution considérable a été constatée dans la production des films africains. Quelle réflexion faites-vous de cette période de transition du cinéma africain ?
Pour analyser ce genre de moment, il faut d’abord interroger l’état de la technique. Parce que les gens ont pensé que le type de lenteur qu’on avait dans certains films de la période inaugurale était une lenteur de type philosophique et que c’était voulue et assumée. Evidemment, c’est assumé. J’ai la chance d’avoir Idrissa Ouédraogo (Réalisateur du film Yaaba) comme ami. Un jour, il m’a expliqué qu’il y a des centaines de thèses sur cette dite lenteur. Mais, c’est tout simplement parce que pour filmer, il n’avait pas les travelings et les rails. Ils étaient parfois obligés de mettre la caméra au dos d’un âne, sur une moto, sur un vélo. Ils faisaient ce qu’ils pouvaient pour filmer comme ils voulaient filmer. Maintenant, ce sont des problèmes qui sont relativement résolues. Aujourd’hui, les gens peuvent faire ce qu’ils veulent. Ils ne sont pas seulement fermés dans des contraintes techniques. En plus, avec l’avènement du numérique, il y a beaucoup plus de souplesse à la fois dans les prises de vue, dans le montage. Je crois que l’un des problèmes récurrents reste l’écriture des scénarii. Pour cela, je crois qu’il y’a une bonne coordination à rechercher. Entre les réalisateurs et les hommes de l’écrit.
Le numérique également nécessite beaucoup de moyens. N’y a-t-il pas de craintes si par manque de formation les productions ne soient pas compétitives ?
Je suis d’accord avec vous. Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter des gens formés sur le tas. Il faut des gens qui connaissent leur métier et qui aiment le métier du cinéma. Mais, ce n’est pas facile parce que hier (samedi), je discutais avec un ami du Nigeria qui s’appelle Jaman Anikulapo Kuti que je vais d’ailleurs inviter à Abidjan pour faire une conférence sur Nollywood. Il m’expliquait qu’il y’a pas mal d’écoles mais qu’il constate que, malheureusement, tous les jeunes veulent être acteurs et réalisateurs. Très peu veulent être scénaristes et qu’il y a vraiment un manque d’intérêt pour l’ensemble des métiers qu’on retrouve dans l’éventail du cinéma. Ce sont des choses sur lesquelles il faut sensibiliser les jeunes pour que progressivement, les quelques personnes qui s’engagent dans ces voies, puissent montrer que ça nourrit son homme. C’est cela aussi l’enjeu, il nous faut créer un cinéma qui nourrit les professionnels.
Quel devra être le rôle des gouvernants africains?
Le gouvernement, c’est une partie du problème. Je pense que le gouvernement peut s’impliquer. Parlant de Nollywood, c’est un cinéma qui au départ, n’était soutenu que par des privés. Aujourd’hui, m’a-t-on dit, le gouvernement est en train de mettre deux millions de dollars. Egalement la banque mondiale est en train de mettre deux cent millions de dollars. Ils ont maintenant une sorte de manne qui vient et qui fait qu’ils vont équiper les villages en des salles et le cinéma va sortir de la vidéo pour retourner et reconquérir les salles.
Quels sont selon vous les défis du numérique pour le cinéma africain ?
C’est d’abord la qualité. Je pense quantitativement, c’est plus facile de faire des films. C’est pour cela que nous avons aujourd’hui une grosse floraison de cinéastes ou de réalisateurs dans tous les pays d’Afrique. Maintenant, il faut progressivement aller vers des productions de qualité. Pour cela, il faut qu’il y ait des monteurs de qualité, des caméramans de qualité, des scripts de qualité. Pour moi, tout est d’un bloc. Je pense que c’est la qualité qui va être décisive.
La 9è édition du Masa, c’est dans un an. Quels sont les grands défis ?
Je ne vous suivrez pas. Vous faites comme si tout était mauvais. Il faut faire un bilan équitable. Quand on fait un bilan équitable, c’est l’un des meilleurs Masa de notre histoire. On va poursuivre dans la qualité de l’amélioration parce qu’aucune œuvre n’est parfaite. Regardez les chiffres, on n’a jamais eu autant de professionnels. Le retour de presse qu’on a eu a fait que c’est l’une des meilleures manifestations au plan de l’Afrique qui se soit passée pendant ces deux dernières années. De ce point de vue, il n’y a pas de soucis. Maintenant, on cherche toujours à faire mieux parce qu’il faut toujours aller de l’avant. Il faut se fixer toujours de nouvelles limites. C’est ce qu’on essayera de faire.
Entretien réalisé par Koné Saydoo