La première édition du Festival international de reggae d’Abidjan (Abi reggae) a réuni à Abidjan plusieurs intellectuels et universitaires d’Afrique et de la Diaspora pour réfléchir sur les «Expériences panafricaines, résistances et reconnaissances».
L’objectif de cette réflexion était de donner les clés de compréhension du renouvellement du panafricanisme à partir de Marcus Garvey dont le fils, Julius Garvey était, à l’occasion, invité à Abidjan. «Reggae en perspectives» était le thème principal dudit festival. La question du panafricanisme est-elle aujourd’hui la question des Etats ? Quel lien entre la mémoire de l’esclave et l’émergence de l’idée du panafricanisme ? Le panafricanisme permet-il de réconcilier les descendants d’esclave et ceux qui ont été considéré dans l’histoire comme fournisseur d’esclave ? Se situant entre un panafricanisme de complainte et un panafricanisme de conquête, les contributions ont permis de se rendre compte des contradictions autour du panafricanisme et de ses avancées.
«Il est venu le temps où on doit regarder devant nous», c’est le point de vue du journaliste Alain Foka qui pose une problématique : Comment allons-nous conquérir le monde avec le panafricanisme? Né en 1964, il ne comprend pas que «soixante ans après les indépendances, nous continuons d’avoir des références sur des choses que nous n’avons pas connues». « Il faut, admet-il, qu’on sorte du panafricanisme de la complainte au panafricanisme de la conquête».
Comme Alain Foka, Prof. Ibrahima Thioub, docteur en histoire, recteur de l’Université Cheick Anta Diop (Dakar Sénégal), est d’avis qu’il faut avancer vers un «nouveau panafricanisme». Depuis Abidjan, Ibrahima Thioub, outré par le comportement des dirigeants africains, a lancé un appel à l’Union Africaine. «Sans faire de concurrence de victimes, douze français sont morts, le monde entier s’est mobilisé. Cent quarante huit étudiants kényans, deux cent jeunes filles nigérianes sont mortes, on n’a pas mis les drapeaux de l’Afrique en berne. Construire le panafricanisme, c’est aujourd’hui demander à l’Union Africaine d’observer, ne serait-ce qu’une minute de silence pour l’ensemble du contient africain pour marquer au même moment notre désapprobation de la barbarie qui est survenue non pas sur des Kényans mais, sur des Africains. C’est vers ce nouveau panafricanisme qu’il nous faut avancer», a signifié le professeur Ibrahima Thioub.
Remontant à l’esclavage, source du panafricanisme, le docteur en histoire a fait le lien entre la mémoire de l’esclave et l’émergence de l’idée du panafricanisme.
L’historien sénégalais ne se fait pas de doute. Le débat, aujourd’hui, doit être porté sur le «panafricanisme de conquête». D’où la rupture qu’il conseille d’avec les Etats-nations hérités du colonialisme et la rupture avec des pratiques qui avaient donné naissance à la traite négrière. «Si nous ne le pensons pas, nous aurons du mal à nous réconcilier avec notre jeunesse. Repenser le colonialisme, c’est repenser l’Etat colonial, son héritage et ce qui en reste aujourd’hui et qui fait mal à l’Afrique», a soutenu Ibrahima Thioub. Puis il a partagé sa lecture sur l’héritage colonial. «L’esclavage nous a donné des territoires coloniaux à partir desquels nous avons construit des Etats-nations qui constituent l’héritage de l’expérience européenne. Cet Etat-nation nous enferme. Malheureusement, ces Etats-nations explosent face à la globalité. La pression est tellement forte que, de plus en plus, des Africains se réfugient vers une micro identité, infranationale qui peut être des identités religieuses pouvant être manipulées et entraîner des combats qui ne sont pas des combats de progrès… L’Etat dont nous avons hérité de la colonisation est un Etat de commandement. Ce n’est pas un Etat d’administration, c’est un Etat de violence, un Etat prédateur».
La question du panafricanisme est-elle aujourd’hui la question des Etats ?
Répondant à cette interrogation, le philosophe Lazare Ki-Zerbo, co-auteur de recueils de textes sur les mouvements panafricanismes au 20è siècle, s’est dit certain que l’Etat africain post colonial n’a pas rompu avec son passé colonial. «C’est une réalité. On ne peut s’en passer», a-t-il confié.
Si, de son avis, l’Union Africaine se résout aux seuls Etats existants, Lazare Ki-Zerbo trouve «impossible» que le projet panafricain se fasse «sans une éducation».
Comme le disait Bob Marley puisqu’il s’agit de reggae il faut, selon le philosophe, rompre avec le ‘’Brain wash education’’ ou le lavage de cerveau dans les lycées et dans les écoles «où l’on n’entendra pas parler de Marcus Garvey ou de Kwamé N’krumah».
«Ce que l’on fait aujourd’hui à Abi reggae participe de cela. Au-delà de la construction de l’Etat et d’une confédération d’Etats, il faut transmettre l’héritage du panafricanisme dans toutes ses formes. L’éducation et la culture ont un rôle central à jouer. Les artistes l’ont beaucoup assumé. Au niveau politique, il y a une vraie démission. Mais, au niveau des acteurs culturels, il y a eu un travail. Au niveau des intellectuels, nous avons préparé les matériaux qui ne sont pas mis à la disposition de la jeunesse», a souligné Lazare Ki-Zerbo, également chargé de projet de l’homme à la Francophonie et membre de la fondation Joseph Ki-Zerbo.
Des figures du panafricanisme, Amzat Boukari Yabara, docteur en histoire de l’Afrique, spécialiste de l’histoire du panafricanisme et des diasporas a fait une synthèse entre la dimension continentale et diasporique en évoquant parmi les intellectuels et les artistes Marcus Garvey, William Dubois, Kwamé N’krumah, Aimé Césaire…
Abi Reggae comme le Festival mondial des arts nègres !
Encourageant l’initiative d’Abidjan qui a donné Abi Reggae avec à la clé un colloque international sur le panafricanisme, Babacar Diop, également de l’Université Cheick Anta Diop s’est demandé si ce mouvement de résistance contre l’oppression «concerne uniquement les nègres, les Africains du continent et ceux de la Diaspora». «Aujourd’hui, a-t-il relevé, on parle de panafricanisme nouveau, il est bon qu’on se penche sur les nouvelles vagues pour voir ou est-ce qu’on va et ce qu’il est possible de faire». De la dimension que veut se donner Abi Reggae, Amzat Boukari Yabara comme Babacar Diop, soutient que ledit événement «reconstitue la famille africaine mondiale». Aussi le reggae et le Hip hop sont-elles des musiques qui accompagnent le rêve du panafricain, soutient le spécialiste de l’histoire du panafricanisme et des diasporas.
«Abi Reggae, indiqué Amzat Boukari Yabara, s’inscrit réellement dans cette lignée des festivals culturels panafricains qu’on a pu voir à Dakar en 1966 et à Alger en 1969 où il y avait cette connexion entre des militants et des personnalités de la société civile, des intellectuels, des artistes pour repenser cette diversité (globalité) du monde noir, de l’Afrique et de sa diaspora».
Du 9 au 12 avril, sur quatre jours, les organisateurs du Festival international de reggae d’Abidjan ont eu le mérite de rassembler sur les bords de la lagune Ebrié, des intellectuels, universitaires, membres de la société civile et les artistes, tous d’Afrique, des Amériques et de l’Europe.
Koné Saydoo
L’objectif de cette réflexion était de donner les clés de compréhension du renouvellement du panafricanisme à partir de Marcus Garvey dont le fils, Julius Garvey était, à l’occasion, invité à Abidjan. «Reggae en perspectives» était le thème principal dudit festival. La question du panafricanisme est-elle aujourd’hui la question des Etats ? Quel lien entre la mémoire de l’esclave et l’émergence de l’idée du panafricanisme ? Le panafricanisme permet-il de réconcilier les descendants d’esclave et ceux qui ont été considéré dans l’histoire comme fournisseur d’esclave ? Se situant entre un panafricanisme de complainte et un panafricanisme de conquête, les contributions ont permis de se rendre compte des contradictions autour du panafricanisme et de ses avancées.
«Il est venu le temps où on doit regarder devant nous», c’est le point de vue du journaliste Alain Foka qui pose une problématique : Comment allons-nous conquérir le monde avec le panafricanisme? Né en 1964, il ne comprend pas que «soixante ans après les indépendances, nous continuons d’avoir des références sur des choses que nous n’avons pas connues». « Il faut, admet-il, qu’on sorte du panafricanisme de la complainte au panafricanisme de la conquête».
Comme Alain Foka, Prof. Ibrahima Thioub, docteur en histoire, recteur de l’Université Cheick Anta Diop (Dakar Sénégal), est d’avis qu’il faut avancer vers un «nouveau panafricanisme». Depuis Abidjan, Ibrahima Thioub, outré par le comportement des dirigeants africains, a lancé un appel à l’Union Africaine. «Sans faire de concurrence de victimes, douze français sont morts, le monde entier s’est mobilisé. Cent quarante huit étudiants kényans, deux cent jeunes filles nigérianes sont mortes, on n’a pas mis les drapeaux de l’Afrique en berne. Construire le panafricanisme, c’est aujourd’hui demander à l’Union Africaine d’observer, ne serait-ce qu’une minute de silence pour l’ensemble du contient africain pour marquer au même moment notre désapprobation de la barbarie qui est survenue non pas sur des Kényans mais, sur des Africains. C’est vers ce nouveau panafricanisme qu’il nous faut avancer», a signifié le professeur Ibrahima Thioub.
Remontant à l’esclavage, source du panafricanisme, le docteur en histoire a fait le lien entre la mémoire de l’esclave et l’émergence de l’idée du panafricanisme.
L’historien sénégalais ne se fait pas de doute. Le débat, aujourd’hui, doit être porté sur le «panafricanisme de conquête». D’où la rupture qu’il conseille d’avec les Etats-nations hérités du colonialisme et la rupture avec des pratiques qui avaient donné naissance à la traite négrière. «Si nous ne le pensons pas, nous aurons du mal à nous réconcilier avec notre jeunesse. Repenser le colonialisme, c’est repenser l’Etat colonial, son héritage et ce qui en reste aujourd’hui et qui fait mal à l’Afrique», a soutenu Ibrahima Thioub. Puis il a partagé sa lecture sur l’héritage colonial. «L’esclavage nous a donné des territoires coloniaux à partir desquels nous avons construit des Etats-nations qui constituent l’héritage de l’expérience européenne. Cet Etat-nation nous enferme. Malheureusement, ces Etats-nations explosent face à la globalité. La pression est tellement forte que, de plus en plus, des Africains se réfugient vers une micro identité, infranationale qui peut être des identités religieuses pouvant être manipulées et entraîner des combats qui ne sont pas des combats de progrès… L’Etat dont nous avons hérité de la colonisation est un Etat de commandement. Ce n’est pas un Etat d’administration, c’est un Etat de violence, un Etat prédateur».
La question du panafricanisme est-elle aujourd’hui la question des Etats ?
Répondant à cette interrogation, le philosophe Lazare Ki-Zerbo, co-auteur de recueils de textes sur les mouvements panafricanismes au 20è siècle, s’est dit certain que l’Etat africain post colonial n’a pas rompu avec son passé colonial. «C’est une réalité. On ne peut s’en passer», a-t-il confié.
Si, de son avis, l’Union Africaine se résout aux seuls Etats existants, Lazare Ki-Zerbo trouve «impossible» que le projet panafricain se fasse «sans une éducation».
Comme le disait Bob Marley puisqu’il s’agit de reggae il faut, selon le philosophe, rompre avec le ‘’Brain wash education’’ ou le lavage de cerveau dans les lycées et dans les écoles «où l’on n’entendra pas parler de Marcus Garvey ou de Kwamé N’krumah».
«Ce que l’on fait aujourd’hui à Abi reggae participe de cela. Au-delà de la construction de l’Etat et d’une confédération d’Etats, il faut transmettre l’héritage du panafricanisme dans toutes ses formes. L’éducation et la culture ont un rôle central à jouer. Les artistes l’ont beaucoup assumé. Au niveau politique, il y a une vraie démission. Mais, au niveau des acteurs culturels, il y a eu un travail. Au niveau des intellectuels, nous avons préparé les matériaux qui ne sont pas mis à la disposition de la jeunesse», a souligné Lazare Ki-Zerbo, également chargé de projet de l’homme à la Francophonie et membre de la fondation Joseph Ki-Zerbo.
Des figures du panafricanisme, Amzat Boukari Yabara, docteur en histoire de l’Afrique, spécialiste de l’histoire du panafricanisme et des diasporas a fait une synthèse entre la dimension continentale et diasporique en évoquant parmi les intellectuels et les artistes Marcus Garvey, William Dubois, Kwamé N’krumah, Aimé Césaire…
Abi Reggae comme le Festival mondial des arts nègres !
Encourageant l’initiative d’Abidjan qui a donné Abi Reggae avec à la clé un colloque international sur le panafricanisme, Babacar Diop, également de l’Université Cheick Anta Diop s’est demandé si ce mouvement de résistance contre l’oppression «concerne uniquement les nègres, les Africains du continent et ceux de la Diaspora». «Aujourd’hui, a-t-il relevé, on parle de panafricanisme nouveau, il est bon qu’on se penche sur les nouvelles vagues pour voir ou est-ce qu’on va et ce qu’il est possible de faire». De la dimension que veut se donner Abi Reggae, Amzat Boukari Yabara comme Babacar Diop, soutient que ledit événement «reconstitue la famille africaine mondiale». Aussi le reggae et le Hip hop sont-elles des musiques qui accompagnent le rêve du panafricain, soutient le spécialiste de l’histoire du panafricanisme et des diasporas.
«Abi Reggae, indiqué Amzat Boukari Yabara, s’inscrit réellement dans cette lignée des festivals culturels panafricains qu’on a pu voir à Dakar en 1966 et à Alger en 1969 où il y avait cette connexion entre des militants et des personnalités de la société civile, des intellectuels, des artistes pour repenser cette diversité (globalité) du monde noir, de l’Afrique et de sa diaspora».
Du 9 au 12 avril, sur quatre jours, les organisateurs du Festival international de reggae d’Abidjan ont eu le mérite de rassembler sur les bords de la lagune Ebrié, des intellectuels, universitaires, membres de la société civile et les artistes, tous d’Afrique, des Amériques et de l’Europe.
Koné Saydoo