Abidjan- "Radio livre, radio livre..." Sur Alpha Blondy FM, un jingle évaporé annonce chaque soir la métamorphose du plus connu des artistes ivoiriens : le reggaeman aux millions d’albums vendus se mue alors en conteur pour ses compatriotes.
"Ils cheminèrent en silence deux journées encore. L’alchimiste se montrait beaucoup plus circonspect car il approchaient de la zone des combats les plus violents". La voix d’Alpha Blondy est chaude, posée. Il lit, ses petites
lunettes rondes sur le nez. En fond sonore, quelques accords de guitare
rythment la prose de Paolo Coelho.
Le best-seller de l’écrivain brésilien est un ovni dans la programmation
littéraire d’Alpha Blondy: le pape du reggae ivoirien -- un lecteur invétéré à ses propres dires -- plébiscite pour l’instant davantage les classiques
africains.
C’est la lecture d’"Allah n’est pas obligé", de l’Ivoirien Ahmadou
Kourouma, qui a lancé l’émission de culture populaire, lors de son démarrage début mars. Puis "Une vie de boy", du Camerounais Ferdinand Oyono a suivi.
"L’enfant noir" du Guinéen Camara Laye et "Le monde s’effondre" du Nigérian Chinua Achebe sont déjà pré-enregistrés.
"J’ai toujours aimé lire. J’étais en CM2 quand j’ai lu +La condition humaine+ d’André Malraux, je n’avais rien compris mais ça m’avait plu...",
raconte le chanteur, qui aspire à "faire le Bernard Pivot" ivoirien.
Alpha Blondy a créé et entièrement financé Alpha Blondy FM. Une appellation que "les gens vont trouver mégalomaniaque, mais ce n’est pas grave", commente l’artiste de 62 ans, de son vrai nom Seydou Koné.
La radio aux équipements flambant neufs se trouve au dernier étage d’une galerie commerciale encore en chantier, un bâtiment sur trois niveaux qui compte déjà une dizaine de commerces en activité. C’est le chanteur-conteur lui-même qui fait construire ce petit centre commercial, près de sa maison ronde, colorée et surmontée d’une statue de Cupidon pointant son arc vers le ciel.
A l’intérieur des locaux, une autre sculpture, celle d’un samouraï en bronze dont le sabre a perdu sa lame, est directement cimentée au carrelage. L’oeuvre à taille réelle, achetée dans une galerie d’art de New York, appartenait au boxeur Mike Tyson, assure Alpha Blondy.
- ’Erudits’ -
"Quelqu’un a dit : +Si tu veux cacher quelque chose à un Africain ou à un
Noir, tu le mets dans un livre parce qu’ils n’aiment pas lire+", ironise Alpha Blondy, qui aspire à "contaminer (ses) auditeurs" avec ses envies de lecture.
"Ceux qui ne savent pas lire savent au moins écouter. C’est ce but que nous recherchons, inciter les jeunes à lire. Si on peut faire d’une pierre deux coups, les distraire tout en faisant des érudits, on aura servi à quelque chose", dit-il.
"Radio livre" démarre à 21H00 locales et GMT et dure deux heures: la première est consacrée à des rediffusions de lectures de la veille, la seconde permet d’avancer dans l’ouvrage. Toutes les 6 à 8 minutes, une chanson - souvent d’Alpha Blondy - interrompt la narration.
La radio diffuse d’autres émissions, dont un programme consacré au hip-hop, un autre axé sur "le son latino", et bientôt un programme pour enfants...
Mais "Radio livre" est la seule dans laquelle Alpha Blondy intervient directement.
"Ça m’a redonné le goût à la lecture", sourit Serge Allegbe, le directeur de la programmation, qui passe des heures à monter les émissions, parfois enregistrées à l’aube au domicile de la star.
"+Allah n’est pas obligé+, j’avais lu ça il y a longtemps. Ça m’a fait replonger dans la guerre atroce au Liberia", poursuit-il, se réjouissant du succès de l’émission, notamment chez les chauffeurs de taxi.
A la gare du Plateau, le quartier administratif et d’affaires d’Abidjan, une vingtaine d’entre eux attendent le client, accablés par le soleil ivoirien, particulièrement lourd avant la saison des pluies qui s’annonce.
"Il y a plein de chauffeurs qui écoutent cette émission", témoigne Souleymane Grambouté, 30 ans, l’un des responsables de la gare de taxis.
"Quand l’heure arrive, certains passagers demandent de mettre +Radio
livre+", raconte Sébastien Kouadio, suant devant son taxi orange. "Moi j’aime bien, mais je n’écoute que d’une oreille", observe-t-il. "Quand je suis au volant, c’est la recette qui m’intéresse..."
jf/ak
"Ils cheminèrent en silence deux journées encore. L’alchimiste se montrait beaucoup plus circonspect car il approchaient de la zone des combats les plus violents". La voix d’Alpha Blondy est chaude, posée. Il lit, ses petites
lunettes rondes sur le nez. En fond sonore, quelques accords de guitare
rythment la prose de Paolo Coelho.
Le best-seller de l’écrivain brésilien est un ovni dans la programmation
littéraire d’Alpha Blondy: le pape du reggae ivoirien -- un lecteur invétéré à ses propres dires -- plébiscite pour l’instant davantage les classiques
africains.
C’est la lecture d’"Allah n’est pas obligé", de l’Ivoirien Ahmadou
Kourouma, qui a lancé l’émission de culture populaire, lors de son démarrage début mars. Puis "Une vie de boy", du Camerounais Ferdinand Oyono a suivi.
"L’enfant noir" du Guinéen Camara Laye et "Le monde s’effondre" du Nigérian Chinua Achebe sont déjà pré-enregistrés.
"J’ai toujours aimé lire. J’étais en CM2 quand j’ai lu +La condition humaine+ d’André Malraux, je n’avais rien compris mais ça m’avait plu...",
raconte le chanteur, qui aspire à "faire le Bernard Pivot" ivoirien.
Alpha Blondy a créé et entièrement financé Alpha Blondy FM. Une appellation que "les gens vont trouver mégalomaniaque, mais ce n’est pas grave", commente l’artiste de 62 ans, de son vrai nom Seydou Koné.
La radio aux équipements flambant neufs se trouve au dernier étage d’une galerie commerciale encore en chantier, un bâtiment sur trois niveaux qui compte déjà une dizaine de commerces en activité. C’est le chanteur-conteur lui-même qui fait construire ce petit centre commercial, près de sa maison ronde, colorée et surmontée d’une statue de Cupidon pointant son arc vers le ciel.
A l’intérieur des locaux, une autre sculpture, celle d’un samouraï en bronze dont le sabre a perdu sa lame, est directement cimentée au carrelage. L’oeuvre à taille réelle, achetée dans une galerie d’art de New York, appartenait au boxeur Mike Tyson, assure Alpha Blondy.
- ’Erudits’ -
"Quelqu’un a dit : +Si tu veux cacher quelque chose à un Africain ou à un
Noir, tu le mets dans un livre parce qu’ils n’aiment pas lire+", ironise Alpha Blondy, qui aspire à "contaminer (ses) auditeurs" avec ses envies de lecture.
"Ceux qui ne savent pas lire savent au moins écouter. C’est ce but que nous recherchons, inciter les jeunes à lire. Si on peut faire d’une pierre deux coups, les distraire tout en faisant des érudits, on aura servi à quelque chose", dit-il.
"Radio livre" démarre à 21H00 locales et GMT et dure deux heures: la première est consacrée à des rediffusions de lectures de la veille, la seconde permet d’avancer dans l’ouvrage. Toutes les 6 à 8 minutes, une chanson - souvent d’Alpha Blondy - interrompt la narration.
La radio diffuse d’autres émissions, dont un programme consacré au hip-hop, un autre axé sur "le son latino", et bientôt un programme pour enfants...
Mais "Radio livre" est la seule dans laquelle Alpha Blondy intervient directement.
"Ça m’a redonné le goût à la lecture", sourit Serge Allegbe, le directeur de la programmation, qui passe des heures à monter les émissions, parfois enregistrées à l’aube au domicile de la star.
"+Allah n’est pas obligé+, j’avais lu ça il y a longtemps. Ça m’a fait replonger dans la guerre atroce au Liberia", poursuit-il, se réjouissant du succès de l’émission, notamment chez les chauffeurs de taxi.
A la gare du Plateau, le quartier administratif et d’affaires d’Abidjan, une vingtaine d’entre eux attendent le client, accablés par le soleil ivoirien, particulièrement lourd avant la saison des pluies qui s’annonce.
"Il y a plein de chauffeurs qui écoutent cette émission", témoigne Souleymane Grambouté, 30 ans, l’un des responsables de la gare de taxis.
"Quand l’heure arrive, certains passagers demandent de mettre +Radio
livre+", raconte Sébastien Kouadio, suant devant son taxi orange. "Moi j’aime bien, mais je n’écoute que d’une oreille", observe-t-il. "Quand je suis au volant, c’est la recette qui m’intéresse..."
jf/ak