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Showbizz Publié le samedi 16 mai 2015 | Le Sursaut

Interview / Kush, artiste-musicien vivant aux Etats-Unis: ‘’Les Paroles se sont accomplies pour la Côte d’Ivoire »

Artiste musicien vivant aux Etats-Unis depuis les années 2000, l’artiste musicien Kush, de passage à Abidjan, il y a quelques jours, a donné les raisons de son exil, non sans appeler les Ivoiriens à tirer les leçons du passé.

Plusieurs universitaires d’Afrique, de la diaspora et une délégation d’une trentaine de Jamaïcains étaient, récemment, à Abidjan pour le Festival international Abi Reggae où il a été question de débattre du panafricanisme. Selon vous, comment devrions-nous aborder la question du panafricanisme ?
Le panafricanisme doit d’abord commencer par un état d’esprit parce que les Africains sont divisés dans l’esprit. Nous sommes divisés avec les ethnies. On a pour habitude de dire que celui-là est Dioula, l’autre est Bété. Le président est Bété, il est Dioula donc je ne suis pas avec lui. C’est tellement compliqué, il faut qu’on abolisse cette différence dans nos esprits. Ensuite, quand on a fini avec le tribalisme, nous avons un faux patriotisme. On dit l’autre c’est un étranger parce qu’il est Burkinabè. Lui, il est ceci ou cela. Moi, je suis un Ivoirien. Il faut d’abord que nos esprits changent et que nous soyons panafricanistes dans l’âme. Quand cet esprit aura changé, peut-être qu’un jour, on aura une Afrique unifiée.

Il y a plus d’une dizaine d’années, vous chantiez ‘’Les temps changent’’ après avoir fait une lecture de la société ivoirienne. Quel est, aujourd’hui, selon vous, l’impact de ce titre sur la société ivoirienne ?
Les temps ont changé depuis, parce que tout ce qui avait été écrit à partir de paroles, s’est produit. Ces paroles disaient : «Venez les ministres, écoutez, ne bloquez pas l’entrée, ne fermez pas la porte. La victime sera, bientôt, le juge. La bataille qui fait rage dehors, détruira vos fenêtres et brisera vos murs». Maintenant, les temps ont changé. Les Ivoiriens ont eu un avant-goût de ce que la guerre peut être. C’aurait pu être pire. Il y a eu beaucoup de morts. Aujourd’hui, les Ivoiriens qui ont vécu pendant un moment dans l’insécurité, apprécient mieux la paix. Je suis optimiste parce que je sens maintenant que les Ivoiriens apprécient mieux la paix. Donc, les temps ont changé positivement.

Au regard de votre observation des années 1990, quelles ont été les sources de cette guerre qu’a connue la Côte d’Ivoire ?
A l’époque, le comportement de certaines personnes pouvaient engendrer une guerre. Cette histoire de supporter tel président de la République parce qu’il est de telle ethnie, n’est pas le critère par lequel un président doit être choisi. Cela va toujours dégénérer en guerre si le président que tu votes parce qu’il est de ton ethnie n’est pas élu.Le disant, je ne parle pas d’un président en particulier. C’est ce qui se passe partout en Afrique. Il faut que cette mentalité change.

Comment ce changement doit-il s’opérer, selon vous ?
En tant qu’homme de culture et musicien, je pense que la meilleure façon de changer cette mentalité, c’est par la culture. Il y a l’éducation que nous recevons à l’école. Je fais de mon mieux en écrivant des choses qui vont faire que la mentalité des gens va changer. Je partage certaines expériences qui aident au changement de mentalité. Aujourd’hui, je vois que beaucoup d’Ivoiriens aiment le reggae. Chaque fois que je suis à la radio pour parler de reggae et que quelqu’un appelle pour en parler, celle-ci a une certaine conscience. C’est dire que la musique fait quelque chose sur l’esprit des Africains. Il faut qu’on continue parce que, si on fait juste de la musique pour s’amuser et qu’on parle de fesses, cela ne nous apporte rien du tout. On s’amuse, on rentre à la maison, on demeure aveugle.

Pourquoi avez-vous quitté la Côte d’Ivoire ?
Cela me fait mal d’être aux Etats-Unis, de jouer devant un public qui aime ma musique et quand je viens en Côte d’Ivoire, les gens ne me connaissent pas parce qu’ils n’ont pas accès à ma musique. Quand je suis à l’étranger, toute personne qui vient à mes concerts se procure facilement de mes œuvres. Il était plus facile pour moi d’évoluer là-bas, pouvoir faire des concerts et vendre ma musique. Maintenant je suis un peu plus puissant et c’est plus facile pour moi de venir avec quelque chose. Les autorités dans le milieu du show-biz me connaissent mais, c’est toujours plus difficile pour ceux qui sont moins connus. Dans ce sens, les choses n’ont pas évolué car il y a des musiciens qui sont frustrés. Je pense que si les musiciens ont un espace pour jouer et un moyen de vendre leur musique, faire en sorte que tous les Ivoiriens se l’approprient, il y aura moins de frustrations et la musique va évoluer.

Comment les Ivoiriens devraient-ils s’y prendre pour ne plus tomber dans les violences de la guerre ?
Il me serait difficile de croire qu’un rasta puisse brûler un homme vif. Même si tout le monde ne devient pas rasta, il faut au moins que tout le monde parvienne à avoir le cœur d’un rasta. Et l’Afrique ne tombera pas dans ce genre de situation. La source de toute cette violence est la frustration. Il faut que nous élevions nos enfants pour qu’ils sachent que la violence n’est jamais une solution. Elle est la solution des moins intelligents. Ceux qui sont à court d’idées, sont ceux qui commencent par la violence. Ceux qui sont très intelligents, ils concoctent une solution intellectuelle.

Après ‘’Crushed’’, votre premier album, vous poursuivez avec ‘’Donidoni’’ au sein du groupe Farafin puis ‘’Les misérables’’. Depuis 2004, il y a ‘’Coundown to the Holy judgment’’ avec les BloodfyahAngels à Detroit, aux Etats-Unis. Pourquoi cet album n’est pas distribué en Côte d’Ivoire ?
C’était une période où j’étais plus concentré sur les concerts et ma distribution aux Etats-Unis. Il n’y avait pas et il n’y a toujours pas de distribution organisée en Côte d’Ivoire. Il est très difficile de venir avec un album et faire une promotion quand il n’y a personne pour distribuer l’œuvre. C’est pour cela que ces œuvres sont restées du côté de l’Occident. Après Les Misérables, je travaille sur un album consacré d’abord aux Ivoiriens et ensuite à l’extérieur parce que je chante en anglais. La moitié de l’album sera en français et nous allons essayer de le promouvoir en Côte d’Ivoire. J’ai maintenant plus de moyens de le faire distribuer par d’autres méthodes que de dépendre des maisons de distribution locale. Puisqu’il n’y en a pratiquement pas. Par contre ‘’Coundown to the Holy judgment’’s’est vendu par millier sur internet, i tunes, amazone, etc. J’ai cette expérience et j’ai une équipe qui travaille pour moi. Je peux faire un album et ne pas dépendre des ventes locales. Parce qu’ici, il y a aussi la piratage.

Comment êtes-vous devenu le lead vocal du groupe BloodfyahAngels aux Etats-Unis?
Venant du Colorado, j’ai emménagé en Californie. A San Diego, on m’a dit que je pourrai être de mèche avec un groupe. Celui qui est devenu par la suite mon clavier vendait des guitares dans un ‘’guitar center’’. C’est qui m’a présenté au groupe BloodfyahAngels. On a fait une répétition et c’est comme si c’avait toujours été mon groupe…Je n’ai quitté la Côte d’Ivoire.

Que dire des violences raciales qui ont été vécues, récemment, en Afrique du Sud ?
C’est dépriment de voir que les Africains oublient de voir ce qui été la source de leur malheur et s’en prennent à d’autres Africains qui sont chercher de quoi à vivre. Les problèmes qu’ont aujourd’hui les Sud Africains noirs viennent de l’Apartheid. Ce n’est pas parce qu’on signe un papier pour dire que l’Apartheid est abolie que la situation va s’améliorer du jour au lendemain. Il faut que dans l’esprit les Africains soient unis et ce genre de chose ne pourra arriver.

Vous serez de retour en Côte d’Ivoire en août. Qu’auriez-vous dans les bagages pour les mélomanes ?
Nous n’avons pas encore le titre de l’album que je suis en train d’enregistrer. Je pense qu’il s’appellera ‘’Les mains dans la main’’. C’est un des titres de l’album dans lequel je dis : «Avez-vous déjà oublié quand la marmite a chauffé ? Quand la rivière est monté et a failli déborder». Je préviens encore pour dire qu’il faut que les leçons de ce qui s’est passé, il y a quelques années nous serve à ne pas répéterles mêmes erreurs. Il n’y a aucun problème qui ne peut être par la paix. Martin Luther King, Gandhi nous l’ont montré. C’est ce que va être l’album, je rends hommage au grand scientifique et historien, Cheick Anta Diop. D’autres titres parlent de violences, des armes, ce qui se passe aux Etats-Unis, etc. La moitié de l’album sera en français et je pense les Africains vont apprécier.

Vous seriez un des fils de Seydou Elimane Diarra. Qu’est-ce qu’il en est ?
Rires. Ce n’est pas vrai. C’est ce que je peux dire. Ce n’est pas mon père. Comme vous pouvez le constater, je ne le connaît pas. C’est que quelqu’un a découvert que mon nom de famille, c’est Diarra et m’a collé un papa quelque part.

Réalisée par Koné Saydoo
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