«La Côte d’Ivoire doit donner des garanties que Compaoré n’entreprendra pas des actions nocives pour déstabiliser le Burkina Faso »
Après son tête-à-tête à l’Elysée avec François Hollande en début du mois de juin, le président de la transition du Burkina Faso, Michel Kafando, est reparti à Ouagadougou avec un air satisfait et assuré du soutien de la France à la normalisation de son pays. Sentiment partagé avec l’équipe de Diasporas–News reçue à la résidence privée parisienne du Faso dans cet entretien dont nous vous en livrons la teneur.
Diasporas-News : Monsieur le Président, vous avez été reçu à l’Elysée le lundi 1er juin dernier par le Président français François Hollande. Au sortir de cette audience avez-vous le sentiment d’avoir été écouté et entendu ?
Le Président Michel Kafando : Je peux dire que j’ai été satisfait de ma rencontre avec le président François Hollande. Puisque, après l’exposé que j’ai fait sur le programme de la transition, il nous a félicités et nous a encouragés à aller de l’avant. Il a également promis de nous soutenir en cas de besoin. Je peux dire que cette mission à Paris a été un succès.
D-N : Le président français a fait plusieurs promesses à l’endroit de votre pays. Quelle est la nature de ces aides annoncées ?
LPMK : Il s’agit d’abord d’un soutien moral. Ce qui est important pour un régime de transition comme le nôtre. Il a aussi promis de nous aider, comme je le disais tantôt, en cas de besoin. En l’occurrence, des besoins d’ordre logistique. La France compte participer au financement des prochaines élections au Burkina Faso. Et puis, il n’y a pas que le financement. Il y a aussi des besoins logistiques divers. Sans avoir défini la nature de ces besoins, j’imagine que le président français voulait simplement dire que le Burkina peut à tout moment compter sur la France pour réussir l’expérience de la transition.
D-N : La nouvelle loi électorale écarte les anciens dignitaires du régime Compaoré. A ce sujet d’ailleurs, les Européens, les Américains et la CEDEAO ont fait des recommandations pour des élections transparentes, inclusives et sans exclusions. En avez-vous discuté avec le président François Hollande ?
LPMK : Etes-vous sûr qu’il y a eu une réaction de la CEDEAO? (Colère à peine dissimilée à la suite de cette question). J’ai été au sommet de la CEDEAO, j’ai participé en personne à ce sommet à Accra au Ghana, et je n’ai pas vu de réaction collective et unanime de la CEDEAO. Des pays sont intervenus effectivement pour marquer leur inquiétude en cas d’exclusion de certaines personnalités éligibles. Je n’ai pas vu un pays, en dehors de la Côte d’Ivoire, qui a argumenté sur cette question. Finalement, il y a en réalité quatre pays qui sont intervenus sur cette question de la loi électorale sur les quinze que nous étions. Le communiqué final dit bien ceci : «La CEDEAO demande à la transition de donner une importance à la question de l’inclusion.» On ne peut donc pas parler de condamnation de la CEDEAO. Quant aux autres pays qui ont eu à le mentionner, je leur ai clairement expliqué dans quelles conditions cette exclusion intervenait. Je leur ai fait comprendre qu’on ne peut pas empêcher un peuple qui a eu raison d’un gouvernement qui s’obstinait à contrecarrer la volonté du peuple. Vous ne pouvez pas empêcher ce peuple-là d’écarter des prochaines élections tous ceux qui ont poussé jusqu’au bout la modification du fameux article 37. Le peuple exprime sa volonté et le peuple a raison.
En ce qui me concerne, j’ai toujours dit ceci, il ne faut pas faire de l’amalgame parce que des personnalités ont été écartées. Elles étaient directement emprises avec l’ancien régime. Elles ont été pratiquement les auteurs de la tentative de modification du fameux article 37 repoussé par le peuple. Mais n’empêche, le parti de l’ancien président demeure toujours en activité et libre de toute compétition aux prochaines élections au même titre que les autres partis politiques. Il n’y a aucune exclusion de ce côté-là.
L’ancien parti au pouvoir a même fait son dernier congrès et a formé un nouveau bureau. Le président d’honneur de ce bureau se trouve être l’ancien président. Vous comprenez qu’il ne faut pas faire d’amalgame. Cela veut dire que si le CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès) voulait présenter des candidats autres que ceux qui sont exclus, il a libre-arbitre de le faire.
D-N : Il y a une autre exclusion qui cristallise les mécontentements, c’est le report du vote de la diaspora burkinabé ?
LPMK : Le principe de faire participer les Burkinabè de l’étranger à l’élection présidentielle n’a nullement été remis en cause. Cependant pour les élections à venir, nous avons fait comprendre à nos compatriotes vivant à l’étranger que le temps imparti ne le permettait pas parce que notre principal souci est d’organiser des élections transparentes et crédibles. En l’espace de dix mois en son temps, il nous était impossible de le faire aussi bien pour la diaspora de la Côte d’Ivoire que celle d’ailleurs.
Sur le plan financier, il était très difficile pour la transition d’organiser le scrutin à l’étranger parce que nous avons trouvé un Trésor public du pays dans un état calamiteux. Comprenez que si nous avons décidé d’organiser des élections crédibles et transparentes, nous devons nous donner les moyens de le faire. A ce jour, je peux vous dire que nous ne disposons pas de ces moyens-là. Nous demandons à nos ressortissants d’avoir raison garder et de bien vouloir nous comprendre. Je peux les rassurer encore une fois que le principe du vote de la diaspora n’a pas été remis en cause. Dans les cinq années à venir, je pense qu’ils pourront participer de manière effective au vote. Pour ma part, j’ai eu beaucoup de contacts avec nos communautés à l’étranger. Quand je me suis rendu à Dakar, à Abuja, à Cotonou, à Nouakchott, à Addis-Abeba, à Paris, je leur ai expliqué la situation que traverse le pays, et je pense avoir été compris. Ce n’est donc pas une mesure arbitraire d’empêcher délibérément nos ressortissants de l’étranger de voter. C’est parce que nous avons pris l’engagement d’organiser des élections claires et transparentes, et d’avoir la maîtrise du processus électoral. Il s’agit prioritairement pour nous de circonscrire les élections dans le seul Burkina Faso et pas dans les pays voisins où nous avons des ressortissants.
D-N : Le calendrier électoral restera donc inchangé ?
LPMK : Le calendrier électoral sera respecté. Le 11 octobre marquera effectivement le début des élections présidentielles et les législatives, et, le 31 janvier prochain pour les municipales.
D-N : Le Président François Hollande a également souhaité que la justice fasse son travail en toute indépendance par rapport aux récentes et les autres affaires judiciaires en cours – en l’occurrence l’affaire Thomas Sankara, Norbert Zongo (…) – pendante devant les juridictions de votre pays. Quelles sont les garanties que vous lui aviez données ?
LPMK : Ce que je peux vous dire, c’est que toutes ces affaires sont effectivement ouvertes devant nos juridictions. L’affaire Norbert Zongo est suivie par la justice et nous attendons les conclusions. Quant à l’affaire Thomas Sankara qui est très médiatisée, non seulement elle est pendante devant le tribunal militaire de Ouagadougou mais aussi nous avons procédé à l’exhumation de la tombe où il aurait été exhumé. A l’heure actuelle, les expertises sont cours pour déterminer avec exactitude s’il s’agit bien de ses restes enterré dans cette sépulture. Voilà où nous en sommes. Pour le reste, c’est le tribunal militaire qui s’en charge.
D-N : Des rumeurs font état de relations ombrageuses entre le Burkina et la Côte d’Ivoire, situation délétère qui pourrait mettre en péril le Traité d’Amitié et de Coopération (TAC) entre les deux pays. Qu’en-est-il réellement ?
LPMK : Ce que je sais, c’est que ce traité n’a pas été abrogé. Il est toujours en vigueur. Ce traité nous oblige à nous réunir tous les ans alternativement en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso pour examiner l’ensemble de la coopération entre les deux pays. La dernière rencontre avait eu lieu à Ouagadougou l’année dernière. Normalement, la prochaine réunion devrait avoir lieu à Abidjan vers le mois de juillet et août. J’ai coutume de répéter à mes interlocuteurs qu’il ne faut pas que quelqu’un mette son pouce dans les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Ce sont deux pays qui ont des relations séculaires. J’allais dire qu’ils sont complices.
Nous avons près de trois millions de Burkinabé vivant en Côte d’Ivoire dont, pour certains, les parents y résident depuis l’époque coloniale. Vous ne pouvez pas, quels que soient les régimes, quelle que soit la personnalité qui préside l’un ou l’autre pays, mette fin à ces affinités entre ces deux pays. Je peux vous assurer qu’il n’y a aucun problème entre le Burkina et la Côte d’Ivoire qui soit de l’ordre de la dissension. Il y a peut-être quelques incompréhensions, et les incompréhensions, il en existe partout et même dans une famille.
D-N : Cela dit, il semble aussi que la présence de l’ex-président Blaise Compaoré sur le sol ivoirien est vue d’un mauvais œil du côté de Ouaga ?
LPMK : Au Burkina Faso, nous n’en faisons pas un problème en tant que tel qui puisse dénaturer ou affecter les relations entre les deux pays. En ce qui me concerne, je ne pense pas que la présence du président Blaise Compaoré à Abidjan puisse entrainer de l’animosité entre les deux pays.
Nous avons toujours fait comprendre que le président Blaise Compaoré réside en Côte d’Ivoire à double titre. Il est d’abord ivoirien par alliance puisque son épouse est ivoirienne, et il est un ami du président Ouattara. Le problème qui se pose, c’est qu’on nous garantisse qu’il n’entreprendra pas des actions nocives pour déstabiliser le Burkina Faso. Le président Ouattara m’a donné cette assurance. Moi, je le crois. S’il advenait que nous avons des preuves que le président Blaise Compaoré «travaille» à partir du territoire ivoirien pour déstabiliser le régime de transition du Burkina, nous prendrons nos responsabilités.
D-N : Vous procédez à des changements profonds au sein du Régiment de la Sécurité Présidentielle (RSP). Un chantier auquel vous tenez ?
LPMK : A la suite des événements que nous avons connus le 4 février 2014 avec le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), nous avons constitué une commission qui est chargée de nous faire des propositions afin de nous sortir de ce conflit. Il s’agit, en effet, de réformer le RSP. Nous avons reçu le rapport de la commission. Jusqu’à présent, je n’en parle pas parce que je ne l’ai pas encore fait examiner par le gouvernement.
D-N : Est-ce que les organisations sous-régionales, à savoir la CEDEAO et le Conseil de l’Entente pour ne citer que ces deux, accompagnent le régime de transition que vous présidez ?
Je crois que toutes ces organisations que vous venez de citer nous accompagnent. Dès le début de la transition, ces organisations ont décidé de nous accompagner en formant avec nous le Groupe international de suivi et d’accompagnement de la transition au Burkina Faso, le GISAT. Ce groupe a déjà eu deux réunions. La première, le 18 janvier et la dernière, en mars dernier. La prochaine rencontre aura lieu à Johannesburg en Afrique du Sud, en marge du Sommet de l’Union Africaine (UA). Ce groupe est composé naturellement du Burkina Faso, de la CEDEAO, des Nations Unies, de l’Union Européenne et j’en passe. C’est dire que toute la communauté internationale a à cœur de nous accompagner dans ce processus de transition en cours. Je dois vous dire qu’après l’insurrection, alors que tout le monde redoutait d’éventuelles sanctions contre le Burkina, nous avons, au contraire, eu l’adhésion de tous les pays et de toutes les agences internationales qui ont promis non seulement d’aider la transition dans le financement du processus, mais et surtout d’augmenter leurs appuis budgétaires. Sur cette question, je pus vous assurer que nous sommes bien accompagnés. Nous n’avons donc pas de problèmes particuliers.
D-N : Votre mot de fin
LPMK : Nous avons pris un processus en marche et le gouvernement est très déterminé à aller de l’avant, et faire en sorte que le Burkina Faso, à l’issue de ces élections, retrouve une certaine stabilité sur le plan institutionnel, et que l’ensemble des Burkinabè bâtissent un Etat qui soit construit sur la démocratie réelle, la liberté, l’entente entre Burkinabè, le respect mutuel entre Burkinabè et enfin sur une certaine considération de nos relations avec l’Afrique et le reste du monde.
Clément YAO
Après son tête-à-tête à l’Elysée avec François Hollande en début du mois de juin, le président de la transition du Burkina Faso, Michel Kafando, est reparti à Ouagadougou avec un air satisfait et assuré du soutien de la France à la normalisation de son pays. Sentiment partagé avec l’équipe de Diasporas–News reçue à la résidence privée parisienne du Faso dans cet entretien dont nous vous en livrons la teneur.
Diasporas-News : Monsieur le Président, vous avez été reçu à l’Elysée le lundi 1er juin dernier par le Président français François Hollande. Au sortir de cette audience avez-vous le sentiment d’avoir été écouté et entendu ?
Le Président Michel Kafando : Je peux dire que j’ai été satisfait de ma rencontre avec le président François Hollande. Puisque, après l’exposé que j’ai fait sur le programme de la transition, il nous a félicités et nous a encouragés à aller de l’avant. Il a également promis de nous soutenir en cas de besoin. Je peux dire que cette mission à Paris a été un succès.
D-N : Le président français a fait plusieurs promesses à l’endroit de votre pays. Quelle est la nature de ces aides annoncées ?
LPMK : Il s’agit d’abord d’un soutien moral. Ce qui est important pour un régime de transition comme le nôtre. Il a aussi promis de nous aider, comme je le disais tantôt, en cas de besoin. En l’occurrence, des besoins d’ordre logistique. La France compte participer au financement des prochaines élections au Burkina Faso. Et puis, il n’y a pas que le financement. Il y a aussi des besoins logistiques divers. Sans avoir défini la nature de ces besoins, j’imagine que le président français voulait simplement dire que le Burkina peut à tout moment compter sur la France pour réussir l’expérience de la transition.
D-N : La nouvelle loi électorale écarte les anciens dignitaires du régime Compaoré. A ce sujet d’ailleurs, les Européens, les Américains et la CEDEAO ont fait des recommandations pour des élections transparentes, inclusives et sans exclusions. En avez-vous discuté avec le président François Hollande ?
LPMK : Etes-vous sûr qu’il y a eu une réaction de la CEDEAO? (Colère à peine dissimilée à la suite de cette question). J’ai été au sommet de la CEDEAO, j’ai participé en personne à ce sommet à Accra au Ghana, et je n’ai pas vu de réaction collective et unanime de la CEDEAO. Des pays sont intervenus effectivement pour marquer leur inquiétude en cas d’exclusion de certaines personnalités éligibles. Je n’ai pas vu un pays, en dehors de la Côte d’Ivoire, qui a argumenté sur cette question. Finalement, il y a en réalité quatre pays qui sont intervenus sur cette question de la loi électorale sur les quinze que nous étions. Le communiqué final dit bien ceci : «La CEDEAO demande à la transition de donner une importance à la question de l’inclusion.» On ne peut donc pas parler de condamnation de la CEDEAO. Quant aux autres pays qui ont eu à le mentionner, je leur ai clairement expliqué dans quelles conditions cette exclusion intervenait. Je leur ai fait comprendre qu’on ne peut pas empêcher un peuple qui a eu raison d’un gouvernement qui s’obstinait à contrecarrer la volonté du peuple. Vous ne pouvez pas empêcher ce peuple-là d’écarter des prochaines élections tous ceux qui ont poussé jusqu’au bout la modification du fameux article 37. Le peuple exprime sa volonté et le peuple a raison.
En ce qui me concerne, j’ai toujours dit ceci, il ne faut pas faire de l’amalgame parce que des personnalités ont été écartées. Elles étaient directement emprises avec l’ancien régime. Elles ont été pratiquement les auteurs de la tentative de modification du fameux article 37 repoussé par le peuple. Mais n’empêche, le parti de l’ancien président demeure toujours en activité et libre de toute compétition aux prochaines élections au même titre que les autres partis politiques. Il n’y a aucune exclusion de ce côté-là.
L’ancien parti au pouvoir a même fait son dernier congrès et a formé un nouveau bureau. Le président d’honneur de ce bureau se trouve être l’ancien président. Vous comprenez qu’il ne faut pas faire d’amalgame. Cela veut dire que si le CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès) voulait présenter des candidats autres que ceux qui sont exclus, il a libre-arbitre de le faire.
D-N : Il y a une autre exclusion qui cristallise les mécontentements, c’est le report du vote de la diaspora burkinabé ?
LPMK : Le principe de faire participer les Burkinabè de l’étranger à l’élection présidentielle n’a nullement été remis en cause. Cependant pour les élections à venir, nous avons fait comprendre à nos compatriotes vivant à l’étranger que le temps imparti ne le permettait pas parce que notre principal souci est d’organiser des élections transparentes et crédibles. En l’espace de dix mois en son temps, il nous était impossible de le faire aussi bien pour la diaspora de la Côte d’Ivoire que celle d’ailleurs.
Sur le plan financier, il était très difficile pour la transition d’organiser le scrutin à l’étranger parce que nous avons trouvé un Trésor public du pays dans un état calamiteux. Comprenez que si nous avons décidé d’organiser des élections crédibles et transparentes, nous devons nous donner les moyens de le faire. A ce jour, je peux vous dire que nous ne disposons pas de ces moyens-là. Nous demandons à nos ressortissants d’avoir raison garder et de bien vouloir nous comprendre. Je peux les rassurer encore une fois que le principe du vote de la diaspora n’a pas été remis en cause. Dans les cinq années à venir, je pense qu’ils pourront participer de manière effective au vote. Pour ma part, j’ai eu beaucoup de contacts avec nos communautés à l’étranger. Quand je me suis rendu à Dakar, à Abuja, à Cotonou, à Nouakchott, à Addis-Abeba, à Paris, je leur ai expliqué la situation que traverse le pays, et je pense avoir été compris. Ce n’est donc pas une mesure arbitraire d’empêcher délibérément nos ressortissants de l’étranger de voter. C’est parce que nous avons pris l’engagement d’organiser des élections claires et transparentes, et d’avoir la maîtrise du processus électoral. Il s’agit prioritairement pour nous de circonscrire les élections dans le seul Burkina Faso et pas dans les pays voisins où nous avons des ressortissants.
D-N : Le calendrier électoral restera donc inchangé ?
LPMK : Le calendrier électoral sera respecté. Le 11 octobre marquera effectivement le début des élections présidentielles et les législatives, et, le 31 janvier prochain pour les municipales.
D-N : Le Président François Hollande a également souhaité que la justice fasse son travail en toute indépendance par rapport aux récentes et les autres affaires judiciaires en cours – en l’occurrence l’affaire Thomas Sankara, Norbert Zongo (…) – pendante devant les juridictions de votre pays. Quelles sont les garanties que vous lui aviez données ?
LPMK : Ce que je peux vous dire, c’est que toutes ces affaires sont effectivement ouvertes devant nos juridictions. L’affaire Norbert Zongo est suivie par la justice et nous attendons les conclusions. Quant à l’affaire Thomas Sankara qui est très médiatisée, non seulement elle est pendante devant le tribunal militaire de Ouagadougou mais aussi nous avons procédé à l’exhumation de la tombe où il aurait été exhumé. A l’heure actuelle, les expertises sont cours pour déterminer avec exactitude s’il s’agit bien de ses restes enterré dans cette sépulture. Voilà où nous en sommes. Pour le reste, c’est le tribunal militaire qui s’en charge.
D-N : Des rumeurs font état de relations ombrageuses entre le Burkina et la Côte d’Ivoire, situation délétère qui pourrait mettre en péril le Traité d’Amitié et de Coopération (TAC) entre les deux pays. Qu’en-est-il réellement ?
LPMK : Ce que je sais, c’est que ce traité n’a pas été abrogé. Il est toujours en vigueur. Ce traité nous oblige à nous réunir tous les ans alternativement en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso pour examiner l’ensemble de la coopération entre les deux pays. La dernière rencontre avait eu lieu à Ouagadougou l’année dernière. Normalement, la prochaine réunion devrait avoir lieu à Abidjan vers le mois de juillet et août. J’ai coutume de répéter à mes interlocuteurs qu’il ne faut pas que quelqu’un mette son pouce dans les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Ce sont deux pays qui ont des relations séculaires. J’allais dire qu’ils sont complices.
Nous avons près de trois millions de Burkinabé vivant en Côte d’Ivoire dont, pour certains, les parents y résident depuis l’époque coloniale. Vous ne pouvez pas, quels que soient les régimes, quelle que soit la personnalité qui préside l’un ou l’autre pays, mette fin à ces affinités entre ces deux pays. Je peux vous assurer qu’il n’y a aucun problème entre le Burkina et la Côte d’Ivoire qui soit de l’ordre de la dissension. Il y a peut-être quelques incompréhensions, et les incompréhensions, il en existe partout et même dans une famille.
D-N : Cela dit, il semble aussi que la présence de l’ex-président Blaise Compaoré sur le sol ivoirien est vue d’un mauvais œil du côté de Ouaga ?
LPMK : Au Burkina Faso, nous n’en faisons pas un problème en tant que tel qui puisse dénaturer ou affecter les relations entre les deux pays. En ce qui me concerne, je ne pense pas que la présence du président Blaise Compaoré à Abidjan puisse entrainer de l’animosité entre les deux pays.
Nous avons toujours fait comprendre que le président Blaise Compaoré réside en Côte d’Ivoire à double titre. Il est d’abord ivoirien par alliance puisque son épouse est ivoirienne, et il est un ami du président Ouattara. Le problème qui se pose, c’est qu’on nous garantisse qu’il n’entreprendra pas des actions nocives pour déstabiliser le Burkina Faso. Le président Ouattara m’a donné cette assurance. Moi, je le crois. S’il advenait que nous avons des preuves que le président Blaise Compaoré «travaille» à partir du territoire ivoirien pour déstabiliser le régime de transition du Burkina, nous prendrons nos responsabilités.
D-N : Vous procédez à des changements profonds au sein du Régiment de la Sécurité Présidentielle (RSP). Un chantier auquel vous tenez ?
LPMK : A la suite des événements que nous avons connus le 4 février 2014 avec le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), nous avons constitué une commission qui est chargée de nous faire des propositions afin de nous sortir de ce conflit. Il s’agit, en effet, de réformer le RSP. Nous avons reçu le rapport de la commission. Jusqu’à présent, je n’en parle pas parce que je ne l’ai pas encore fait examiner par le gouvernement.
D-N : Est-ce que les organisations sous-régionales, à savoir la CEDEAO et le Conseil de l’Entente pour ne citer que ces deux, accompagnent le régime de transition que vous présidez ?
Je crois que toutes ces organisations que vous venez de citer nous accompagnent. Dès le début de la transition, ces organisations ont décidé de nous accompagner en formant avec nous le Groupe international de suivi et d’accompagnement de la transition au Burkina Faso, le GISAT. Ce groupe a déjà eu deux réunions. La première, le 18 janvier et la dernière, en mars dernier. La prochaine rencontre aura lieu à Johannesburg en Afrique du Sud, en marge du Sommet de l’Union Africaine (UA). Ce groupe est composé naturellement du Burkina Faso, de la CEDEAO, des Nations Unies, de l’Union Européenne et j’en passe. C’est dire que toute la communauté internationale a à cœur de nous accompagner dans ce processus de transition en cours. Je dois vous dire qu’après l’insurrection, alors que tout le monde redoutait d’éventuelles sanctions contre le Burkina, nous avons, au contraire, eu l’adhésion de tous les pays et de toutes les agences internationales qui ont promis non seulement d’aider la transition dans le financement du processus, mais et surtout d’augmenter leurs appuis budgétaires. Sur cette question, je pus vous assurer que nous sommes bien accompagnés. Nous n’avons donc pas de problèmes particuliers.
D-N : Votre mot de fin
LPMK : Nous avons pris un processus en marche et le gouvernement est très déterminé à aller de l’avant, et faire en sorte que le Burkina Faso, à l’issue de ces élections, retrouve une certaine stabilité sur le plan institutionnel, et que l’ensemble des Burkinabè bâtissent un Etat qui soit construit sur la démocratie réelle, la liberté, l’entente entre Burkinabè, le respect mutuel entre Burkinabè et enfin sur une certaine considération de nos relations avec l’Afrique et le reste du monde.
Clément YAO