Le juriste et analyste politique ivoirien, Geoffroy Julien Kouao, estime que le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, sous le coup d’un mandat d’arrêt émis par le Burkina Faso, "court un véritable danger en dehors du territoire ivoirien", expliquant que “son immunité prend fin à l’extérieur’’ du pays, dans une interview à ALERTE INFO.
Le 15 janvier dernier, la justice militaire burkinabè a émis un mandat d’arrêt international contre M. Guillaume Soro pour son implication présumée dans la tentative de coup d’Etat de septembre au Burkina Faso. Est-ce juridiquement possible qu’un Etat émette un mandat d’arrêt contre une personnalité de ce rang d’un autre pays ?
Vous devez savoir que tous les êtres humains naissent libres et égaux en Droit et tous ont un égal accès à la justice. Ils sont donc tous des justiciables. Seulement dans l’ordre interne, il y a un certain nombre de mécanismes qui participent à la protection d’un certain nombre de notables au regard de la complexité de la fonction qu’ils exercent. C’est ce qu’on appelle les immunités. Ça peut-être une immunité parlementaire, diplomatique. Ces immunités protègent aussi le citoyen ordinaire, par exemple on a les immunités dans le cadre familial. Tout sujet de Droit, qu’il soit socialement un notable ou pas, peut être attrait devant une justice nationale ou internationale. La tendance aujourd’hui c’est de supprimer les immunités au niveau de la justice internationale pour éviter l’impunité. Parce que trop souvent au niveau interne, les autorités judiciaires sont sous l’emprise des autorités politiques de sorte que ces autorités politiques échappent à la justice. Oui dans le cadre des relations internationales, un Etat peut lancer un mandat d’arrêt contre une personnalité d’une puissance étrangère.
Le mandat d’arrêt est donc exécutable ?
Le mandat d’arrêt est exécutable. Seulement, il y a un certain nombre d’obstacles. D’abord, M. Guillaume Soro est un Ivoirien or selon le Droit positif ivoirien, la Côte d’Ivoire ne peut extrader un national vers un autre pays. C’est le premier grand obstacle. Ensuite, le statut de la personnalité fait que l’affaire devient purement politique. Cette dimension politique peut entraver la bonne exécution de ce mandat. A l’analyse, il serait difficile au niveau du territoire ivoirien de faire exécuter ce mandat d’arrêt. Cependant, en dehors du territoire ivoirien, M. Soro Guillaume court un véritable danger : son immunité prend fin à l’extérieur de la Côte d’Ivoire. Partout où il peut se trouver, au Ghana, au Etats-Unis, au Guatemala, en France, tout Etat à qui l’Etat du Burkina Faso a signifié ce mandat d’arrêt peut l’arrêter et l’attrait devant les juridictions burkinabè.
L’ancien président Laurent Gbagbo, bien que citoyen ivoirien, a pourtant été extradé à la Cour pénale internationale (CPI)
C’est dans le cadre des relations internationales. La Côte d’Ivoire est signataire du traité de Rome qui est le fondement juridique de la Cour pénale internationale. Dès lors, l’Etat de Côte d’Ivoire se doit de respecter les dispositions de la CPI. Et la Cour a fait la demande à l’Etat de Côte d’Ivoire qui pouvait s’opposer à l’extradition du président Laurent Gbagbo. Il ne l’a pas jugé utile. Si vous remarquez bien, le même Etat de Côte d’Ivoire s’est opposé à l’extradition de Mme Simone Gbagbo. C’est dire qu’en la matière la Côte d’Ivoire dispose d’un certain nombre de pouvoirs qu’on peut qualifier de pouvoirs discrétionnaires.
Quels sont les moyens dont dispose le Burkina Faso si ce pays voulait absolument interpeller M. Soro ?
C’est simple. Le Burkina ne peut interpeller M. Soro que dans le cadre d’une commission rogatoire, c’est-à-dire envoyer ses magistrats en Côte d’Ivoire avec l’accord des autorités judiciaires et exécutives ivoiriennes pour entendre M. Soro. Si d’aventure, les faits à lui reprochés sont assez graves pour qu’il soit condamné pénalement par la justice burkinabè, alors les choses deviennent compliquées. Le Burkina doit simplement attendre que M. Soro sorte du territoire ivoirien pour espérer voir prospérer l’exécution de son mandat d’arrêt. En tout état de cause, c’est une affaire qui prend une dimension politique et il faut régler cette question par la voie diplomatique. Cependant, elle ne doit pas être réglée sur le dos de l’impunité. Les faits sont assez graves et ils doivent être établis, les responsabilités dégagées pour que la délinquance politique prenne fin. Est-ce que les faits portés contre M. Soro sont avérés ? Personne ne saurait le dire tant que M. Soro ne sera pas entendu par les autorités compétentes sur la question. Dans l’intérêt de M. Soro et pour son image d’homme politique, il a intérêt à se faire entendre d’une manière ou d’une autre dans cette affaire pour qu’il ne soit pas présenter comme un homme politique controversé.
Le journal français "La Lettre du continent" a récemment révélé que le gouvernement ivoirien envisageait naturaliser l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré, en exil en Côte d’Ivoire, pour lui permettre d’échapper au mandat d’arrêt émis à son encontre par la justice de son pays. Est-ce juridiquement possible de naturaliser M. Compaoré à cette fin ?
Il y a eu une évolution importante depuis l’accord de Linas Marcoussis sur l’acquisition de la nationalité ivoirienne. Cela a été encadré par un certain nombre d’instruments juridiques dont des lois. La personne qui épouse une Ivoirienne peut devenir Ivoirienne si elle le souhaite c’est-à-dire si elle en fait la demande. Dans le cas d’espèce, l’épouse de M. Compaoré serait une Ivoirienne parce que n’oublions pas qu’elle est mariée à M. Compaoré qui est Burkinabè, donc elle aurait pu prendre la nationalité burkinabé et renoncer à la nationalité ivoirienne. Il y a deux problèmes ici. Le premier, c’est que la loi qui a été adoptée est postérieure au mariage de M. et Mme Compaoré. La loi ne saurait retro-agir. Cette loi ne concerne donc pas le couple Compaoré. Deuxième chose, pour l’acquisition de la nationalité ivoirienne, il y a un élément moral. Cet élément interdit que toute personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt ou d’une procédure judiciaire ne soit admise à acquérir la nationalité ivoirienne. Alors que nous sommes dans cette hypothèse concernant M. Compaoré. Dans tous les cas de figure, la nationalité ivoirienne ne peut être octroyée à M. Compaoré, sauf à renoncer à l’Etat de Droit.
SKO
Le 15 janvier dernier, la justice militaire burkinabè a émis un mandat d’arrêt international contre M. Guillaume Soro pour son implication présumée dans la tentative de coup d’Etat de septembre au Burkina Faso. Est-ce juridiquement possible qu’un Etat émette un mandat d’arrêt contre une personnalité de ce rang d’un autre pays ?
Vous devez savoir que tous les êtres humains naissent libres et égaux en Droit et tous ont un égal accès à la justice. Ils sont donc tous des justiciables. Seulement dans l’ordre interne, il y a un certain nombre de mécanismes qui participent à la protection d’un certain nombre de notables au regard de la complexité de la fonction qu’ils exercent. C’est ce qu’on appelle les immunités. Ça peut-être une immunité parlementaire, diplomatique. Ces immunités protègent aussi le citoyen ordinaire, par exemple on a les immunités dans le cadre familial. Tout sujet de Droit, qu’il soit socialement un notable ou pas, peut être attrait devant une justice nationale ou internationale. La tendance aujourd’hui c’est de supprimer les immunités au niveau de la justice internationale pour éviter l’impunité. Parce que trop souvent au niveau interne, les autorités judiciaires sont sous l’emprise des autorités politiques de sorte que ces autorités politiques échappent à la justice. Oui dans le cadre des relations internationales, un Etat peut lancer un mandat d’arrêt contre une personnalité d’une puissance étrangère.
Le mandat d’arrêt est donc exécutable ?
Le mandat d’arrêt est exécutable. Seulement, il y a un certain nombre d’obstacles. D’abord, M. Guillaume Soro est un Ivoirien or selon le Droit positif ivoirien, la Côte d’Ivoire ne peut extrader un national vers un autre pays. C’est le premier grand obstacle. Ensuite, le statut de la personnalité fait que l’affaire devient purement politique. Cette dimension politique peut entraver la bonne exécution de ce mandat. A l’analyse, il serait difficile au niveau du territoire ivoirien de faire exécuter ce mandat d’arrêt. Cependant, en dehors du territoire ivoirien, M. Soro Guillaume court un véritable danger : son immunité prend fin à l’extérieur de la Côte d’Ivoire. Partout où il peut se trouver, au Ghana, au Etats-Unis, au Guatemala, en France, tout Etat à qui l’Etat du Burkina Faso a signifié ce mandat d’arrêt peut l’arrêter et l’attrait devant les juridictions burkinabè.
L’ancien président Laurent Gbagbo, bien que citoyen ivoirien, a pourtant été extradé à la Cour pénale internationale (CPI)
C’est dans le cadre des relations internationales. La Côte d’Ivoire est signataire du traité de Rome qui est le fondement juridique de la Cour pénale internationale. Dès lors, l’Etat de Côte d’Ivoire se doit de respecter les dispositions de la CPI. Et la Cour a fait la demande à l’Etat de Côte d’Ivoire qui pouvait s’opposer à l’extradition du président Laurent Gbagbo. Il ne l’a pas jugé utile. Si vous remarquez bien, le même Etat de Côte d’Ivoire s’est opposé à l’extradition de Mme Simone Gbagbo. C’est dire qu’en la matière la Côte d’Ivoire dispose d’un certain nombre de pouvoirs qu’on peut qualifier de pouvoirs discrétionnaires.
Quels sont les moyens dont dispose le Burkina Faso si ce pays voulait absolument interpeller M. Soro ?
C’est simple. Le Burkina ne peut interpeller M. Soro que dans le cadre d’une commission rogatoire, c’est-à-dire envoyer ses magistrats en Côte d’Ivoire avec l’accord des autorités judiciaires et exécutives ivoiriennes pour entendre M. Soro. Si d’aventure, les faits à lui reprochés sont assez graves pour qu’il soit condamné pénalement par la justice burkinabè, alors les choses deviennent compliquées. Le Burkina doit simplement attendre que M. Soro sorte du territoire ivoirien pour espérer voir prospérer l’exécution de son mandat d’arrêt. En tout état de cause, c’est une affaire qui prend une dimension politique et il faut régler cette question par la voie diplomatique. Cependant, elle ne doit pas être réglée sur le dos de l’impunité. Les faits sont assez graves et ils doivent être établis, les responsabilités dégagées pour que la délinquance politique prenne fin. Est-ce que les faits portés contre M. Soro sont avérés ? Personne ne saurait le dire tant que M. Soro ne sera pas entendu par les autorités compétentes sur la question. Dans l’intérêt de M. Soro et pour son image d’homme politique, il a intérêt à se faire entendre d’une manière ou d’une autre dans cette affaire pour qu’il ne soit pas présenter comme un homme politique controversé.
Le journal français "La Lettre du continent" a récemment révélé que le gouvernement ivoirien envisageait naturaliser l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré, en exil en Côte d’Ivoire, pour lui permettre d’échapper au mandat d’arrêt émis à son encontre par la justice de son pays. Est-ce juridiquement possible de naturaliser M. Compaoré à cette fin ?
Il y a eu une évolution importante depuis l’accord de Linas Marcoussis sur l’acquisition de la nationalité ivoirienne. Cela a été encadré par un certain nombre d’instruments juridiques dont des lois. La personne qui épouse une Ivoirienne peut devenir Ivoirienne si elle le souhaite c’est-à-dire si elle en fait la demande. Dans le cas d’espèce, l’épouse de M. Compaoré serait une Ivoirienne parce que n’oublions pas qu’elle est mariée à M. Compaoré qui est Burkinabè, donc elle aurait pu prendre la nationalité burkinabé et renoncer à la nationalité ivoirienne. Il y a deux problèmes ici. Le premier, c’est que la loi qui a été adoptée est postérieure au mariage de M. et Mme Compaoré. La loi ne saurait retro-agir. Cette loi ne concerne donc pas le couple Compaoré. Deuxième chose, pour l’acquisition de la nationalité ivoirienne, il y a un élément moral. Cet élément interdit que toute personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt ou d’une procédure judiciaire ne soit admise à acquérir la nationalité ivoirienne. Alors que nous sommes dans cette hypothèse concernant M. Compaoré. Dans tous les cas de figure, la nationalité ivoirienne ne peut être octroyée à M. Compaoré, sauf à renoncer à l’Etat de Droit.
SKO