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Économie Publié le mardi 14 juin 2016 | Transport Hebdo

Réforme du permis de conduire : Pourquoi l’Etat doit disposer d’une base de données unique

© Transport Hebdo Par Marc Innocent
Africa CEO Forum: table ronde des investisseurs financiers sur les projets de PPP en Côte d`Ivoire
L`Africa CEO forum a servi de cadre d`échange entre l`Administration ivoirienne et les investisseurs étrangers, ce Mardi 22 Mars 2016 à la Salle des fêtes du Sofitel Hôtel Ivoire. Cet échange avait pour thème le financement des projets de partenariat public-privé en Côte d`Ivoire. Il était piloté par le ministre Thierry Tanoh. les ministres Gaoussou Touré(photo), Adama Koné et Abdourahmane Cissé étaient présents.
La reforme du permis de conduire en côte d’ivoire, fait couler beaucoup d’encre et de salive. Surtout après le dernier communiqué du Ministre des Transports invitant tous les détenteurs des anciens permis trois volets, et format carte de crédit couleur violet, à procéder au changement de leur document en la nouvelle présentation. Et ce, avant le 30 Juin 2016. Date repoussée plus tard au 31 décembre 2016. Avant que la mesure soit suspendue par le président de la République, le 1ér Mai dernier, pour faire face à la levée de bouclier suscitée par ladite mesure. Mais comment en est-on arrivé à cet imbroglio, sur fond d’intrigues ?
Pour comprendre le débat actuel sur le permis de conduire, nos investigations nous ont menés à la fin des années 80. Face à la grave crise économique à laquelle elle était confrontée, la Côte d’Ivoire, à l’instar de plusieurs pays du tiers monde, a négocié un Programme d’Ajustement Structurel avec les Institutions de BrettonWoods (Banque Mondial, FMI). Dans le cadre de ce programme, un audit multisectoriel a été diligenté par les dites institutions en vue de diagnostiquer les maux de l’économie ivoirienne et proposer les remèdes appropriés.
Le rapport de cet audit était implacable pour le secteur des transports. Un diagnostic qui se résume en un triptyque : désordre, fraude, corruption. Face à l’ampleur de la situation, l’Etat de Côte d’Ivoire décide en 1998, d’assainir ce secteur vital de son économie, avec l’appui de la Banque Mondiale à travers le CI-PAST (Programme d’Appui au secteur des transports en Côte d’Ivoire).
Une première reforme dite institutionnelle est alors engagée à partir de cette année 1998 avec l’adoption et la mise en œuvre d’une déclaration de Politique Générale pour « formuler les principes fondamentaux applicables au secteur des Transports en Côte d’Ivoire ». Cette reforme avait pour but d’assurer à l’Administration des Transports une meilleure efficacité dans l’accomplissement de ses tâches régaliennes, désormais séparées des tâches de production des titres de transports dont le permis de conduire, dévolues aux nouvelles structures créées à cet effet, notamment la Sonatt et l’Agetu. Des sociétés d’Etat dont la mise en puissance (démarrage des activités) a été fortement perturbée par des « gourous » du secteur qui tenaient absolument à s’accaparer l’édition du permis de conduire, en plus du guichet unique automobile et de la fabrication des plaques d’immatriculation dont ils sont concessionnaires exclusifs. Et ils finiront par avoir partiellement gain de cause, avec la réforme du permis de conduire initiée en 2002 par l’Etat de Côte d’Ivoire.
Réforme de 2002 : Un véritable fiasco
Par un décret en date du 02 avril 2002 et portant le N°2002-192, signé par le Président Laurent GBAGBO, l’Etat, décide en effet, de changer le format du permis de conduire à trois volet, en format carte de crédit et de concéder sa production à des opérateurs privés. Contre toute attente et en violation totale des règles élémentaires de passation des marchés publiques, une convention de concession est signée entre l’Etat de Côte d’ Ivoire représenté par le Ministre des Transports d’alors, M. Kabran Appiah et Interflex Africard-ci en «association» avec Starten technologie, pour «la conception, l’exploitation et la rétrocession d’un système d’information et de gestion des permis de conduire (SIGPC) en Côte d’Ivoire. Starten s’occupant des pré-enregistrements et Interflex de l’édition. Une convention approuvée par le décret n°2002-191 du 02 Avril 2002.
En Septembre 2002, alors que le ministre s’apprêtait à prendre les arrêtés d’application pour la mise en œuvre de cette convention de concession de service public, la crise militaro politique déclenche et le nouveau gouvernement dit de réconciliation nationale est mis en place début 2003, à la faveur des accords de Marcoussis (France). Anaky Kobenan succède à Kabran Appiah à la tête du ministère des transports. Trouvant douteux les contours de la convention, il refuse de signer les arrêtés en question, au grand dam du patron d’Interflex. Son successeur en 2006, M. Thiam Abdel Aziz en fera autant. Pendant ce temps un véritable flou artistique entourait la délivrance du permis de conduire ivoirien, lui faisant perdre toute crédibilité. «C’est pour mettre un terme à tout ce faux devenu un business pour personnes aux mœurs légères » selon ses propres termes, qu’en 2007, que le tout nouveau ministre des transports, Albert Toikeusse Mabri, sur instruction du gouvernement, a pris finalement les arrêtés permettent le démarrage des activités des sociétés concessionnaires Interflex et Starten, auxquelles l’on a ajouté un opérateur technique, Biomédical pour effectuer les visites médicales des requérants.
Au terme de leurs contrats, le bilan de ces deux concessionnaires s’avère peu reluisant. Aucun élément clé du cahier des charges n’a été respecté. Entre autres griefs on peut citer : la non réalisation de la totalité des sites ( sur les 11 sites prévus, seulement 04 ont été rendus opérationnels), la mauvaise gestion administrative des sites du fait de la diversité d’opérateurs avec des visions et des intérêts disparates, source de mésententes et de conflits qui engendrent le désordre et le cafouillage, générateurs de magouilles et de fraudes sur les sites, le déséquilibre dans le fonctionnement du processus. Les concessionnaires refusant de rendre compte au maître d’œuvre pour lui permettre d’harmoniser les activités sur les sites comme le stipule la convention, l’absence de base de données centrale complète et sécurisée à cause du manque de coopération entre les concessionnaires qui refusent d’échanger les données en vue de les transmettre au maître d’œuvre pour consolidation, les retards excessifs dans la délivrance des permis de conduire du fait de faible capacité d’édition des concessionnaires, la qualité approximative des permis de conduire délivrés (par exemple le numéro du permis n’apparait pas et la durabilité de la puce apparente à contact direct incrusté dans le document n’est pas garantie)… Tous ces griefs avaient déjà été énoncés fin 2008, dans les différents rapports thématiques du comité interministériel mis en place pour l’évaluation et le suivi des activités des concessionnaires du permis de conduire. Rapports dont nous avons pu avoir copie.
Un lourd héritage
C’est donc dans ce désordre « organisé » que le ministre Gaoussou Touré est nommé à la tête du ministère des transports. Après un minutieux état des lieux et suivant en cela les recommandations des différents rapports à lui transmis, il initie une vaste réforme pour la modernisation du secteur des transports en Côte d’Ivoire. Au niveau de la production des titres de transports, notamment le permis de conduire, suite à un appel d’offre international lancé à l’expiration du contrat des anciens concessionnaires, un opérateur technique a été désigné pour accompagner le Centre de Gestion Intégrée du ministère des transports à travers une plate forme technologique qui, in fine, doit aboutir à la mise en place d’une base de données unique, fiable et hautement sécurisée.
Réforme Gaoussou : Des acquis probants
A ce jour, en terme de comparaison, force est de reconnaitre qu’entre le système de production actuel du permis de conduire, et le système antérieur, c’est le jour et la nuit. Illustration après moins de 02 ans d’activités : de 04 par le passé, les centres de production sont passés à 23 et atteindront la trentaine d’ici fin 2016. Les délais de délivrance ont été ramenés de 06 voir 12 mois à moins de 24 heures. Les coûts de production sont passés de 25.600 à 10.100 francs. La qualité du document est assurée, avec une puce électronique sans contact physique, adossé à une base de données unique mise à la disposition de l’Etat de Côte d’Ivoire…Bien entendu des améliorations doivent être apportées au système actuel de production du permis de conduire. Notamment au niveau de la formation des candidats et surtout des examens théoriques et pratiques du permis de conduire. Au cabinet du ministre des transports, l’on se veut rassurant sur ces deux points : «des dispositions sont prises en accord avec les auto écoles qui assurent la formation des candidats pour le respect du volume horaire des cours. Quand à l’évaluation, nous tendons vers l’automatisation des examens de code et de conduite. Des accords ont été signés dans ce sens avec des partenaires extérieurs pour la construction de plusieurs centres d’examens ultra modernes équipés de camera de surveillance, en vue de réduire au maximum les cas de fraude et de corruption», affirme un des experts qui travaille sur la question.
De la nécessité de changer les anciens permis
Toutes ces actions entreprises par le ministre Gaoussou dans le cadre de la mise en œuvre de sa réforme doit aboutir à la mise en place d’une base de données unique permettant à l’Etat de disposer de statistiques fiables en matière de transports. Ce à quoi s’attelle l’opérateur technique à travers le Centre de Gestion Intégrée du ministère des transports, depuis juillet 2014. Deux ans après, la nécessité de consolider cette base s’impose, afin de la fiabiliser. Ce qui suppose l’intégration dans le système de tous les anciens documents en circulation. Pour les experts, c’est un impératif en vue de ne pas biaiser l’essence même de la réforme validée par le gouvernement. D’où la récente décision d’inviter les détenteurs du permis à trois volets et du permis cartes de crédit à fond violet, à procéder au changement de leur document en la nouvelle présentation, pour intégrer la base de données. A cela il faut ajouter qu’il est inconcevable que dans un Etat organisé comme la Côte d’Ivoire, circule trois versions de permis de conduire, conséquence de l’échec des différentes réformes. Il faut donc uniformiser ce document pour une question de crédibilité. L’Etat doit donc prendre ses responsabilités dans ce sens, avec des mesures d’accompagnement, en vue de soulager les usagers dans le cadre de la lutte contre la cherté de la vie. Le faisant, il aura sauvé sa propre réforme qui ambitionne de moderniser le secteur des transports.

Pascalin Gohi Bi
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