Enormément sollicitée, la commission de règlement des litiges créée par la décision 010/MCU/CAB./CT/BM… en date 04 juin 2012 et qui a pour vocation de connaitre des litiges qui sont complexes et sensibles est aujourd’hui un précieux outil pour trancher en toute équité les protagonistes. La présidente de cette commission, Bamba Makissia fait le point des activités la (CRL).
L’Urbanistique : Quelles sont les missions de la Commission de règlement des litiges ?
BAMBA Makissia : Je vous remercie. D’abord, je voudrais faire l’historique de la Commission de règlement des litiges.
Elle a été créée en 2012 par le Ministre Mamadou SANOGO. Cela après avoir constaté que le ministère est confronté à des dossiers hautement sensibles et complexes. Bien que nous ayons un service juridique et du contentieux qui gère habituellement tout le contentieux, la nature complexe de certains dossiers rend difficile l’expertise et la prise de décision par un seul agent instructeur.
Cet état de fait a interpelé le Ministre Mamadou SANOGO qui a trouvé impérieux de mettre en place une commission regroupant toutes les directions et tous les services du ministère de sorte que les décisions qui en sortent engagent l’ensemble du ministère. Cela évite qu’on ait à faire des courriers à chaque service pour recueillir leurs avis; ce qui prend du temps. Le mode d’organisation est tel que la session se réunit de façon diligente. En ce qui concerne les missions, la commission a essentiellement pour objectif de statuer sur les litiges sensibles et complexes.
L’U : Complexe, sensible, pouvez-vous être plus explicite ?
B.M : Ce sont des litiges qui concernent beaucoup de communautés ou un grand nombre de nos citoyens. Il n’est pas rare que certaines personnes, quand elles sont concernées par un litige viennent menacer nos agents dans l’instruction de leurs dossiers. Pour éviter cela, ce genre de dossier va directement en commission. Et quel que soit le rang social des protagonistes, la commission les reçoit afin de trouver un terrain d’entente et la décision s’impose à tous. Néanmoins, il est loisible à l’usager qui n’est pas satisfait de la décision de la commission de choisir d’autres moyens de recours légaux qui existent.
L’U : Quels sont les types de conflits que vous avez à gérer en commission ?
B.M : On fait une classification des conflits selon leurs origines ou leurs sources.
La première catégorie des conflits que nous avons de façon récurrente sont les conflits liés à la multiple attribution villageoise.
L’U : Qu’est-ce que cela veut dire ?
B.M : Premièrement, dans le cadre d’un lotissement villageois, sur un lot donné, l’autorité coutumière notamment le chef de village délivre une attestation villageoise ; le même chef va délivrer une autre attestation villageoise sur le même lot au profit d’une autre personne sans toutefois revenir sur le cas de la première personne. Alors, ces deux personnes, qui sont peut-être des acquéreurs de bonne foi, vont constituer les dossiers et faire leurs demandes auprès du Ministère qui va se heurter au fait qu’il y a deux demandes pour un même terrain. Quelle est la vraie demande à traiter ? En pareille circonstance, nous convoquons l’autorité coutumière et toutes les parties. Et si la preuve est faite que le premier acquéreur n’a jamais donné son consentement pour céder le lot au second, on donne instruction à l’autorité coutumière de revenir sur la seconde cession.
Deuxièmement, vous pouvez avoir une parcelle où deux chefs, prétextant y avoir des droits, délivrent des attestations villageoises de façon concurrente. Devant ce genre de litige, on se réfère à la jurisprudence. Le juge administratif nous dit qu’on ne peut concevoir qu’un chef de village délivre une attestation sur une parcelle alors qu’elle ne dépend pas de sa circonscription territoriale.
Il y a également quelques rares litiges nés d’une multiple attribution administrative. Malheureusement l’Etat commet souvent l’erreur de délivrer par exemple deux lettres d’attributions sur un même lot. C’est pourquoi la loi a prévu le “Recours Administratif Préalable”. Quand on est saisi par le biais du Recours Administratif Préalable, on est obligé de remonter jusqu’à l’origine des acquisitions et on annule systématiquement l’acte qui n’aurait pas dû être pris. Mais fort heureusement, avec toutes les nouvelles reformes entreprises (l’ACD, la numérisation, la dématérialisation des archives, le traitement numérique des demandes d’actes), cette double attribution n’est qu’un vieux souvenir. Les cas que nous gérons en ce moment sont un passif, vue que l’administration est une continuité. Mais, il faut retenir qu’il n’est pas possible de délivrer deux ACD sur un même lieu.
L’U : Mais, selon vous, qu’est ce qui explique les multiples attributions dans le cadre villageois ?
B.M : Il sera très difficile pour moi de vous donner une raison exacte parce qu’il y a quand même des questions de moralité. Mais quand vous jetez un regard en arrière, vous constatez que sous le règne du président Houphouët Boigny, de grandes structures étatiques telles que la SETU faisaient l’aménagement foncier et on entendait rarement parler de litiges fonciers. Malheureusement avec les années de crises que la Côte d’Ivoire a connues, ces grandes sociétés ont disparu. La pression foncière étant forte parce qu’évidement la population augmente, l’Etat a dû recourir à une solution immédiate qui est celle du lotissement villageois fait par les privés. Malheureusement, force est de constater l’échec de ce système. Car, en dehors des conflits, les lotissements villageois entrainent des occupations anarchiques ne tenant pas compte des règles d’urbanisme. Heureusement, l’Etat a décidé de reprendre la main par l’aménagement foncier. Pour preuve, dans les semaines à venir, un vaste programme d’aménagement foncier dans tout le district d’Abidjan va être lancé par le Ministre Mamadou SANOGO. Concernant les lotissements villageois, nous sommes réalistes car nous savons qu’ils ne vont pas disparaître avec un coup de bâton magique. Mais avec de la bonne volonté, nous viendrons à bout de ce phénomène.
L’U : Parlant de chiffres, à combien dénombrez-vous le nombre de conflits réglés à ce jour ?
B.M : Au niveau de notre commission, de 2012 à 2015 nous avons eu à intervenir sur 500 cas de litiges, avec 34% réglés devant les tribunaux, et plus de 300 qui ont connu un dénouement heureux chez nous.
L’U : Les perdants ne sont-ils pas dédommagés ?
B.M : Malheureusement la terre n’est pas extensible à souhait. A l’époque il se trouvait une solution médiane avec proposition de terrains de compensation ; mais aujourd’hui, convenez avec moi que du fait de la rareté du foncier, il n’est plus possible de régler ces litiges en offrant des terrains de compensation. Quand l’Administration donne une décision, ce n’est pas le dernier recours, la loi vous permet d’exercer d’autres moyens de recours.
L’U : Pourquoi selon vous, l’essentiel des conflits, soit près de 98% se passent à Abidjan ?
B.M : Abidjan est une ville prisée et je vous en donne d’autres précisions ; Cocody et Yopougon sont respectivement premier et second en classement de zones litigieuses ; cela exprime la volonté manifeste des populations d’habiter ces quartiers. Et ces litiges sont de divers ordres : Litiges entre communautés villageoises, litiges entre particuliers, litiges entre communautés et particuliers et des litiges entre communautés et personnes morales.
L’U : Vous avez tantôt dit que le Ministère reprenait la main dans la gestion du foncier, comment se déroule véritablement ce retour de l’Etat ?
B.M : On reprend la main en assurant la purge des droits coutumiers. L’Etat, pour cause de quelques difficultés, n’arrivait plus à faire face à la purge des droits coutumiers ; pour compenser cela, on permettait aux villageois d’avoir des terrains en nature. Mais aujourd’hui, l’Etat a décidé de payer la purge des droits coutumiers avant de récupérer le terrain ; il n’y a donc plus de raison d’opposition des villageois aux projets de l’Etat. Il faut dire que nous sommes en bonne intelligence avec les villageois et chaque fois que nous les sollicitons pour l’obtention de terre dans leurs villages, nous réunissons la communauté à cet effet. Nous purgeons correctement leur droit et je puis vous assurer que tout se passe bien.
L’U : Est-ce à dire que chaque communauté aura donc désormais ses droits purgés et que plus jamais un privé ne pourra se rendre lui-même dans un village pour chercher du foncier ?
B.M : Justement j’aimerais profiter de cette opportunité pour sensibiliser les entreprises qui malheureusement se rendent dans les villages pour contracter avec les autorités coutumières. Je rappelle que depuis 1993, un décret portant sur la purge des droits coutumiers a été pris par le Président de la République de l’époque. C’est dire que tant que le terrain est dans un cadre coutumier, on ne parle donc que de purge et ce décret encadre bien cela.
Nous invitons donc toutes les personnes morales à la recherche d’espaces dans un village, à prendre contact avec le Ministère de la Construction pour être accompagné, afin d’éviter de se faire gruger.
L’U : Quelles sont les dispositions à prendre pour sécuriser un lot ou une parcelle ?
B.M : Au Ministère de la Construction, nous avons le devoir d’encadrer nos concitoyens afin qu’ils puissent être en pleine propriété. Si vous voulez acheter un terrain, demandez au vendeur de vous présenter un ACD. Mais s’il s’agit d’un terrain issu d’un lotissement villageois, je donnerai une seule adresse : Cité Administrative Tour D 26ème étage porte 23 ou nous contacter au 20 21 13 30 pour avoir toutes les informations. Il n’est donc plus question d’acheter des terrains entre “quatre murs” car nous sommes là pour conseiller.
L’U : C’est dire que tant que ces achats de terrains se feront de la sorte, votre commission sera toujours amenée à siéger ?
B.M : Oui malheureusement, tant que les Ivoiriens continuerons d’ acheter des terrains entre quatre murs.
L’U : Quand vous siégez les décisions sont difficiles et vont jusqu’aux destructions d’immeubles. Comment cela se fait-il ?
B.M : Au niveau des démolitions, je voudrais apporter quelques éclaircissements. Toutes les démolitions ne sont pas forcément faites par le ministère de la construction. Il arrive par exemple qu’une personne soit détentrice d’une parcelle avec un titre de propriété, et au mépris de ce titre de propriété, quelqu’un d’autre vient s’installer sur ce terrain ; dans ce cas, la loi lui donne carte blanche pour démolir ce que ce dernier a érigé dans la mesure où notre constitution protège la pleine propriété. Nous constatons également que des gens, pour sécuriser leurs terrains, vont y construire des clôtures. Ce que ces derniers ne savent pas, c’est que seul un titre de propriété qu’est l’ACD peut sécuriser leur terrain.
Quand vous avez un chantier, il vous est recommandé d’indiquer les références du Permis de Construire sur un panneau de chantier bien en vue, de sorte que nos agents n’aient plus à vous interpeler sur certaines informations. Dans le cas contraire, vous êtes convoqués par nos services pour fournir les preuves de l’autorisation de construire. Mais, si des éléments manquent au dossier et que malgré cela vous continuez les travaux, l’Etat procède purement et simplement à la démolition de votre édifice et cela, à vos frais.
L’U : C’est ce qui explique les croix en rouge sur les murs ?
B.M : Evidemment ! C’est pour dire que toutes les démolitions ne sont pas consécutives à des litiges. Celui qui se trouve dans la situation citée plus haut, qui est un contrevenant et qui ne fait rien pour arranger son cas verra sa construction démolie. Pourtant, le Ministre de la Construction et de l’Urbanisme, ayant constaté les difficultés liées à l’obtention du Permis de Construire, a initié des reformes et a repensé le système d’obtention du Permis de Construire par la création aujourd’hui du Guichet Unique du Permis de Construire ; ainsi en 21 jours, on obtient le Permis de Construire. Il n’y a donc plus de raison qu’aujourd’hui quelqu’un entreprenne des travaux sans Permis de Construire.
L’U : Quand votre commission donne des décisions de démolitions, est-ce la force publique que vous utilisez ?
B.M : Non, nous avons au sein du Ministère de la Construction, un service appelé Brigade d’Investigation qui joue ce rôle ; c’est un service très important.
L’U : Mais ces signes sur les murs sont souvent sujets à interprétations ; d’aucuns y voient un préalable à la négociation.
B.M : Justement pour lever tout équivoque, nous avons trouvé une formule pour contrôler toutes les convocations fournies par nos services déconcentrés. Chaque convocation donnée est dupliquée et périodiquement, un bilan est fait quant à la suite qui a été donnée à chacune d’elles ; en un mot, nous suivons chaque convocation.
L’U : Aujourd’hui, vous avez pris des décisions pour que vos agents soient plus efficaces et moins liés à ces questions d’intermédiaires et de corruption, qu’en est-il sur le terrain ?
B.M : Bien sur, cela fait partie des reformes qui ont été entreprises par le Ministre Mamadou SANOGO. Le traitement numérique des demandes a remplacé le traitement manuel . A notre prise de fonction, la tour D avait des allures de foire d’exposition à cause des démarcheurs qui y foisonnaient. Mais quand le traitement numérique a commencé à fonctionner, ces démarcheurs ont progressivement quitté le circuit. La dématérialisation du traitement des actes a créé plus de visibilité dans le circuit de traitement, car le traitement manuel qui était à la base de certains tripatouillages est exclu. Mais aussi, nous travaillons sur l’être humain, sur le moral des agents ; en un mot, à travers des visuels de sensibilisations, des séminaires de formations, nous les sensibilisons quant à leur responsabilité. Cela va continuer pour assurer un service de qualité à nos compatriotes.
L’U : Dites-nous les délais d’obtentions des demandes d’actes au Ministère de la Construction et de l’Urbanisme ?
B.M : Pour le Permis de Construire, le délai d’obtention est de 21 jours et pour l’ACD qui était auparavant de 06 mois, il a été réduit à 21 jours sous réserve du cadastre foncier et de la conservation foncière.
L’U : Pour terminer, quelles sont alors les dispositions que le citoyen doit prendre avant d’acheter un lot afin d’éviter les litiges fonciers ?
B.M : Avant d’acheter un terrain, il faut s’assurer que l’approbation a été faite et nous avons dédié un service à cet effet. Mais il, est évident que pour un terrain ou le vendeur à un titre de propriété foncière c'est-à-dire un Certificat de Propriété Foncière ou un ACD (Arrêté de Concession Définitive) qui est à ce jour le seul acte qui confère la pleine propriété ; vous consultez un notaire. Par contre, si le vendeur ne détient aucun de ces documents, je vous conseille de venir prendre les informations utiles à la tour D, 26ème étage, porte 23 .
Arouna B.
L’Urbanistique : Quelles sont les missions de la Commission de règlement des litiges ?
BAMBA Makissia : Je vous remercie. D’abord, je voudrais faire l’historique de la Commission de règlement des litiges.
Elle a été créée en 2012 par le Ministre Mamadou SANOGO. Cela après avoir constaté que le ministère est confronté à des dossiers hautement sensibles et complexes. Bien que nous ayons un service juridique et du contentieux qui gère habituellement tout le contentieux, la nature complexe de certains dossiers rend difficile l’expertise et la prise de décision par un seul agent instructeur.
Cet état de fait a interpelé le Ministre Mamadou SANOGO qui a trouvé impérieux de mettre en place une commission regroupant toutes les directions et tous les services du ministère de sorte que les décisions qui en sortent engagent l’ensemble du ministère. Cela évite qu’on ait à faire des courriers à chaque service pour recueillir leurs avis; ce qui prend du temps. Le mode d’organisation est tel que la session se réunit de façon diligente. En ce qui concerne les missions, la commission a essentiellement pour objectif de statuer sur les litiges sensibles et complexes.
L’U : Complexe, sensible, pouvez-vous être plus explicite ?
B.M : Ce sont des litiges qui concernent beaucoup de communautés ou un grand nombre de nos citoyens. Il n’est pas rare que certaines personnes, quand elles sont concernées par un litige viennent menacer nos agents dans l’instruction de leurs dossiers. Pour éviter cela, ce genre de dossier va directement en commission. Et quel que soit le rang social des protagonistes, la commission les reçoit afin de trouver un terrain d’entente et la décision s’impose à tous. Néanmoins, il est loisible à l’usager qui n’est pas satisfait de la décision de la commission de choisir d’autres moyens de recours légaux qui existent.
L’U : Quels sont les types de conflits que vous avez à gérer en commission ?
B.M : On fait une classification des conflits selon leurs origines ou leurs sources.
La première catégorie des conflits que nous avons de façon récurrente sont les conflits liés à la multiple attribution villageoise.
L’U : Qu’est-ce que cela veut dire ?
B.M : Premièrement, dans le cadre d’un lotissement villageois, sur un lot donné, l’autorité coutumière notamment le chef de village délivre une attestation villageoise ; le même chef va délivrer une autre attestation villageoise sur le même lot au profit d’une autre personne sans toutefois revenir sur le cas de la première personne. Alors, ces deux personnes, qui sont peut-être des acquéreurs de bonne foi, vont constituer les dossiers et faire leurs demandes auprès du Ministère qui va se heurter au fait qu’il y a deux demandes pour un même terrain. Quelle est la vraie demande à traiter ? En pareille circonstance, nous convoquons l’autorité coutumière et toutes les parties. Et si la preuve est faite que le premier acquéreur n’a jamais donné son consentement pour céder le lot au second, on donne instruction à l’autorité coutumière de revenir sur la seconde cession.
Deuxièmement, vous pouvez avoir une parcelle où deux chefs, prétextant y avoir des droits, délivrent des attestations villageoises de façon concurrente. Devant ce genre de litige, on se réfère à la jurisprudence. Le juge administratif nous dit qu’on ne peut concevoir qu’un chef de village délivre une attestation sur une parcelle alors qu’elle ne dépend pas de sa circonscription territoriale.
Il y a également quelques rares litiges nés d’une multiple attribution administrative. Malheureusement l’Etat commet souvent l’erreur de délivrer par exemple deux lettres d’attributions sur un même lot. C’est pourquoi la loi a prévu le “Recours Administratif Préalable”. Quand on est saisi par le biais du Recours Administratif Préalable, on est obligé de remonter jusqu’à l’origine des acquisitions et on annule systématiquement l’acte qui n’aurait pas dû être pris. Mais fort heureusement, avec toutes les nouvelles reformes entreprises (l’ACD, la numérisation, la dématérialisation des archives, le traitement numérique des demandes d’actes), cette double attribution n’est qu’un vieux souvenir. Les cas que nous gérons en ce moment sont un passif, vue que l’administration est une continuité. Mais, il faut retenir qu’il n’est pas possible de délivrer deux ACD sur un même lieu.
L’U : Mais, selon vous, qu’est ce qui explique les multiples attributions dans le cadre villageois ?
B.M : Il sera très difficile pour moi de vous donner une raison exacte parce qu’il y a quand même des questions de moralité. Mais quand vous jetez un regard en arrière, vous constatez que sous le règne du président Houphouët Boigny, de grandes structures étatiques telles que la SETU faisaient l’aménagement foncier et on entendait rarement parler de litiges fonciers. Malheureusement avec les années de crises que la Côte d’Ivoire a connues, ces grandes sociétés ont disparu. La pression foncière étant forte parce qu’évidement la population augmente, l’Etat a dû recourir à une solution immédiate qui est celle du lotissement villageois fait par les privés. Malheureusement, force est de constater l’échec de ce système. Car, en dehors des conflits, les lotissements villageois entrainent des occupations anarchiques ne tenant pas compte des règles d’urbanisme. Heureusement, l’Etat a décidé de reprendre la main par l’aménagement foncier. Pour preuve, dans les semaines à venir, un vaste programme d’aménagement foncier dans tout le district d’Abidjan va être lancé par le Ministre Mamadou SANOGO. Concernant les lotissements villageois, nous sommes réalistes car nous savons qu’ils ne vont pas disparaître avec un coup de bâton magique. Mais avec de la bonne volonté, nous viendrons à bout de ce phénomène.
L’U : Parlant de chiffres, à combien dénombrez-vous le nombre de conflits réglés à ce jour ?
B.M : Au niveau de notre commission, de 2012 à 2015 nous avons eu à intervenir sur 500 cas de litiges, avec 34% réglés devant les tribunaux, et plus de 300 qui ont connu un dénouement heureux chez nous.
L’U : Les perdants ne sont-ils pas dédommagés ?
B.M : Malheureusement la terre n’est pas extensible à souhait. A l’époque il se trouvait une solution médiane avec proposition de terrains de compensation ; mais aujourd’hui, convenez avec moi que du fait de la rareté du foncier, il n’est plus possible de régler ces litiges en offrant des terrains de compensation. Quand l’Administration donne une décision, ce n’est pas le dernier recours, la loi vous permet d’exercer d’autres moyens de recours.
L’U : Pourquoi selon vous, l’essentiel des conflits, soit près de 98% se passent à Abidjan ?
B.M : Abidjan est une ville prisée et je vous en donne d’autres précisions ; Cocody et Yopougon sont respectivement premier et second en classement de zones litigieuses ; cela exprime la volonté manifeste des populations d’habiter ces quartiers. Et ces litiges sont de divers ordres : Litiges entre communautés villageoises, litiges entre particuliers, litiges entre communautés et particuliers et des litiges entre communautés et personnes morales.
L’U : Vous avez tantôt dit que le Ministère reprenait la main dans la gestion du foncier, comment se déroule véritablement ce retour de l’Etat ?
B.M : On reprend la main en assurant la purge des droits coutumiers. L’Etat, pour cause de quelques difficultés, n’arrivait plus à faire face à la purge des droits coutumiers ; pour compenser cela, on permettait aux villageois d’avoir des terrains en nature. Mais aujourd’hui, l’Etat a décidé de payer la purge des droits coutumiers avant de récupérer le terrain ; il n’y a donc plus de raison d’opposition des villageois aux projets de l’Etat. Il faut dire que nous sommes en bonne intelligence avec les villageois et chaque fois que nous les sollicitons pour l’obtention de terre dans leurs villages, nous réunissons la communauté à cet effet. Nous purgeons correctement leur droit et je puis vous assurer que tout se passe bien.
L’U : Est-ce à dire que chaque communauté aura donc désormais ses droits purgés et que plus jamais un privé ne pourra se rendre lui-même dans un village pour chercher du foncier ?
B.M : Justement j’aimerais profiter de cette opportunité pour sensibiliser les entreprises qui malheureusement se rendent dans les villages pour contracter avec les autorités coutumières. Je rappelle que depuis 1993, un décret portant sur la purge des droits coutumiers a été pris par le Président de la République de l’époque. C’est dire que tant que le terrain est dans un cadre coutumier, on ne parle donc que de purge et ce décret encadre bien cela.
Nous invitons donc toutes les personnes morales à la recherche d’espaces dans un village, à prendre contact avec le Ministère de la Construction pour être accompagné, afin d’éviter de se faire gruger.
L’U : Quelles sont les dispositions à prendre pour sécuriser un lot ou une parcelle ?
B.M : Au Ministère de la Construction, nous avons le devoir d’encadrer nos concitoyens afin qu’ils puissent être en pleine propriété. Si vous voulez acheter un terrain, demandez au vendeur de vous présenter un ACD. Mais s’il s’agit d’un terrain issu d’un lotissement villageois, je donnerai une seule adresse : Cité Administrative Tour D 26ème étage porte 23 ou nous contacter au 20 21 13 30 pour avoir toutes les informations. Il n’est donc plus question d’acheter des terrains entre “quatre murs” car nous sommes là pour conseiller.
L’U : C’est dire que tant que ces achats de terrains se feront de la sorte, votre commission sera toujours amenée à siéger ?
B.M : Oui malheureusement, tant que les Ivoiriens continuerons d’ acheter des terrains entre quatre murs.
L’U : Quand vous siégez les décisions sont difficiles et vont jusqu’aux destructions d’immeubles. Comment cela se fait-il ?
B.M : Au niveau des démolitions, je voudrais apporter quelques éclaircissements. Toutes les démolitions ne sont pas forcément faites par le ministère de la construction. Il arrive par exemple qu’une personne soit détentrice d’une parcelle avec un titre de propriété, et au mépris de ce titre de propriété, quelqu’un d’autre vient s’installer sur ce terrain ; dans ce cas, la loi lui donne carte blanche pour démolir ce que ce dernier a érigé dans la mesure où notre constitution protège la pleine propriété. Nous constatons également que des gens, pour sécuriser leurs terrains, vont y construire des clôtures. Ce que ces derniers ne savent pas, c’est que seul un titre de propriété qu’est l’ACD peut sécuriser leur terrain.
Quand vous avez un chantier, il vous est recommandé d’indiquer les références du Permis de Construire sur un panneau de chantier bien en vue, de sorte que nos agents n’aient plus à vous interpeler sur certaines informations. Dans le cas contraire, vous êtes convoqués par nos services pour fournir les preuves de l’autorisation de construire. Mais, si des éléments manquent au dossier et que malgré cela vous continuez les travaux, l’Etat procède purement et simplement à la démolition de votre édifice et cela, à vos frais.
L’U : C’est ce qui explique les croix en rouge sur les murs ?
B.M : Evidemment ! C’est pour dire que toutes les démolitions ne sont pas consécutives à des litiges. Celui qui se trouve dans la situation citée plus haut, qui est un contrevenant et qui ne fait rien pour arranger son cas verra sa construction démolie. Pourtant, le Ministre de la Construction et de l’Urbanisme, ayant constaté les difficultés liées à l’obtention du Permis de Construire, a initié des reformes et a repensé le système d’obtention du Permis de Construire par la création aujourd’hui du Guichet Unique du Permis de Construire ; ainsi en 21 jours, on obtient le Permis de Construire. Il n’y a donc plus de raison qu’aujourd’hui quelqu’un entreprenne des travaux sans Permis de Construire.
L’U : Quand votre commission donne des décisions de démolitions, est-ce la force publique que vous utilisez ?
B.M : Non, nous avons au sein du Ministère de la Construction, un service appelé Brigade d’Investigation qui joue ce rôle ; c’est un service très important.
L’U : Mais ces signes sur les murs sont souvent sujets à interprétations ; d’aucuns y voient un préalable à la négociation.
B.M : Justement pour lever tout équivoque, nous avons trouvé une formule pour contrôler toutes les convocations fournies par nos services déconcentrés. Chaque convocation donnée est dupliquée et périodiquement, un bilan est fait quant à la suite qui a été donnée à chacune d’elles ; en un mot, nous suivons chaque convocation.
L’U : Aujourd’hui, vous avez pris des décisions pour que vos agents soient plus efficaces et moins liés à ces questions d’intermédiaires et de corruption, qu’en est-il sur le terrain ?
B.M : Bien sur, cela fait partie des reformes qui ont été entreprises par le Ministre Mamadou SANOGO. Le traitement numérique des demandes a remplacé le traitement manuel . A notre prise de fonction, la tour D avait des allures de foire d’exposition à cause des démarcheurs qui y foisonnaient. Mais quand le traitement numérique a commencé à fonctionner, ces démarcheurs ont progressivement quitté le circuit. La dématérialisation du traitement des actes a créé plus de visibilité dans le circuit de traitement, car le traitement manuel qui était à la base de certains tripatouillages est exclu. Mais aussi, nous travaillons sur l’être humain, sur le moral des agents ; en un mot, à travers des visuels de sensibilisations, des séminaires de formations, nous les sensibilisons quant à leur responsabilité. Cela va continuer pour assurer un service de qualité à nos compatriotes.
L’U : Dites-nous les délais d’obtentions des demandes d’actes au Ministère de la Construction et de l’Urbanisme ?
B.M : Pour le Permis de Construire, le délai d’obtention est de 21 jours et pour l’ACD qui était auparavant de 06 mois, il a été réduit à 21 jours sous réserve du cadastre foncier et de la conservation foncière.
L’U : Pour terminer, quelles sont alors les dispositions que le citoyen doit prendre avant d’acheter un lot afin d’éviter les litiges fonciers ?
B.M : Avant d’acheter un terrain, il faut s’assurer que l’approbation a été faite et nous avons dédié un service à cet effet. Mais il, est évident que pour un terrain ou le vendeur à un titre de propriété foncière c'est-à-dire un Certificat de Propriété Foncière ou un ACD (Arrêté de Concession Définitive) qui est à ce jour le seul acte qui confère la pleine propriété ; vous consultez un notaire. Par contre, si le vendeur ne détient aucun de ces documents, je vous conseille de venir prendre les informations utiles à la tour D, 26ème étage, porte 23 .
Arouna B.