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Société Publié le mercredi 5 avril 2017 |

Crise dans la filière café-cacao

© Par DR
Un collectif d`avocat annonce une plainte contre le Conseil du café-cacao au nom du SYNAP-CI
Un collectif d’avocat annonce une plainte contre le Conseil du café-cacao au nom du SYNAP-CI
• La requête pour 9 audits sera présentée devant le Tribunal

Me Mamadou Lamine Diarrassouba, au nom d’un collectif d’avocats, a animé une conférence de presse, mercredi 5 avril 2017, à la Maison de la presse d’Abidjan-Plateau (Mpa). Il a annoncé qu’il déposera au nom du Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire (SYNAP-CI) de Koné Moussa une plainte contre le Conseil du café-cacao (CCC) et des exportateurs relativement à la crise dans la commercialisation du cacao. Ci-dessous l’intégralité de la déclaration de l’avocat principal du SYNAP-CI.


Messieurs les journalistes et professionnels des médias,
Chers parents paysans de la filière café-cacao
Honorables invités et amis de la cause paysanne et notamment de la filière café-cacao
Merci d’être venus si nombreux

Cette conférence de presse et notre intervention de ce jour sont à la demande de notre client, le SYNAP-CI (Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire) dont le Récépissé de dépôt n°22/DA/DGA/2007 a été publié au J.O. n°10 du 6 mai 2010. Tel. +22520220603, Fax 20220604, Site internet : www.synapci.org,
Le collectif des avocats ici présents : Me Mamadou Lamine Diarrassouba représente le SYNAP-CI représenté par son président, Monsieur KONÉ MOUSSA, planteur de nationalité ivoirienne et l’ensemble de son bureau de même que et le collectif des producteurs et planteurs de la filière café-cacao sur toute l’étendue du territoire national.
Vous l’aurez compris, nous entendons vous entretenir sur la crise du cacao, surtout de sa mévente, de l’engorgement des ports et usines d’achat et surtout de la détresse de nos braves paysans, mais également, comme notre pays fait du dialogue son modus operandi, sur les pistes de réflexion et les actions à venir.
La filière cacao représente un enjeu crucial pour l’économie de la Côte d’Ivoire. Elle a contribué pour 15% à 20% à la formation du PIB ivoirien durant ces dernières années. Et jusqu’à la fin des années 70 elle était au cœur du « miracle ivoirien ».

Aujourd’hui encore nous pouvons nous enorgueillir d’occuper le premier rang mondial de producteur de cacao dans le concert des nations. Plus de 3,5 millions de nos concitoyens vivent grâce à la production de cacao.

L’enjeu du cacao est énorme !
Le Gouvernement ivoirien en a toujours été conscient et a tout de suite, après la crise post- électorale, entrepris d’encadrer la filière café et cacao.

Pour ce faire, le Gouvernement a édicté une ordonnance n°2011-481 du 28 décembre 2011 fixant les règles relatives à la Commercialisation du Café et du Cacao et à la Régulation de la filière Café-cacao ;
Selon le ministre Sangafowa Coulibaly l’objectif est le renforcement de la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des ressources ainsi que le développement d’une économie cacaoyère et caféière durable à travers la réorganisation de la production et l’amélioration de la productivité « La gestion et la régulation de la filière café-cacao seront concédées par l’Etat à une structure unique. Cette structure de régulation et de stabilisation sera administrée sur une base paritaire entre l’Etat et l’inter-profession (producteurs, exportateurs) au sein du conseil d’administration » (Tribune de l’économie du 8 novembre 2011)

Le texte crée un organe, dénommé Conseil du café-cacao, chargé de la régulation de la filière Café-Cacao et de la stabilisation desdits produits.

Les objectifs annoncés du Conseil Café-Cacao visaient notamment la restructuration de la filière censée garantir un niveau de vie décent aux planteurs par la fixation d’un prix d’achat du cacao, et améliorer la qualité des fèves de cacao en imposant un cahier des charges plus strict.
L’article 16 de l’ordonnance in fine confie au Conseil du café-cacao le soin de « constituer un Fonds de réserves pour la stabilisation de la Filière Café-Cacao ».
Le Fonds de réserves devant servir à compenser, en cas de crise, le manque à gagner des planteurs et producteurs et relancer les exportations.

Nous y voilà au cœur du sujet qui nous réunit ce matin.

Chronologie des faits
le 1er octobre 2016, le Conseil café-cacao ouvrait la campagne cacao 2016-2017. Une campagne très prometteuse pour le planteur puisque pour la première fois le prix bord-champ se situait à 1100 FCFA.
Mais dès le 20 novembre 2016, les planteurs et producteurs de la filière commençaient à rencontrer d’énormes difficultés quant aux opérations de réception, de déchargement et d’écoulement de leurs produits sur l’ensemble du territoire national.

Raisons invoquées : baisse des cours sur la place de Londres consécutive à une surproduction au plan mondial.

Le Conseil du café-cacao suspend son mécanisme de vente par anticipation pour tenir compte de cette chute dans l’espoir de voir une remontée des cours.
Pour les planteurs, la situation est des plus dramatique :
Ils arrivent aux portes des usines de collecte et de vente agrées avec leurs cargaisons de produits sans pouvoir les décharger. Et pourtant le connaissement électronique a été au préalable effectué et validé par le Conseil café-cacao.
Conséquences :
- Depuis plusieurs mois, d’innombrables stocks de cacao sont en rade dans les ports, moisissant dans des camions immobilisés en attente de déchargement. Le conseil du SYNAP-CI a fait le constat par voie d’huissier des camions non déchargés dans plusieurs villes du pays dont San Pedro, Man, Soubré, Daloa, Guiglo, Duékoué, Séguéla. Partout les compte-rendus sont identiques.
Selon un reportage de RFI du lundi 3 avril 17 350.000 tonnes environ seraient concernés par cette situation.
- Le coût d’immobilisation de centaines de camions depuis plusieurs mois dans les ports d’Abidjan et de San Pedro dépasse aujourd’hui les capacités de règlement des planteurs et producteurs ;
- A cela s’ajoutent des frais annexes, notamment le prix du gardiennage prolongé des produits et des camions.
- Pour finir, les planteurs et producteurs sont au quotidien harcelés par des acheteurs véreux qui tentent de les dépouiller de leurs récoltes à vil prix.

Les actions du SYNAP-CI
Devant la détresse des paysans et leur désarroi le SYNAP-CI a initié plusieurs actions :
Il a notamment tiré la sonnette d’alarme et par écrit a exprimé à maintes reprises ses inquiétudes et préoccupations successivement au :
- Le 07.02.2017 au ministre de l’agriculture et du développement rural avec ampliation au Premier Ministre, au Président du Conseil café-cacao, au préfet de Région d’Abidjan, à la directrice du conseil café-cacao, à la Banque mondiale, à l’ambassadeur de l’Union européenne, au GPEX à l’UCOPEXCI.
- Le 20.03.2017 au président du conseil café-cacao pour le remercier de l’initiative qu’il avait prise trois jours auparavant, soit le 17.03.17 , d’associer le SYNAP-Ci à la rencontre qu’il avait initiée afin d’échanger sur la crise du moment. Le SYNAP-CI a noté dans cette adresse que les sept points de leurs revendications avaient été pris en compte.
- Le 27.03.2017 au président du conseil d’administration de l’organe chargé de la régulation de le filière café-cacao pour lui rappeler les convergences d’opinion qui étaient ressorties de la précédente rencontre et également les points de divergence. Mais plus principalement pour mettre en demeure la direction générale du conseil café-cacao, sous 48 heures pour activer le fonds d réserves à hauteur de quatre-vingt milliards de FCFA. Au bénéfice des producteurs à travers leurs coopératives et à procéder au déblocage et à la normalisation de la commercialisation intérieure du cacao. Des ampliations ont été adressées au Premier Ministre et au ministre de l’agriculture et du développement rural
- Le 28.03.2017 à Son Excellence Monsieur le Président de la République de Côte d’Ivoire pour lui rappeler succinctement l’origine des souffrances infligées à nos vaillants agriculteurs, les camions en rade aux abords des ports et usines de collecte, la détérioration des produits moisissant dans les camions, l’aggravation du montant des frais de transports et de gardiennage, l’immobilisme des structures de régulation. Nous l’assurons que nous sommes convaincus que quelle que soit sa réponse, celle.ci constituera nécessairement et assurément un soutien tangible aux braves paysans ivoiriens.
Maintenant essayons d’analyser cette crise et d’en situer les responsabilités au plan national.
Que la tendance baissière des cours du cacao soit d’origine exogène, nul doute. Qu’une surproduction au plan mondial soit la principale cause. Probablement. Etait-elle prévisible ? Assurément.
Les cours du cacao comme de bon nombre de cultures de rente sont pour le moment encore fixés sus les diverses bourses de Chicago, Londres ou Paris. Ils sont déterminés par le mécanisme de l’offre et de la demande. La tendance baissière des cours du cacao a été amorcée il y un peu plus de deux ans. Des frémissements étaient perceptibles. Son avènement a seulement été retardé par les mesures récentes dans le monde occidental de faire passer la part du cacao dans une barre de chocolat de 33 à 60%. Et puis l’offensive des pays producteurs de cacao pour conquérir des marchés à l’Est, notamment la Chine, n’a pas connu les résultats escomptés. Pendant ce temps les statistiques nationales sur le volume réel de production sont faussées par des récoltes nationales que l’on ne peut déclarer. Par exemple les récoltes issues d’exploitations situées dans des forêts classées. Oui, on pouvait prévoir la surproduction si un organe de veille et d’alerte dument équipé pour conduire des analyses fines était opérationnel au sein de nos instances de régulation de la filière

La chaine des responsabilités
La chaine des responsabilités dans cette crise est simple à établir : elle va à rebours de l’ensemble de la structure de commercialisation.
Le dernier maillon de la chaine est celui des exportateurs. C’est le premier responsable dans la chaine des responsabilités.
Le deuxième responsable est celui qui a sélectionné et agréé l’exportateur : le conseil café-cacao
Le troisième et dernier responsable est la structure de tutelle du conseil café-cacao : le ministère de l’agriculture et du développement rural.

Les exportateurs
Les exportateurs se composent de sociétés commerciales et de sociétés coopératives. Pour la campagne 2016-2017, ils sont au nombre de 93. (59 sociétés commerciales et 34 sociétés coopératives). A titre indicatif notons que pour la campagne 2008-2009 ils étaient au nombre de 48. C’est dire l’engouement pour le secteur. Nous avons entre nos mains de nombreux chèques bancaires émis par certains exportateurs au profit de producteurs de cacao qui sont revenus impayés. D’où le questionnement de leur réelle capacité à participer à la chaine de commercialisation de produits aussi sensibles pour le pays tels le café et le cacao.

Le conseil café-cacao et ses critères d’agrément
La campagne 2012-13 a fait l’objet d’un audit commandé par le conseil café-cacao. Le très sérieux cabinet PWC a attiré l’attention de la direction générale du conseil sur la faiblesse des critères de sélection, lui recommandant de ne pas regarder uniquement le capital du soupirant mais surtout sa réelle capacité financière et de solvabilité. Depuis aucun autre rapport annuel d’audit n’a été commandé comme l’exige cependant son règlement intérieur.

Le ministère de l’agriculture et du développement rural
Le ministère de tutelle initiateur de la nouvelle réforme de la filière n’est guère allé jusqu’au bout de celle-ci. La représentativité des planteurs au sein du conseil café-cacao par leur inter-profession n’a jamais pu être réalisée au bout des trois ans que l’on s’était donné pour le faire. Aussi l’on est droit de se poser la question de la validité juridique des décisions du conseil depuis l’expiration du délai. Par ailleurs cette situation a permis de créer des positions dominantes des exportateurs face aux planteurs quant à commercialisation du produit. (Art. 17) Les exportateurs ne sont pas au port mais également sur le bord des champs.

Le fonds de réserve
Le SYNAP-CI rappelle que, en son article 25, l’Ordonnance n° 2011-481 du 28 décembre 2011 fixant les règles relatives à la Commercialisation du Café et du Cacao et à la Régulation de la Filière Café-cacao charge le conseil d’administration notamment d’organiser et de contrôler la commercialisation intérieure et extérieure du café et du cacao… et de mettre en place un système de compensation entre le prix d’achat garanti aux producteurs et le prix de vente à l’exportation du café et du cacao.
Sur ce dernier point, l’article 44 du même texte crée à cet effet un « Fonds de réserves alimenté par des prélèvements sur la commercialisation extérieure du café et du cacao ».
Notre pays dispose pour ce faire de deux fonds de stabilisation : le Fonds de réserve technique, approvisionné par le gouvernement pour garantir la viabilité du système des ventes anticipées à la moyenne, estimé à 170 milliards FCFA en décembre 2016 ; et un second, auprès de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) sur lequel il y avait au mois de décembre dernier FCFA 70 milliards.
Ces chiffres sont ceux du Gouvernement.
La raison unique de constitution du Fonds de réserves est de le faire intervenir dans la circonstance d’une baisse du prix du café-cacao bouleversant l’économie des producteurs.
Il n’échappe à personne que c’est le cas en l’espèce.
Le conseil d’administration de l’organe de régulation demeure taisant alors même qu’il lui revient de « décider de l’affectation des soldes des campagnes Café-Cacao antérieures », une attribution qu’il ne saurait déléguer, comme le prescrit l’article 25 de l’ordonnance précité.
L’inaction et le silence de l’organe de régulation du café-cacao heurte au-delà même des cacaoculteurs l’écrasante majorité des Ivoiriens vivant et dépendant de la filière café-cacao.
Les mesures jusque là annoncées notamment par la Direction générale du Conseil du café-cacao sont malheureusement des dispositions d’ordre conservatoire ou d’administration alors même que sont légitimement attendues des mesures de soutien concret aux acteurs agricoles enlisés dans cette crise.
Ce qui amène tout naturellement le quidam à se poser une question simple : où sont passés les fonds de réserve ?
Force est de constater que, à ce jour, aucune diligence du SYNAP-CI n’a abouti.
Nouvelles initiatives du SYNAP-CI
Dans ces circonstances, le SYNAP-CI est contraint de suivre la voie judiciaire en vue de faire valoir ses droits et ses intérêts ainsi que ceux de ses membres.
Une assignation visant le Conseil du café-cacao et les exportateurs agréés devant les juridictions sera servie dès vendredi.
Le SYNAP-CI présentera également auprès du tribunal la requête de plusieurs audits. Ces audits sont exclusivement en rapport avec les prélèvements parafiscaux sur le prix de vente à l’export du cacao. Les planteurs sont par conséquent fondés à savoir les destinations et utilisations desdits prélèvements étant entendu que c’est le fruit de leur travail. Il s’agit :
1. un audit sur le budget du conseil café-cacao
2. un audit sur la contribution aux budgets des organismes internationaux
3. un audit sur la subvention à la chambre d’agriculture
4. un audit sur la subvention FIRCA
5. un audit sur la redevance pesage
6. un audit sur le contrôle qualité
7. un audit sur la redevance sacherie brousse
8. un audit sur le fonds d’investissement agricole
9. un audit sur le fons d’investissement en milieu rural
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