Félix Houphouët avait porté pour l’essentiel de sa gouvernance quatre qualités humaines : l’humilité, la tolérance, le dialogue, le pardon. Pendant longtemps, Félix Houphouët-Boigny va s’employer à parler aux Ivoiriens en s’appuyant sur l’option de l’amour. Et sur ce plan symbolique, Félix Houphouët-Boigny connaissait parfaitement ‘’l’histoire’’ de chaque région de la Côte d’Ivoire, où dans une cohabitation pacifique, l’homme savait parler aux Ivoiriens le même message, mais de façon différente. Dans cet esprit, Félix Houphouët-Boigny assumait son rôle de président de la République, de Chef d’Etat, protecteur des populations ivoiriennes. Bien qu’il soit du groupe Akan, populations originaires du centre de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny savait parler aux 70 ethnies de son pays : un mouvement de sagesse dont il avait lui-même le secret. Ce qu’il disait à un bété ; Akyé, wêbê, Krou, il le disait exactement à un Abbey, Abouré, Malinké, Sénoufo ; mais en s’appuyant sur l’histoire de chaque région. Aussitôt, Félix Houphouët-Boigny va se rendre plus utile à la Côte d’Ivoire, en offrant à chaque région la fête tournante de l’indépendance, Bouaké, Korhogo, Man Abengourou, Odienné, Séguéla, Katiola… Une gouvernance de choix avec un pacte de géo-politique et économique. C’est pour cette raison que nous pouvons dire que Félix Houphouët-Boigny avait ‘’un amour-passion pour les Ivoiriens. Man, Katiola, Bouaké, Seguéla, Odienné, Korhogo devenaient les pôles de développement à mission institutionnelle énergétique, minière, agricole, hydraulique. Les choses étaient claires. Le développement humain, social, culturel, économique n’aurait guère de sens, si Félix Houphouët-Boigny n’était pas à la fois dedans et au dehors de ce plan fabuleux du miracle économique de la Côte d’Ivoire. L’homme était Ivoirien, était un grand sage baoulé. C’est très vraisemblablement à l’escale de sa vie politique que le Président Félix Houphouët-Boigny voyait un ‘’vide de sagesse’’ envahir la Côte d’Ivoire. De ce schéma de vision, il voit sa propre mort. Une logique qui lui permettait à y regarder de plus près l’effondrement de tout son système de gestion politique, humaine, culturel. Félix Houphouët-Boigny n’avait pas le choix. Il fallait passer la vitesse supérieure. C’est-à-dire se mettre en état d’avertissement. « Vous cherchez le Président Félix Houphouët Boigny avec torche, en plein jour », avait prédit Laurent Donan Fologo, alors Secrétaire général du PDCI et super ministre. Aujourd’hui, 24 ans après la mort de l’enfant de Yamoussoukro, Fologo a vu juste. Confirmé dans la foi, ce qu’il avait vu en songe. D’où une remarquable cacophonie de succession de personnages politiques à la tête de la Côte d’Ivoire drapée dans un coup d’Etat en 1999 et une rébellion armée le 19 septembre 2002. Félix Houphouët-Boigny a eu raison. Sa dissertation sur l’esprit constitutionnel faisant Henri Konan Bédié son dauphin a été malmenée par le Pdci lui-même. Aujourd’hui, après 57 ans d’indépendance et 24 ans après la mort de Félix Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire vit dans un contexte ni vie, ni mort. Ni paix, ni guerre. A mon avis, c’est sur cet ensemble d’orgueil des Ivoiriens que l’histoire de l’indépendance politique de la Côte d’Ivoire jugera la célèbre phase de Félix Houphouët-Boigny qui dit : « le vrai bonheur, on l’apprécie lorsqu’on l’a perdu ».
Ben Ismaël
Ben Ismaël