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Afrique Publié le mardi 23 janvier 2018 | Diasporas-News

George Weah : Le fabuleux destin de Mister George

© Diasporas-News Par DR
Cérémonie d`investiture du Président élu du Libéria, S.E.M George Manney WEAH
Lundi 22 janvier 2018. Libéria. Le Président de la République, Alassane OUATTARA, a pris part, au complexe sportif Samuel Kanyon Doe​ de Paynesville, à la cérémonie d`investiture du Président élu du Liberia, George WEAH.
L’ancien footballeur professionnel, George Tawlon Manneh Oppong Ousman Weah vient d’être élu président du Libéria à la suite du deuxième tour de la présidentielle dans son pays. Si l’ancienne star du ballon rond bénéficie du soutien populaire, il devra convaincre sur sa capacité à être un bon président.

Il faut croire que le conseil de George Weah a été suivi à la lettre par les électeurs libériens. « Ne buvez pas trop à Noël afin de pouvoir vous réveiller le lendemain pour aller voter. Cette élection est cruciale pour le pays.» Lorsqu’il a eu connaissance de la date du second tour, Weah a compris que ces élections pouvaient se jouer sur la lucidité de ses concitoyens. Qu’il pouvait les remporter ou les perdre à cause d’un…verre d’alcool de trop. Les Libériens ont voté mardi 26 décembre, le lendemain de la Nativité, avec sept semaines de retard sur le calendrier initial pour déterminer qui, de la légende du football George Weah ou du vice-président Joseph Boakai, succéderait à Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue chef d’Etat en Afrique. Avec 61,5% des voix, un ancien joueur de football succède donc au prix Nobel de la paix 2011. Tout un symbole.

Et il en a pleuré Mister George. L’enfant du bidonville de Clara Town, élevé par sa grand-mère, est devenu, à 51 ans, le président du Libéria. Déjà, sa réussite sportive avait fait de lui un homme très populaire chez les classes défavorisées. C’est cet homme venu du ghetto que les électeurs ont préféré à Joseph Boakai. Si le second, 73 ans, misait sur son expérience de la politique, la fraicheur et la relative jeunesse de Mister George ont fini par séduire les votants. Il y avait un grand besoin de renouvellement de la classe politique au Libéria. Lorsqu’il s’était lancé en politique, il y a quelques années, Weah avait bien fait comprendre au peuple qu’il voulait lui redonner le pouvoir. Il trouvait anormal qu’une petite élite bourgeoise s’accapare toutes les ressources du pays. Avec ce qu’il a gagné comme argent personnel dans sa carrière, il pouvait rester tranquillement dans son coin. Mais se sentant investi d’une mission pour son pays qui sortait à peine de la guerre civile, il s’est lancé en politique sans y connaitre grand-chose mais avec la détermination du grand champion qu’il a été. Et au fil des années, il a appris, même bien appris les codes de ce nouveau métier.

Favori après être arrivé en tête du premier tour en remportant 11 provinces sur 15, l’ancien joueur du PSG et du Milan AC a gommé ses deux premières tentatives soldées par autant d’échecs en 2005 et 2011. S’il avait réussi à être élu Sénateur de Monrovia, la province la plus peuplée du pays en 2014, on savait que la magistrature suprême était son unique objectif. Cette fois-ci, il a remporté 14 provinces sur 15. Et même l’ancienne présidente, Ellen Johnson Sirleaf, sentant le vent tourner, avait commencé à prendre ses distances avec son ancien vice-président. Elle n’a participé à aucun meeting de Boakai ni accepté d’être prise en photo avec lui.

Le nouveau président doit prendre ses fonctions le 22 janvier 2018. Il aura eu à peine le temps de savourer sa victoire. Et les défis sont nombreux. George Weah devra tout de suite convaincre sur sa capacité à être un bon chef d’état. Il devra profiter de l’état de grâce qui l’accompagne pour montrer qu’il est l’homme de la situation, celui capable de réformer le Libéria en profondeur. Ce qui est loin d’être une sinécure. Car ceux qui doutent de ses capacités ne le lâcheront pas. Ils viseront le moindre couac pour rappeler au peuple que le foot et la politique sont deux champs d’expression diamétralement opposés. Mais, sans augurer de ce que sera la présidence de George Weah, force est de reconnaître le fabuleux destin de celui en qui les Libériens viennent de placer leur espoir. Ballon d’Or un 26 décembre 1995, il devient président un 26 décembre 2017 !

L’élection de Weah, le candidat de la coalition pour le changement, marque un tournant dans l’histoire du Liberia. C’est la première fois qu’un président libérien n’appartient pas à l’élite "américano-libérienne", issue d’esclaves affranchis qui a dominé la plus ancienne république d’Afrique depuis sa création, à l’exception de la présidence de Samuel Doe (1980-1990). C’est la première transition démocratique depuis trois générations dans ce pays anglophone ravagé par une guerre civile ayant fait quelque 250.000 morts entre 1989 et 2003, un pays entré en récession en 2016 sous l’effet de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest et de la chute des cours de ses matières premières, notamment l’hévéa et le fer. Sans oublier la corruption généralisée qui gangrène toutes les strates de l’administration libérienne. Mais il est optimiste : « C’est avec une profonde émotion que je remercie les Libériens de m’avoir donné leurs votes aujourd’hui. L’espoir est immense. »

Le président George Weah a donc du pain sur la planche. Il sera jugé à l’aune du développement et de l’emploi, dont il a fait ses priorités. Même si les dernières heures de sa campagne ont pris des allures nationalistes, avec des phrases comme « donnez le pouvoir aux vrais Libériens », il sait qu’il doit rassembler. Les dernières défections au sein du camp rival ont laissé des traces. Y arrivera-t-il, et avec quelle stratégie ? Va-t-il se compromettre en travaillant avec les caciques de l’ancien régime qui l’ont rejoint toute honte bue? Son appel au calme lors du report du second tour avait été largement respecté par ses partisans. C’est un bon point pour lui. Mais il marche sur des œufs d’autant plus que l’attelage qu’il forme avec l’ex-épouse de l’ancien président Charles Taylor fait jaser.
Se présenter comme « le gamin des bidonvilles, celui qui a connu la faim, la voix des sans voix, un père de la nation, et un artisan de la paix » est une excellente propagande électorale. Mais cela ne fait pas un programme de gouvernement. Et c’est là aussi que Weah devra convaincre à l’international toutes les institutions à même d’aider au développement de son pays. Avec l’élection d’Emmanuel Macron en France, un vent de ‟jeunisme” souffle sur la politique mondiale. Et George Weah devrait en bénéficier dans les premières semaines de son mandat. Il doit agir vite et bien pour convaincre les derniers sceptiques. Le Ballon d’or du football le sera-t-il aussi en politique ? Qui sait si Weah est, en définitive, le cadeau de Noël tant attendu pour le Libéria ?

Malick Daho
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