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Sport Publié le samedi 4 août 2018 | APA

Gohi Marc, le gardien du temple Mimos et des Eléphants de Côte d’Ivoire

© APA Par DR
Gohi Marc, le gardien du temple Mimos et des Eléphants de Côte d’Ivoire
Marc Gohi, gardien de but, figure emblématique du football, a marqué l’histoire de l’Asec Mimosas, son « club de cœur » et des Eléphants de Côte d’Ivoire dans les années 70. Portrait.

Professeur d’éducation sportive à la retraite, Irié Bi Gohi Foua Marc dit Marc Gohi, la soixantaine largement entamée, s’est intéressé au football, très tôt, « comme tous les jeunes de mon quartier à Adjamé 220 logements où j’habitais avec mon grand-frère », raconte celui que le journaliste ivoirien Nasser El Fadel décrit comme « le gardien du temple ».

Mais au début de son immense carrière de footballeur, Marc Gohi était un attaquant et son grand gabarit l’y prédisposait. « Je marquais en moyenne deux buts par match », se souvient-il.

«Lors d’un match inter quartier, face à l’indisponibilité du gardien titulaire, le coach m’a demandé de prendre les poteaux. A l’issue d’un match extraordinaire livré ce jour-là, il m’a convaincu d’être le gardien de notre équipe, l’AS Monaco des 220 logements. Nous portions les mêmes maillots que l’AS Monaco en France pour jouer les différents championnats des jeunes des 220 logements», se rappelle-t-il.

C’est le début d’une carrière époustouflante qu’il mènera pendant huit ans (1971-179) à l’Asec Mimosas son « club de cœur » où il est arrivé grâce à « un ami de quartier, Benjamin Djédjé qui y jouait déjà, en catégorie junior ».

Lors du test de recrutement, au bout de 20 minutes, l’entraineur des juniors de l’Asec, d’alors, Mamadou Sylla, impressionné et convaincu par ses qualités, le sort du terrain pour lui signifier qu’il est retenu et qu’il pouvait revenir dans un mois.

« Lorsque je suis revenu, on m’a donné une paire de magres alors que les autres se débrouillaient pour avoir des chaussures d’entraînement. Malgré cette attention du staff technique, je ne venais pas aux entraînements parce que, je me croyais meilleur », poursuit l’ex-international ivoirien. Il paie cash cette petite « suffisance ». Le coach Sylla ne l’aligne pas pendant les matches, en dépit de sa « classe » naissante.

Après un match de haut vol pour sa première titularisation face au Stella Club, Marc Gohi recommence « à avoir la grosse tête » et joue « à cache-cache », selon lui, avec les dirigeants Mimos qui le cherchaient pour jouer en équipe première.

C’est, à l’issue d’une rencontre avec Amissa Komenan Jacques, le Secrétaire général du club d’alors, que Marc Gohi a décidé de rejoindre, quelques mois plus tard, le groupe senior de l’Asec qui regorgeait, déjà, des joueurs comme Eustache Manglé, Laurent Pokou…

« Ils avaient tous des frappes lourdes et j’avais le plus souvent les doigts enflés après les entraînements. En plus, j’avais rejoint une équipe qui comptait déjà six gardiens de buts en plus du titulaire Jean Kéita, mon idole et mon modèle qui reste pour moi, le meilleur gardien de but de l’Asec Mimosas de tous les temps », confie-t-il.

Marc Gohi doit sa titularisation en équipe senior de l’Asec après un match de championnat face à l’AS Divo battue (5-1). Ce jour-là, il a mis encadreurs et dirigeants d’accord sur ses talents. Mais, l’homme respectueux et honnête, au visage de masque d'ange Gouro que le sourire ne quitte jamais ne veut pas « frustré » son idole Jean Kéita pour le remplacer immédiatement.

« J’ai reçu sa bénédiction à la suite du match retour de la Coupe d’Afrique contre le Stade malien, au stade Houphouët-Boigny en 1971. Dans les vestiaires, il a mis la main sur ma tête et m’a dit : + Petit ! Je te laisse la place+. Il est effectivement parti et n’a plus jamais remis les pieds sur un terrain », relate M. Gohi, l’émotion encore dans la voix.

Pour succéder au mythique Jean Kéita dans les perches du club ultra-populaire du pays, il fallait une dose de courage. Et Marc Gohi en avait assez. Doué d'une intelligence, d'une maîtrise, hors norme, il avait en soi une « confiance » inébranlable en plus d’une tranquillité intérieure et une sérénité, qui lui permettaient de faire face à la pression de succéder à la légende Jean Kéita.

Avec plus de 50 sélections chez les Éléphants, Marc Gohi est encore nostalgique de cette élimination de la Côte d’Ivoire face au Congo de Paul Moukila en éliminatoires de la Coupe du monde 1974, au stade Houphouët-Boigny.

« Battus au match aller 1-0, nous devrions renverser la vapeur au Félicia. J’ai réuni mes coéquipiers en présence du coach Gérard Gabo pour faire la promesse de ne point encaisser de but même sur un pénalty. Et le coach qui m’amène dans son village à Kouté qui ouvre des malles pleines d’or me dit : si tu n’encaisses pas et qu’on gagne, nous reviendrons ici pour que tu te serves à ta volonté », raconte Marc Gohi.

Outre le sélectionneur national, un dirigeant lui fait la promesse de 700.000 FCFA en cas de victoire sans encaisser. « Mais après 36 minutes sur une action, je sens une déchirure interne au niveau des muscles de ma jambe gauche. J’ai serré les dents jusqu’à la pause. La douleur était tenace mais je ne dis rien à personne et je reprends la partie », poursuit-t-il.

Malgré cette blessure, il multiplie les arrêts et sur l’un, « je ressens une vive douleur. Etendu dans la surface, j’entends Moshé Inago crier au Coach, Marc est blessé. Il ne restait que 10 minutes à jouer et nous menions 2-0. Le Dr Constant Roux constate la blessure et ordonne ma sortie. Je lui supplie de me faire une infiltration pour terminer le match, il refuse. Et je sors pour être remplacé par N’guessan Akpi », relate Gohi Marc.

Sur le premier tir congolais, Akpi est battu et le Congo réduit le score à 2-1 qui élimine la Côte d’Ivoire. « J’ai quitté le terrain aussitôt pour rentrer à la maison. J’étais sidéré », fait remarquer Gohi Marc dont la « spéciale était le un contre un. Un attaquant face à moi, n’avait pas de chance de me marquer. Cependant, les tirs à distance me causaient beaucoup d’ennuis », reconnait-il.

Dans son modeste appartement de Yopougon-Sideci, Marc Gohi partage son quotidien entre visite aux amis, l’éducation de ses enfants et petits-enfants et surtout les matches de football à la télévision.

« Il m’arrive quelque fois d’aller assister aux compétions des jeunes », dit-t-il.

Le football ivoirien souffre, selon lui, de « manque d’infrastructures où les jeunes vont jouer. Le football, ce n’est pas la théorie, c’est la pratique. On peut avoir de nombreux centres de formation mais si les jeunes ne jouent pas pour être en situation de compétition, ils ne s’amélioreront pas. Or pour jouer, il faut des aires de jeu. A notre époque, dans chaque quartier on pouvait avoir trois à quatre terrains. Ce n'est pas le cas aujourd'hui », se désole l'ancien gardien de buts des Eléphants de Côte d'Ivoire.

HS/ls/APA
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