Le Centre suisse de recherches scientifiques d’Adiopodoumé célèbre ses 70 ans d’existence. Le Directeur Général, Pr Inza Koné, situe l’enjeu et évoque un colloque international qui aura lieu à cet effet.
Professeur, vous célébrez les 70 ans du Centre Suisse de Recherches Scientifiques. Que représentent 70 ans dans la vie de ce centre ?
Pour nous, 70 ans représentent l’âge de la maturité. Un âge où le centre doit faire son bilan en termes de recherches, de renforcement de capacités, de transformation de la société ivoirienne et de l’Afrique de l’ouest de façon générale. Nous devons célébrer ces 70 ans parce que le centre a connu plusieurs évolutions. D’abord au niveau institutionnel parce qu’à l’origine, le centre n’était qu’une station de recherches qui devait permettre aux chercheurs de l’Académie Suisse des Sciences Naturelles (ASSN) de mener des recherches en milieu tropical. Au fil des ans, il s’est transformé en plateforme de coopération Nord-Sud et ensuite Sud-Sud avant de devenir, pour finir, un centre de recherches à la dimension sous-régionale. Cette évolution institutionnelle a été accompagnée par une évolution thématique. Construit au départ pour mener des recherches dans le domaine de la biodiversité, c’est-à-dire, sur les milieux naturels, les thématiques se sont diversifiées au fil du temps pour s’orienter sur la santé animale, ensuite la sécurité alimentaire, la santé humaine, la gestion de l’environnement urbain et enfin les questions de gouvernance, de façon transversale.
Après 70 ans, quelles sont les perspectives du centre en termes de recherches ?
La perspective première est de renforcer la dimension sous-régionale du centre. Nous avons toujours eu une vocation sous-régionale, mais il faut reconnaître que la plupart de nos recherches sont restées en Côte d’Ivoire et ont porté sur la Côte d’Ivoire. Nous avons bien des collaborations dans la sous-région et au-delà ; , il nous faut renforcer ces collaborations en activant deux leviers. Le premier est d’intégrer les institutions sous-régionales ou à caractère sous-régional dans nos organes de gouvernance, notamment dans le Conseil scientifique et le Conseil d’administration. Le second levier est d’avoir des projets qui impliquent de plus en plus deux à trois pays de la sous-région, voire même plus de pays dans plusieurs domaines puisque le Centre Suisse est un centre à caractère pluridisciplinaire. Dans le domaine de la santé par exemple, nous avons un grand programme de renforcement des capacités des institutions de recherches et des acteurs dans dans le domaine de la recherche en santé sur le concept One Health. Ce programme permet de former des chercheurs seniors et juniors, d’acquérir des équipements de qualité sur les zoonoses, c’est-à-dire, les maladies qui se transmettent des animaux à l’homme et vis-versa. Au niveau de la sécurité alimentaire, nous avons un projet sur les cultures à base d’igname. Il faut rappeler que ce genre de culture demande énormément d’espaces et cause beaucoup de dégâts sur les sols. Cela fait par exemple que le paysan ne peut pas s’imaginer de cultiver l’igname sur la même parcelle, deux années de suite alors que de bonne pratiques agricoles permettent de le faire. Nous faisons donc des démonstrations grandeur-nature avec les paysans pour qu’ils comprennent qu’ils peuvent cultiver l’igname sur la même parcelle plusieurs années de suite tout en obtenant de bons rendements. Ceci leur permet de choisir le package de pratiques culturales qui leur sied. C’est ce que nous faisons au Burkina Faso, au Bénin et en Côte d’Ivoire. En plus de cela, dans le domaine de la biodiversité, nous nous lançons dans des projets transfrontaliers, des projets corridors, entre autres, entre la Côte d’Ivoire et le Liberia, et le Ghana et la Côte d’Ivoire. Dans ce domaine, nous avons eu deux projets qui permettent de mettre en synergie des acteurs de part et d’autre pour créer des couloirs écologiques pour permettre de favoriser la migration d’animaux entre ces pays.
Dans le domaine de la nutrition, nous avons travaillé sur la formulation des mets pour nourrissons. En outre, les carences observées au niveau de l’huile et de la farine vendues en Côte d’Ivoire ont permis l’adoption d’une politique de fortification de ces produits de grande consommation. . Donc grâce.
Vous êtes à votre 2e mandat qui coïncide avec les 70 ans. Quelle est votre vision en termes de gestion du centre de recherches ?
Mon premier mandat qui a duré trois ans était porté sur le renforcement de la dimension sous-régionale du centre et également sur d’autres aspects, entre autres, la révolution de la gouvernance, la consolidation de la santé financière et le maintien du niveau de la production scientifique. C’est justement parce que le bilan a été jugé positif que nous avons été reconduits pour un deuxième mandat. Ainsi, nous allons consacrer ce nouveau mandat à la consolidation de nos acquis en mettant l’accent sur les différents axes énumérés plus haut. Une autre chose que nous avons réussie est l’intégration des organes comme l’UEMOA dans notre conseil d’administration, d’une part et le Conseil ouest et Centre africain pour la recherche et le développement agricole (CORAF) dans notre conseil scientifique. C’était le volet diplomatie scientifique qui a été concluant. Maintenant, nous devons permettre à ces collaborations de porter leurs fruits à travers des projets avec ces institutions. Au niveau des infrastructures également, nous avons fait un certain nombre de choses très intéressantes parce que nous avons changé le paysage du centre en y ajoutant de nouvelles choses. Nous avons par exemple réalisé un bâtiment de type R+1 qui va abriter le Fonds National pour la Science, la Technologie et l’Innovation en Côte d’Ivoire (FONSTI).Nous avons par ailleurs inscrit nos laboratoires dans un processus d’accréditation Bonnes Pratiques de Laboratoires (BPL/GLP), nous allons faire notre possible pour disposer de salles de réactifs et développer les infrastructures pour mettre le Centre aux normes internationales les plus exigentes. C’est le défi auquel nous serons confrontés durant notre nouveau mandat. Au niveau de la production scientifique, nous faisons vraiment beaucoup ; au point où le Centre est positionné comme l’un des leaders en Côte d’Ivoire. Nous comptons pour 20% de la production scientifiques en Côte d’Ivoire avec seulement une centaine de chercheurs associés. En nombre absolu, nous sommes classés 3e après les Universités Félix Houphouët-Boigny et Nangui Abrogoua qui comptent de milliers de chercheurs. Nous continuons notre dynamique et pour cela, nous préparons nos chercheurs à être compétitifs surtout dans la mobilisation des ressources financières.
Vous parlez de la mobilisation des fonds. Comment sont financées les activités du Centre suisse ?
Pour ce qui est des activités de recherches, nous fonctionnons sur fonds propres. Il faut dire que nous bénéficions d’une subvention de l’État de Côte d’Ivoire et du gouvernement suisse parce que nous sommes sous la tutelle des deux pays. Mais ces subventions, mises ensemble, ne couvrent que 30% de notre fonctionnement. C’est dire que les subventions ne permettent pas de financer r la recherche. Dans ce cas, c’est la recherche qui doit nous permettre de financer le reste de nos activités et bien entendu, nous avons besoin d’avoir des chercheurs compétitifs et capables de mobiliser des projets d’une certaine taille pour que les frais administratifs appliqués à ces projets permettent de réaliser les infrastructures et de couvrir le fonctionnement. En gros, les projets se financent d’eux-mêmes et le Centre apporte la batterie de mesures d’accompagnement en termes d’appui administratif et logistique. C’est pour cette raison que nous voulons acquérir une certaine accréditation pour disposer de plus de chances. Nous sommes donc dans une sorte de partenariat gagnant-gagnant entre les chercheurs, qui sont affiliés aux universités publiques de Côte d’Ivoire et nous. Certains de ces chercheurs occupent des postes de responsabilités dans ces universités mais préfèrent héberger leurs projets ici parce que leurs gestions administratives et financières sont mieux maîtrisées à notre niveau.
Votre Centre est assez sélectif. Quels sont les critères de choix de vos chercheurs ?
Tout chercheur qui se sent talentueux et compétent peut venir au Centre Suisse. Nous donnons l’impression d’être assez sélectif parce qu’il n’est pas rare de voir certains de nos collègues des universités publiques dire qu’une fois que vous êtes au Centre suisse, vous avez tous les financements que vous voulez pour faire vos recherches. Cette conception est loin d’être le cas parce que, comme je l’ai dit, dans notre fonctionnement, ce sont les chercheurs qui sont à la base du financement du Centre. Il faut donc être un chercheur qui a de très bonnes idées et un chercheur qui est capable de transformer ses idées en projets, de convaincre les bailleurs avec ses idées pour mobiliser des fonds.
Le thème du colloque est « Le monde pour la durabilité : rôle de la recherche transformationnelle en Afrique subsaharienne ». A quoi ramène ce thème ?
Nous pensons qu’il faut repenser le monde pour la durabilité.
L’idée n’est pas forcément nouvelle parce que les Objectifs du Développement Durable (ODD) élaborés depuis 2012 vont dans ce sens. On se rend compte que face aux crises dont la Covid-19, les agendas qui ont été mis en place par rapport aux objectifs des ODD sont pratiquement mis de côté pour que l’humanité entière s’engage dans la riposte face à la Covid-19.
Nous voulons, à travers ce colloque, démontrer que si nous avions mis les agendas des ODD là où ils devaient être, on aurait pu éviter ce genre de crise.
Parce que ce sont des choses qui résultent des dysfonctionnements des milieux naturels. Pour relever ces défis, il faut que le politique prenne des dispositions de rigueur parce que si nous mettons de côté l’ensemble de ces agendas pour nous concentrer sur la riposte, nous n’attaquons pas le problème à la racine. Nous essayons donc de contribuer à susciter une certaine dynamique pour que les problèmes soient attaqués à la racine. Ce n’est pas en s’éloignant des ODD que nous parviendrons à assurer la durabilité de l’humanité. Ce colloque sera l’occasion de proposer ce que la recherche est capable d’apporter en termes de prospectives parce qu’il faut que la prospective revienne au cœur des actions pour la durabilité.
Le propre des scientifiques est de bousculer le politique. Ne craignez-vous pas que ce soit un colloque de trop ?
Non ! Mais votre question touche la problématique d’établissement du dialogue entre le scientifique et le politique. C’est en réalité à travers ce genre de colloque que le contact s’établit. Parce qu’il sera animé par des communications scientifiques mais également par des panels, entre autres, sur le mécanisme de financement de la recherche. Il y aura aussi des conférences en plénière notamment sur « L’impact de la Covid sur la sécurité alimentaire ». Sur ce sujet, une étude a été faite à l’échelle mondiale et l’un des principaux investigateurs sera là pour communiquer là-dessus. Nous serons dans notre rôle de produire des connaissances et de les mettre à la disposition du politique. Nous serons aussi dans notre rôle d’établir le dialogue entre les praticiens et le politique. Il y aura aussi une interactivité parce que le scientifique sera à l’écoute du praticien et vis-versa.
De quoi sera meublé ce colloque entre le 9 et le 11 septembre ?
Il y aura des conférences en plénière qui seront dites par des personnalités scientifiques ou politiques ou encore les deux, parce que certains scientifiques ont, à la fin de leur carrière, viré à la politique. Il y aura également des communications des chercheurs issus de différentes universités africaines, européennes et même américaines. Ce sont des personnes qui ont des choses à partager dans divers domaines, entre autres, la sécurité alimentaire, la biodiversité, dans la santé animale, humaine, l’éducation, la gouvernance. Des sujets qui permettent de contribuer efficacement à la réalisation des ODD. Mis à part ces communications, il y aura des panels dont un sur les mécanismes du financement de la recherche. Il y aura surtout une cérémonie de décoration des personnalités. Nous sommes en train d’introduire des demandes à ce sujet parce que nous estimons que des personnalités africaines et européennes ont contribué, de façon significative, au rayonnement du centre et, au-delà, de la recherche en Côte d’Ivoire.
Les conclusions du colloque seront-elles remises directement aux décideurs, pour le cas de la Côte d’Ivoire ?
Dans le cas de la Côte d’Ivoire, nous avons un Plan National de Développement (PND) et récemment un atelier a été organisé par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique sur le programme national de recherche pour permettre la réalisation de ce PND. A travers ce colloque, les décideurs pourront voir comment la recherche apporte des éléments nécessaires à la réalisation du PND à travers les recherches qui sont menées dans les institutions ivoiriennes et en s’inspirant aussi des recherches menées ailleurs, dans des environnements qui sont dans les mêmes réalités que nous. Par exemple, les pays de la sous-région ayant pratiquement les mêmes problèmes, des projets de certains pays pourront inspirer notre ministère de tutelle qui sera présent avec nous, avec le ministre lui-même et la Direction de la Recherche et de l’Innovation Technique.
Qui participent à cette rencontre scientifique et comment participent-ils ?
Les participants sont naturellement des scientifiques parce qu’il s’agit de recherche. En plus d’eux, les praticiens évoluant dans divers domaines sont attendus. Il s’agit, notamment des directeurs des programmes nationaux de lutte, entre autres, contre le paludisme, la trypanosomiase. Des coordonnateurs de programmes nationaux dans le domaine de la sécurité alimentaire, des ministères techniques et autres. Nous attendons aussi les politiques et surtout la presse parce qu’il s’agit de porter à la connaissance du monde les résultats de la recherche. Le colloque, faut-il le signifier, va être l’évènement phare de la célébration des 70 ans du Centre suisse mais aussi de la célébration de 60 ans des relations bilatérales ivoiro-suisses avec une très forte implication de l’ambassadeur suisse en Côte d’Ivoire et d’autres personnalités de ce pays.
Le centre fait-il des recherches au niveau des sciences sociales ?
Au Centre suisse, la sociologie occupe une place de choix dans les recherches. Initialement, le sociologue accompagnait chacun des groupes de recherche. Depuis quelques années, nous avons décidé de faire de la recherche en sciences sociales, un axe à part entière en créant un pôle de sciences sociales et un groupe de recherche dédié. Aujourd’hui, il faut mettre l’homme au cœur des thématiques de recherche pour qu’elles soient porteuses. C’est ce que nous essayons de faire depuis un certain nombre d’années.
La problématique des enfants en conflit avec la loi est-elle prise en compte par vos recherches en vue de proposer des solutions efficaces à ce fléau ?
Nous n’avons pas encore mené de recherches sur cette thématique en tant que telle mais nous n’excluons pas de le faire. Nous avons un plan stratégique qui dit que les recherches en sciences sociales doivent trouver tous les problèmes sociaux dont celui des enfants en conflit avec la loi. Ce sujet peut attirer l’attention d’un chercheur ou peut faire l’objet d’appel à projet d’un partenaire. Une chose est certaine, toute personne qui prendra l’initiative, aura tout le soutien du Centre suisse .
INTERVIEW RÉALISÉE PAR
MARC YEVOU
Professeur, vous célébrez les 70 ans du Centre Suisse de Recherches Scientifiques. Que représentent 70 ans dans la vie de ce centre ?
Pour nous, 70 ans représentent l’âge de la maturité. Un âge où le centre doit faire son bilan en termes de recherches, de renforcement de capacités, de transformation de la société ivoirienne et de l’Afrique de l’ouest de façon générale. Nous devons célébrer ces 70 ans parce que le centre a connu plusieurs évolutions. D’abord au niveau institutionnel parce qu’à l’origine, le centre n’était qu’une station de recherches qui devait permettre aux chercheurs de l’Académie Suisse des Sciences Naturelles (ASSN) de mener des recherches en milieu tropical. Au fil des ans, il s’est transformé en plateforme de coopération Nord-Sud et ensuite Sud-Sud avant de devenir, pour finir, un centre de recherches à la dimension sous-régionale. Cette évolution institutionnelle a été accompagnée par une évolution thématique. Construit au départ pour mener des recherches dans le domaine de la biodiversité, c’est-à-dire, sur les milieux naturels, les thématiques se sont diversifiées au fil du temps pour s’orienter sur la santé animale, ensuite la sécurité alimentaire, la santé humaine, la gestion de l’environnement urbain et enfin les questions de gouvernance, de façon transversale.
Après 70 ans, quelles sont les perspectives du centre en termes de recherches ?
La perspective première est de renforcer la dimension sous-régionale du centre. Nous avons toujours eu une vocation sous-régionale, mais il faut reconnaître que la plupart de nos recherches sont restées en Côte d’Ivoire et ont porté sur la Côte d’Ivoire. Nous avons bien des collaborations dans la sous-région et au-delà ; , il nous faut renforcer ces collaborations en activant deux leviers. Le premier est d’intégrer les institutions sous-régionales ou à caractère sous-régional dans nos organes de gouvernance, notamment dans le Conseil scientifique et le Conseil d’administration. Le second levier est d’avoir des projets qui impliquent de plus en plus deux à trois pays de la sous-région, voire même plus de pays dans plusieurs domaines puisque le Centre Suisse est un centre à caractère pluridisciplinaire. Dans le domaine de la santé par exemple, nous avons un grand programme de renforcement des capacités des institutions de recherches et des acteurs dans dans le domaine de la recherche en santé sur le concept One Health. Ce programme permet de former des chercheurs seniors et juniors, d’acquérir des équipements de qualité sur les zoonoses, c’est-à-dire, les maladies qui se transmettent des animaux à l’homme et vis-versa. Au niveau de la sécurité alimentaire, nous avons un projet sur les cultures à base d’igname. Il faut rappeler que ce genre de culture demande énormément d’espaces et cause beaucoup de dégâts sur les sols. Cela fait par exemple que le paysan ne peut pas s’imaginer de cultiver l’igname sur la même parcelle, deux années de suite alors que de bonne pratiques agricoles permettent de le faire. Nous faisons donc des démonstrations grandeur-nature avec les paysans pour qu’ils comprennent qu’ils peuvent cultiver l’igname sur la même parcelle plusieurs années de suite tout en obtenant de bons rendements. Ceci leur permet de choisir le package de pratiques culturales qui leur sied. C’est ce que nous faisons au Burkina Faso, au Bénin et en Côte d’Ivoire. En plus de cela, dans le domaine de la biodiversité, nous nous lançons dans des projets transfrontaliers, des projets corridors, entre autres, entre la Côte d’Ivoire et le Liberia, et le Ghana et la Côte d’Ivoire. Dans ce domaine, nous avons eu deux projets qui permettent de mettre en synergie des acteurs de part et d’autre pour créer des couloirs écologiques pour permettre de favoriser la migration d’animaux entre ces pays.
Dans le domaine de la nutrition, nous avons travaillé sur la formulation des mets pour nourrissons. En outre, les carences observées au niveau de l’huile et de la farine vendues en Côte d’Ivoire ont permis l’adoption d’une politique de fortification de ces produits de grande consommation. . Donc grâce.
Vous êtes à votre 2e mandat qui coïncide avec les 70 ans. Quelle est votre vision en termes de gestion du centre de recherches ?
Mon premier mandat qui a duré trois ans était porté sur le renforcement de la dimension sous-régionale du centre et également sur d’autres aspects, entre autres, la révolution de la gouvernance, la consolidation de la santé financière et le maintien du niveau de la production scientifique. C’est justement parce que le bilan a été jugé positif que nous avons été reconduits pour un deuxième mandat. Ainsi, nous allons consacrer ce nouveau mandat à la consolidation de nos acquis en mettant l’accent sur les différents axes énumérés plus haut. Une autre chose que nous avons réussie est l’intégration des organes comme l’UEMOA dans notre conseil d’administration, d’une part et le Conseil ouest et Centre africain pour la recherche et le développement agricole (CORAF) dans notre conseil scientifique. C’était le volet diplomatie scientifique qui a été concluant. Maintenant, nous devons permettre à ces collaborations de porter leurs fruits à travers des projets avec ces institutions. Au niveau des infrastructures également, nous avons fait un certain nombre de choses très intéressantes parce que nous avons changé le paysage du centre en y ajoutant de nouvelles choses. Nous avons par exemple réalisé un bâtiment de type R+1 qui va abriter le Fonds National pour la Science, la Technologie et l’Innovation en Côte d’Ivoire (FONSTI).Nous avons par ailleurs inscrit nos laboratoires dans un processus d’accréditation Bonnes Pratiques de Laboratoires (BPL/GLP), nous allons faire notre possible pour disposer de salles de réactifs et développer les infrastructures pour mettre le Centre aux normes internationales les plus exigentes. C’est le défi auquel nous serons confrontés durant notre nouveau mandat. Au niveau de la production scientifique, nous faisons vraiment beaucoup ; au point où le Centre est positionné comme l’un des leaders en Côte d’Ivoire. Nous comptons pour 20% de la production scientifiques en Côte d’Ivoire avec seulement une centaine de chercheurs associés. En nombre absolu, nous sommes classés 3e après les Universités Félix Houphouët-Boigny et Nangui Abrogoua qui comptent de milliers de chercheurs. Nous continuons notre dynamique et pour cela, nous préparons nos chercheurs à être compétitifs surtout dans la mobilisation des ressources financières.
Vous parlez de la mobilisation des fonds. Comment sont financées les activités du Centre suisse ?
Pour ce qui est des activités de recherches, nous fonctionnons sur fonds propres. Il faut dire que nous bénéficions d’une subvention de l’État de Côte d’Ivoire et du gouvernement suisse parce que nous sommes sous la tutelle des deux pays. Mais ces subventions, mises ensemble, ne couvrent que 30% de notre fonctionnement. C’est dire que les subventions ne permettent pas de financer r la recherche. Dans ce cas, c’est la recherche qui doit nous permettre de financer le reste de nos activités et bien entendu, nous avons besoin d’avoir des chercheurs compétitifs et capables de mobiliser des projets d’une certaine taille pour que les frais administratifs appliqués à ces projets permettent de réaliser les infrastructures et de couvrir le fonctionnement. En gros, les projets se financent d’eux-mêmes et le Centre apporte la batterie de mesures d’accompagnement en termes d’appui administratif et logistique. C’est pour cette raison que nous voulons acquérir une certaine accréditation pour disposer de plus de chances. Nous sommes donc dans une sorte de partenariat gagnant-gagnant entre les chercheurs, qui sont affiliés aux universités publiques de Côte d’Ivoire et nous. Certains de ces chercheurs occupent des postes de responsabilités dans ces universités mais préfèrent héberger leurs projets ici parce que leurs gestions administratives et financières sont mieux maîtrisées à notre niveau.
Votre Centre est assez sélectif. Quels sont les critères de choix de vos chercheurs ?
Tout chercheur qui se sent talentueux et compétent peut venir au Centre Suisse. Nous donnons l’impression d’être assez sélectif parce qu’il n’est pas rare de voir certains de nos collègues des universités publiques dire qu’une fois que vous êtes au Centre suisse, vous avez tous les financements que vous voulez pour faire vos recherches. Cette conception est loin d’être le cas parce que, comme je l’ai dit, dans notre fonctionnement, ce sont les chercheurs qui sont à la base du financement du Centre. Il faut donc être un chercheur qui a de très bonnes idées et un chercheur qui est capable de transformer ses idées en projets, de convaincre les bailleurs avec ses idées pour mobiliser des fonds.
Le thème du colloque est « Le monde pour la durabilité : rôle de la recherche transformationnelle en Afrique subsaharienne ». A quoi ramène ce thème ?
Nous pensons qu’il faut repenser le monde pour la durabilité.
L’idée n’est pas forcément nouvelle parce que les Objectifs du Développement Durable (ODD) élaborés depuis 2012 vont dans ce sens. On se rend compte que face aux crises dont la Covid-19, les agendas qui ont été mis en place par rapport aux objectifs des ODD sont pratiquement mis de côté pour que l’humanité entière s’engage dans la riposte face à la Covid-19.
Nous voulons, à travers ce colloque, démontrer que si nous avions mis les agendas des ODD là où ils devaient être, on aurait pu éviter ce genre de crise.
Parce que ce sont des choses qui résultent des dysfonctionnements des milieux naturels. Pour relever ces défis, il faut que le politique prenne des dispositions de rigueur parce que si nous mettons de côté l’ensemble de ces agendas pour nous concentrer sur la riposte, nous n’attaquons pas le problème à la racine. Nous essayons donc de contribuer à susciter une certaine dynamique pour que les problèmes soient attaqués à la racine. Ce n’est pas en s’éloignant des ODD que nous parviendrons à assurer la durabilité de l’humanité. Ce colloque sera l’occasion de proposer ce que la recherche est capable d’apporter en termes de prospectives parce qu’il faut que la prospective revienne au cœur des actions pour la durabilité.
Le propre des scientifiques est de bousculer le politique. Ne craignez-vous pas que ce soit un colloque de trop ?
Non ! Mais votre question touche la problématique d’établissement du dialogue entre le scientifique et le politique. C’est en réalité à travers ce genre de colloque que le contact s’établit. Parce qu’il sera animé par des communications scientifiques mais également par des panels, entre autres, sur le mécanisme de financement de la recherche. Il y aura aussi des conférences en plénière notamment sur « L’impact de la Covid sur la sécurité alimentaire ». Sur ce sujet, une étude a été faite à l’échelle mondiale et l’un des principaux investigateurs sera là pour communiquer là-dessus. Nous serons dans notre rôle de produire des connaissances et de les mettre à la disposition du politique. Nous serons aussi dans notre rôle d’établir le dialogue entre les praticiens et le politique. Il y aura aussi une interactivité parce que le scientifique sera à l’écoute du praticien et vis-versa.
De quoi sera meublé ce colloque entre le 9 et le 11 septembre ?
Il y aura des conférences en plénière qui seront dites par des personnalités scientifiques ou politiques ou encore les deux, parce que certains scientifiques ont, à la fin de leur carrière, viré à la politique. Il y aura également des communications des chercheurs issus de différentes universités africaines, européennes et même américaines. Ce sont des personnes qui ont des choses à partager dans divers domaines, entre autres, la sécurité alimentaire, la biodiversité, dans la santé animale, humaine, l’éducation, la gouvernance. Des sujets qui permettent de contribuer efficacement à la réalisation des ODD. Mis à part ces communications, il y aura des panels dont un sur les mécanismes du financement de la recherche. Il y aura surtout une cérémonie de décoration des personnalités. Nous sommes en train d’introduire des demandes à ce sujet parce que nous estimons que des personnalités africaines et européennes ont contribué, de façon significative, au rayonnement du centre et, au-delà, de la recherche en Côte d’Ivoire.
Les conclusions du colloque seront-elles remises directement aux décideurs, pour le cas de la Côte d’Ivoire ?
Dans le cas de la Côte d’Ivoire, nous avons un Plan National de Développement (PND) et récemment un atelier a été organisé par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique sur le programme national de recherche pour permettre la réalisation de ce PND. A travers ce colloque, les décideurs pourront voir comment la recherche apporte des éléments nécessaires à la réalisation du PND à travers les recherches qui sont menées dans les institutions ivoiriennes et en s’inspirant aussi des recherches menées ailleurs, dans des environnements qui sont dans les mêmes réalités que nous. Par exemple, les pays de la sous-région ayant pratiquement les mêmes problèmes, des projets de certains pays pourront inspirer notre ministère de tutelle qui sera présent avec nous, avec le ministre lui-même et la Direction de la Recherche et de l’Innovation Technique.
Qui participent à cette rencontre scientifique et comment participent-ils ?
Les participants sont naturellement des scientifiques parce qu’il s’agit de recherche. En plus d’eux, les praticiens évoluant dans divers domaines sont attendus. Il s’agit, notamment des directeurs des programmes nationaux de lutte, entre autres, contre le paludisme, la trypanosomiase. Des coordonnateurs de programmes nationaux dans le domaine de la sécurité alimentaire, des ministères techniques et autres. Nous attendons aussi les politiques et surtout la presse parce qu’il s’agit de porter à la connaissance du monde les résultats de la recherche. Le colloque, faut-il le signifier, va être l’évènement phare de la célébration des 70 ans du Centre suisse mais aussi de la célébration de 60 ans des relations bilatérales ivoiro-suisses avec une très forte implication de l’ambassadeur suisse en Côte d’Ivoire et d’autres personnalités de ce pays.
Le centre fait-il des recherches au niveau des sciences sociales ?
Au Centre suisse, la sociologie occupe une place de choix dans les recherches. Initialement, le sociologue accompagnait chacun des groupes de recherche. Depuis quelques années, nous avons décidé de faire de la recherche en sciences sociales, un axe à part entière en créant un pôle de sciences sociales et un groupe de recherche dédié. Aujourd’hui, il faut mettre l’homme au cœur des thématiques de recherche pour qu’elles soient porteuses. C’est ce que nous essayons de faire depuis un certain nombre d’années.
La problématique des enfants en conflit avec la loi est-elle prise en compte par vos recherches en vue de proposer des solutions efficaces à ce fléau ?
Nous n’avons pas encore mené de recherches sur cette thématique en tant que telle mais nous n’excluons pas de le faire. Nous avons un plan stratégique qui dit que les recherches en sciences sociales doivent trouver tous les problèmes sociaux dont celui des enfants en conflit avec la loi. Ce sujet peut attirer l’attention d’un chercheur ou peut faire l’objet d’appel à projet d’un partenaire. Une chose est certaine, toute personne qui prendra l’initiative, aura tout le soutien du Centre suisse .
INTERVIEW RÉALISÉE PAR
MARC YEVOU