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Société Publié le jeudi 18 septembre 2025 | BBC

Guinée : Quels sont les enjeux du référendum de dimanche ?

Guinée : Quels sont les enjeux du référendum de dimanche ?
© BBC
Guinée : Quels sont les enjeux du référendum de dimanche ?
La campagne électorale prend fin ce jeudi. Dimanche, les Guinéens sont appelés à voter la nouvelle Constitution.

La Guinée s'apprête à remplacer la « Charte de la Transition » par une nouvelle Constitution, à travers un référendum. Environ 6,7 millions d'électeurs sur les 14,5 millions d'habitants que compte le pays, sont appelés aux urnes ce dimanche 21 septembre.

Ce projet, s'il est adopté, marquera le retour à l'ordre constitutionnel, selon les autorités du pays, et va ouvrir la voie à l'organisation d'une élection présidentielle et des législatives d'ici la fin de l'année.

Ce référendum constitutionnel est un tournant pour la Guinée, quatre ans après le coup d'Etat du Général Mamadi Doumbouya qui a renversé son prédécesseur, le président Alpha Condé qui avait à peine entamé son troisième mandat à l'époque.

Selon le Premier ministre guinéen, Amadou Oury Bah, le projet de la nouvelle Constitution « a pris en compte toutes les revendications » que formule la société guinéenne depuis 30 ans. Il a évoqué notamment « les candidatures indépendantes, le droit à la pétition… ».

Cependant, l'opposition conteste la nouvelle loi fondamentale et indique que le référendum constitutionnel vise plutôt à renforcer la mainmise sur le pouvoir par la junte dont le projet est d'empêcher le retour d'un régime civil et démocratique à la tête de la Guinée.

« Le référendum en cours en Guinée est tout sauf une consultation normale. C'est un processus à sens unique, qui reflète d'ailleurs parfaitement la manière dont la junte dirige le pays depuis maintenant quatre ans, comme une caserne militaire, où la seule logique est celle de l'ordre et de l'exécution », confie à BBC News Afrique, Ibrahima Diallo, responsable des opérations au Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), l'une des principales organisations de la société civile dans le pays.

L'opposition et la société civile qui appellent à boycotter le référendum, accusent la junte de s'être taillé un texte sur mesure qui permet à Mamadi Doumbouya de se présenter comme candidat à la présidentielle, alors qu'il avait promis dans la Charte de la Transition qu'aucun membre d'institutions de la Transition ou du gouvernement ne s'y présentera.

Le président du Parti du renouveau et du progrès (PRP), Rafiou Sow, l'une des principales formations politiques d'opposition dans le pays, indique que la coalition ignore d'ailleurs ceux qui ont rédigé ce projet de Constitution. « Ça a été fait sans nous et contre nous ».

La campagne électorale qui prend fin ce jour, a amené des ministres du gouvernement à sillonner le pays, appelant les Guinéens à voter « Oui », avec de grandes affiches à l'effigie de Mamadi Doumbouya qui sont visibles dans les grandes artères de la capitale, Conakry.

Cette campagne, selon le responsable du FNDC, a été à sens unique. « Il n'y a aucune place pour l'inclusion, le débat ou le compromis ».

« Les partisans du « oui » peuvent manifester librement, occuper l'espace public et organiser des événements de soutien, pendant que nous, opposants au processus, sommes systématiquement empêchés d'exprimer notre position ».

Un responsable du FNDC a même été arrêté le 5 septembre par les autorités communales de la capitale, alors même qu'il tentait d'organiser une manifestation pacifique, selon M. Diallo.

Quelques points importants introduits dans la nouvelle Constitution

Le projet de Constitution soumis au référendum ce dimanche comporte 199 articles.

A la surprise générale, la nouvelle loi fondamentale n'interdit pas à la junte de se présenter aux élections, comme stipulé dans la charte de transition.

Si la loi est votée, elle va prolonger le mandat présidentiel de 5 à 7 ans renouvelable une seule fois. Le texte indique aussi que les candidats indépendants pourront désormais se présenter aux élections présidentielles dans le pays.

Le projet de Constitution octroie également une amnistie à la junte, dans des conditions qu'elle pourra elle-même définir à l'article 198.

La loi prévoit l'instauration d'une Haute Cour de Justice pour juger les présidents et membres du gouvernement « en cas de haute trahison, crimes et délits ». Cette Cour aura aussi la compétence de juger les auteurs de la corruption.

La nouvelle Constitution guinéenne prévoit la création d'un sénat pour équilibrer les pouvoirs. Le tiers des membres du sénat sera directement nommé par le chef de l'Etat.

Il est en outre indiqué dans la loi la valorisation de la parité avec un quota de 30% de femmes dans les postes décisionnels et électifs.

« Les Guinéens aspirent à avoir un pays moderne », selon le Premier ministre Amadou Oury Bah qui s'est confié à l'AFP.

Pour le camp gouvernemental, la nouvelle loi est une « Constitution qui nous ressemble et nous rassemble », allusion faite donc à la démarcation des anciens textes desquels la junte a voulu rester loin.

Mais l'opposition voit en ce référendum un moyen pour la junte de garder légalement le pouvoir.

Les griefs de l'opposition contre le référendum

L'opposition a toujours accusé la junte de réduire au silence les voix dissidentes dans le pays pour se maintenir au pouvoir.

« Nos critiques portent d'abord sur le processus lui-même. Ce processus a été biaisé dès le départ, avec l'exclusion en cascade des principaux partis politiques et mouvements citoyens, notamment le FNDC dans le débat pour la rédaction de la Constitution », déclare M. Diallo.

Une coalition de l'opposition et des forces vives de la Guinée dont l'UFDG de Cellou Dalein Diallo et le RPG d'Alpha Condé, principaux partis d'opposition, a appelé, le 3 septembre dernier, les citoyens à boycotter ce référendum, parce qu'il sera impartial, selon elle.

Les partis d'opposition fustigent le projet de Constitution. Ils pointent du doigt notamment la disposition stipulant que pour être candidat à l'élection présidentielle, le candidat doit être « âgé de 40 ans au moins et de 80 ans au plus » et d' « avoir sa résidence principale » dans le pays.

Cette disposition exclut des figures principales de l'opposition, surtout Cellou Dalein Diallo qui a 73 ans et vit aujourd'hui entre Dakar et Abidjan.

Selon le Centre d'études stratégiques de l'Afrique (CESA), ces dispositions « semblent cibler l'exclusion de candidats populaires de l'opposition exilés tels que Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé. Alors même que le projet de Constitution prévoit que les anciens présidents jouissent d'une immunité pour leurs actes officiels, l'ancien président Condé a été inculpé pour de nombreux crimes ».

« C'est un abus de confiance, une trahison du peuple de Guinée. Ce référendum, tel qu'il est conduit, n'est qu'un instrument de plus pour confisquer le pouvoir du peuple. C'est pour toutes ces raisons on a décidé de boycotter cette mascarade », dit M. Diallo.

Pour l'opposant Cellou Dalein Diallo, cette élection est « une mascarade destinée à favoriser la commission d'un parjure et à légitimer un coup d'Etat ». Il ajoute que même si les gens votent contre la junte, cette dernière publiera un autre résultat.

« Restez chez vous, car même si vous votez non, votre vote sera compté comme un oui ».

En Guinée, l'UFDG et le RPG ont été interdits d'activité par la junte.

« Nous, membres des forces vives de Guinée, appelons à ne pas aller voter, puisque tout est fait pour le 'oui' le remporte », lance Rafiou Sow du PRP pour qui tout ce que la junte veut, « c'est une affluence dans les bureaux de vote pour valider son 'oui' ».

Pour le CESA, les provisions selon lesquelles une législature à deux chambres sera établie provoquent aussi l'inquiétude car l'article 103 de la loi stipule que les candidats au Parlement doivent être membres d'un parti politique légal. « Or, cela empêche la participation des partis de l'opposition puisque leur suspension est sans cesse renouvelée ».

« Le projet de Constitution confère à l'Exécutif l'autorité sur le Parlement puisque l'article 110 prévoit qu'un tiers des sénateurs soient choisis par le président. Le reste étant élu parmi les conseillers régionaux et communaux que la junte a elle-même remplacés par des militaires, la junte contrôlera de fait le Sénat », souligne le centre.

Le responsable des opérations du FNDC ajoute que le projet de Constitution a été élaboré dans un climat d'exclusion totale des principaux acteurs sociopolitiques du pays. « Ni les partis importants de l'opposition, ni les organisations de la société civile les plus actives n'ont été associés au processus ».

Un pouvoir sans partage de Doumbouya depuis 4 ans

Dès son arrivée au pouvoir, la junte a affiché de bonnes intentions, certaines contenues dans la charte de transition, pour faire de la Guinée un pays moderne, démocratique et réconcilié avec tous ses fils.

Mais au fil des ans, les militaires au pouvoir n'ont de cesse de multiplier des actes pour réduire les espaces de liberté. Depuis 2022, aucune manifestation n'est possible dans le pays.

Des militants des droits de l'homme, des opposants sont poursuivis, arrêtés ou contraints à l'exil. Une épée de Damoclès plane sur la tête des voix dissidentes qui décident de rester dans le pays.

Le 23 août dernier, la junte a pris la décision suspendant pour trois mois les trois principaux partis d'opposition, notamment le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) de l'ex-président Alpha Condé, l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de l'ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo et le Parti du renouveau et du progrès (PRP) de Rafiou Sow.

Plusieurs médias sont suspendus ou empêchés d'émettre. Djoma FM, Espace FM, Sweet FM, FIM FM, Djoma TV, and Espace TV restent fermés. Et des journalistes et acteurs de la société civile envoyés en prison ou portés disparus à ce jour.

Depuis un an, des membres de la junte appelle ouvertement Mamadi Doumbouya à faire acte de candidature pour la présidentielle. Et pourtant, ce dernier avait pris l'engagement, aux premières heures du coup d'Etat, que ni lui ni aucun membre de la transition ou du gouvernement ne se présentera aux élections.

En 2022, Doumbouya a remplacé les 34 préfets civils du pays avec des militaires. Ensuite, en mars 2024, il a dissout les 342 conseils municipaux du pays et remplacé tous leurs élus avec 3 000 personnes nommées par la junte, y compris de nombreux militaires. Ces individus sont sensés organiser les élections au niveau local.

En novembre 2024, la junte a aussi désigné de nouveaux chefs de quartiers et de districts à travers le pays. Dans chaque bureau de vote, ce sont les chefs de quartier qui distribuent aux citoyens les cartes d'électeur requises pour voter.

Les traces des engagements de Doumbouya contenus dans la charte de la transition ne se retrouvent plus dans la nouvelle Constitution que le peuple est appelé à voter dimanche.

C'est une « omission volontaire des dispositions transitoires relatives à la non-candidature de Mamadi Doumbouya et des membres des organes de la transition aux élections censées marquer la fin de cette période. Cette disposition était pourtant prévue dans la Charte de la transition, sur laquelle le chef de la junte a prêté serment », selon Ibrahima Diallo.

Pour lui, Ce n'est pas un oubli. « Elle est délibérée, motivée par la volonté de Mamadi Doumbouya de rompre avec ses engagements et se présenter à la prochaine élection présidentielle ».

Le processus référendaire en Guinée semble loin de respecter les meilleures pratiques électorales en matière d'équité, de transparence et de participation, selon le CESA.

« L'objectif du processus semble plutôt être d'offrir à la junte un degré de légitimité pour asseoir sa mainmise sur le pouvoir et étendre le rôle dominant de l'armée dans la vie politique guinéenne ».

Le président du PRP souligne que ce référendum est organisé pour promouvoir la candidature de Mamadi Doumbouya, avec un projet de constitution qui « divise la société guinéenne ». Rafiou Sow appelle la junte « à respecter ses engagements vis-à-vis du peuple et de la communauté internationale ».

Le premier ministre, Ahmadou Oury Bah, quant à lui, fustige l'appel au boycott, car pour lui, l'opposition est "irresponable".


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