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Politique Publié le vendredi 13 janvier 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Cumul des postes / Ministres et députés, des cadres RHDP s’apprêtent pour les municipales , Menace sur la bonne gouvernance sous le pouvoir Ouattara

Le prochain scrutin municipal en Côte d’Ivoire va enregistrer la candidature de cadres issus du RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la paix) qui ont actuellement le double statut de ministre et Député. Un cumul de postes qui présage d’une interrogation sur la politique de bonne gouvernance prônée par le Chef de l’Etat, SEM Alassane Ouattara, avant son avènement au pouvoir d’Etat. La bonne gouvernance sous Ouattara est-elle vraiment en danger ? Hommes politiques et acteurs de la société civile font un diagnostic.

Des cadres du RHDP qui ont mouillé le maillot pendant la lutte du respect du verdict des urnes et qui n'attendaient que les élections municipales pour avoir leur part du gâteau et être soulagés, sont inquiets. Et même menacés par les ténors de cette coalition politique ayant porté le Président Ouattara à la magistrature suprême. Leurs adversaires, ce sont les privilégiés du nouveau pouvoir qui sont pour la plupart ministres et députés. Ces gâteaux sont loin de les contenter. Ils veulent y ajouter le poste de Maire. Si les uns affûtent dans le secret leurs armes, les autres ont déjà déclaré leur intention de se jeter dans la bataille de cette compétition électorale locale. Sur cette liste, l’on note le ministre de la Promotion de la jeunesse et du Service civique, Alain Lobognon. L’information est libellée en ces termes sur les réseaux sociaux : «Bon week-end à tous. Moi, je profite du temps libre pour boucler ma liste pour les Municipales 2012 à Fresco. Cette coquette commune du Littoral doit changer avec des hommes qui aiment vraiment Fresco. À bientôt avec la liste ENSEMBLE POUR FRESCO».

Des frustrations au sein des formations politiques

Des intentions sont également prêtées aux ministres Adama Toungara, maire sortant d’Abobo et Gnamien Konan, intéressé par le District de Gbêké. Suscitant ainsi, si l’on en croit un cadre du RDR élu Député, qui a requis l’anonymat, des frustrations au sein même des formations politiques où ceux qui ont joué les seconds rôles s’apprécient comme des faire-valoir. Selon ce Député du RDR, il y a le risque de l’émergence d’une classe d’initiés constituée des seuls privilégiés du pouvoir et leurs proches. «Si ces informations se confirment, ce sera un grave précédent pour la construction d’une nouvelle Côte d’Ivoire de bonne gouvernance. Les suppléants sont des proches qui ne leur ont pas été imposés par la base. Le ministre-député a donc pris son cousin ou son frère. D’autres sont accusés d’avoir pris comme suppléantes leurs maîtresses. Et au finish, l’argent de l’Etat et autres avantages vont tourner entre les mains des mêmes personnes et leurs proches. Et les autres Ivoiriens qui n’ont pas de proches parmi les privilégiés du pouvoir Ouattara ? Cela crée des frustrations à l’intérieur du parti lui-même d’abord avant de s’étendre au niveau national. Il faut faire très attention», conseille cet élu. Avant d’appeler à la rupture avec l’ordre ancien incarné par les refondateurs. «Le régime Gbagbo était un pouvoir méprisant, suffisant et arrogant. Il faut rompre avec ce passé et ne pas emprunter la même voie pour dire que si on agit ainsi, cela fait quoi. Ça fait quoi, il y aura quoi, c’est cela qui a fait tomber Laurent Gbagbo. Il faut se gêner à s’accaparer de tout. Je vous dis qu’à l’intérieur du RDR même, les militants sont agacés par ce cumul. Si j’ai pu être Député dans une circonscription de cinq sous-préfectures, ce n’est pas au poste de Maire que je vais échouer où la municipalité se réduit à une seule sous-préfecture. Mais, je me gêne. Il faut se gêner. Ils vont mettre leurs proches au conseil économique et social, dans les districts, au Sénat. Non, c’est agaçant, c’est révoltant», assène ce Député.

Le décor sous le régime Gbagbo

Le président par intérim de la Lidho (Ligue ivoirienne des droits de l’Homme) abonde dans le même sens. Pour René Hokou Légré, le cumul des postes tend à être une réalité sous l’administration Ouattara alors que ce régime s’était approprié les reproches de la société civile en la matière sous l’ancien régime. En effet, sous l’administration Gbagbo, plusieurs pontes cumulaient les fonctions de ministres, de députés, de maires et de présidents de conseils généraux. Sur cette liste, l’on relève les cas d’Emmanuel Monnet, maire d’Adzopé et ministre des Mines et de l’Energie, de Dano Djédjé, Député de Gagnoa-Commune et ministre chargé des Relations avec les Institutions et de la Réconciliation nationale, de Assoa Adou , député et ministre des Eaux et Forêts, de Lida Kouassi, député de Marcory et ministre de la Défense avant de tomber en disgrâce après les évènements de septembre 2002, de Michel Amani N’Guessan, Député de Bodokro-Sous-préfecture et ministre de l’Education nationale puis de la Défense, du Pr Séry Bailly, député de Daloa et ministre de l’Enseignement supérieur, de Siki Blon Blaise, député de Man-Sous-préfecture, maire de Sangouiné et président du Conseil général de Man ainsi que de Hubert Oulaye, député de Guiglo- sous-préfecture et ministre de la Fonction publique. «Nous avions déjà au temps de l’ancien pouvoir dénoncé une telle pratique. Des ministres étaient députés, maires et présidents de conseils généraux. Cela s’est fait sous le PDCI, s’est poursuivi sous le FPI et se fait avec le RDR. Tous les partis politiques s’en accommodent. Etant donné que nos dénonciations et interpellations avaient trouvé un écho favorable auprès de ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir, on attendait d’eux qu’ils ne s’engagent pas sur cette voie du cumul qui est de nature à faire croire qu’il n’y a d’intelligences que des privilégiés, qu’il n’y a que ces personnes-là dans les partis politiques. Et que les autres ne sont rien que des faire-valoir. Nous estimons qu’il faut donner la chance à toutes les compétences dans un parti ou une coalition tant que les partis ou les coalitions ont des bases sociologiques larges et nationales susceptibles de regorger de candidatures suffisamment solides pour toutes les élections sans qu’on ait besoin de reconduire toujours les mêmes personnes. L’opinion retient dès lors une sorte d’accaparement du pouvoir par un petit groupe d’initiés. Et à force de vouloir être partout à la fois, ces privilégiés du régime vont perdre un peu de leur légitimité aux yeux des populations», estime le leader de la Lidho.

Attention au syndrome du dégoût

Avant d’indiquer que cette perte de légitimité est l’une des raisons de la faible mobilisation des populations au scrutin législatif. «Le fait de voir toujours les mêmes personnes enlève l’engouement aux consultations électorales. Aujourd’hui, le taux de participation aux législatives est un peu le résultat du dégoût des populations des choix des candidats. Il faudrait envisager une loi qui puisse réglementer ces pratiques de sorte que le jeu politique soit suffisamment ouvert pour toutes les compétences», conseille-t-il. Pour sa part, N’Gouan Patrick, Coordonnateur général de la Convention de la société civile de Côte d’Ivoire, souligne qu’il ne faut pas poser le problème en termes d’individus ou de personnes. A l’en croire, ce sont les ‘’lois’’ qui encadrent le jeu politique et tant que ces lois ne vont pas changer, il sera de bon jeu pour celui qui est au pouvoir de s’aménager de l’entièreté du pouvoir avec des hommes qui peuvent le lui permettre. «Ce qui importe avec les gouvernants, c’est de s’aménager une majorité confortable avec des hommes connus comme étant ceux de mission et de confiance. Si on continue dans cet esprit, on risque de ne pouvoir rien changer. Ma réponse est connue depuis longtemps. Nous sommes opposés à ce cumul parce que celui qui occupe autant de postes est pratiquement inefficace. S’il est ministre, il reste au gouvernement. Aujourd’hui, ministres, ils sont députés et veulent être maires puis demain présidents de Districts et partout, ils auront des suppléants qui vont travailler pour leur rendre compte. En fait, ils ne maîtrisent plus rien et ils ne vont que survoler les dossiers. Je suis opposé au cumul des postes. Mais, cela n’a rien à voir avec le pouvoir Ouattara. Il ne faut pas voir les choses dans le mauvais sens. Il va falloir simplement changer des règles pour empêcher l’exercice de plusieurs fonctions. C’est un problème de gouvernance et nous appelons donc le Président Ouattara à modifier les dispositions actuelles qu’il est venu trouver en place. Il faut qu’il aille dans le même sens que nous pour arrêter cette entorse à la bonne gouvernance», sollicite-t-il. L’honorable Mariam Traoré partage cet avis. Selon le Député de Tengrela, pour gagner des élections, il faut parier sur le « bon cheval». Et la préoccupation n’est pas que le ‘’bon cheval’’ ait déjà un ou deux postes importants. «Il n’y a pas de places pour les états d’âme. La loi, ce sont les hommes et les femmes de confiance, de terrain, de conviction, d’engagement et de mission qui vont venir travailler dans la vision du Président Ouattara pour faire de la Côte d’Ivoire un pays émargent. Dire donc que sous Ouattara, il y a dérive de cumul de postes, ce sont des idées ou des opinions alimentées par des esprits chagrins et aigris depuis leurs cachettes pour jeter l’anathème sur le Président Ouattara. La Côte d’Ivoire est au travail. Regardez tous ces chantiers après une crise si grave, si inouïe dans laquelle des frères et sœurs par méchanceté et par haine ont entraîné notre pays. Ceux qui affirment que le Président Ouattara manage comme l’équipe de son prédécesseur sont de mauvaise foi. Il y a la loi sur la suppléance tout de même qui vient régler le problème. Ce qui n’existait pas sous Gbagbo dont des ministres étaient Députés, maires et même présidents de conseils généraux. Avec le Président Alassane Ouattara, ceux qui sont ministres resteront dans l’équipe gouvernementale et leurs suppléants vont siéger à l’hémicycle. Il n’y a donc pas de cumul. Maintenant, s’ils sortent du gouvernement, ils sont libres de se porter candidats aux municipales pour apporter leurs expertises et leurs relations à la gouvernance locale. Député et maire, cela n’est pas un cumul anormal puisque les deux postes ne sont pas incompatibles», proteste celle qui entend également se porter candidate aux municipales à Tengrela. «L’élection des ministres a démontré que leur chef, le Président Ouattara était bel et bien le choix des Ivoiriens. Leur travail sur le terrain a été reconnu à travers leur élection en qualité de Député. C’est sous cet angle qu’il faut apprécier leurs candidatures et non vouloir forcément y relever un cas de cumul du pouvoir pour faire comme le camp Gbagbo. L’administration Ouattara et celle de Gbagbo, c’est le jour et la nuit. Ce n’est pas parce que moi j’ai gagné proprement aux législatives, qu’alors que la population me demande d’être son Maire pour amorcer son développement local que je vais refuser au prétexte d’un cumul de postes. Le RDR est venu pour travailler. Le temps du piston est terminé. Ce sont ceux qui sont capables d’apporter un bond qualitatif dans le quotidien des populations de base, conformément à l’esprit du Président qu’ils soient ministres ou Députés, qui auront la voix au chapitre pour les municipales. Et ce n’est pas une contradiction de la bonne gouvernance», clarifie-t-elle. Un avis qu’un autre élu pro-Ouattara bat en brèche.

Ouattara rappelé à ses engagements sur la bonne gouvernance

«Le cumul des postes de ses proches n’honore pas le Président. Les ministres-Députés ont choisi leurs suppléants dans le cercle de leurs parents et autres proches. Mais, en réalité, c’est le Président Ouattara, qu’on incrimine. Tout le monde dit que c’est lui qui laisse faire. On dit que c’est lui qui leur donne l’appétit des cumuls. Le monopole du pouvoir ne l’arrange pas et il doit y mettre fin en tapant du poing sur la table pour dire stop, ça suffit ! », a souligné un nouveau Député, sous le sceau de l’anonymat. Ce même Député a indiqué que son mentor joue également la carte du respect de ses engagements relativement à la bonne gouvernance. Sur cette question, alors candidat au scrutin présidentiel, Alassane Ouattara avait dénoncé l’utilisation des biens de l’État à des fins privées, le laxisme et le clientélisme érigés en maîtres absolus, la chienlit dans l’administration publique. Face à ces comportements aux antipodes de la bonne gouvernance entraînant une déliquescence de l’État, il s’était engagé à faire des réajustements une fois parvenu au pouvoir. Dans cette perspective, le fait majeur de sa gouvernance, est la signature par ses ministres le 09 août 2011, d’une charte d’éthique gouvernementale. A travers ce document, ceux-ci s’engageaient à respecter les valeurs de la bonne gouvernance dans la conduite des affaires publiques. « Nous sommes appelés à insuffler un nouvel élan, un élan qualitatif à la vie politique, économique et sociale de notre pays. Les Ivoiriens qui ont été fortement éprouvés par des années de souffrances et traumatisés par la crise postélectorale, sont exigeants et ils ont raison de l’être. Face à leurs nombreuses attentes, nous avons à relever des défis, dont certains dans l’urgence. Toutes les actions doivent s’inscrire dans une perspective de bonne gouvernance. Compte tenu du passif dont nous avons hérité, les enjeux sont tels que nous devons rompre avec les pratiques antérieures. Nous avons l’ambition d’apporter des changements qualitatifs notables dans la vie de nos concitoyens », précisait-il à l’ouverture du séminaire gouvernemental. « Comme lui-même le leur a demandé, les Ivoiriens ont choisi le Président capable de travailler pour eux. Le Président Ouattara a fait le serment de redonner espoir aux populations exténuées et étranglées par la paupérisation grandissante. La volonté des privilégiés de mettre la main sur tous les postes électifs tout en étant encore au gouvernement, est le signe d’un refus de changement auquel tous les Ivoiriens ont aspiré. Si le gouvernement exige des citoyens de ne pas occuper le domaine de l'Etat que sont les trottoirs, il faut que de leur côté, les ministres-députés laissent d’autres cadres jouir aussi du bonheur. Il faut se gêner à vouloir s’accaparer de tous les postes avec ses seuls proches», conclut ce Député.

M Tié Traoré
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