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Politique Publié le samedi 14 janvier 2012 | Nord-Sud

François Kouablan, Sg du Pit :« Le Fpi doit reconnaître qu’il n’est plus au pouvoir »

Pour la première fois depuis la fin du scrutin législatif du 11 décembre 2011, le secrétaire général du Parti ivoirien des travailleurs, François Kouablan, explique, dans cette interview, les raisons du recul de son parti lors des deux dernières consultations.



Certains analystes ont estimé que le Parti ivoirien des travailleurs a été le grand perdant des élections législatives du 11 décembre 2011. Que leur répondez-vous ?
Lors de son dernier congrès, le Parti ivoirien des travailleurs s’était fixé comme objectifs, non seulement de participer à toutes les élections, mais surtout de disposer d’un groupe parlementaire à la prochaine législature. En décidant de participer aux dernières élections, nous espérions effectivement atteindre ces objectifs. Mais les résultats ont été tout à fait le contraire. Nous n’avons pas eu d’élus ; cela constitue une grosse déception. Personne ne s’y attendait.

Qu’est-ce qui justifie, selon vous, ce recul ?
En tant que candidat, nous pouvons dire que plusieurs raisons pourraient être évoquées. La première, c’est le manque de moyens ; la deuxième raison est liée à la crise post-électorale. Elle a eu des conséquences néfastes sur la cohésion interne du parti. Certains de nos militants se sont retrouvés, plus ou moins, proches de Lmp (L’ex-majorité présidentielle, ndlr), et n’ont donc pas joué franc-jeu avec nos candidats. Une autre raison, c’est l’alliance avec le Rhdp. Beaucoup de nos camarades et de nos sympathisants et même, des militants du Rhdp, pensaient qu’on pouvait faire l’économie de cette autre bataille, avec le souvenir du traumatisme de la crise post-électorale. Malheureusement, nous nous sommes retrouvés sur le terrain, tous les candidats issus de la coalition Rhdp et alliés, obligés de nous affronter. Cela n’a pas été bien perçu par beaucoup de militants et de sympathisants, et a donc occasionné un fort taux d’abstentions dans certaines localités.

Pensez-vous que l’abstention a joué dans votre défaite ?
Oui, l’abstention y a beaucoup joué. Nous avons des villages politiques dans notre circonscription électorale. Nous avons été désagréablement surpris de voir que le taux d’abstentions dans ces villages a été très élevé. Il faut également compter avec ce que l’on a qualifié de « technologie électorale », qui a été adoptée et pratiquée par nos adversaires. Celle-ci ne fait pas partie de nos stratégies.

N’êtes-vous pas en train de dire qu’il y a eu fraude ?
Oui ! Le nombre élevé de contentieux au niveau du Conseil constitutionnel le prouve très bien. Il y a eu fraude et, malheureusement, ce n’est pas toujours facile d’en apporter les preuves. Des gens ont bourré les urnes et signé à la place des vrais électeurs. Malheureusement, quand vous ne les prenez pas sur les faits, il est très difficile de le prouver.

Ne devriez-vous pas avoir des représentants dans les bureaux de vote ?
Vous savez, ce sont des êtres humains. Le même coup s’est produit, lors de la présidentielle. Aujourd’hui, avec la pauvreté qui nous assaille, tout le monde devient vulnérable et se laisse prendre.

Votre candidat a fait de mauvais résultats à la présidentielle. Vous venez de faire de mauvais résultats aux législatives. Cela ne vous inquiète-t-il pas ? N’est-ce pas le début de la fin du Parti ivoirien des travailleurs ?
Non ! Le Pit a connu des moments plus difficiles que celui que nous sommes en train de vivre.

La contre-performance ne vous inquiète-t-elle pas ?
Certes, cela nous interpelle. Nous ne nous y attendions pas, au vu du travail que nous avons réalisé. Nous sommes une organisation politique qui compte dans ce pays. Nous avons une certaine expérience et nous ne sommes pas non plus à notre première tempête. Nous allons pouvoir résister, nous en sommes convaincus. C’est pour cela que nous nous apprêtons, après les différentes élections, à aller au congrès. Nous allons aller secouer l’arbre du Pit pour voir quelles sont les feuilles mortes qui vont tomber d’elles-mêmes, et puis, rajeunir les plantes pour que nous puissions mieux envisager l’avenir.

A quand ce congrès ?
Nous aurons le congrès, après les élections municipales et régionales, auxquelles nous nous préparons.

Pensez-vous que, si vous étiez allés en Rhdp aux législatives, vous auriez eu un meilleur score?
Nous avons eu l’occasion de participer aux différentes discussions, qui ont eu lieu au sein du directoire de la coalition Rhdp et alliés. Avouons que nous en sommes sortis déçus, très déçus. Une alliance suppose un minimum de principes. Nous avons eu l’occasion d’exposer à tous nos partenaires, nos préoccupations. Avec l’absence du Fpi à l’hémicycle, il aurait fallu faire en sorte que, au moins, tous les partis membres de l’alliance puissent être représentés à l’Assemblée nationale. Mais, nous n’avons pas été compris. Bien au contraire, nous nous sommes retrouvés devant une situation où, ceux qui se disent grands, voulaient voir disparaître complètement les autres. Pis, on ne s’est pas donné de temps nécessaire pour que le débat puisse aller jusqu’au bout, pour se donner des arguments susceptibles de convaincre nos militants à ne pas aller à la compétition… La suite, nous la connaissons.

Les dés étaient pipés d’avance ?
On s’est retrouvés devant une situation très malsaine, où le Pdci et le Rdr menaient le débat en dehors de toute autre considération pouvant être relative à la solidarité interne à l’alliance. Les autres partis se retrouvaient dans un schéma, où ils ne pouvaient avoir aucun candidat. Evidemment, nous ne pouvions l’accepter…

Diriez-vous alors, comme Anaky Kobena, que le Rhdp est mort de sa belle mort ?
Au cours de ces discussions, nous n’avons pas manqué de tirer la sonnette d’alarme, en dénonçant les pratiques qui menaçaient la cohésion au sein de l’alliance.

Allez-vous claquer la porte ?
Pour entrer dans cette alliance, l’autorisation nous a été accordée par le Comité central. Cette position n’a pas encore changé. Nous sommes en politique et les positions peuvent varier d’un événement à un autre.

Quel est le schéma que vous allez présenter lors des prochaines discussions ?
Nous avons toujours développé la théorie selon laquelle les Ivoiriens ont été marqués par cette crise, secoués, traumatisés, blessés dans leur chair. Il faut une nouvelle Côte d’Ivoire où il y a de l’espoir. Or, l’espoir suppose que nous puissions, malgré nos différences, nous entendre sur l’essentiel. Nous devons avoir à cœur de conjuguer nos efforts et nos intelligences pour sortir définitivement notre pays de l’impasse. Aujourd’hui, aucun parti politique, si puissant soit-il, ne peut, à lui tout seul, parvenir au redressement de la Côte d’Ivoire. 

Allez-vous organiser des primaires pour choisir vos candidats aux municipales ?
Oui, s’il y a des candidatures multiples dans une circonscription, on organisera des primaires.

Combien de mairies comptez-vous pouvoir remporter ?
Pour le moment, nous ne savons même pas lesquelles des 1281 communes que compte la Côte d’Ivoire, seront en jeu, pour les municipales à venir. Nos démarches auprès du ministère de l’Intérieur ne nous ont pas permis d’avoir une réponse. Donc, nous attendons d’être situés. Il faut que les partis politiques, que l’ensemble des Ivoiriens aient très rapidement une réponse précise sur la question. Un indicateur de bonne gouvernance, n’est-ce pas le degré de transparence dans la gestion de toute question nationale ? Arrêtons de continuer de fonctionner comme par le passé. La démocratie suppose des règles égales et de la visibilité pour tous.

Le Fpi a refusé de participer aux législatives et, après, a demandé la reprise du scrutin. Partagez-vous leur position ?
Le président Alassane Ouattara l’a bien souligné en disant : « j’ai fait l’erreur en 2000, ne faites pas la même erreur que moi ». La politique de la chaise vide n’a jamais été payante. Il est vrai qu’ils peuvent nous rétorquer en disant : « vous qui y êtes allés, combien avez-vous eu d’élus ? ». Mais au moins, nous avons le mérite d’y être allés, pour montrer notre volonté de contribuer à reconstruire et faire avancer le pays.

Il n’est donc pas possible de faire machine arrière ?
Il faut avancer, quels que soient les problèmes. Et puis, entre nous, nous sommes dans un Etat, dans une République. En 2000, le pouvoir d’alors a-t-il fait machine arrière, quand le Rdr a refusé de participer aux législatives ? L’Etat, c’est un train qui avance toujours.

Que diriez-vous, par exemple, à Alassane Ouattara pour amener le Fpi à aller aux municipales ?
Ce que je peux demander aux tenants du pouvoir actuel, c’est de maintenir le cap de la démocratisation, en créant les conditions nécessaires pour permettre aux Ivoiriens, aux partis politiques toutes tendances confondues, d’y prendre pleinement place. Mais, ce n’est pas tant au président Ouattara  que je m’adresserais mais à nos amis du Fpi.

Qu’est-ce qu’ils devraient faire ?
C’est de reconnaître qu’ils ne sont plus au pouvoir. La démocratie, c’est encore un lieu de discussions. En tant que parti politique, le Fpi doit rester ouvert à ce principe de base. Quand on est disposé à discuter, on le fait sans préalable, en dehors de toute position radicale, susceptible d’aggraver la crise, au lieu de nous permettre d’en sortir. Il faut éviter la répétition du schéma d’hier, dont nous n’avons pas encore fini de gérer les conséquences si néfastes pour les populations et pour le pays. Les Ivoiriens en ont assez ! Après ce qui s’est passé en 2002, en 2010 et en 2011 : plus jamais ça !

Ils demandent notamment la recomposition de la Cei, le départ de Youssouf Bakayoko. Pensez-vous que ce sont des préalables irréalistes ?
Alors député à l’Assemblée nationale, nous sommes mieux placés pour parler de la question de la Cei. Lorsqu’on discutait du projet de loi relatif à la création de la Cei, nous étions de ceux qui avaient insisté pour que les partis politiques soient mis à l’écart de l’institution, au profit de la Société civile. On ne nous a pas suivis. Le texte présenté par l’émissaire du gouvernement du Premier ministre Affi N’guessan, a été voté par l’Assemblée Nationale. Et nous sommes de ceux qui, au cours du vote, étaient souvent revenus sur le caractère nécessairement impersonnel et impartial de la loi. Ce n’est pas parce qu’on est au pouvoir que, quand on doit voter une loi, on croit devoir la faire à sa mesure et à son avantage. Demain, si vous n’êtes plus là, vous en devenez la victime. Et, c’est ce qui se passe.

Que pensez-vous des premiers pas de Charles Konan Banny ? Sont-ce prometteurs ?
Le Pit a été le premier parti politique à aller rencontrer le président de la Commission, quand il a été nommé. Il venait de recevoir, la veille, sa feuille de route. Nous lui avons dit ce que nous pensons de sa mission, et offert notre disponibilité à l’accompagner. Nous attendons; nous ne voyons pas encore les choses bouger réellement. Nous ne connaissons pas encore la méthodologie du président de la Commission. Or, il faut que tous les Ivoiriens connaissent sa méthodologie et y adhèrent. Cela va bientôt faire un an qu’il a été nommé ; la Commission a un mandat de deux ans. Quel bilan va-t-il nous présenter ? C’est sur toutes ces questions-là que nous attendons Monsieur Banny.

Le gouvernement a livré, la semaine dernière, un match de gala contre la Fédération ivoirienne de football. Comment avez-vous apprécié l’événement ?
Il y a deux leçons à tirer de l’événement. La première, c’est l’engouement que cela a suscité. Un mot d’ordre du gouvernement qui soulève pratiquement toute la ville d’Abidjan vers le Stade Houphouet-Boigny. C’est un signal fort. La deuxième chose à souligner, c’est la dimension symbolique de l’événement, quant au soutien à l’équipe nationale. La mobilisation, c’est l’engagement de toute la Côte d’Ivoire, à commencer par le président de la République et les membres du gouvernement ; un engagement moral, matériel, financier, mais aussi et surtout, physique reflété dans l’abnégation de personnes qui ont un âge moyen au-dessus de la cinquantaine. C’est cet engagement-là, cette abnégation que la Côte d’Ivoire est en droit de demander à ses représentants à la CAN 2012. C’est ce que nous demandons à notre équipe nationale. Esprit national, combativité, engagement, abnégation, dans la solidarité. « Mouiller le maillot » pour le drapeau et l’honneur de la Côte d’Ivoire, pour le bonheur des Ivoiriens.

Pensez-vous que c’est également bon pour la réconciliation ?
Pour la victoire de nos Eléphants, c’est gagné, avec la mobilisation. Mais, pour la réconciliation, il y a encore bien de choses à faire, qui vont au-delà de la communion et des réjouissances populaires autour d’une victoire sportive. Nous l’avons vu en 1992 : la Côte d’Ivoire a remporté la Coupe d’Afrique ; le trophée est arrivé au pays dans une liesse populaire incroyable : tous les Ivoiriens, l’opposition, le pouvoir, tous dans la rue pour l’accueillir, depuis l’aéroport, jusqu’au Stade Félix Houphouet-Boigny, jusque chez le président Houphouet-Boigny. Mais, il y a eu, par la suite, les événements douloureux du 18 février 1992.
Les Ivoiriens veulent vivre heureux. Le sport, la réconciliation ; la coupe d’Afrique, voire du monde, peut y apporter beaucoup. Mais, de grâce, de grâce, que les politiciens ne « gâtent » pas notre bonheur.

Le Fpi estime que pendant que le peuple souffre, le gouvernement s’amuse…
Savez-vous qui était au Stade ? Nous étions à l’Assemblée nationale, puis au district d’Abidjan avec des députés Fpi ; ils étaient en tenues orange-blanc-vert, et ils sont allés au Stade. Non, arrêtons !

Le directeur de la diffusion de la Rti a été limogé, à la suite de cet événement…
Pour ce que nous savons, le directeur de la diffusion de la Rti aurait fait diffuser l’événement en différé, au lieu de le faire en direct. Si, telle est la faute, cela dénote d’un laxisme et d’une mauvaise volonté avérés, qui méritaient d’être sanctionnés. C’est ce qui a été fait. Nous saluons cette décision, à sa juste valeur !

Parlons de la situation de l’école, qui paraît plutôt sinistrée...
C’est une situation générale, qui doit préoccuper les Ivoiriens, au plus haut point.

Les dates de la réouverture des universités sont trop loin à vos yeux ?
Oui ! Parce que la situation est grave, catastrophique. Ce sont plusieurs générations qui pourraient être sacrifiées, si on n’y prend garde. Aujourd’hui, on ne sait même pas dans quel cursus nous nous trouvons, dans nos universités.  On ne sait plus où on en est véritablement.

Le gouvernement soutient que c’est pour repartir sur de bonnes bases…
Nous sommes d’accord qu’il faut repartir sur de nouvelles bases. Mais, alors, il faut accélérer le processus. On peut finir de construire une maison en dix jours, si on veut. On peut finir, en accélérant le processus ; nuit et jour, on peut faire travailler les gens. Que la reconstruction et la réorganisation de nos universités deviennent une priorité pour le gouvernement.


Interview réalisée par Marc Dossa
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