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Afrique Publié le mercredi 14 novembre 2012 |

Mori Diané sur RFI « Si la Guinée avait maîtrisé tous les secteurs qui entourent le secteur minier, elle ne serait pas seulement un pays émergeant mais un pays développé»

© Par DR
Diaspora : Mori Diané, prospère homme d`affaires aux Etats-unis d`Amérique
De Conakry à l’un des plus prestigieux boulevards de la capitale américaine, Washington DC, il y a 30 ans, personne n’aurait parié sur un tel parcours lorsque son père, un ponte du régime de Sékou Touré s’est retrouvé à son tour comme des milliers d’autres enfermés dans la sinistre prison du camp Boiro, l’obligeant, ainsi, à envisager sa vie autrement que dans son pays la Guinée. L’ancien footballeur qui était venu passer quelques semaines de vacances au pays de l’oncle Sam y est encore. Seulement, il s’est fait une place au soleil, il a vécu son rêve américain puisque désormais, le cabinet qu’il a créé avec son frère Mamady Diané conseiller Spécial du Président Alassane Ouattara et qu’il dirige à un rayonnement mondial et travaille avec l’administration des États-Unis, à la fois en matière d’affrètement de transport maritime, de développement mais également d’instauration, d’implantation de la démocratie. Chiffre d’affaires, plusieurs millions de dollars mais ce succès n’est pas parvenu à le détourner de l’Afrique qui s’affiche dans cet impressionnant bureau de Washington DC et à travers les nombreux tableaux d’art ramenés des multiples voyages sur le continent noir. Son nouveau combat, celui qui le passionne, celui pour lequel il ne ménage pas son énergie est relatif aux nombreux contrats miniers qui, plusieurs décennies après les indépendances plombent encore les économies d’Afrique subsaharienne. Un chiffre d’affaires : Depuis les indépendances, la Guinée a produit en mine depuis les indépendances plus de 400 milliards de dollars. Seulement, 4% lui sont revenus. Un scandale qui l’offusque singulièrement.
Mori Diané, le vice-président de Amex International était l’invité de Afrique plus sur la radio internationale RFI.



Bonjour monsieur Diané

Bonjour

Avant d’entrer dans votre parcours parfois acrobatique, c’est quoi Amex International où nous nous trouvons aujourd’hui dans cet impressionnant bâtiment ici à Washington en plein cœur de la capitale américaine ?

Écoutez, c’est une compagnie que mon frère Mamadi et moi avons mise sur pied depuis les années 80 où après avoir terminé nos études, nous étions dans l’impossibilité de rentrer chez nous.

Il faut dire que vous êtes à la fois Guinéen et ivoirien.

Oui, mon père est guinéen et ma mère est ivoirienne.

Comment tout cela a débuté ?

Nous avons commencé cette agence avec deux objectifs principaux, d’un côté on faisait du courtage maritime et de l’autre de l’achat et la vente de denrées alimentaires.
Qu’entendez-vous par courtage maritime, est-ce à dire que vous affrétez des bateaux ?
On affrète des bateaux pour les marchandises que nous avons-nous même achetées ou faire le transport des marchandises pour des clients dans différents pays du monde tels que la Mongolie, l’Afghanistan, tous les pays qui ont un recours sur le transport maritime.
Pourtant, vous n’étiez pas prédestiné à cela puisque vous avez une formation en finance ?
Parallèlement à cette transaction commerciale, moi, je me suis occupé dans notre agence de l’aspect études qui se rapproche un peu plus de la finance et nous avions plusieurs clients à travers le monde inclus USAID, la banque mondiale. Nous étions chargés de surveiller la programmation et l’implantation dans plusieurs domaines des projets.

Commençons par le commencement, vous êtes le fils d’une personnalité du régime de Sékou Touré qui comme la plupart de ses amis à l’époque va terminer sa course au camp Boiro.
Votre père était-il un proche de Sékou Touré ?

Mon père a participé à l’effort, si vous voulez de la décolonisation de la Guinée. Il faisait partie comme beaucoup d’autres avec Sékou Touré de la ferveur de la décolonisation de l’Afrique qui a dit non, en 1958 au général de Gaulle. À l’époque, nous habitions juste en face de l’assemblée nationale où les élections se sont déroulées et j’ai une histoire pathétique à vous raconter. Je me souviens ce matin où mon père est sorti de façon athlétique avec un pistolet (c’est la première fois que je voyais un pistolet) et il annonça que : Allez voter. Lorsque ma mère lui demanda ce qu’il comptait en faire, il lui répondit qu’il fallait se défendre au cas où il y aurait une opposition. L’image que je garde en tête, c’est le nombre de personnes ce jour-là déterminé à atteindre l’objectif qu’ils s’étaient fixé.

Mais comment se fait-il qu’il ait terminé sa course au camp Boiro ? Est-il passé à l’opposition ?
Vous n’étiez pas peulh .

Cela n’a rien à voir avec l’ethnicité. Il faut dire que nous étions dans une tendance à vouloir copier les agissements des pays de l’Est sans trop comprendre d’ailleurs, comment ils étaient. Franchement, la Guinée a basculé un peu trop dans le spectre et mon père en a été victime. Il a passé sept de ses meilleures années au camp Boiro.

Avant cela, il était quand même un ponte du régime votre père, en raison des postes qu’il occupait ?

Mon père a été maire de la ville de Conakry, directeur des douanes. Il y avait un nombre restreint d’hommes formés par la France au Sénégal et mon père en faisait partie.

Pourquoi avez-vous quitté la Guinée ?

Je suis parti de la Guinée, car les choses devenaient un peu plus difficiles. J’avais des ambitions partagées par mes parents alors ils ont décidé que mon frère et moi devrions partir. D’abord, nous sommes allés en Côte d’Ivoire ensuite, à Bordeaux où nous avons obtenu le baccalauréat puis en Angleterre et enfin aux États-Unis

Comment vous êtes vous retrouvé aux États Unis ?

En fait, par accident. J’y étais pour des vacances et cela a coïncidé avec l’arrestation de mon père. Alors, plus moyen de retourner même pas à Londres.

Avant de vous retrouver dans ce bureau, vous avez été aussi footballeur .

C’était pour moi un moyen d’accéder aux bourses d’études scolaires quand je n’avais pas d’argent pour me payer les études. Il faut dire que j’ai eu de la chance, en Afrique où j’ai grandi tout le monde joue au football et puis aussi en France dans l’école, on jouait aussi au football. J’ai même remporté le trophée universitaire avec la meilleure université noire qui est ici à Washington, une belle prestation qui m’a ouvert des portes notamment d’aller à la prestigieuse’université de Chicago Vous avez fait de l’économie et quoi d’autres ?
J’ai fait de l’économie, de la politique publique puis j’ai terminé par la fameuse école de commerce de Chicago où j’ai obtenu un diplôme en finance.

Après Chicago, vous partez pour Wall Street !

Oui, après avoir travaillé à la bourse de Chicago où j’avais la charge de développer de nouveaux instruments financiers, j’ai été embauché par une compagnie à Wall Street où j’étais en charge de l’arbitrage c’est-à-dire une transaction entre divers entreprises.

Vous avez gagné beaucoup d’argent si bien que vous décidez de vous mettre à votre propre.

Oui, suffisamment d’argent pour retourner à Chicago et m’installer à mon propre compte.

Comment retrouvez-vous à Washington qui est plutôt une ville politique et où il n’y a pas de grandes transactions?

Deux ans plus tôt, mon frère avait entamé une idée dans le courtage maritime. On a décidé de faire fusion. J’avais en charge de développer le volet commercial.

Que vendez-vous exactement ?

Nous gérons si vous voulez, par exemple, le pont entre le bureau d’études et l’aspect commercial. Nous gérons aussi toujours en exemple le portefeuille du département d’État à travers l’AID qui procure environ deux milliards de dollars d’aide alimentaire au pays en voie de développement à travers le monde. L’un des aspects de nos opérations est de gérer la logistique qui est associée à ce programme.

Vous transportez du riz vers les pays en guerre ?

Nous pouvons transporter du riz, de l’huile, mais cela peut être aussi de l’huile végétale, des ordinateurs vers des pays tels que le Maroc. Notons que nous avons eu à transporter et à équiper toute l’administration de l’agriculture des Philippines. Nous avons fait l’achat, la vérification, le montage des logiciels, le déballage et l’installation des logiciels. Figurez-vous qu’à l’époque, je ne me rendais pas compte que les Philippines comptaient 140 différents sites qui sont des îles. Il fallait gérer cette connexion et assurer la formation.

Vous planchez aussi dans la démocratie et la bonne gouvernance ?

C’est un projet que l’AID a adopté pour aider les pays émergents dans leur aspect de la formation.

En quoi consiste cette aide de l’AID ?

L’aide consiste à procurer la formation dans les nouveaux pays. C’est le cas de la Géorgie qui s’est détachée de l’union soviétique et dans sa course vers l’adoption de nouvelles réformes démocratiques, il a fallu que tout le monde comprenne, c’est-à-dire que l’exécutif comprenne quel est la limite de leur pouvoir, que les législateurs sachent ou est-ce que leur pouvoir commence et sachent ce qu’ils sont censés faire. Comment ils peuvent bénéficier de leur expérience pour le peuple. Alors, nous avons procuré une formation aux législateurs sûrs comment recueille t-on par exemple l’opinion des constituants, comment on transfert des opinions des constituants, comment on transfert des opinions en des législations claires pour en faire des lois et comment on promulgue ces lois, et comment informe-t-on les citoyens

En clair, vous leur apprenez les règles de restauration de la démocratie ?

Exactement

Mais combien de personnes avez-vous dans votre entreprise pour faire autant de choses ?
En ce moment, nous avons à peu 75 personnes qui travaillent en plein temps ici à Washington et puis au fil des contrats une cinquantaine de personnes qui sont reparties afin de remplir un certain nombre de contrats ponctuels.

Quel est le chiffre d’affaires moyen pour une entreprise de cette taille ?

Dans notre domaine le chiffre d’affaires se situe généralement entre cinq et 25 millions de dollars.

Après tout ce succès, pourquoi ne rentrez-vous pas en Afrique pour y réaliser des projets ?
C’est avec beaucoup d’enthousiasme qu’on essaie de le faire et non seulement pour mon père et que nos enfants après nous, ne soient pas totalement détachés de l’intérêt qu’ils doivent porter sur l’Afrique. Tout récemment je me suis intéressé à pouvoir faire bénéficier de mes compétences dans le domaine de l’affrètement maritime dans une Guinée dans le secteur minier qui est bien connu.

C’est un paradis minier, la Guinée.

Un paradis minier qui ne profite pas aux Guinéens, ils ne profitent pas de tous les autres secteurs dérivés du secteur des mines. Je me suis rendu compte qu’un pays ne peut se développer que s’il arrive à maîtriser les activités économiques associées au secteur minier mais pas seulement le transport de cette terre glaive qui est exportée comme dans le cas de la Guinée mais aussi du secteur de son transport, la manutention, la transformation de ce produit en produit fini et même commercial. Tous ces secteurs échappent à la Guinée. Alors récemment, j’ai proposé au gouvernement guinéen pour pouvoir être impliqué ainsi que des natifs guinéens. Mais j’ai rencontré une opposition farouche de la part des compagnies minières (ALCOA-AARIO TINTO)

Qui sont des sociétés américaines comme vous d’ailleurs

Oui, malheureusement. À ce propos, je suis en campagne d’information pour partager cette nouvelle d’ailleurs.

Moi, j’ai écouté des chiffres faramineux.

En 50 ans la Guinée a produit entre 400 à 500 milliards de dollars en termes de la valeur d’aluminium qui est sorti des mines de la Guinée

Et combien revient-il à la Guinée ?

Légèrement 1,2 % c’est-à-dire quatre milliards et 800 millions. Si la Guinée avait maîtrisé tout cela, elle ne serait pas seulement un pays émergeant mais un pays développé.

Quelles sont donc les raisons de cet échec, les autorités guinéennes ont-elles les mains liées ?

Je pense que pendant longtemps il n’y a pas eu cette volonté politique ou même cette compréhension que toute richesse échappe au pays. J’ai l’impression que maintenant, avec les nouvelles autorités au pays, il y a une plus grande prise de conscience de cette situation.

Mais on a l’impression que le pouvoir appartient aux miniers.

Cela fait 50 ans que les miniers se comportent littéralement en territoire conquis. Vous savez que les vieilles ont toujours du mal à disparaître.

Donc il n’est pas impossible que vous attaquiez à ce mastodonte les années à venir ?

M’attaquer ? C’est un peu trop dire. Je voudrais partager l’information qui m’est revenue récemment avec les Guinéens, l’opinion publique internationale avec tous ceux qui peuvent être épris pour se rendre compte que du taux de pauvreté qui existe dans ce pays. Une pauvreté qui est tellement devenue abjecte qu’elle n’est pas liée à la soi-disant corruption mais qu’elle est liée au fait qu’on ne permet pas aux guinéens de maîtriser, si vous voulez les résultats liés à une attitude plutôt irréprochable

Peut-on penser qu’un jour Amex international s’installera dans un pays africain ?

Oui, absolument. D’ailleurs, nous avions eu des bureaux au Ghana où on a travaillé sur un projet pendant une quinzaine d’années. Nous avons eu un bureau un Sénégal pour le développement de l’ananas. En Guinée également pour le développement du textile. La Guinée-Bissau et le Congo pour les projets ponctuels.

Au fil de notre activité, on a aucune restriction à faire au contraire, c’est d’ailleurs ce que nous devrions faire.

Propos retranscris sur RFI par Namidja Touré(LEBANCO.NET)
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