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Politique Publié le vendredi 26 décembre 2014 | L’intelligent d’Abidjan

Lettre ouverte de Laurent Hodio à Laurent Akoun : "Quittons le champ des émotions et des égos surdimensionnés et soutenons Affi N’Guessan"

© L’intelligent d’Abidjan
Monsieur Laurent Akoun, porte-parole du Front populaire ivoirien (FPI)
Ci-dessous, la lettre ouverte de Laurent Hodio Sociologue Diplômé de l'Académie Diplomatique de Vienne, Autriche à Laurent Akoun.

Camarade militant du FPI,
J’ai parcouru avec beaucoup d’attention les griefs égrainés contre le président du Parti et je continue toujours de me demander ce qui justifie la sortie très médiatisée d’un syndicaliste et politique aussi chevronné que toi. Figure de référence de la gauche ivoirienne, tu as d’abord partagé les idéaux de Francis Wodié au PIT, à l’avènement du multipartisme. Lorsque le prof. Wodié commence à s’enliser dans son fameux slogan « conférence nationale » et à multiplier ses errements politiques, tu claques aussitôt la porte et rejoins les rangs du parti du président Gbagbo. Et depuis, tu y jouis de la réputation d’homme de grande probité morale et de conviction. Alors que certains cadres du parti ont montré des faiblesses face à la tentation des privilèges matériels de l’exercice effectif du pouvoir d’Etat, tu es resté au-dessus de la mêlée, sobre et digne. A la grande satisfaction et à l’honneur des nombreux militants!

L’idéologie politique est morte, la Real-politique est née
Lorsque la presse annonce ta volonté de riposter à la décision du président du parti, beaucoup pensent sincèrement qu’en tant que Secrétaire Général et porte-parole du parti, donc un sachant aguerri, tu détiens des éléments de premières mains qui sont gravement compromettants pour le président Affi. Par exemple, un plan secret de deal avec le pouvoir actuel, corruption gravissime, documents suspects, rencontres secrètes personnelle parallèles aux rendez-vous officiels du parti, etc.

Mais au terme de ton intervention fleuve, rien de tout ça, les griefs ne portant que sur des questions de procédure, de ligne du parti, d’idéologie du parti, de choix des individus, de postes à pourvoir. En somme, sur des questions qui relèvent du fonctionnement interne de tout groupement politique. C’est-à-dire, rien d’aussi grave que la douleur que vivent les populations, qui justifie un tel acte de défiance spectaculaire vis-à-vis du président du parti.
Camarade Akoun, l’action politique telle qu’elle se perçoit et s’exerce aujourd’hui, au 21ème siècle, n’est plus tributaire de l’idéologie.

Et le président Gbagbo lui-même avait déjà tranché la question de la hiérarchie entre idéologie et pragmatisme politique quand le problème de l’alliance avec le RDR s’était posé en 1995. Alors que beaucoup de compagnons de l’époque dont Dacoury Tabley, Don Mello, etc. le lui reprochaient, il a répondu qu’il n’était pas enfermé dans l’idéologie. Aujourd’hui, à l’heure de l’interpénétration des intérêts géopolitiques des petites et grandes nations, ce glissement est encore davantage d’actualité et la Real-politique est devenue la donne, par sens de responsabilité!

C’est au nom de ce nouvel instrument de mesure de l’action politique que Vladimir Poutine, à la tête d’une puissance nucléaire, membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, tient tantôt tête à l’Occident, baisse tantôt la garde, pour ne pas tomber dans l’isolement. Le dossier ukrainien en est une belle illustration : il a dû lâcher les séparatistes ost-ukrainiens au bon moment pour ne pas s’exclure de la communauté internationale. Car, après sa victoire (sur l’Occident) en Syrie et en Crimée, il a compris qu’il était temps de baisser la garde, au risque d’hypothéquer ses acquis. Mohamed Morsi l’ex-président Egyptien a fait les frais de cette Real-politique dont il a voulu faire fi, lui qui a obtenu le suffrage de près de 60% du peuple égyptien.

C’est pourquoi, je considère que se fonder sur des considérations idéologiques et procédurales pour affaiblir Affi N’guessan, s’apparente à du dilettantisme politique. Cela constitue même une faute politique grave. Car cette sortie fragilise inutilement l’opposition, et crée de ce fait les conditions d’un second mandat pour Dramane Ouattara. Dans ces circonstances, qui de toi, Douaty, Kipré et tous ceux qui veulent la tête d’Affi, et le président du parti, tourne vraiment la page Gbagbo?

CRISE AU FPI : SOUTENONS TOTALEMENT AFFI NGUESSAN!
Face à la souffrance multiforme que Dramane Ouattara et sa cohorte d’analphabètes de FRCI infligent à la majorité de la population ivoirienne depuis trois ans, le FPI peut-il se permettre le luxe de se désunir?

Depuis quelques jours, le FPI est en proie à de graves dissensions politiques. Elles semblent avoir pris une autre dimension au lendemain de l’annonce du renouvellement de l’équipe dirigeante par le président du parti, Pascal Affi Nguessan. Si la Côte d’Ivoire ne traversait pas une grave crise politique et sociale, on aurait dit que ces clivages relèvent de la vie normale interne aux partis politiques, faite d’échanges de vues parfois virulentes et divergentes, d’accords et de désaccords. Mais notre pays est crise politique. Il est aux mains de dirigeants frustrés et revanchards n’ayant pour tout programme d’action que les règlements de compte. D’où l’interrogation rhétorique ci-dessus.

En effet, les circonstances actuelles de la Côte d’Ivoire commandent au FPI, en tant que premier parti de l’opposition, le devoir moral et la responsabilité politique d’offrir aux ivoiriens de l’espérance, voire une alternative crédible, et non davantage de soucis et d’incertitudes. Il doit, à cet effet, revenir à l’essentiel, c’est-à-dire à LA POLITIQUE, en tant que champ de l’éthique de la responsabilité.

La rhétorique anti-française/antioccidentale profite au clan Ouattara
A lire la presse, il y aurait grosso modo deux camps en opposition au sein du parti. D’un côté, ceux qui tiendraient plus à la libération du président Gbagbo, l’aile dite dure/radicale, de l’autre, ceux qui auraient déjà tourné la page Gbagbo, l’aile de la compromission, qui serait sur le point de trahir son combat politique, aile dirigée, dit-on, par Affi N’guessan.
Certes, l’opportunité du vaste mouvement effectué par le président du parti avec sa vague de nominations pléthoriques et redondantes, reste encore à élucider. Tant ces nominations n’offrent aucune lisibilité et n’augurent pas de changement de cap véritable. En cela, cette opération s’apparente plus à un ravalement formel de façade qu’à une véritable restructuration tactique et stratégique du parti en profondeur.

Mais cette démarche ne saurait être prise pour prétexte pour justifier l’immonde procès d’intention fait à Affi et certains cadres du parti. Car, ceux qui observent de près la vie du FPI en général, et les rapports entre AFFI et Gbagbo, en particulier, depuis 1990, savent très bien qu’Affi fait partie de ceux qui connaissent le mieux le président Gbagbo et en qui ce dernier a le plus confiance.
Nous le savons tous, si le président Gbagbo est actuellement enfermé à la Haye, ce n’est point par le fait du droit, mais par la volonté politique de certains décideurs de ce monde ! Alors, si le président doit sortir de là, c’est par la POLITIQUE! Et la politique, ce n’est pas que l’émotion, la passion. C’est aussi et surtout le pragmatisme !

Que des personnes comme le ministre Lazare Koffi croient que dire à longueur de journées ou écrire des livres qui commencent et se terminent par « libérez Gbagbo » les hisse par décret divin au sommet de l’échelle de ceux qui aiment plus le président que d’autres, relève purement et simplement l’autosuggestion. Car, en réalité, depuis le déclenchement de la guerre que Sarkozy a menée contre le président Gbagbo au nom de son amitié avec Ouattara, il y a unanimité sur la vérité au sein des vrais partisans et sympathisants du président, pour ne pas dire au sein de la majorité ivoirienne: le président est injustement emprisonné, il doit être libéré sans conditions.

C’est pourquoi, il est temps de signifier à ceux qui ne trouvent Affi bon ou loyal que lorsqu’il attaque frontalement et indifféremment la France, la communauté international, l’impérialisme occidental, etc. que la politique ne se nourrit pas de récriminations morales et éthiques, mais d’ajustement de discours et de rapports de forces en fonction de la réalité du moment. En l’occurrence, la rhétorique antifrançaise/antioccidentale ne profite qu’à un seul individu: Alassane Ouattara. Les officines de communicants de Sarkozy ont fait passer le président Gbagbo et ses collaborateurs pour des francophobes, anti-blancs et antioccidentaux.

A tort, bien sûr, on le sait tous. Mais cette communication nocive a pour conséquence directe que même les exactions les plus inhumaines commises sous Ouattara n’émeuvent pas le reste du monde politique. Ainsi, Ouattara et son régime peuvent tenter d’assassiner leurs opposants en exil (ONU), des prisonniers dits pro-Gbagbo sont électrocutés, Blé Goudé, Jean-Yves Dibopieu et bien d’autres sont maltraités comme au temps des nazis (ONG des Droits de l’Homme), l’opinion politique internationale (faite de facto par l’occident) n’en est ni émue ni choquée. Elle n’en a rien à cirer. Puisque pour le reste du monde, l’alternative à ces atrocités, à ces comportements d’arriération du régime des FRCI, n’est pas meilleure, pour ne pas dire qu’elle est pire: Les pro-Gbagbo anti-blancs, anti-français!

Se réconcilier avec la France politique
Au regard de cette réalité du moment, ceux qui croient Affi Nguessan capable de se faire « acheter » par Ouattara se trompent lourdement. Car Affi sait que la vraie réconciliation à faire, ce n’est point avec Ouattara et son clan, mais avec le pouvoir politique français qui a été instrumentalisé par Sarkozy et son clan. Certes, le président Gbagbo parle dans le livre de François Mattei de la France. Mais en réalité, le président Gbagbo y dénonce Sarkozy qui s’est substitué à l’Etat français par inculture étatique, exactement à l’instar de Ouattara qui gère la Côte d’Ivoire comme une entreprise familiale.

Affi et le FPI sont en droit de chercher à se réconcilier avec la France. Et le faire, c’est être pragmatique et ne pas perdre de vue que la France, c’est la 6e puissance économique mondiale, la 5e puissance industrielle mondiale (21% de son PIB), le 2e pays émetteur de l’IDE (investissements directs à l’étranger) et 3e pays récepteur d’IDE au sein de l’UE et 6e au niveau mondial, la 5e puissance commerciale mondiale, la 3e puissance militaire mondiale, une puissance nucléaire, membre permanent du CS de l’ONU et enfin une puissance culturelle. Oui, à travers le monde, 220 millions de personnes parlent le français, ce qui en fait la 6e langue la plus parlée du globe et l’une des deux langues de travail de l’ONU. Mais au-delà même de ces données statistiques, la France, c’est surtout la communauté de destin avec la Côte d’Ivoire, de par l’héritage de l’Histoire. Et cette Histoire là, personne ne peut la refaire.

La réalité est que la France tient ce rang mondial en partie aussi grâce à ses partenaires africains actuels issus de son empire colonial. Elle n’a donc aucun intérêt à lier ses relations historiques avec la Côte d’Ivoire au destin d’un seul individu, fût-il ancien haut fonctionnaire international. Ouattara n’est donc pas l’élu de la France à vie, comme beaucoup le pensent fatalement. Il y a eu des malentendus, des incompréhensions avec le FPI et la gouvernance Gbagbo du fait de l’intempérance d’un président Français (Sarkozy), qui a confondu vie privée et relations interétatiques, c’est tout. La responsabilité politique requiert maintenant que ces incompréhensions soient aplanies. C’est à cela que s’attèle Affi. Et il joue bien sa partition, dans l’intérêt même du président Gbagbo. Alors, quittons le champ des émotions et des égos surdimensionnés et soutenons-le totalement, la libération du président Gbagbo et l’abréviation des souffrances des populations en dépendent!

Laurent Hodio
Sociologue
Diplômé de l'Académie
Diplomatique de Vienne, Autriche
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