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Société Publié le mardi 8 mars 2016 | Diasporas-News

Interview Exclusive de la Secrétaire Générale de l’OIF Michaëlle JEAN

© Diasporas-News Par DF
Conférence de presse de clôture du XVe Sommet de la Francophonie
Dakar, le 30 Novembre 2014 - Le XVe Sommet de la Francophonie a pris fin, à Dakar, avec le choix de Michaëlle Jean comme Secrétaire Général de la Francophonie. L`ancien Gouverneur du Canada succède à Abdou Diouf qui a passé 12 années à la tête de l`Organisation Internationale de la Francophonie. Photo: Michaëlle Jean comme Secrétaire Général de la Francophonie
A l’occasion de la Journée de la Femme puis celle de la Francophonie, la Secrétaire Générale de l’OIF Michaëlle JEAN nous délivre son message ; sans escamoter les autres sujets prégnants qui touchent de près l’espace francophone.

Diasporas-News : Selon le leitmotiv de l’ONU, une parité 50/50 homme-femme en 2030. Face à l’ampleur du chantier et de cette échéance, le jugez-vous réaliste ? Quelle part l’OIF prendra-t-elle ?

Michaëlle JEAN : L’objectif fixé par les Nations-Unies est ambitieux. Mais c’est justement en se donnant des objectifs clairs, exigeants et forts que nous pouvons espérer faire avancer les choses.
Ma conviction profonde est que l’avènement d’un développement durable, autant que la démocratie, et la paix ne peuvent se faire sans les femmes. Garantir la participation entière et effective des femmes et leur accès, en toute égalité, aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, à la vie économique, politique et publique devient donc un objectif incontournable.
Le constat actuel, à l’échelle mondiale, est que les droits des femmes sont encore largement bafoués. Au niveau politique, les femmes restent encore largement exclues des processus décisionnels à tous les niveaux; au niveau économique, elles sont, à tâche égale, moins rémunérées que les hommes ; il arrive même encore fréquemment qu'elles ne soient pas rémunérées du tout, sans compter leurs difficultés d’accès aux ressources économiques et productives.
C’est à ce retard qu’entend répondre la Francophonie qui est engagée en faveur des droits des femmes depuis déjà plus de 20 ans. Outre nos actions en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, d'accès à l'éducation, ou de lutte pour l'autonomisation des femmes, nous favorisons l’intégration du genre dans les politiques nationales de nos États et gouvernements membres. Et la parité femme-homme est au cœur du cadre stratégique 2015-2022 de la Francophonie. Pour preuve, la création, en 2013, du Réseau francophone pour l’égalité femme-homme. Ce réseau permet aux femmes de la société civile d’engager un dialogue avec des responsables politiques et surtout de renforcer leur influence dans l’espace francophone et dans les instances internationales.

D-N : En 2050, l’Afrique comptera 2 milliards d’âmes dont plus de 50% de jeunes. Comment les former et leur trouver un métier ?

M J : Les jeunes sont le présent et l’avenir de la Francophonie. Ils constituent un gage extraordinaire de dynamisme, une magnifique promesse de créativité et d'inventivité. Et cette jeunesse est surtout une formidable chance pour notre espace commun ! Lors du Sommet de Dakar en novembre 2014, la Francophonie s’est dotée d’une Stratégie jeunesse qui vise à ce que les jeunes francophones se forgent leur propre destin, qu’ils s’épanouissent pleinement, en tirant profit de l’immense potentiel de la langue française, et en ayant toujours à l’esprit les valeurs qui fondent la Francophonie. Dès mon entrée en fonctions, j’ai tenu à ce que la Francophonie prenne en compte leurs aspirations et leurs attentes.
Au rang de nos priorités: l'éducation et la formation. On compte aujourd’hui plus de 245 millions de jeunes dans l’espace francophone. Beaucoup d'entre eux sont sans emploi, sans perspectives d'avenir. Nous avons donc l'impérieux devoir de leur redonner au plus vite espoir et confiance, en leur fournissant, notamment, toutes les compétences nécessaires qui leur permettront de trouver leur place dans la société et d’être des acteurs dynamiques de la modernité. C'est ce qui nous a conduits, par-delà nos programmes déjà très riches en matière d'éducation, de formation et d'enseignement supérieur, à créer, à Dakar, en octobre dernier, l’Institut de la Francophonie pour l’éducation et la formation, un centre d’excellence qui rassemblera toute l’expertise francophone disponible dans ces domaines et viendra en appui aux pays pour renforcer, de manière qualitative, programmes et compétences. Notre objectif est de former 100 000 professeurs, cadres et formateurs, dans les prochaines années.
Autre priorité : l'accès à l'emploi des jeunes et des femmes. C'est tout le sens de la Stratégie économique pour la Francophonie, également adoptée par les chefs d’États et de gouvernement au Sommet de Dakar. Dès mon entrée en fonction, j'ai souhaité que cette stratégie trouve à s'exprimer concrètement dans la création d’incubateurs et d’accélérateurs de très petites, petites et moyennes entreprises et industries qui sont autant de moteurs de croissance non négligeables et qui activent des chaînes de valeurs. Le but : donner aux jeunes et aux femmes la capacité, la formation et les outils pour créer, inventer, produire et entreprendre à la hauteur de leurs potentialités, de leur ingéniosité et de leurs ambitions. Ce programme concernera, pour commencer, des pays d'Afrique subsaharienne et de l'Océan indien, dont Madagascar.

D-N : Le XVIème Sommet de la Francophonie se tiendra à Madagascar en novembre 2016. Les journaux locaux ne cessent de stigmatiser l’impréparation du gouvernement (retard des travaux, infrastructures aéroportuaires et capacité hôtelière sous-dimensionnées) : maintenir Antananarivo ou y-a-t-il un plan « B » ?

M J : Le XVIème Sommet de la Francophonie aura lieu à Antananarivo en novembre, comme prévu.

D-N : Dans notre monde globalisé, la circulation des marchandises et des capitaux est une réalité. Quid de la mobilité humaine ? Plus précisément où en est le visa « francophone » ?

M J : La question des visas francophones est apparue il y a près de 20 ans en Francophonie, notamment lors du Sommet de Moncton en 1999, dédié à la jeunesse.
L'OIF favorise déjà circulation des artistes, des experts, des chercheurs, des étudiants, des sportifs, des jeunes volontaires, et de la société civile dans l'espace francophone. La mobilité des personnes, tout comme celles des capitaux et des savoirs est une nécessité pour assurer le développement économique dans un monde globalisé. Cela dit, la décision d'octroyer des visas préférentiels aux francophones pour circuler dans notre espace est une prérogative régalienne de nos États et gouvernements. Un consensus entre eux sur ce point serait donc nécessaire pour concrétiser cette légitime aspiration.

D-N : Quelle stratégie et quels moyens pour le développement économique au sein de l’espace francophone ?

M J : Avec un marché de près de 800 millions de personnes, des portails stratégiques sur les cinq continents, un vaste réservoir de ressources humaines, de grande qualité et de grande volonté, d’immenses ressources naturelles à valoriser et une langue qui rassemble, l’espace francophone est en croissance. C’est un atout en économie. Tout foisonne de possibilités, de savoir-faire et d’initiatives en marche. Aucun décideur économique qui se projette à l’international ne peut ignorer les opportunités qu’offrent ces marchés aux entreprises et aux investisseurs.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la Stratégie économique pour la Francophonie, qu’ont adoptée les chefs d’État et de gouvernement lors du Sommet de Dakar de 2014. Cette stratégie relie les enjeux économiques aux perspectives de développement humain, aux défis environnementaux, à la régulation économique et technique, ainsi qu’aux questions de gouvernance et de démocratie. L’idée est de mettre en avant une « pensée ou une approche francophone » dans la croissance économique.
C’est dans cette optique que l’OIF accompagne les pays membres dans leurs efforts de création d’emplois, ciblant à la fois l’employabilité et la création d’entreprises par les jeunes et les femmes dans des filières stratégiques (économie numérique, économie du savoir, économie de la culture, économie verte, économie sociale et solidaire).

Ainsi, dans le cadre de sa programmation, l’OIF s’apprête à déployer des incubateurs et des accélérateurs d’entreprises, dans plusieurs filières d’activités, en priorité au Sénégal et à Madagascar. Ces dispositifs incluront la formation professionnelle, des appuis techniques et structurants, y compris en matière de normalisation et de certification ; ils favoriseront des maillages régionaux et un soutien à l’innovation. L’accompagnement portera également sur l’accélération de ces entreprises sur des marchés internationaux avec l’aide de partenaires de la Francophonie. À cet effet, l’OIF accompagne aussi les pays membres dans leur intégration au commerce mondial par le développement d’instruments de coopération économique et commerciale régionale et une gouvernance économique améliorée.
Ces initiatives doivent permettre aux États et gouvernements membres de la Francophonie de travailler ensemble à la mise en place d’accords de coopération, de synergies, de transferts de connaissances et de compétence pour profiter des immenses potentialités que représentent notre espace commun et sa diversité.

D-N : Un message pour la Journée internationale de la femme ? Et un autre pour la Journée internationale de la Francophonie ?

M J : Les femmes sont au cœur des priorités de la Francophonie. A titre personnel, je suis convaincue qu’il ne peut y avoir de développement économique et humain durable sans la pleine participation des femmes et qu’il ne peut y avoir de stabilité et de paix durables sans l’implication des femmes à tous les niveaux.
Nous avons toutes et tous la responsabilité d’initier une dynamique qui immanquablement nous conduira à cette évidence qui a été trop longtemps entravée par des mots que l’on prononce sans réellement y croire, par des engagements que l’on prend sans volonté réelle de les tenir.

Alors en ce 8 mars, nous devons célébrer avec confiance et espoir l’avenir que nous voulons et que nous pouvons construire, ensemble, unies par la force de nos convictions. Nous devons célébrer cette Journée internationale de la Femme 2016, en nous remobilisant, en nous unissant par-delà les frontières et les océans, pour alerter et agir.
Pour ce qui concerne la Journée internationale de la Francophonie, je vous dirais que, cette année, elle prend une dimension symbolique et une urgence particulière. En effet, nombre de pays de l’espace francophone, et tant d’autres, sont depuis plusieurs mois, touchés au cœur par des attentats terroristes lâches, cruels et meurtriers, perpétrés au nom d’une idéologie de la haine.

Face à la terreur, on voit les populations, partout, répondre par le courage, par la volonté de se dresser fièrement et de célébrer la vie. Alors, nous avons voulu saisir l'occasion de ce 20 mars - Journée internationale de la Francophonie - pour faire de notre langue commune une langue de résistance, en redonnant tout leur sens et tout leur pouvoir aux mots qui nous relient et qui nous unissent : Liberté ; égalité ; solidarité ; fraternité ; diversité ; universalité.
Ces mots disent, siècle après siècle, le triomphe de la lumière sur l’ombre, notre égalité en dignité et en droits, la conscience et l’acceptation de notre humanité commune, notre volonté de faire reculer et de vaincre l’intolérable et l’inacceptable. Ils disent aussi notre volonté de vivre libres ensemble pacifiquement, d’agir ensemble solidairement, et de penser l’avenir ensemble, fraternellement.

Alors, en cette Journée internationale de la Francophonie 2016, je souhaite que nous fêtions partout avec allégresse et une conviction renouvelée, le pouvoir de notre langue commune, la langue française, et le pouvoir des mots.



Interview réalisée par Alex ZAKA
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