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Politique Publié le lundi 31 octobre 2016 | Le Sursaut

Loi fondamentale / Decryptage de la nouvelle Constitution ivoirienne

La nouvelle Constitution ivoirienne soumise à référendum depuis hier 30 octobre 2016 et présentée comme une thérapie contre les crises successives en Côte d’Ivoire contient d’énormes zones confligènes.

depuis, hier dimanche 30 octobre 2016, les Ivoiriens de toutes régions et de toutes obédiences politiques, se sont prononcés sur la nouvelle Constitution, à eux proposée par le président de la République Alassane Ouattara. En attendant les résultats officiels par les institutions compétentes de la République, l’on parle de ce que le ‘’OUI’’ l’emporterait à une majorité écrasante contre le ‘’NON’’. Quoiqu’il en soit, cette Constitution ne manque pas d’intérêt en ce qu’elle renferme des dispositions qui posent énormément de questions à l’observateur attentif. Les débats, faut-il le rappeler, se focalisent de prime abord sur les conditions d’éligibilité du candidat à l’élection présidentielle. En effet, le grand chamboulement au niveau de l’article 35 ancien devenu article 55 dans la nouvelle Loi Fondamentale et bien d’autres articles requièrent une lecture plus approfondie.

Voici ce que dit l’article 55 de la nouvelle Constitution à propos de l’élection du président de la République : « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois.

Il choisit un vice-Président de la République, qui est élu en même temps que lui.

Le candidat à l’élection présidentielle doit jouir de ses droits civils et politiques et doit être âgé de trente-cinq ans au moins. Il doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d'origine ».

Ici ce qui frappe tout de suite, ce n’est pas le poste de vice-président de la République. Mais surtout l’âge ! Si l’âge plancher est ramené de 40 ans à 35 ans, il n’existe malheureusement plus d’âge plafond. Or, pour une question de parallélisme de forme il aurait fallu déterminer l’âge plafond à partir duquel on ne peut plus se présenter à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Dans l’article 35 de la Constitution d’août 2000, cet âge était fixé à 75 ans. Pour quelles raisons a-t-on alors fait sauter le plafond ou le verrou d’âge ? Pourquoi a-t-on supprimé les conditions de santé des candidats ? En quoi est-ce que cela est-il source de crises successives ou de conflits en Côte d’Ivoire, puisque c’est l’argument que l’on avance pour s’offrir une nouvelle Constitution ? L’article 35 de l’ancienne Constitution en son alinéa 8 dit clairement ceci : « Le candidat à la Présidence de la République doit présenter un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins désignés par le Conseil constitutionnel sur une liste proposée par le Conseil de l'Ordre des Médecins. Ces trois médecins doivent prêter serment devant le Conseil constitutionnel ». En décidant de supprimer cette disposition fondamentale de la nouvelle Constitution, Alassane Ouattara et ses thuriféraires ont décidé d’offrir le pays tout entier sur un plateau d’or à des gens dont on ignore tout de leur état de santé. Courir le risque de perdre un chef de l’Etat dès le lendemain de son élection, ou l’avoir comme Abdelaziz Bouteflika totalement déconnecté des réalités de ce monde. Voilà ce à quoi la nouvelle Constitution expose le peuple ivoirien. Par ailleurs, la notion d’ivoirien d’origine pourrait être différemment interprétée par les uns et les autres, quand on sait que la Côte d’Ivoire est un territoire de peuplement qui a accueilli au fil des siècles les populations qui la composent aujourd’hui. Quel est le sort des descendants des Libanais, Syriens et Burkinabés installés en Côte d’Ivoire depuis 1940, 1950, 1960, 1970 qui ont tous acquis la nationalité ivoirienne et dont les enfants et petits-enfants sont nés ivoiriens ? Les crises successives qui ont motivé la rédaction de la nouvelle Constitution pourraient revenir de plus belle, si cette notion ‘’d’ivoirien d’origine’’ n’est pas bien expliquée.

Les germes des conflits postélectoraux futurs

La Nouvelle Constitution sème également les germes de graves conflits postélectoraux, en son article 56, alinéa 3 : « En cas d’égalité entre les deux listes de candidats au second tour, sera déclarée élue la liste des candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés au premier tour ». Ceci peut être une source de crise politique, d’autant plus que l’élection est à deux tours et que chaque tour est autonome. On ne cumule pas les suffrages du premier et du second tour pour être président de la République. Si en cas d’égalité au second tour, l’on doit déclarer la liste des candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés au premier tour vainqueur, pourquoi ne pas faire une élection à un seul tour ? Parce qu’à la vérité le second tour compte pour le second tour et le premier tour compte pour le premier tour. Pourquoi créer des frustrations supplémentaires à un candidat qui a tenu tête à son concurrent au premier et second tour ?

Par ailleurs l’article 57 alinéa 1 de la nouvelle Constitution pose un problème majeur. Il stipule : « Si avant le premier tour, l’un des candidats d’une liste de candidats retenue par le Conseil constitutionnel se trouve empêché ou décède, le Conseil constitutionnel peut prononcer le report de l’élection dans les soixante-douze heures, à compter de sa saisine par la Commission indépendante chargée des élections ». Ce texte ne fait pas obligation au Conseil Constitutionnel de prononcer le report de l’élection présidentielle. Le Conseil Constitutionnel peut comme peut ne pas prononcer le report. Si par exemple en 2020 une seule liste se retrouve face au candidat du Rhdp qui, entre-temps serait devenu un véritable parti unifié, que ferait le Conseil Constitutionnel en cas du décès du principal candidat de ladite liste qui dispute le palais présidentiel au Rhdp au premier tour ? Le Conseil Constitutionnel n’étant pas obligé de prononcer le report de l’élection présidentielle dans ce cas précis, le candidat du Rhdp pourrait être le seul à solliciter le suffrage des Ivoiriens. Une situation qui pourrait soulever le courroux des sympathisants du candidat décédé.

Les dispositions de l’article 57, alinéa 2 auraient dû être appliquées à l’article 57 alinéa 1. En effet, comme le stipule cet alinéa : « En cas de décès ou d'empêchement absolu du candidat à la présidence de la République de l’une des deux listes de candidats arrivées en tête à l'issue du premier tour, le Président de la Commission indépendante chargée des élections saisit immédiatement le Conseil constitutionnel, qui décide, dans les soixante-douze heures à compter de sa saisine, du report de l’élection ». Ceci permet à toutes les listes de se mettre à jour et choisir un nouveau candidat en remplacement de celui qui est décédé, et d’éviter ainsi des conflits inutiles.

Selon l’article 57, alinéa 3, « Dans les deux cas, l’élection du Président de la République et du vice-Président de la République se tient dans un délai ne pouvant excéder trente jours à compter de la décision du Conseil constitutionnel ». Une telle disposition est irréaliste et irréalisable dans un contexte africain. Car il est inconcevable d’organiser des élections présidentielles dans un délai de 30 jours, après le décès d’un président en exercice qui rempile pour son deuxième mandat. D’abord, parce que l’on ne peut laisser le corps tout fumant du président de la République pour aller à des nouvelles élections présidentielles, alors que le peuple pleure encore son président qui vient à peine de décéder. Par ailleurs, l’organisation de ses obsèques requiert un minimum de temps, d’autant plus que par solidarité et compassion certains chefs d’Etat africains et occidentaux pourraient y prendre part. Il faut donc tenir compte de leur calendrier.

Le pouvoir trop exorbitant du président de la République

Et puis, pourquoi le président de la République nommerait-il le 1/3 des Sénateurs pour une Constitution que l’on dit révolutionnaire et de dernière génération, comme le stipule l’article 87 ? Cette attitude est un moyen formel aux mains du président de la République pour avoir des coudées franches face au Congrès, lorsque celui-ci voudrait réviser la Constitution sans passer par la voie référendaire. En d’autres termes le président de la République veut se donner les moyens légaux pour éviter de porter la révision de la Constitution devant le peuple souverain. D’ailleurs c’est ce que dit l’article 177 en son alinéa 5 : « Toutefois, le projet ou la proposition de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement. Dans ce cas, le projet ou la proposition de révision n’est adopté que s’il réunit la majorité des deux tiers des membres du Congrès effectivement en fonction ».

La dernière aberration de cette constitution est contenue dans son article 179 : « Le Président de la République en exercice à la date de la promulgation de la présente Constitution nomme le vice-Président de la République, après vérification de ses conditions d’éligibilité par le Conseil constitutionnel… ». Il s’agit là d’une disposition transitoire qui n’aurait plus aucun sens une fois que le vice-président aura été nommé par le président actuel. Ce qui suppose que la Constitution version Alassane Ouattara sera aussitôt révisée aussitôt promulguée. Car il faut bien supprimer cette disposition transitoire de la Constitution avant l’élection présidentielle de 2020, puisque le président et le vice-président sont élus sur une liste commune selon l’article 55 de la nouvelle Constitution.

J-P O
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