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Économie Publié le mercredi 5 juillet 2017 | Cote d’Ivoire Economie

Banques et mobile money : la bataille

Le mobile money bouleverse le marché des transactions financières. Un succès qui donne du fil à retordre aux banques.

Témoignages révélateurs, morceaux choisis : «Tout le monde peut facilement avoir un compte mobile money. Aucune condition contraignante, en dehors de la carte d’identité ou de toute autre pièce vous identifiant. Les conditions sont plus souples, contrairement à une ouverture de compte ou autre opération bancaire.» «Depuis que le mobile money a été introduit en Côte d’Ivoire, je ne cherche même plus à ouvrir un compte bancaire. J’ai trois comptes mobile money. Avec le mobile money, je peux épargner et faire mes opérations sans souci. Pour l’heure, j’en tire énormément satisfaction. Il est très pratique. À l’hôpital, dans une situation d’urgence ou d’imprévue, le mobile money nous tire rapidement d’affaires.» «Pour régler ma facture d’eau, d’électricité, payer la scolarité de mes enfants, mes manœuvres, envoyer ou retirer de l’argent, même au campement, etc., tout se fait maintenant en un clic grâce au mobile money.» «Fini les longues files d'attente aux guichets des banques. Fini les difficiles procédures, les problèmes de signature pour avoir accès à votre propre argent.» «Depuis des années, je paie mes travailleurs par mobile money et c’est sans grand frais. C’est plus bénéfique.» Que dire de plus ? Le mobile money s’est imposé aux populations ivoiriennes. Aujourd’hui, il représente l’un des moyens de transaction financière les plus utilisés en Côte d’Ivoire. À l’image de ces personnes interrogées dans le cadre de notre enquête, les populations ivoiriennes abonnées au mobile money se comptent par centaines de milliers.

Des chiffres qui parlent (inter)
Les chiffres de l’Autorité de régulation des télécommunications en Côte d’Ivoire (Artci) sont édifiants. Le mobile money compte environ 7,5 millions d’utilisateurs au 31 décembre 2016 pour un niveau de transaction se chiffrant à près de 51,2 milliards FCFA. Comptable de profession, M. Gnamké a une explication à cette situation. «Il ne pouvait en être autrement. Le mobile money est venu combler un vide, satisfaire un besoin latent des populations en termes d’épargne, de transfert, de retrait d’argent ou tout autre paiement marchand», souligne-t-il. Et, bien évidemment, la population n’a pas boudé son plaisir. Elle a accueilli avec enthousiasme cette révolution. De leur côté, les sociétés de téléphonie mobile, au-delà de leurs services traditionnels, ont fait du transfert de fonds une véritable activité ces dernières années. À tous les coins de rue, dans les grandes surfaces, les opérateurs mobiles multiplient les points de distribution de leurs services dans le pays. Les sponsorings d’événements majeurs, les promotions et bonus accordés aux clients sont autant d’éléments qui favorisent cet engouement autour du mobile money. Résultat, en moins de dix ans, le service mobile money, comme un peu partout en Afrique et dans le monde, a connu un franc succès, tout en constituant une menace pour le secteur bancaire.

La Banque mondiale et la BCEAO préoccupées (inter)
L’économiste en chef à la Banque mondiale, Jacques Morisset, révèle dans un récent rapport sur les services financiers que la réticence des Ivoiriens vis-à-vis des banques, au profit du mobile money, s’explique en partie par la crise politique qui a rompu les liens de confiance entre les épargnants et leurs banques. Cette attitude, poursuit-il, provient aussi de la défaillance historique de plusieurs banques publiques qui sont susceptibles d’être fermées, restructurées ou privatisées, à l’exemple de la BNDA, la BFA, etc. C’est clair, les transactions via le mobile money font perdre des commissions aux banques. «Le développement de ce service constituera à terme une concurrence certaine à l’activité des banques si les volumes de transactions atteignent des proportions encore importantes», soutient un analyste.
Malgré cette menace, les actifs des banques ivoiriennes n’ont cessé de croître. Ils ont enregistré une hausse de 11% en 2016 pour s’établir à 7.684 milliards FCFA. Selon le président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire (APBEF-CI), Guy Koizan, les actifs bancaires globaux devraient atteindre 9.111 milliards FCFA d’ici fin octobre 2017. La Côte d’Ivoire enregistre 26 banques, 2 établissements financiers. Le secteur bancaire ivoirien demeure le leader dans l’espace Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine), avec un taux de bancarisation de 16% en 2016 contre 14,5% en 2015. Une performance certes, mais, la banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest reste préoccupée. Fin février 2017, cette institution bancaire spécialisée de l’Uemoa a demandé à un opérateur de mobile money, Orange en l’occurrence, de mettre immédiatement un terme à ces opérations intercontinentales. La BCEAO estime que cette société n’est pas autorisée à mener ce type d’opérations, uniquement réservé aux établissements de crédit établis dans la zone et ayant reçu la qualité d’intermédiaire agréé. En d’autres termes, les transferts de fonds à l’international relèvent exclusivement du domaine des banques.

Des services plus souvent gratuits (inter)
Une stratégie pour redonner confiance aux clients viendra certainement de la gratuité des services bancaires décidée par la BCEAO en mai 2013. Il s’agit d’une série de 19 postes de frais et commissions que le secteur bancaire à accepter d’abandonner au profit des clients. Ces services bancaires gratuits concernent l’ouverture de compte, la délivrance de livrets d’épargnes, la tenue de compte sur livret d’épargne, la transmission de relevé de compte (une fois par mois), le relevé récapitulatif des frais annuels, le dépôt d’espèces dans la banque du client quel que soit le guichet (hors acquittement de frais de timbre fiscal). Cette mesure concerne aussi le retrait d’espèces dans la banque du client quel que soit le guichet (à l’exception des opérations par chèques de guichet), la domiciliation de salaire, le changement d’éléments constitutifs du dossier du client (notamment d’identification), la mise en place d’une autorisation de prélèvement (ordre de prélèvement à partir du compte) ou de virement permanent (création du dossier), la clôture de compte.
Au niveau des moyens et opérations de paiement, la gratuité porte sur les retraits auprès d’un guichet automatique (GAB/DAB) de la banque du client, le paiement par carte bancaire au sein de l’Uemoa, la consultation de solde et l’édition du relevé de solde au GAB/DAB dans la banque du client. De même, les virements de compte à compte dans la même banque, les encaissements de chèques tirés sur une banque de l’Union, les encaissements de virements nationaux, communautaires et internationaux ne devraient plus faire l’objet de frais à la charge de la clientèle.

Des partenariats stratégiques (inter)
Concernant les opérations de banque à distance, la BCEAO a retenu la gratuité pour les avis de débit et de crédit par voie électronique, la consultation et l’édition du solde ainsi que l’historique du compte à travers le GAB/DAB de la banque du client. En bons élèves de la BCEAO, les banques se sont engagées dans cette nouvelle dynamique. Plusieurs services sont désormais gratuits même si beaucoup reste à faire. Ce n’est pas tout. Des partenariats stratégiques sont noués avec les sociétés de mobile pour servir ensemble les clients. Ainsi depuis le téléphone mobile, il est possible d’alimenter directement un compte bancaire, de faire des transferts de fonds, des opérations bancaires et autres transactions. En tout état de cause, la bataille banque-mobile money est engagée. Pourvu qu’elle soit saine et participe au renforcement du système financier, nécessaire, pour un pays dont le mot de passe reste l’émergence.

Vincent Kouassi
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